Texte intégral
François HOLLANDE (Co-signature de Pervenche Berès)
J’ai lu avec intérêt vos analyses et vos propositions sur l’avenir de l’Europe. J’ai été frappé de la concordance de vos positions avec celles que nous venons d’adopter lors de la Convention socialiste du 27 mars dernier. Cela ne m’étonne pas car comme vous l’écrivez, nous sommes aujourd’hui face à une réalité nouvelle qui rejette derrière nous les débats qui ont eu lieu autour des traités de Maastricht et d’Amsterdam. Il s’agit maintenant pour la gauche tout entière d’être à la hauteur des défis que porte la mondialisation capitaliste. L’Union européenne peut être une des réponses si nous sommes capables de lui donner un contenu progressiste. La question, qui nous concerne tous est de savoir ce que nous pouvons faire en Europe et comment nous pouvons le faire, pour répondre aux problèmes qui se posent à nos peuples : le retour des risques de guerre, le chômage, l’exclusion, l’insécurité.
Vos priorités recoupent les nôtres et je trouve nombre de réponses communes. La guerre aujourd’hui dans l’ex-Yougoslavie doit nous amener à tirer les conséquences des limites de l’Europe. Il faut nous donner les moyens d’une défense et d’une politique étrangère communes - c’est la condition pour les Européens d’assure une paix durable, bannissant les nationalismes, et de prendre en main leur destin. Cela doit être notre priorité dès maintenant et pour les années à venir. L’actualité impose de commencer par là. Mais d’autres dimensions de notre action sont, nécessaires. Je veux les caractériser pour l’essentiel.
L’Europe, pour nous, doit être d’abord une Europe de la croissance et de l’emploi. C’est la préoccupation majeure des Français. La croissance, c’est la garantie de l’emploi, tout comme la création d’emploi garantit la croissance. La politique monétaire doit être une aide pour l’emploi. Il faut pour cela faire du Conseil de l’Europe une institution de coordination des politiques économiques et un véritable gouvernement économique face à la banque centrale européenne. Je partage l’idée que la mission de favoriser la croissance et l’emploi doit figurer dans les statuts de la banque européenne. Depuis le sommet de Luxembourg, à l’initiative de Lionel Jospin, les Gouvernements européens ont pris des engagements pour l’emploi. Il faut que nous soyons capables de mettre en œuvre un véritable pacte européen pour l’emploi qui ait une force contraignante. Chaque pays a ses traditions sociales. Il fallait en France unir l’action législative et la négociation pour entamer un réel processus de réduction du temps de travail. Nous devons, pour ce faire, favoriser une politique européenne en affichant des objectifs communs.
Un des points les plus importants mais aussi des plus difficiles sera d’entreprendre une harmonisation fiscale permettant de lutter contre les délocalisations abusives et d’abolir les privilèges des paradis fiscaux. L’Europe sociale a longtemps été une notion un peu vague. Aussi, nous proposons la négociation du traité social de même portée qu’un traité économique et monétaire. Notre volonté est de réaliser un espace social européen qui protège et étende le modèle de solidarité propre à notre continent. Il s’agit de créer un salaire minimum européen, de favoriser la négociation d’un droit du travail européen, sous forme notamment de conventions collectives, de lutter contre toutes les formes de discrimination pour permettre un égal accès à tous, et en particulier aux femmes, à l’emploi, aux responsabilités dans l’entreprise et dans le secteur public.
Le projet européen, ensuite, ne vise pas seulement un espace de libre circulation pour les marchandises et les capitaux. Il doit l’être également pour les hommes. Nous, nous battrons pour que la liberté de circulation, la liberté de résidence et la liberté d’établissement deviennent réelles et garanties par le droit. Nous chercherons à ce que tout ce qui dans le droit actuel entrave ces libertés soit harmonisé : droit social, droit fiscal, droit familial.
Les racines de ce qui menace aujourd’hui la sécurité de nos concitoyens, le grand banditisme, les trafics de drogue et d’êtres humains, l’argent du crime, ont pris une dimension européenne et ne connaissent plus de frontière. Il est urgent que leur expression s’organise au même niveau par le renforcement de la coopération policière, mais aussi de la coopération judiciaire qui, dans un État de droit, doit aller de pair. C’est pour nous un chantier prioritaire dans lequel le nouveau Parlement aura un rôle fondamental, puisqu’il s’agit de droit.
Les flux migratoires que la misère environnante fait peser sur nous se développent à l’échelon du continent. Nous avons besoin d’une coopération européenne renforcée, à la fois pour les régler, et pour mettre en oeuvre des actions de co-développement avec les pays d’émigration.
Enfin, nous avons de l’Europe une idée claire. Loin d’affaiblir la nation, l’Europe au contraire peut lui assurer un avenir. Si l’Europe, en effet, c’est pas suffisamment forte pour peser sur le cours des choses, alors c’est la France elle-même qui verra décroître et son influence et son rôle. Il faut comprendre l’Europe comme une construction originale qui permet de faire à plusieurs ce que nous ne pouvons plus réaliser seuls.
Il s’agit donc de reconnaître, de revendiquer et d’assumer le caractère essentiel du cadre fédéral. Nous sommes dans une Europe qui est déjà, pour un bonne part, fédérale - dans des domaines qui recoupent pleinement la notion classique de souveraineté nationale : réalisation d’une monnaie unique, élargissement des compétences européennes dans les domaines de la justice, de la sécurité et de la défense.
Nous voulons aller plus loin dans cette direction. C’est le sens de nos propositions en faveur d’un véritable gouvernement économique. C’est aussi le sens que nous voulons donner au renforcement du rôle du gouvernement européen et de l’extension de la règle du vote à la majorité qualifiée plutôt que du vote à l’unanimité dans tous les domaines où c’est souhaitable.
Pour autant, les Européens convaincus et militants que nous sommes, doivent rester pleinement conscients de la force symbolique et de la légitimité politique et démocratique du cadre national. L’Union européenne doit être respectueuse des nations. L’Union n’efface pas les identités, pas plus qu’elle ne contredit sa diversité.
Ce constat de l’inéluctabilité de l’Europe et de la continuité nationale nous a amenés à définir un modèle institutionnel original. Ce modèle, c’est la fédération des États nations. Sur le fond, l’enjeu essentiel de la fédération d’États nations est l’articulation entre plusieurs niveaux de citoyenneté. Les citoyens français doivent devenir, ne serait-ce que pour affermir leur pouvoir politique et participer comme acteurs plutôt que comme spectateurs à leur avenir, des citoyens européens assurés de droits étendus et d’institutions démocratiques - d’où la proposition d’une Constitution européenne regroupant les Traités ayant comme préambule une charte des droits civiques et sociaux des citoyens Européens.
