Interviews de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, à RTL le 24 novembre 1997 et France 2 le 30, sur la cohabitation, le code de la nationalité, l'euro, le conseil européen extraordinaire de Luxembourg et la réduction du temps de travail, et sur la prochaine élection du patron du CNPF.

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Média : Emission L'Invité de RTL - France 2 - RTL - Télévision

Texte intégral


RTL : lundi 24 novembre 1997

O. MAZEROLLE : En maniant l'ironie à l'égard du Président de la République, L. Jospin a-t-il lancé une nouvelle étape de la cohabitation, moins polie, plus combative ?

D. STRAUSS-KAHN : Non ! La cohabitation se poursuit bien mais vous savez, L. Jospin, c'est un joueur de tennis. Quand on lui envoie une balle un peu forte, il faut s'attendre à se la voir retourner en smash.

O. MAZEROLLE : Tout de même, c'est une critique un peu particulière qu'il a lancé hier. Il a mis en cause personnellement les capacités tactiques du Président de la République !

D. STRAUSS-KAHN : Vous avez compris cela comme cela ?!

O. MAZEROLLE : Quand vous reprochez à quelqu'un ou que vous faites de l'ironie sur une décision politique prise...

D. STRAUSS-KAHN : C'était symétrique. Si j'ai bien compris, le Président ironisait sur...

O. MAZEROLLE : Sur la politique.

D. STRAUSS-KAHN : Oui, mais c'est le Premier ministre qui la décide. Vous savez, rien ne se fait dans ce Gouvernement sans que ce soit L. Jospin qui le décide.

O. MAZEROLLE : Critiquer une politique, ce n'est pas une attaque personnelle.

D. STRAUSS-KAHN : Non mais la dissolution, c'était aussi un choix politique. Ce n'était pas une volonté personnelle.

O. MAZEROLLE : C'est tout de même le sens tactique du Président qui a été mis en cause !

D. STRAUSS-KAHN : Ecoutez, chaque Français le lira comme il le veut. Je crois que la cohabitation doit comporter des règles. Il faut qu'elle soit respectée des deux parties et lorsque, par extraordinaire, on mord un peu la ligne jaune, il est bon que chacun en prenne conscience.

O. MAZEROLLE : Vous ne croyez pas que ces escarmouches seront prises comme le point de départ d'un combat présidentiel annoncé ?

D. STRAUSS-KAHN : Non. Je crois que le Président comme le Premier ministre savent que la France a besoin d'un couple exécutif qui, même s'il n'est pas élu sur la même orientation politique, fonctionne de bonne manière. Cela a été le cas jusqu'à maintenant, je ne vois aucune raison pour que cela ne continue pas de cette manière-là.

O. MAZEROLLE : D. Strauss-Kahn, aujourd'hui, vous lancez un guide pratique sur l'euro. S'il restait le moindre doute, maintenant il est levé : la France se met à l'heure de l'euro.

D. STRAUSS-KAHN : La France se met à l'heure de l'euro mais le guide que je lance aujourd'hui avec une grande campagne d'information et de sensibilisation des Français est le résultat d'un travail qui a commencé il y a longtemps. Les professionnels, les banquiers mais aussi les syndicats, les associations de consommateurs, les entreprises, bref, réunis au sein du Conseil de l'euro - qui d'ailleurs a été mis en place et je l'en félicite par mon prédécesseur, J. Arthuis - ont beaucoup travaillé. Et il convient maintenant de rendre public le produit de ce travail sur la façon dont tout va se faire parce que, personne, en fait, n'est bien au courant de la façon dont les choses vont se passer.

O. MAZEROLLE : On nous dit que l'euro, c'est pour le 1er janvier 2002. Il faut s'y mettre dès aujourd'hui ?

D. STRAUSS-KAHN : Il y a une première étape. C'est le 1er janvier 1999. Là, l'euro deviendra notre monnaie mais le franc continuera d'exister comme une sorte de subdivision de l'euro. Et pour la plupart des particuliers, vous et moi, on continuera à vivre en francs. On pourra utiliser l'euro si on le veut.

