Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d’État au logement, sur les villes nouvelles, Paris le 10 octobre 1997.

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Circonstance : Assemblée générale des élus des villes nouvelles à Paris le 10 octobre 1997

Texte intégral

Je souhaite, tout d’abord, vous remercier, Monsieur le Président, de m’avoir invité à votre Assemblée générale. Vous me permettez ainsi de témoigner tout l’intérêt que je porte à vos actions et plus généralement aux villes nouvelles. Ce sont elles qui ont permis à un grand nombre de nos concitoyens de trouver des conditions de vie satisfaisantes que l’urbanisation diffuse d’une grande partie de notre territoire n’aurait pas pu leur assurer.

Mais permettez-moi pour introduire mon propos de rappeler le sens de l’action que s’est fixé le Gouvernement dans les domaines de l’habitat et de l’urbanisme dont j’ai la charge.

La politique que nous devons mettre en œuvre repose sur la nécessité d’agir de manière cohérente sur des registres complémentaires que sont le droit à un logement décent pour tous, le logement choisi et le renouveau de la qualité urbaine :
    – en ce qui concerne le droit au logement mon ambition est que la loi soit appliquée partout. Avec l’idée de l’adapter, après évaluation et pour mieux lutter contre les situations de grande précarité, dans le cadre de la future loi contre les exclusions. Ce droit au logement implique également de consolider les relations entre l’État et les organismes HLM dans le secteur du locatif public et de créer, par le statut du bailleur privé, un dispositif stable et équilibré qui permettra de donner une dimension sociale à une grande partie du secteur locatif privé ;
    – le logement choisi, c’est l’idée d’avancer vers une plus grande liberté de choix de nos concitoyens pour se loger, en accédant à la propriété ou en étant locataires, dans le patrimoine public ou le patrimoine privé, dans le neuf ou dans l’ancien. Cette question touche à des problèmes aussi difficiles que les copropriétés ou les risques d’endettement excessif de certains accédants. Elle nécessite d’ouvrir de nouveaux chantiers pour adapter la réglementation et les financements actuels ;
    – enfin, le renouveau de la qualité urbaine, c’est prendre acte du fait que la qualité du logement ne vaut que si son environnement immédiat que constitue l’espace public et les équipements collectifs sont traités et gérés de façon satisfaisante. Mais c’est aussi veiller à la qualité de sa localisation, à la qualité des liens avec les lieux d’emplois et de services, à la qualité des accès aux réseaux de transports. La décentralisation ne doit pas servir d’alibi à l’État pour se désintéresser des problèmes urbains qui dans bien des villes prennent chaque jour une dimension plus cruciale.

Jean-Claude GAYSSOT et moi-même sommes mobilisés sur ces sujets et la mise en place prochaine de la direction générale de l’urbanisme et de la construction témoigne de notre volonté commune de renouveler les méthodes de travail pour mettre en cohérence les interventions de l’État, mais aussi celles des collectivités locales, en milieu urbain.

Pour leur part, les villes nouvelles présentent aujourd’hui un bilan très positif. Elles accueillent près d’un million d’habitants et plus de 350 000 emplois, elles assurent dans la majorité des cas un réel équilibre social. La recherche d’un équilibre entre l’habitat et les activités et la qualité du cadre de vie sont, je le sais, au centre de vos préoccupations.

Tous les savoir-faire que vous avez su développer constituent un patrimoine précieux, riche d’expériences, de recherches et de pratiques professionnelles. Vous avez su, souvent avant les autres, trouver les solutions les plus adaptées à la conduite d’un développement urbain ambitieux sur des territoires où tout était à créer.

Vous devez maintenant assurer la mutation qui consiste après les avoir créés, à faire vivre et à gérer ces ensembles urbains parallèlement à des développements maîtrisés. Et cette évolution requiert encore tout le dynamisme dont vous avez su faire preuve.

Ce patrimoine de connaissances que vous avez accumulé doit venir consolider les politiques que nous souhaitons mettre en œuvre. Cette évolution implique des termes renouvelés de collaboration entre les élus et les établissements publics de l’État.

Cette collaboration se développe au quotidien, je souhaite dire toute l’importance que j’y attache.