La fédération d’États nations ne signifie donc ni abandon de souveraineté, ni sa dilution, puisque le peuple souverain reste le même.
Ce débat pose, évidemment, la question de la démocratie en Europe. Celle-ci recouvre deux dimensions essentielles : la démocratie représentative et la démocratie participative.
La démocratie représentative d’abord. L’élection du Parlement européen est la seule rencontre de l’Europe avec le suffrage universel direct, et nous voulons qu’elle soit déterminante pour la vie de l’Union. C’est pourquoi nous voulons que le Parlement ait un rôle de co-législateur avec le Conseil pour l’ensemble du domaine communautaire (ce que nous avons décidé de faire ensemble), et une fonction de contrôle démocratique sur toutes les activités de l’Union. C’est pourquoi nous voulons qu’une nouvelle Commission, dans sa composition politique, tienne compte du résultat des suffrages; et soit pleinement responsable devant le Parlement européen. C’est pourquoi nous souhaitons que notre Parlement national ait des moyens accrus de contrôle sur l’activité européenne de notre pouvoir exécutif.
La démocratie participative ensuite. Dans une démocratie sociale, la voix des citoyens ne s’exprime pas seulement tous les cinq ans à l’occasion d’une consultation électorale. Elle s’exprime quotidiennement par la voix des forces civiques et sociales : syndicats, associations, collectivités territoriales. C’est pourquoi nous encourageons l’émergence de partenaires sociaux et de réseaux associatifs représentatifs dans toute l’Europe. Nous sommes déterminés à ce que les politiques et actions communes réservent des espaces de débat démocratique à ces forces d’avenir, et les associent à leur mise en oeuvre. Ce débat civique et social permanent est pour nous le fondement d’une citoyenneté qui s’exerce concrètement, et dans les limites les compétences de l’Union.
Nos visions de l’avenir nous placent donc dans une même perspective. Le temps n’est plus de savoir si l’on est pour ou contre l’Europe, mais de mettre en œuvre ensemble des politiques qui permettent aux nations de ce continent de coopérer dans une union solidaire et démocratique. La gauche française peut avoir un rôle de choix dans le débat politique européen. La droite, dans le fond, se satisfait de l’Europe telle qu’elle est, dans la mesure ou elle est encore principalement un marché et garde une grande discrétion sur tout contenu social un peu prononcé.
A nous de construire notre Europe, une Europe de la volonté politique.
ROBERT HUE
J’ai pris connaissance de votre courrier du 7 avril dernier, dans lequel vous présentez les propositions que vous portez à l’appréciation des deux premiers candidats de chaque liste de gauche aux prochaines élections européennes.
Je vous remercie pour cette démarche qui contribue au débat citoyen indispensable pour combattre la « crise de la politique » et pour bâtir des réponses alternatives qui permettent de réorienter la construction européenne.
Votre contribution se donne à cet égard de grandes ambitions et j’y retrouve de larges convergences avec ma propre démarche et avec celle de mes colistiers. La liste « Bouge l’Europe », que j’ai l’honneur de conduire, a adopté un manifeste dans lequel les 87 candidats et candidates affirment ensemble leur refus de l’Europe libérale et leur détermination commune à agir pour une Europe sociale, démocratique et de paix. Elle travaille actuellement à élaborer un certain nombre de propositions et d’orientations permettant de préciser cette démarche, en relation avec le mouvement social et avec l’apport des réflexions propres du PCF.
Pour m’en tenir à quelques aspects de votre texte, je tiens à vous dire combien je partage vos réflexions sur le besoin d’une « profonde réforme du système monétaire international » et sur les « déséquilibres internes » que provoque « l’approche restrictive » de la Banque centrale européenne. Je pense que l’une des priorités en Europe doit être de mettre la monnaie et la politique budgétaire au service du développement de l’emploi, de la formation et de la croissance. C’est dans cet esprit que notre liste « Bouge l’Europe » propose une réorientation de l’euro en lien avec une réforme audacieuse des missions et des pouvoirs de la Banque centrale européenne. Pour y parvenir, nous formulons, à l’adresse des gouvernants européens et du Conseil dans lequel ils sont représentés, la demande d’une renégociation du Pacte de stabilité budgétaire et monétaire pour lui substituer un véritable « Pacte européen pour l’emploi, la formation et la croissance ». L’orientation ultra-libérale de la politique économique et monétaire européenne exige une telle démarche constructive et radicale plutôt que de faire le pari catastrophiste de l’échec de l’euro ou le pari inefficace d’un simple aménagement social-libéral.
Je constate sur ce point qu’il existe des forces nombreuses et importantes en France et en Europe qui portent cette exigence d’une rupture avec la logique de rentabilité financière et de domination des marchés financiers, pour permettre aux Européens de bâtir des solidarités et un espace social à même de combattre le chômage, la précarité, les exclusions qui en découlent.
Parmi ce que vous appelez les responsabilités de la gauche en Europe, vous fixez l’objectif de parvenir à une véritable union politique. Nous constatons en effet que l’Europe s’est faite d’abord par le marché unique et la monnaie à travers des politiques et des conceptions néolibérales qui ont mis les citoyens et l’ensemble des acteurs sociaux délibérément de côté. Il est donc plus que jamais urgent de reconquérir avec les citoyens les dimensions de l’intervention publique et politique.
Dans ce débat, je crois qu’il faut dépasser le piège tendu par les mots, pour définir plutôt dans quel sens il faut aller. Comme vous le dites, les traités donnent déjà des principes et un cadre quasi-constitutionnels, avec les problèmes que l’on sait. Le principe d’une constitution européenne est porteur d’ambiguïté en ce qu’il donne l’impression qu’elle pourrait se substituer aux constitutions nationales. De la même manière qu’une dimension européenne de la citoyenneté n’efface pas la citoyenneté nationale et qu’un parlement européen au rôle renforcé ne peut l’être au détriment des parlements nationaux mais sur les pouvoirs de la commission européenne. En fait, il faut trouver les formes institutionnelles pour une Union forte, pour affirmer la primauté du politique sur la technocratie, en s’appuyant sur une citoyenneté revalorisée dans les lieux où elle s’exerce, y compris au plan national.