O. MAZEROLLE : Par exemple sur les feuilles de paye, on pourrait avoir l'équivalent en euro de son salaire en francs ?

D. STRAUSS-KAHN : L'équivalent, on l'a déjà souvent. Peut-être votre banque déjà, sur votre relevé bancaire, indique-t-elle, ce qui est en euros et ce qui est en francs. Par exemple, vous pourrez payer vos impôts en euro si vous le souhaitez. La règle entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2002, c'est la règle "ni obligation, ni interdiction." Ceux qui voudront faire de l'euro seront en euro, ceux qui voudront rester en francs, resteront en francs. Et c'est au 1er janvier 2002 que les pièces et les billets dont vous avez déjà vu des modèles - ils ont un peu circulé mais maintenant, on va les voir sur beaucoup d'affiches - existeront, seront en place. Alors, il y aura une période transitoire de trois, quatre, cinq, six mois peut-être au maximum où il y aura les deux billets et les deux systèmes de pièces qui circuleront et puis au bout de six mois, il n'y aura plus que les pièces et les billets en euro.

O. MAZEROLLE : Mais tout de même, les Européens ont déjà décidé d'anticiper la sélection des pays qui participeront à l'euro en décidant de cela au mois de mai prochain ainsi que des taux de change. Vous n'êtes pas en train de nous préparer une accélération de l'arrivée de l'euro ?

D. STRAUSS-KAHN : Non. Vous savez, ce qui a présidé au bon fonctionnement de la mise en place de l'euro, c'est que le calendrier prévu initialement a toujours été suivi précisément. Et c'est ce qui va se passer. Au mois de mai, en effet, seront choisis les pays qui participeront à l'euro. On sait d'ores et déjà que ce sera un grand nombre de pays, ce qui convient bien à la France puisque vous vous rappelez que dans la campagne électorale, L. Jospin souhaitait que l'euro soit une monnaie large en Europe et pas seulement quatre à cinq pays mais un grand nombre. Ce sera le cas, visiblement. Et puis, en même temps effectivement, seront décidées les parités bilatérales, c'est-à-dire finalement à quels niveaux définitifs on fixe la parité entre le franc et le mark, le franc et la peseta espagnole, etc. Et puis, au 1er janvier 1999, l'euro sera notre monnaie.

O. MAZEROLLE : Avec l'euro, la France aura-t-elle la capacité de continuer à mener une politique socialiste dans la mesure où tout le monde parle de la nécessité d'une harmonisation fiscale après l'intronisation de l'euro. Or, à Luxembourg, on a bien entendu une sonorité libérale. On a parlé de réductions, de baisses importantes des impôts.

D. STRAUSS-KAHN : Vous faites là une assimilation curieuse entre une politique socialiste et le fait que les impôts soient élevés ! Ce n'est pas nous qui voulons que les impôts soient élevés, ils n'ont jamais autant monté que sous la droite.

O. MAZEROLLE : Vous n'avez pas poursuivi la baisse des impôts.

D. STRAUSS-KAHN : Ce que nous avons fait, c'est que tous les prélèvements ont augmenté de 2% dans les dernières années. Vous vous en souvenez, c'est notamment la hausse de la TVA, tout cela. Entre 1997 et 1998, cela n'augmente plus. Le prélèvement total sera stabilisé. Il y a des impôts qui montent, c'est vrai, mais il y en a d'autres qui baissent.

O. MAZEROLLE : On va baisser maintenant ?

D. STRAUSS-KAHN : Et après 1998, j'espère bien, en effet, c'est ma mission comme ministre de l'Economie et des Finances, que le poids des prélèvements obligatoires dans notre économie baissera. Mais vous savez, l'harmonisation, vous avez raison, plus on va vers l'Europe, plus il faut harmoniser. Mais qu'est-ce qui aujourd'hui nous met à l'écart de la situation fiscale européenne ? C'est que nous avons trop d'impôts indirects, trop de TVA par rapport à nos voisins et pas assez d'impôts directs. Et c'est exactement ce que le Gouvernement souhaite : baisser la TVA. Donc harmoniser, c'est exactement notre politique.

O. MAZEROLLE : Donc baisse de TVA, beaucoup plus que baisse des impôts sur le revenu ?

D. STRAUSS-KAHN : Bien sûr. Baisse de TVA. Alors c'est difficile, c'est compliqué ; cela coûte très cher. Je ne dis pas que cela va se faire demain matin.