Je vous demande de vous mobiliser, et je vous y aiderai, afin que votre expérience puisse être mise au service de tous ceux qui, dans les services de l’État et des collectivités ou dans les bureaux d’études, participent au développement et à la gestion de nos villes. J’insiste sur le fait que ce partage des savoir-faire ne doit pas se limiter aux seules villes nouvelles, mais qu’il doit aussi servir à conduire les opérations complexe d’aménagement réparties sur l’ensemble du territoire.

Mais nous savons tous que les villes nouvelles sont à un moment délicat de leur évolution. Car comme beaucoup de nos villes, elles connaissent des signes de fragilité :
    – fragilité sociale : les villes nouvelles ont su jusqu’à présent maintenir un certain équilibre social grâce à une politique de diversité entre habitat collectif et individuel, entre le locatif et l’accession. Mais on observe çà et là des signes de faiblesse et certains quartiers ressortent depuis peu de la politique de la ville. Un de nos soucis majeurs doit être d’éviter que certains quartiers de nos villes nouvelles ne soient dans 10 ans dans des situations comparables aux quartiers dégradés d’aujourd’hui ;
    – fragilité financière : la crise durable de l’aménagement rend difficile les équilibres financiers des établissements publics d’aménagement ; les syndicats d’agglomération nouvelle sont fortement endettés ;
    – fragilité économique : les villes nouvelles connaissent les effets d’une forte concurrence entre les territoires pour accueillir des activités économiques ; çà et là, on constate des départs d’activités occasionnés souvent par des restructurations d’entreprises.

Au-delà de la crise qui a frappé de plein fouet le monde de l’aménagement, plusieurs éléments nous invitent à redéfinir, avec la progressivité qui s’impose en la matière, les cadres d’intervention dans les villes nouvelles. Parmi ces éléments, deux au moins me paraissent essentiels :
    – le besoin d’une vision stratégique à moyen terme ;
    – la responsabilité croissante des élus locaux dans les prises de décisions et dans la gestion de ces agglomérations.

Mais avant de développer ces questions, je tiens en premier lieu à vous affirmer que l’État reste disponible pour une forte implication dans la poursuite de ces villes nouvelles. L’État doit en particulier mieux définir, dans un cadre interministériel et avec l’appui de la DATAR, ses politiques de localisation des grands équipements. À lui d’être plus déterminé, plus convaincant et mobiliser tous les moyens dont il dispose pour assurer un soutien efficace aux villes nouvelles.

Au-delà d’une présence repensée de l’État, j’esquisserai trois directions de recherche :

La première concerne le cadre général dans lequel doit s’organiser l’évolution du dispositif d’intervention. Nous devons rechercher les voies d’un nouveau « droit commun » pour les villes nouvelles, fondé sur un double principe :
    – préserver, voire développer, les acquis de l’intercommunalité ;
    – renforcer, aux côtés de l’État, l’engagement et la responsabilité des collectivités locales.

En ce qui concerne l’intercommunalité :
Les villes nouvelles représentent depuis longtemps une réelle avancée sur ce plan, avec la création des syndicats d’agglomération nouvelle. Cette formule particulièrement intégrée du fait de sa fiscalité propre concernant la taxe professionnelle, constitue un facteur de cohérence et contribue à rationaliser l’aménagement à l’échelle de l’agglomération.

Le moment semble venu d’aller plus loin, et la formule de la communauté urbaine, avec la taxe professionnelle d’agglomération, que vous proposez, me paraît a priori aller dans ce sens. Je vais engager avec le ministre de l’intérieur l’étude de cette proposition.

Dans le même temps, il nous faut avancer sur la voie du renforcement du rôle des collectivités locales :

De nouvelles formes de partenariat doivent impliquer l’ensemble des collectivités territoriales, afin de développer une vision commune et cohérente de chaque agglomération nouvelle, à l’horizon des prochaines années. D’opérations d’intérêt national à l’origine, les villes nouvelles deviennent progressivement des opérations d’intérêt local et régional.

Ce partenariat renouvelé devrait continuer d’impliquer la région, comme en Île-de-France, mais il devra aussi impliquer davantage les départements.