Nous réfléchissons à des pistes - j’ai personnellement avancé l’idée d’une Charte -, permettant à l’Union européenne d’affirmer une volonté politique positive, de construire des objectifs et des projets communs visant à l’harmonisation vers le haut des normes sociales et au co-développement de nations associées. Enfin, vous abordez l’enjeu d’une union ouverte et solidaire avec les pays d’Europe centrale et orientale ainsi qu’avec le Sud. Ces relations indispensables doivent prendre le contre-pied de l’extension du libre-échange et de la concurrence avec les autres régions de la planète dans une guerre économique mondialisée. Je pense que l’élargissement de l’Union européenne aux pays de l’Est de l’Europe est une nécessité, à la condition de ne pas leur imposer l’adhésion à l’acquis communautaire, c’est-à-dire au noyau dur des dogmes libéraux et que ces pays soient partie prenante de l’élaboration du projet commun. Il faut également développer des liens nouveaux et étroits avec tous les pays du Sud qui le souhaitent, afin de se donner ensemble l’objectif de peser dans la mondialisation, pour faire avancer des propositions en faveur d’un véritable co-développement. Ces rapports nouveaux:, qui nécessiteront un combat et une affirmation politiques que nous voulons porter au cœur des choix européens, peuvent constituer une chance pour ces pays autant que pour les peuples européens.
Ces choix que nous affirmons avec la liste « Bouge l’Europe», nous voulons qu’ils contribuent à ouvrir un vaste débat européen avec toutes les forces politiques et sociales qui entendent participer activement à la réalisation d’un projet de transformation sociale novateur pour la France et pour l’Europe. C’est la volonté de donner la parole dans ce débat à une grande diversité de personnalités, engagées dans ces choix à partir de leur expérience, qui a présidé à la constitution de la liste. Ces femmes et ces hommes qui ont choisi, dans la richesse de leurs engagements, de se présenter aux élections européennes du 13 juin sont bien décidés à mettre toutes leurs idées en débat pour faire du changement en Europe l’affaire des citoyens.
GENEVIÈVE FRAISSE
Avant de répondre à quelques unes de vos questions, il me semble nécessaire de vous faire par des raisons de mon engagement dans cette campagne pour les élections européennes. Je n’ai pas décidé, du jour au lendemain, de me transformer en ce que je ne suis pas : une « femme politique ». J’ai accepté, après avoir longuement hésité, la proposition de Robert Hue, parce que, justement, il ne me demandait pas d’être autre chose que ce que je suis : une intellectuelle spécifique, qui à partir de ce qu’elle sait, essaie de faire évoluer le politique. Robert Hue en me proposant cette deuxième place sur sa liste, a choisi de mettre le féminisme en position centrale dans le débat politique. L’égalité des sexes est une question politique, c’est une évidence trop souvent ignorée. En faire la démonstration sera mon principal souci tout au long de cette campagne et par la suite dans mes fonctions au Parlement européen.
Si j’ai voulu vous préciser cela, c’est pour expliquer que je n’ai nullement l’intention de m’improviser économiste ou constitutionnaliste. La « toutologie » est une spécialité française dont j’entends me garder. Cependant je peux vous faire pan des réflexions que m’inspire votre courrier.
Comme vous devez vous en douter, je suis en accord avec vous sur bien des points et en premier lieu lorsque vous dites qu’ils n’est plus temps d’argumenter sur Maastricht et Amsterdam, mais d’influer, de l’intérieur, pour donner « un contenu progressiste à l’union européenne », selon vos propres termes.
Pour cela, il m’apparaît indispensable de favoriser des mécanismes de régulation des mouvements de capitaux. Ces mécanismes peuvent être techniques, comme la « taxe Tobin », ils doivent être avant tout politique. Je veux dire par là que c’est l’affirmation d’une véritable le politique de gauche au niveau européen qui garantira que l’économie soit subordonnée, autant que possible, à des objectifs de plein emploi et de développement durable. La satisfaction de ces objectifs nécessite effectivement la prise en compte de l’environnement, une avancée des droits sociaux, la garantie de l’égal accès de tous à la satisfaction de besoins fondamentaux à travers un véritable service public et le développement de l’éducation. La France a un rôle important à jouer pour faire valoir sa conception du service public. De même, en matière d’éducation, de recherche et de culture, elle peut et doit, tirer ses partenaires européens vers le haut. L’enjeu, que vous citez, de promouvoir une « identité européenne en devenir », me parait fondamental. C’est parce que j’ai fait, dans mon métier d’intellectuelle, l’expérience de cette possible identité, que j’attache tant d’importance à la construction européenne. Il faut faire de cette identité une évidence pour les générations futures. Une citoyenneté politique se construit à partir d’une identité culturelle. La culture, la recherche et l’enseignement seront mon deuxième engagement fort comme eurodéputée. J’en viens maintenant à vos propositions en matière institutionnelle. Je pense comme vous, qu’il est nécessaire de rendre plus politiques les institutions européennes et l’idée que vous évoquez, d’une « Charte d’un vouloir-vivre en commun » doit retenir toute notre attention, même si j’ignore, à cette date, s’il faut parler de « Constitution européenne ». Cette réforme des institutions rendue indispensable par le probable et souhaitable élargissement de l’Union, appellera, bien entendu, une révision des mécanismes de contrôle et de décision au sein de la communauté.
Les déboires récents de la Commission nous enseignent la nécessité d’une plus grande transparence dans son fonctionnement, assortie d’une véritable responsabilité politique devant le Parlement européen. De tels changements devront également nous inciter à repenser les liens entre Parlement nationaux et Parlement européen. L’éloignement des centres de décisions et le déficit de débat sur les questions relevant de l’Union, au sien du parlement français, ne peuvent qu’alimenter les peurs et les malentendus au sujet de l’Europe.
L’extension des domaines dans lesquels des décisions du conseil des ministres pourraient se faire à la majorité qualifiée, me parait inévitable. Elle doit cependant résulter d’un vrai débat qui devra prendre en considération les souhaits des Etats de ne pas totalement abandonner leur souveraineté. Autant un pays ne devra plus être en mesure de bloquer des décisions ou des orientations nécessaires à la bonne marche de l’Union, autant la suprématie de l’axe germano-anglo-français, ne doit pas occulter les souhaits des pays de l’Europe du Sud. L’Europe doit se tourner davantage vers ses frontières méditerranéennes. Le modèle culturel européen doit prendre en compte les cultures méditerranéennes.