O. MAZEROLLE : Mais pour quand justement, la baisse de la TVA ?

D. STRAUSS-KAHN : Ah, je savais bien !

O. MAZEROLLE : C'était dans l'annonce du programme socialiste !

D. STRAUSS-KAHN : Oui, mais vous avez constaté que malgré la difficulté à faire le budget cette année - vous vous souvenez que c'est cette difficulté qui a quand même été l'une des causes de la dissolution - malgré cette difficulté, dans le budget 1998, il y a des baisses de TVA sur un certain nombre de situations notamment par exemple comme les travaux d'entretien à domicile, les petits travaux de bâtiment. Et d'ailleurs, je crois que le secteur du bâtiment en est très content. C'est un premier pas. Il y en aura d'autres derrière. Mais l'harmonisation fiscale dont vous parliez et qui est en effet nécessaire, va permettre au contraire de mener encore plus la politique que les socialistes souhaitent.

O. MAZEROLLE : Autre recommandation du sommet de Luxembourg : la souplesse sur l'organisation du travail. Or la loi sur les 35 heures que prépare le Gouvernement alourdit le coût des heures supplémentaires et rendra plus difficile le recours au temps partiel !

D. STRAUSS-KAHN : Non, non ! La loi n'alourdit pas le coût des heures supplémentaires ! Les heures supplémentaires restent au même coût. Il faut tuer ce canard qui court mais dont la tête a été coupée depuis longtemps. On le répète tous les jours : il n'y a pas d'alourdissement du coût des heures supplémentaires. Ce qui est vrai, c'est que...

O. MAZEROLLE : C'est-à-dire que si, il y a un quota d'heures supplémentaires que l'on pourra plus dépasser !

D. STRAUSS-KAHN : Cela a toujours existé.

O. MAZEROLLE : Oui, mais enfin, on va le réduire.

D. STRAUSS-KAHN : Non. Il y a un quota de 130 heures qui reste un quota de 130 heures. Il y a tellement de légendes qui circulent. Il faut et merci de m'en donner l'occasion, réexpliquer ! Nous voulons que la durée du travail baisse, la durée légale baissera au 1er janvier 2000 comme cela a été dit mais le nombre d'heures supplémentaires réelles, possibles à faire, reste le même. Au-delà de ces heures, on peut d'ailleurs continuer mais il faut qu'il y ait des repos compensateurs. Les chefs d'entreprise savent bien cela. Rien de cela ne sera changé. Ce qui est important, c'est que le sommet de Luxembourg...

O. MAZEROLLE : Mais le recours au temps partiel. Plus difficile ?

D. STRAUSS-KAHN : Non, pas plus difficile mais plus juste. C'est-à-dire qu'il ne faut pas que par le recours au temps partiel, on puisse forcer des gens qui ne le souhaitent pas à être à temps partiel. On ne veut pas que ce soit du temps partiel forcé, contraint Il faut que ce soit du temps partiel choisi et quand les Françaises et les Français le veulent, alors il faut que les modalités du temps partiel soient là. C'est parce qu'il est choisi dans un certain nombre de pays que le temps partiel a du succès. Et en effet, de ce point de vue-là, c'est un bon instrument de lutte contre le chômage.

O. MAZEROLLE : Recommandation encore du sommet de Luxembourg, la révision à la baisse des allocations chômage pour inciter, je cite, "réellement les chômeurs à chercher et à accepter un emploi." Ce n'est pas ce que l'on fait en France ?

D. STRAUSS-KAHN : Mais cela dépend des pays. Il y a des pays où elles sont très élevées et d'autres où elles ne le sont pas. En France, le niveau des allocations chômage est satisfaisant et donc, il n'y a pas de raison de les baisser. Vous savez, la situation de chaque pays est différente. Par exemple, il y a une recommandation importante du sommet de Luxembourg pour la lutte pour l'emploi des jeunes. Nous, cela nous concerne. Il y a des pays où il n'y a pas beaucoup de chômage des jeunes, eux cela ne les concerne pas beaucoup. C'est donc différent selon les pays. Ce qui est formidable au sommet de Luxembourg, c'est que pour la première fois, on parle de sujets concrets sur l'emploi ; on parle de l'emploi des jeunes ; on parle des chômeurs de longue durée ; on parle de la formation. On n'est pas sur des thématiques libérales et générales - qui n'apparaissent pas dans le document - sur la dérégulation, sur le fait qu'il faudrait faire exploser le code du travail. Ce n'est pas du tout cela. Le texte est très proche de ce que nous, Français, avons souhaité. D'ailleurs, c'est normal puisque c'est nous qui sommes à l'origine de ce sommet. Ce qui est le plus important encore, c'est que ce n'est pas un sommet, une fois, comme cela et puis ensuite, on s'arrête de parler de l'emploi. Tous les ans, au mois de décembre, le sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement se réunira pour parler de l'emploi. En ce sens, l'emploi devient une des grandes priorités européennes. Ce n'était pas le cas avant. C'est, je crois, vraiment le début de l'Europe sociale.

