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Sud-Ouest : Pourquoi organiser une journée portes ouvertes dans les services dépendant de votre ministère ?
Louis Le Pensec : Après la crise de l’ESB, j’ai pensé qu’il était important de faire connaître au grand public le travail quotidien des services vétérinaires et de la protection des végétaux. Nous voulions également faire connaître la priorité que nous accordons à la sécurité alimentaire.
Sud-Ouest : Votre ministère est-il encore celui de l’alimentation ?
Louis Le Pensec : Oui ! Même si le mot ne figure pas dans le titre ! Comment l’alimentation ne pourrait-elle pas être au cœur des préoccupations du ministère de l’agriculture alors que c’est le débouché quasi exclusif des produits agricoles ! Mais la sécurité alimentaire fait l’objet d’une compétence partagée avec d’autres ministères. La décision du Premier ministre de créer une agence spécialisée est une réponse aux préoccupations de la société. Il y aura séparation entre l’évaluation du risque et sa gestion. Les services vétérinaires surveillent quant à eux l’ensemble de la filière alimentaire, de la fourche à la fourchette. C’est une garantie pour le consommateur.
Sud-Ouest : Où en est ce projet d’agence ?
Louis Le Pensec : Le projet du Gouvernement va consister à reprendre une proposition de loi du Sénat. Elle va arriver dans les semaines qui viennent devant l’Assemblée nationale. C’est à cette occasion que sera fait le choix définitif. J’espère que sur cette base sera fondée l’Agence de la sécurité sanitaire des aliments en France. Le projet de loi qui prévoit sa mise en place sera discuté par les députés en janvier prochain. Je suis favorable à une séparation claire des responsabilités, en particulier de celles qui concernent l’évaluation des risques – qui sont de la responsabilité des scientifiques –, de celles de la gestion du risque qui sont de la responsabilité des politiques. Cette distinction fondamentale a été reprise par l’Organisation mondiale de la santé dans le Codex alimentarius.
Sud-Ouest : Mais n’est-il pas paradoxal de voir alimentation et services vétérinaires à l’agriculture alors que le contrôle des fraudes est au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ?
Louis Le Pensec : Pas du tout, puisque les vocations sont différentes. La DGAL et les services vétérinaires sont chargés du contrôle de la qualité et de la sécurité des aliments. La DGCCRF est chargée de vérifier la loyauté des transactions. Il s’agit de deux métiers complémentaires. Mais il y aura un débat parlementaire qui, sans doute, aboutira à des dispositifs nouveaux, à une traduction opérationnelle des compétences partagées.
Sud-Ouest : Dans quelle mesure votre projet de loi d’orientation prendra-t-il en compte l’alimentation ?
Louis Le Pensec : Il le fera en s’intéressant plus particulièrement à la qualité des aliments. La semaine dernière, des groupes de travail se sont penchés sur les signes de qualité. Je pense mettre en place une gestion plus rigoureuse de ces derniers, qu’ils soient appellations d’origine ou labels. De plus, un projet de loi sur la sécurité sanitaire des aliments sera prochainement déposé devant les assemblées. Cette loi permettra de renforcer les contrôles en élevage pour les services vétérinaires, et sur les plantes pour les services de la protection des végétaux.
Sud-Ouest : Les services vétérinaires français seront-ils dotés de nouveaux moyens ?
Louis Le Pensec : Eh bien, oui ! Leurs moyens de fonctionnement seront augmentés de 14 % dans le budget 1998.
Sud-Ouest : La situation actuelle en matière d’identification de la viande bovine vous paraît-elle satisfaisante ?
Louis Le Pensec : Le règlement communautaire prévoit un étiquetage facultatif. La France a opté pour un régime obligatoire avec un accord interprofessionnel. Nous n’avons qu’un mois d’expérience. Je ne porte pas de jugement définitif, mais je ne dirai pas que tout est parfait.
Sud-Ouest : Êtes-vous favorable à l’introduction des cultures transgéniques, en particulier du maïs ?
Louis Le Pensec : Le débat actuel me semble primordial. C’est de son issue que dépend une partie de la physionomie future de l’agriculture européenne. Les discussions sur les OGM vont être relancées avec Madame Voynet et Madame Lebranchu. Elles doivent avoir comme fondement des bases rationnelles, et prendre comme principe de référence le principe de précaution. La question sur les OGM n’est pas de la seule compétence du ministre de l’agriculture, même s’il est en première ligne sur cette question. Il n’est pas logique que la consommation de maïs transgénique soit autorisée et non sa culture, mais je ne peux pas dire ce que sera le résultat des réflexions interministérielles. Ce sera un choix collectif du Gouvernement, probablement avant la fin de l’année.
Sud-Ouest : Que pensez-vous de la demande de la viticulture bordelaise d’obtenir 2 400 hectares de droits de plantation supplémentaires ?
Louis Le Pensec : Le ministère de l’agriculture et de la pêche s’efforce de trouver un dispositif de gestion qui permette d’optimiser le volume de droits attribués à la France. J’ai obtenu en juillet dernier à Bruxelles quelques éléments de souplesse. Le souhait de la viticulture bordelaise est partagé par de nombreuses autres régions viticoles. Mais chacun doit respecter sa quote-part.