L’Union européenne doit être ouverte sur le monde et cela ne se limite pas à l’enjeu de l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale. Cependant, que ce soit au travers de cet élargissement, ou d’une réelle coopération économique avec les pays en développement, l’Union doit faire de la question de l’égalité des sexes un préalable à ces rapprochements. On ne dit jamais assez, dans notre pays de vieille culture universaliste, que les droits de l’Homme sont aussi ceux des femmes. Il ne peut y avoir de véritable démocratie lorsque les droits des femmes sont bafoués. Cela implique de notre part une très grande vigilance. Au sein même de l’Union, des risques existent. La position défendue par les Pays-Bas, en faveur d’une prostitution « choisie » doit être vivement combattue. De même les réseaux de traite des femmes qui prolifèrent dans les anciens pays du bloc de l’Est doivent être démantelés, avant que ces pays n’accèdent à l’Union.
Pour finir, je vous dirai que je considère que l’Europe est avant tout un atout, une chance pour les femmes et les homme notre continent. La constitution d’une véritable Europe politique nous apportera, je l’espère, des gages de stabilité, de démocratie et de solidarité. Ce qui se passe actuellement au Kosovo doit nous inciter à être plus exigeants à l’égard de l’Europe en devenir.
DANIEL COHN-BENDIT
Comment faire suite à votre lettre du 7 courant quand on est d’accord sur presque toutes les propositions que vous formulez ? Le dialogue entre nous ne peut consister de ma part à mus paraphraser pour exposer les mêmes idées forces sur l’Europe. Je m’en tiendrai donc à l’expression de quelques nuances, précisions ou compléments en demandant au lecteur de garder présent à l’esprit que cette méthode maximise l’importance de détails. Ils ne doivent donc jamais être lus comme des divergences. Au-delà de ces précisions, je fais, en effet, mien tout ce que vous écrivez, et je tiens votre quasi silence sur la PESC comme le seul point réel de débat.
La démission d’Oskar Lafontaine. Il ne faut pas lui accorder plus de signification politique qu’elle n’en a Oskar Lafontaine, n’a pas simplement quitté son posté de ministre, il a décidé de se retirer totalement de la vie politique et s’est défait de tous ses mandats. C’est l’aboutissement d’un parcours personnel commencé après l’attentat dont il a été victime il y a quelques années qui lui fait considéré que la vie valait mieux que de passer 80 heures par semaine dans un ministère ou à faire de la politique. C’est un peu la même option personnelle qui fait que je ne suis pas à la place de mon ami Joska Fisher ou que Marie Blandin n’est pas à celle de Dominique Voynet. Certes, cette démission est intervenue à un moment de tensions politiques où les idées de Lafontaine étaient combattues, mais elles n’étaient pas vaincues. Si elles le sont aujourd’hui - ce dont je ne suis pas encore persuadé - c’est plus du fait de l’absence de quelqu’un susceptible de les défendre aussi fortement qu’Oskar Lafontaine que de la victoire de ses contradicteurs.
Sur le Kosovo, en me limitant aux enseignements à en tirer pour la construction européenne. Mon analyse des causes de la situation et de la manière d’en sortir est très semblable à celles de Philippe Herzog ou Jack Ralite (L’Humanité du 21 avril). Mais, parce que, le premier (Le Monde du 3 avril), n’ayant rien oublié de la Bosnie ni de Sébrénica, j’ai osé dire que les bombardements ne suffiraient pas et que le seul moyen d’arrêter les exactions d’un régime fasciste était d’envoyer des troupes au sol, on m’a fait une réputation de « va-t-en-guerre ».
Pour moi, la guerre au Kosovo démontre, s’il le fallait encore, la nécessité, d’une part d’une supranationalité européenne, de l’autre d’une affirmation claire par l’Europe des 15 de sa volonté d’intégrer à l’Union, à terme aussi rapproché que possible, tous les anciens pays communistes de l’État européen (y compris, donc, l’ex-Yougoslavie), sous réserve qu’ils satisfassent aux principes démocratiques qui nous régissent.
Pour éviter les horreurs de la guerre, il aurait, en effet, fallu (présupposés indispensables à une PESC) une Europe capable de faire une analyse géopolitique de la situation dans les Balkans dès la fin du conflit bosniaque, d’en tirer un objectif clair (la fin du régime Milosevic) et alors, de mettre en place, le temps qu’il faut (éviter un conflit, c’est long), les moyens matériels, financiers et humains appropriés pour déployer un corps civil de paix (premier pilier d’une PESC), soutenir les démocrates serbes et Ibrahim Rugova quand c’était faisable.
L’actuelle « Europe des Nations » n’a pas su le faire, paralysée, en son sein, par la règle de l’unanimité et, à l’extérieur, au détriment de l’intérêt général de l’Europe en tant que telle, par la concurrence des intérêts nationaux des pays qui la composent. C’est bien là la preuve qu’il but une Europe politique, capable de parler d’une seule voix en politique étrangère, d’anticiper les risques de conflit et d’agir seule en cas de crise, au besoin en s’appuyant sur une armée européenne (second pilier d’une PESC).
Or, même rassemblées, les armées nationales des pays européens n’ont pas la capacité d’intervention des seuls USA. Par ailleurs, en retard d’un conflit (le bosniaque) sur leurs populations, les Gouvernements européens ont considéré qu’il aurait été déchoir, même dans le cadre d’une crise européenne, que d’envoyer leurs soldats, seuls, sans GI pour les accompagner. C’était oublier que le projet des USA pour le continent européen et celui de l’Europe pour elle même sont différents. On l’avait pourtant bien vu avec les accords de Dayton ! De longue date, les USA privilégient la stabilité d’une région sur la manière dont on y respecte les droits humains. Résultat ? « La nature ayant horreur du vide », l’Otan a adopté la stratégie américaine, a minima. Pourtant, l’intérêt de l’Europe aurait été que les choses aboutissent le plus vite possible, pour minimiser les risques de déstabilisation, dans les Balkans et jusqu’en Russie où il serait désastreux de voir arriver au pouvoir, lors des élections de décembre prochain, des hyper nationalistes nostalgiques de l’ère stalinienne. L’intérêt de l’Europe, c’était donc qu’il soit prévu d’envoyer des troupes au sol, ou, au moins de « faire comme si » on v était prêt, et surtout pas de dire, avant même les bombardements, qu’on n’en enverrait jamais.
L’Europe des nations, c’est une Europe politiquement dominée par les USA. L’indépendance vis à vis de l’Amérique nécessite une Europe supranationale, donc, pour moi, fédérale.