O. MAZEROLLE : D. Strauss-Kahn, que se passe-t-il également, on voit une sorte de débarquement du capitalisme allemand. Pour les AGF, c'est la société Allianz qui se manifeste. Les Allemands sont intéressés par le CIC, par la BNP, voire éventuellement le Crédit lyonnais si celui-ci était privatisé. Il n'y a pas, en France, d'instituts financiers suffisamment forts ?

D. STRAUSS-KAHN : Ecoutez, le Crédit lyonnais n'est pas en instance d'être privatisé aujourd'hui. La BNP, que je sache, n'est pas destinée à être vendue à quiconque. Vous avez raison, il y a sur une compagnie d'assurance française, les AGF, une offre qui a été faite et pas seulement par des Allemands puisqu'il y a l'entreprise Generali qui est italienne.

O. MAZEROLLE : Le président des AGF préfère les Allemands.

D. STRAUSS-KAHN : Bon, très bien, nous verrons comment cette affaire se termine. En tout état de cause, des OPA il y en a dans tous les sens. Les ciments Lafarge, qui sont une grande entreprise française, sont en train de réaliser une OPA sur Redland qui est un cimentier anglais. En effet, en Europe, il y a des opérations...

D. STRAUSS-KAHN : Pas de domination allemande du capitalisme ?

O. MAZEROLLE : Non, je ne crois pas mais il est bon qu'en revanche, des entreprises européennes se créent, que des alliances se créent entre des Français et des Allemands, des Français et des Anglais, des Italiens et des Français parce que nous avons besoin de plus grosses entreprises pour résister aux entreprises américaines. C'est un des sens de l'Europe que de permettre à chaque entreprise dans chaque pays de trouver son partenaire dans un autre pays européen et de devenir comme cela, une entreprise plus solide, plus assurée sur les marchés extérieurs et donc, plus apte à garantir l'emploi.


France 2 : Dimanche 30 Novembre 1997

Michèle COTTA : Bonjour. La France autorise la culture du maïs transgénique, une victoire pour les agriculteurs qui attendaient cette décision avec impatience. Mais est-ce une victoire sans danger 7 Débat sur ce plateau tout à l'heure entre experts, scientifiques et consommateurs. Tout de suite, notre invité, Dominique STRAUSS-KAHN, ministre de l'Economie et des Finances, que je reçois avec Paul GUILBERT du FIGARO. Dominique STRAUSS-KAHN, bonjour.

Dominique STRAUSS-KAHN : Bonjour.

Michèle COTTA : Dans une interview au POINT, Ernest-Antoine SEILLIERE, le favori pour succéder à Jean GANDOIS à la tête du CNPF, prévient le gouvernement que le patronat va cesser de tenir un discours nuancé. Il demande aux patrons de vous harceler, de harceler les décideurs sur les 35 heures. Est-ce que le durcissement du patronat est un élément qui vous préoccupe ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Monsieur SEILLIERE est en campagne électorale. Donc, ses propos doivent être regardés avec nuance. Mais que le patronat veuille défendre les idées du patronat ne me choque pas. Ce qu'il faut, c'est qu'au bout du compte tout le monde puisse négocier. C'est à ça que ça sert. Les syndicats servent à représenter les salariés, l'Etat l'intérêt général, le patronat l'intérêt des entrepreneurs et il faut ensuite venir discuter.

Michèle COTTA : Est-ce que, parce qu'un patron dit "nous, les entreprises, la gestion paritaire, on ne s'en occupera pas surtout si on a un sou de plus de cotisation à payer", est-ce que ce n'est pas un élément nouveau dans votre réflexion quand même ?

Dominique STRAUSS-KAHN : C'est-à-dire, ça deviendra un élément nouveau parce qu'on pourra se demander à quoi sert le CNPF.

Michèle COTTA : C'est la conclusion que vous en tirez alors.

Dominique STRAUSS-KAHN : On sait qu'il ne représente pas la totalité des entreprises loin s'en faut | Si en plus, il ne vient pas négocier, il ne vient pas gérer paritairement ce qui existe, il risque de se transformer en agence de publicité.

Paul GUILBERT : Alors est-ce pour tenir compte du durcissement du patronat que vous faites dans l'application des 35 heures plutôt profil bas ? Par exemple, enfin des 35 heures à deux vitesses et même à deux temps puisqu'il y en aura en 2000 et 2002 ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Non, je ne crois pas parce que tout ce que vous venez d'évoquer qui est la manière pragmatique, concrète de faire les 35 heures était dans le discours de Lionel JOSPIN.