Il faut nous engager résolument sur la voie de la contractualisation. Cette politique a été initiée au début des années 80 avec les conventions triennales. Elle doit aujourd’hui être approfondie et renouvelée par la définition de véritables programmes d’actions pour le moyen terme.

Dans cette perspective, la constitution de syndicats mixtes regroupant tous les échelons de collectivités, afin de développer une plus grande cohérence de planification peut constituer une avancée intéressante. C’est ce qui, je crois, est en train de se mettre en place à L’Isle d’Abeau.

Sur un plan général, la définition de ce partenariat permettra au cas par cas de déterminer les conditions et le rythme de la sortie du régime dérogatoire mis en place il y a trente ans.

En second lieu, il faut faire face aux problèmes conjoncturels et structurels rencontrés par les établissements publics d’aménagement et qui peuvent aller jusqu’à remettre en cause l’existence à brève échéance de certains d’entre eux.

Nous devons éviter d’être conduits à des solutions extrêmes, prises sur la pression de l’urgence. Ce qui s’avérerait fort dommageable pour les villes nouvelles et fort coûteux pour l’État.

L’État doit soutenir les établissements publics qu’il a créés. Mais leur avenir doit être régulièrement précisé. Il faut une réponse adaptée à chaque cas, indiquant les évolutions pluriannuelles sur au moins trois ans. C’est une démarche qui sera engagée par le Gouvernement dans les prochains mois, avec le souci de préserver des instruments de qualité et d’en réduire les fragilités.

À cette occasion, trois questions essentielles devront, entre autres, être abordées :
    – la nécessité de disposer, pour chaque établissement, d’un plan financier prévisionnel à moyen terme ;
    – une clarification des relations entre les établissements publics et les syndicats d’agglomération nouvelle ;
    – un examen et une rénovation des modes de rémunération des établissements publics correspondant mieux à l’évolution de leurs modes d’intervention.

Parallèlement, il est indispensable d’engager une réflexion de coordination générale de l’ensemble des établissements, dans une double perspective :

    – examiner les possibilités d’une certaine « mutualisation » entre les établissements publics. Il faut que ceux qui sont en situation favorable puissent – sans démobiliser les équipes, ni léser les collectivités locales qui s’engagent le plus – venir en aide à ceux qui traversent momentanément de mauvaises passes ;

    – établir un bilan précis du stock foncier, de manière à déterminer dans quelles conditions le poids de la dette foncière des établissements publics envers l’État pourrait être progressivement allégé. En région Île-de-France, cette réflexion concernera également l’évolution du rôle de l’AFTRP.

Enfin, et c’est la troisième piste que je souhaite explorer, il nous faut affirmer dans quelle stratégie d’aménagement et d’urbanisme doit s’inscrire la poursuite des villes nouvelles.

Les villes nouvelles n’ont de sens que comme éléments d’une stratégie d’ensemble de l’urbanisation et du développement de l’agglomération dans laquelle elles se situent. Bien entendu, pour la région parisienne, se pose le problème du rééquilibrage avec les autres régions. Problème difficile, mais impératif, malgré la situation gravement excédentaire de l’offre de bureaux.

Les progrès que nous voulons accomplir en matière de répartition des activités, des services et de réalisation des grandes infrastructures, nécessitent une vision large et cohérente intégrant l’ensemble des lieux de vie de la grande agglomération que ce soit à Paris, à Lyon ou à Marseille. Avec, sans doute, pour l’Île-de-France, une évolution et une adaptation des procédures d’agrément.

Mais c’est tout autant en matière d’habitat que les dispositifs doivent être améliorés afin de poursuivre nos objectifs d’accueil et de répartition des populations les plus défavorisées et, d’une manière plus générale, de mixité sociale.

Quels que soient les efforts que nous pourrions faire les uns et les autres au sein de chaque ville nouvelle, ces objectifs ne pourront être atteints que si nous disposons, à toutes les échelles du territoire, depuis la région jusqu’aux syndicats d’agglomération nouvelle, de principes adoptés en commun pour coordonner les politiques locales de l’habitat et les modalités d’attribution des logements sociaux.

Cette perspective peut avoir des conséquences sur l’organisation des établissements publics, sur la composition de leurs équipes, et sur leurs relations avec les collectivités locales.

Nous y travaillerons ensemble.