Cette question de la supranationalité, nécessaire pour faire prévaloir l’intérêt général de l’Europe et son projet de société, sur la paralysie de la règle de l’unanimité et la concurrence des intérêts nationaux, est selon moi la direction à suivre pour répondre à plusieurs interrogations que vous formulez, ou risques que vous pointez dans votre texte ; par exemple la question de l’Euro, possible « béquille » du dollar, celle de l’OMC et de l’attitude de l’Europe sur les rappons Nord/Sud et Est/Ouest, ou encore l’analyse des résultats des sommets de Vienne et Berlin ; toutes remarques avec lesquelles je suis parfaitement d’accord.
Concernant le chômage, je développe la même logique que celle de votre paragraphe « Union sociale et culturelle », mais pense être plus précis. Je propose un triptyque.
Tout d’abord des grands travaux écologiques pour initier un développement durable en Europe et réduire le chômage d’environ deux points : économies d’énergie ; conception éco-climatique des logements, notamment sociaux pour y faire baisser les charges ; développement du tramway et des bus dans les villes ; réseaux de trains régionaux et européens pour les relier entre elles ; ferroutage cabotage et transport fluvial pour les marchandises ; agriculture écologiquement raisonnée…
Ensuite, le partage du travail : une baisse de 10 % du temps de travail effectif diviserait par deux le taux de chômage. Comment y parvenir ? Selon loi, avec la même méthode que celle adoptée pour l’Euro : un objectif de 10 % de réduction du temps de travail effectif pour tous les pays d’ici à 2004, un objectif de convergence par le haut des salaires horaires minimaux et minima sociaux dans un « serpent » de 30 %, instauration d’un SMIC européen. Dans le même esprit de « mieux-disant social », il faut, harmoniser par le haut les droits du travail, les législations sur le temps partiel, l’égalité professionnelle homme/femme, les droits des travailleurs étrangers et, bien sûr, les systèmes d’assurance maladie et de retraite pour lesquels la création de « fonds d’harmonisation sociale » sera indispensable. Enfin, le développement de l’économie sociale, que je n’approfondis pas puisque je sais par ailleurs que nous en avons la même conception.
Sur l’éducation et la culture, je vous trouve très succincts. Je souhaite faire du combat pour une Europe multiculturelle l’un des axes les plus importants de la campagne. Contre la soumission aux règles de l’OMC qui imposait la trilogie « Mickey-MacDo-Coca » au pas de charge de la mondialisation, pour une Europe de la rencontre, des échanges, voire du métissage des cultures, nationales, régionales, celles des immigrés !
La construction européenne. Vous êtes pour une « fédération… d’ États-Nations ». Ok avec vous, mais comme première étape vers une Europe fédérale des régions et des peuples. Dans votre paragraphe « Union citoyenne et démocratique », est-ce bien le sens de « construire une Europe politique, à partir mais aussi au-delà des États-Nations qui la composent » ? Dans le même paragraphe, l’abandon de la règle de l’unanimité, est-elle bien, comme je le comprends, la première étape de cette première étape vers une supranationalité de type fédérale ?
Il existe, en effet, des peuples européens, sans États-Nations : tsiganes, basques, certains peuples vivant aux confins du cercle polaire. Ils doivent avoir le droit d’être représentés en tant que tels. Ensuite et surtout, le « principe de subsidiarité démocratiquement interprété » ne doit pas être arrêté, selon moi, au niveau des États. Au nom même de l’efficacité que vous mettez en avant pour les rapports communauté/États, il doit descendre au plus près possible du terrain, jusqu’à transformer la démocratie représentative en démocratie participative. Mais peut-être cette démocratie participative que je nomme est-elle, là aussi en filigrane, toujours dans votre paragraphe « Union citoyenne et démocratique », dans la formule « développer toutes les formes possibles de citoyenneté ».
Cette conception de l’application du principe de subsidiarité me paraît nécessaire pour le succès de l’économie sociale et du tiers secteur. De même, en matière de services publics, elle me conduit à considérer que, dans certains cas, une réorganisation, avec maintien du statut national des personnels, est probablement plus appropriée – pour éviter la conception minimaliste de « service universel » - que la vision jacobine centralisée, traditionnelle en France. Je note, d’ailleurs, que vous n’écartez pas cette possibilité.
La « Charte du savoir-vivre ensemble » pour caractérisez l’indispensable future Constitution européenne. Je suis tellement d’accord que je tiens à le souligner. Votre formulation est la meilleur et est parfaitement complémentaire avec l’Europe multiculturelle que je défends. Je ne manquerai pas de la reprendre.
La Banque centrale Européenne. Je note que, à juste titre, vous n’entrez pas dans la querelle dépendance/indépendance de la BCE. C’est les objectifs, la transparence, le contrôle démocratique qu’il faut privilégier.
Le pacte de stabilité. Oui, à l’idée du sens « contra-cyclique ». Elle est sous-jacente à mes propositions de grands travaux. Mais attention à ce que l’acceptation de déficits budgétaires pour motifs contra-cycliques ne servent pas de paravent à des irresponsabilités politiciennes pour retarder d’indispensables réformes de structures comme cela s’est passé au cours des 20 dernières années.
Supranationalité, PESC, Europe fédérale. Tirer les conséquences de la cohérence entre ces trois concepts est, me semble-t-il, le point principal de débat entre nous. Vous parlez de « fédérations d’États-Nations » et non de l’Europe fédérale. Vous mentionnez la nécessité d’une PESC, mais sans en définir le contenu ni en tirer clairement la principale conséquence, selon moi : la supranationalité. Car je ne vois pas comment il pourrait y avoir PESC sans supranationalité. Or, vous n’employez jamais ce mot, comme s’il était honteux. Vous acceptez, cependant, de mettre le doigt dans l’engrenage en abandonnant la règle de l’unanimité. Vous définissez des modalités pour une période de transition, avec lesquelles je suis parfaitement d’accord, tout en précisant que « aucun État-membre ne pourrait être contraint de participer à une intervention extérieure ». Cette exception a-t-elle vocation à être levée à la fin de la période de transition ? Mais, au fait, de transition ers quoi ? La fédération d’États-Nations ou l’Europe fédérale ? Si cette exception a vocation à être levée, étant donnée l’existence de la BCE, des accords de Schengen (même réformés), de l’harmonisation fiscale en cours, quelle compétence digne de ce nom resterait-il aux États-Nations pour justifier que l’on ne soit pas dans une Europe fédérale ? Et si l’exception avait vocation à perdurer, elle resterait, seule, comme compétence réellement « nationale », avec pour conséquence de pousser chaque Nation, pour palier l’occurrence de ce droit d’abstention, à se sur doter en dépenses militaires, au détriment des dépenses utiles. Décidément, je préfère l’Europe fédérale !
ALAIN KRIVINE
C’est avec plaisir que je réponds, brièvement comme demande, au courrier accompagnant le document de réflexion de la CAP intitulé « Quelle Europe voulons-nous, après Maastricht et Amsterdam ? ».
S’il est vrai que ces traités s’appliquent désormais au paysage européen, ce n’est pas « être tourné vers le passé » que de prendre en compte leurs effets - très présents pour des dizaines de millions de chômeurs et d’exclus dans l’Union Européenne - pour se déterminer quant à l’avenir de « l’Europe que nous voulons » et c’est, peut-être, « ma » différence la plus prégnante que j’exprimerai après lecture de votre texte.
Résolument européens, nous combattons radicalement tout, ce qui peut discréditer le « besoin d’Europe ».
Sauf à accepter les ravages du libéralisme et sa version « sociale-libérale » - de moins en moins sociale -, aucune logique sociale et démocratique ne peut s’imposer dans le cadre des traités qui fondent celui des politiques gouvernementales. Entériner les traités susmentionnés en tentant de les amender reviendrait à demander à une machine de guerre conçue par les marchés financiers contre la protection sociale, pour l’austérité salariale et la flexibilité généralisée, de faire le contraire de ce pourquoi elle a été, conçue.
Or, PC, Verts et MDC, s’ils disent vouloir réorienter la construction européenne, se trouvent contraints à en cautionner toutes les tares, prisonniers qu’ils sont de la solidarité gouvernementale autour du PS.
C’est l’une des raisons qui nous a conduits, après débat interne dont vous avez eu écho, à privilégier, avec LO, la constitution d’une liste « pour une autre Europe » indépendante du gouvernement - la seule à gauche.
La conclusion de votre document avec lequel, au-delà des nuances, nombre de convergences existent, faire apparaître votre volonté de travailler à l’émergence d’un nouveau projet de transformation sociale en France et en Europe. Cette détermination est nôtre et c’est pourquoi nous appelons tous ceux qui désespèrent d’une « gauche de gauche » à porter leurs suffrages sur notre liste afin que s’exprime vigoureusement cette espérance, potentielle d’une nouvelle force émancipatrice ouverte à tous les courants anticapitalistes ceux issus du mouvement ouvrier comme ceux se réclamant du féminisme, de l’écologie par exemple, mais également aux dizaines de milliers de femmes et d’hommes engagés dans les secteurs associatifs (défense des chômeurs, des exclus, des sans-papiers, mouvements antiracistes et antifascistes) et qui se posent la question d’un répondant politique à leur action.
Faute de place et pour ne pas être réducteur, je ne puis parler ici de nos propositions touchant la construction européenne dans ses dimensions institutionnelles, économiques, sociétales ou géopolitiques, non plus, à ce sujet, que de nos positions sur la guerre en ex-Yougoslavie qui, je le pense, vous sont néanmoins connues.
Nous vous adressons par ailleurs notre brochure « Europe », d’une cinquantaine de pages que les lecteurs de Confluences peuvent se procurer auprès de nos militants.
L’Europe, la CAP et la gauche plurielle
Dans la perspective des prochaines élections européennes, il est intéressant de mettre en parallèle les programmes des divers partis de .gauche avec les réflexions et propositions de la CAP, telles qu’elles ont été adoptées lors de nos dernières Assises de Limoges et publiées dans le précédent numéro de Confluences. Nous, nous risquons ci-après à cette tentative sous la forme d’un tableau synoptique à partir de notre propre démarche, que nous résumons, et avec une double précision préalable :
- Nous n’avons pas introduit dans ce tableau la liste LO-LCR pour la bonne raison que la différence est là tellement « extrême », c’est le cas de le dire, que la comparaison est tout simplement impossible. Il suffit pour s’en convaincre de visiter le site web de la LCR où figure le projet de profession de foi de cette liste, à ce point parfois caricatural (« réquisitions d’entreprises » par l’État…) qu’il y est présenté avec des précautions oratoires par la LCR elle-même.
- S’agissant des trois listes de la gauche plurielle, nos références sont les suivantes :
- pour les Verts, la brochure « Réinventons l’Europe », supplément d’une centaine de pages à Vert Contact n° 530, reprenant un document adopté par leur Conseil national des 30-31 janvier 1999 ;
- pour le PS, le dossier « Vouloir une Europe de gauche pour la France », texte de sa Convention Nation-Europe des 27-28 mars, supplément de seize pages à l’Hebdo des socialistes, repris avec quelques minimes modifications sous la forme d’un petit livre carmin « Construisons notre Europe », commun à PS, PRG et MDC ;
- pour le PC, les propositions adoptées lors de son Conseil national des 13-14 mars, parues dans L’Humanité, car même s’il est dit que la liste « Bouge l’Europe » aura sa propre profession de foi, le « manifeste des 87 », seul document à ce jour disponible, en reste à des déclarations d’intention sans véritable contenu programmatique.
PRINCIPAUX AXES DU TEXTE DE LA CAP
Pour une constitution européenne. Nécessité d’un tel « acte fondateur », tout retard dans l’avancée de l’union politique ne pouvant que faciliter le développement du libéralisme.
Une double légitimité, nationale et communautaire, et le principe de subsidiarité démocratique en seraient les fondements. Les traités actuels, regroupés, simplifiés, modifiés, rendus lisibles et soumis au débat, constitueraient la base de cette Charte d’un « vouloir-vivre en commun ».
Pour une union économique et monétaire.
Réellement mener à bien et maîtriser l’unification économique et monétaire en cours implique en particulier de :
- réguler les mouvements de capitaux (avec notamment taxe Tobin au niveau européen) ;
- redéfinir le statut de la BCE (intégration de l’objectif de croissance et d’emploi…) ;
- modifier de pacte de stabilité dans son sens contra cyclique (ni abandon, ni maintien en l’état…) ;
- mettre en œuvre une véritable harmonisation fiscale (notamment dans l’imposition du capital…) ;
- constituer un espace productif et financier européen (avec des politiques structurelles communes…).
Pour une union sociale, écologique et culturelle.
Promouvoir un nouveau modèle de développement à opposer au modèle libéral nécessite avant tout une politique de lutte plus résolue contre le chômage et plus globalement une véritable « pacte européen pour l’emploi », avec des critères aussi contraignants qu’en matière monétaire.
Cela implique en particulier :
- une RTT forte et harmonisée ;
- une avancée notable des droits sociaux ;
- un véritable essor des services publics et d’intérêt général ;
- une prise en compte réelle des dimensions environnementales et écologiques ;
- un développement conséquent de l’éducation, de la recherche, et de la culture apte à promouvoir une identité européenne en devenir.
Pour une union ouverte et solidaire.
Réussir l’élargissement en direction des pays de l’Europe centrale et orientale, qui ont tous vocation à participer à l’Union sous condition de réelle démocratie et respect des droits de l’homme et des minorités, signifie notamment :
- ne pas se limiter aux dix pays actuellement concernés ;
- écraser tout dumping social ou écologique ;
- mettre en place des politiques structurelles d’intégration progressive et de solidarité active ;
- subordonner cet élargissement à la nécessaire réforme institutionnelle, ou mieux les mener de pair.
Plus, globalement, il s’agit pour l’Union européenne d’assumer réellement une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) tournée vers la paix, le désarmement et le co-développement à l’échelle mondiale.
Pour une union citoyenne et démocratique.
Résolument l’Europe politique nécessite de développer toutes les formes possible de citoyenneté active (droit d’information, de consultation, d’initiative…) et de clairement organiser et délimiter les compétences des institutions européennes. Cela implique en particulier d’affirmer que le pouvoir législatif dans l’Union appartient conjointement au Parlement européen (codécision généralisée) et au Conseil des ministres des États-membres (majorité qualifiée) et que la commission est le pouvoir exécutif de l’Union (transparence et efficacité).
Droit d’exiger une seconde délibération, à la majorité des deux tiers, pour tout État-membre.
LISTE DES VERTS « RÉINVENTONS L’EUROPE »
Les Verts commencent leur programme en affirmant la nécessité d’élaborer une véritable constitution européenne. Ils se prononcent explicitement pour une constitution fédérale (la monnaie, la politique extérieure, la politique de défense ou encore la surveillance des frontières devant par exemple être du ressort exclusif du gouvernement fédéral).
Plus précisément, ils parlent d’une « Europe des régions » et tendent à mettre sur le même plan les « Gouvernements nationaux ou régionaux ».
Les Verts proposent de mettre en place une régulation des flux spéculatifs au niveau mondial (notamment taxe Tobin).
Ils suggèrent d’intégrer dans les statuts de la BCE l’objectif du développement durable, et de « réviser entièrement » le Pacte de stabilité, sans toutefois détailler.
Ils se prononcent pour l’augmentation des transferts financiers budgétaires du niveau national au niveau fédéral.
Ils appellent à la mise en place d’une fiscalité plus juste et plus écologique, avec « transfert du poids de la fiscalité sur le travail vers le capital et les ressources non renouvelables ».
La nécessaire réorientation des politiques en matière d’agriculture et de pêche est abondamment développée. Mais les notions de politique industrielle ou de politique scientifique ne sont pas vraiment mentionnées.
Les Verts développent avant tout le choix d’une « Europe de la qualité de vie » notamment sous l’angle « environnement-santé », en réclamant en particulier un moratoire sur la production et la commercialisation des organismes génétiquement modifiés et un plan de sortie du nucléaire. S’agissant du « choix de l’Europe sociale », ils proposent notamment un « plan européen cohérent pour la création d’emplois » avec des mesures structurelles comme une RTT avec un objectif contraignant de diminution de 50 % des taux nationaux de chômage en 5 ans, un revenu social garanti, un programme de grands travaux écologiques, la garantie des misons de service public, le développement d’un tiers secteur d’utilité sociale et écologique, Ils parlent plus des droits sociaux fondamentaux (formation, santé, retraite…) que des droits des travailleurs, à peine cités. Il est plus souvent question de directives que de négociation collective, pas réellement mentionnée. De manière originale, les Verts consacrent un chapitre final entier au « choix de la connaissance » en avançant notamment l’idée d’un « Pacte culturel européen ».
S’agissant de l’élargissement, les Verts préconisent une intégration par étapes avec signature d’un traité transitoire d’association avec chaque pays candidat. Ils affirment que « les réformes institutionnelles conduisant à une Europe fédérale sont un préalable à tout élargissement ».
Le « choix d’un monde solidaire » est détaillé dans un chapitre. Est notamment refusée la logique de la « citadelle assiégée » et est proposée une « coopération ciblée » avec les pays ACP dans le cadre d’un nouveau Lomé, étendu aux pays moins avancés (PMA).
Il est avancé que l’OSCE (Organisation de Sécurité et de Coopération en Europe) soit l’organisation de sécurité de référence, plutôt que l’OTAN ou même l’UEO, et que la représentation de l’Union européenne en tant que telle se substitue à celle des États actuellement représentés, dans le cadre d’un conseil de sécurité rénové.
Parmi les outils susceptibles de créer ou de favoriser l’émergence d’un espace public européen et d’une vraie citoyenneté européenne, il est notamment proposé d’instituer une Conférence annuelle citoyenne associant élus et représentants de acteurs sociaux et d’étendre des mécanismes tels que des référendums d’initiative locale ou conseils économiques et sociaux.
Sur le plan locaux institutionnel en application de leur choix explicitement fédéral, les Verts proposent de réunir des assises parlementaires constituantes, de clarifier la répartition des compétences de renforcer le Parlement européen, de créer un Sénat des régions et des peuples d’Europe, et de créer une Cour constitutionnelle européenne.
LISTE PS-PRG-MDC « CONSTRUISONS NOTRE EUROPE »
Le PS termine son texte par la nécessité d’un tel « texte constitutif européen » qui reprendrait notamment les Traités existants, commencerait par une « déclaration des droits civiques et sociaux » et intégrerait les progrès institutionnels nécessaires.
Ce « texte refondateur » dénommé Constitution serait préparé par le Parlement européen, amendé par le Conseil européen et approuvé par référendum simultané dans tous les pays. Du fait de l’accord avec le MDC, la formule « Fédération des États-Nations » est devenue « Union librement consentie de nations et de peuples ».
Le PS avance la nécessité de « trouver les mécanismes de régulation (taxe Tobin ou autre) des mouvements de capitaux au niveau international, afin de combattre la spéculation improductive ».
« L’objectif de croissance et du plein emploi doit être inscrit dans les statuts de fa BCE…».
Le Pacte de stabilité « une étape déjà dépassée », « les Gouvernements devant désormais privilégier un objectif d’évolution des dépenses tenant compte des différentes conjonctures économiques».
L’harmonisation fiscale, avec taux minimum de taxation de l’épargne, taux réduits de TVA et taxation de la consommation d’énergie polluante, devrait être décidée à la majorité qualifiée.
L’exigence d’une politique européenne ambitieuse d’industrie, d’innovation et de développement technologique est affirmée.
Est mise en avant la nécessité d’un « pacte européen pour l’emploi » dont la force contraignante soit en « strict parallélisme » avec le pacte de stabilité. Plus globalement, le PS propose la négociation d’un nouveau « Traité social », avec notamment convergence en matière de salaires (y compris Smic) et de protection sociale, et relance du dialogue social européen. Un processus de RTT à travers l’Union européenne serait impulsé, par « la négociation autant que possible, la législation autant que nécessaire », avec l’objectif des 35 heures partout entre 2002 et 2005. Il s’agit de « forger une conception européenne des services publics propre à rééquilibrer la logique dominante de concurrence par celle de l’intérêt général ». Il est proposé que « le développement durable inspire plus nettement l’ensemble des politiques communautaires en matière d’agriculture, d’aménagement du territoire, d’environnement urbain, de transports, de grands travaux. Est développée l’idée d’une « Europe des savoirs et des cultures », notamment en direction de la jeunesse.
« S’il répond à une nécessité historique, l’élargissement n’en fait pas moins peser une menace sur la cohésion de l’Union ». « Une révision institutionnelle ... est ainsi nécessaire avant toute nouvelle adhésion».
Il faut rénover les accords de Lomé, maintenir l’effort de l’Europe en matière d’aide publique développement et veiller à la parité entre l’euro et le franc CFA. Il n’y aura pas de régulation des flux migratoires sans organisation du co-développement. C’est avec l’ensemble des pays méditerranéens que l’Europe doit resserrer ses liens.
La France, dont les forces armées ne sont pas parties prenantes des organismes intégrés de l’OTAN, doit d’une part souhaiter que s’affirme au sein de l’alliance une identité européenne, d’autre part pour poursuivre ses efforts pour que les États européens soient de plus en plus en mesure d’assurer eux-mêmes leur propre sécurité et défense commune.
Pour les citoyens, l’Europe doit être un espace de liberté, de sécurité et de justice. « A terme, une telle orientation implique le choix d’une souveraineté partagée dans des domaines relevant traditionnellement dans chaque État membres des fonctions régaliennes ».
Une révision institutionnelle est nécessaire, garantissant l’efficacité du fonctionnement de la régulation politique et plaçant de façon visible les institutions communes sous contrôle démocratique. La Commission, dans sa fonction d’exécutif commun, doit être clairement responsable devant les peuples. Le Conseil Européen doit être « en mesure de décider efficacement par l’extension du vote à la majorité partout où cela est souhaitable, et par une pondération des voix équitable ». Le Parlement européen doit voir son rôle co-législateur généralisé.
LISTE PC « BOUGE L’EUROPE
Le terme de Constitution européenne n’est pas mentionné par le PC, qui parle de l’Europe comme d’une « Union de nations souveraines et associées » et d’ « Union de peuples solidaires ».
Il est précisé que « la souveraineté, en tant que liberté de chaque peuple de choisir son destin, est inaliénable ». Alors qu’un texte précédent (Conseil national des 28-29 janvier 1999) évoquait des « partages de compétences et de souveraineté », il n’est plus question que de « partages de responsabilités », lesquels doivent être « librement décidés, maîtrisés, réversibles ».
Le PC propose une taxation des mouvements de capitaux à court terme (du type taxe Tobin), mais aussi à long terme.
Il demande pour la BCE la révision de ses missions et la refonte de ses pouvoirs : elle doit à ses yeux être « assujettie aux contrôles des Parlements nationaux et du Parlement européen ».
Le Pacte de stabilité devrait être purement et simplement supprimé, en étant remplacé par un « pacte pour l’emploi, la formation et la croissance ». Est avancée une harmonisation fiscale « visant à favoriser des investissements réels..., et à dissuader les placements financiers et la spéculation ».
Est proposée une « coopération » européenne très forte sur le plan économique, s appuyant notamment « sur nos politiques industrielles respectives », plutôt qu’une politique industrielle proprement européenne.
Comme déjà indiqué, est reprise l’idée d’un « pacte pour l’emploi, la formation et la croissance », mais « qui se substituerait naturellement au pacte de stabilité budgétaire ». De « nouveaux objectifs sociaux communs » sont mis en avant : salaire minimum dans chaque pays, minima sociaux, RTT à 35 heures, égalité sociale et non-discrimination, haut niveau de protection sociale. Est avancée la nécessité de « droits étendus pour les salariés », notamment accès aux informations stratégiques de l’entreprise et développement des comités de groupe européens. La « spécificité » des services publics à la française (« statut d’entreprise publique... qui plus est en situation de monopole dans leur secteur ») doit être défendue et valorisée auprès des autres peuples européens. La défense de l’environnement et de l’action pour un développement durable est mentionnée (avec référence explicite à la « chasse populaire »).
La question de la culture est très rapidement abordée, mais « le défi de l’audiovisuel » notamment cité.
« La perspective de l’élargissement se heurte à de profondes contradictions ». La question des réformes institutionnelles préalables n’est pas évoquée. Il est par contre proposé un « forum de toutes les nations du continent », pour examiner « d’égal à égal », les problèmes qui appellent des solutions à construire ensemble. Les relations Europe-pays du sud constituent un enjeu majeur. La négociation sur le renouvellement de la convention de Lomé doit être reprise sur des bases nouvelles. L’autre priorité, c’est la Méditerranée. Le droit des peuples des pays d’Outre-mer à l’auto-détermination est réaffirmé. Il est mentionné de revitaliser l’OSCE, face à l’OTAN dont tout justifie la dissolution. On sait que depuis l’ouverture de la guerre au Kosovo, le PC a évolué vers dé l’idée d’une coopération en matière de défense et de sécurité, sans aller cependant jusqu’à la perspective d’une défense commune, et encore moins d’une armée européenne.
Trois propositions sont avancées pour renforcer la place des citoyens dans le processus de construction de l’Europe : droit d’alerte du Conseil économique et social européen, droit de pétition pour les citoyens, droit à l’organisation d’un référendum pour l’adoption d’un traité.
S’agissant des institutions, le PC propose de réduire les pouvoirs de la Commission et de maintenir le droit de veto de chaque État au conseil des ministres européens. Le Parlement national devrait donner un mandat d’orientation au Gouvernement sur les grands dossiers européens. Quant au Parlement européen, « qui a gagné des prérogatives au fil des ans..., la question est maintenant qu’il les exerce au mieux, en particulier pour contrôler de plus près la Commission ».