Paul GUILBERT : Et complexe.

Dominique STRAUSS-KAHN : C'est vrai mais vous savez, la société est complexe. Et tout ça était dans le discours de Lionel JOSPIN le 10 octobre lors de la fameuse conférence. Donc, il n'y a rien de neuf.

Paul GUILBERT : Pas le seuil... on parlait d'un seuil de 10.

Dominique STRAUSS-KAHN : Vous avez raison, le Premier ministre avait déjà annoncé 10 ou peut-être plus. Certains dont moi plaidaient pour qu'on aille jusqu'à 20. Le Premier ministre a accepté cette proposition.

Paul GUILBERT : Le patronat a demandé 50.

Dominique STRAUSS-KAHN : Le patronat a demandé 50. Bon, 10, c'était sans doute trop peu. 50 sans doute trop. A ce moment-là, il y aurait eu la moitié des salariés en dehors du champ. Il n'y aurait pas eu la réduction du temps de travail. C'est exagéré. 20 est sans doute une bonne solution.

Paul GUILBERT : Là, il y a le tiers des salariés, pardon, vous êtes bien d'accord ?

Dominique STRAUSS-KAHN : 25%. Mais voyez-vous, ce qui est important, c'est que, si vous me permettez de reprendre ce que vous venez de dire, tout cela était dans la discussion du 10 octobre. Le patronat à l'époque n'a pas voulu l'entendre. Il y a eu l'explosion, vous vous en souvenez que... bon, très bien. Mais aujourd'hui, on s'aperçoit et vous le disiez vous-même, profil bas, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que nous voulons les 35 heures - il n'y a pas de profil bas là-dessus - et nous pensons que ça va créer beaucoup d'emplois. Et d'un autre côté, il faut le faire sans nuire à la compétitivité des entreprises, par la discussion et c'est ce qu'on propose aujourd'hui.

Michèle COTTA : Alors justement, ce que monsieur SEILLIERE vous dit, c'est "vous allez les faire mais sans les entreprises".

Dominique STRAUSS-KAHN : Ecoutez, j'étais hier, avant-hier pardon en Normandie. J'ai visité deux entreprises avant de rencontrer une cinquantaine de patrons à la Préfecture. Les deux entreprises sont en train... l'une a déjà terminé, l'autre est en train de conduire des discussions. Ça dure longtemps. Ça a duré des mois avec le syndical, avec la direction pour arriver à la réduction du temps de travail. Ils y sont arrivés et c'est un succès pour tout le monde. Le représentant de la CGT disait "c'est un grand succès parce que nous avons maintenant un projet d'entreprise". Il y a de la réduction du temps de travail mais il y a de l'embauche, 62 emplois nouveaux pour 450 salariés.

Michèle COTTA : Oui mais là, ils l'ont fait sans l'oukase du gouvernement.

Dominique STRAUSS-KAHN : Ils l'ont fait à l'aide des textes qui existaient mais il y en a beaucoup plus qui vont pouvoir le faire maintenant à partir du nouveau texte. Il n'y a pas d'oukase du gouvernement. Nous disons la durée légale sera de 35 heures dans deux ans mais chacun sait bien que la durée légale, c'est quoi ? C'est uniquement le seuil à partir duquel commencent les heures supplémentaires, la durée réelle...

Paul GUILBERT : Le prix des heures supplémentaires, le coût des heures supplémentaires... est-ce que ça donne confiance aux entrepreneurs, pardon, de ne pas savoir à quelle sauce ils seront mangés...

Dominique STRAUSS-KAHN : Ils savent, ils savent. Je finis ma phrase. Les 35 heures, ça veut dire la durée légale est de 35 heures mais dans chaque entreprise, la durée réelle, elle est négociée entre l'entrepreneur et les salariés. Vous avez raison, ce que ça veut dire 35 heures, c'est qu'au-delà ce sont des heures supplémentaires. Quel est le coût ? Eh bien, le projet de loi qui est déposé dit ce sera au maximum la surtaxe qui existe aujourd'hui depuis toujours de 25%, peut-être moins si la situation des entreprises le demande parce que la conjoncture ne serait pas très bonne. Donc, l'ensemble des entrepreneurs savent aujourd'hui que la situation sera au pire si j'ose dire celle qui existe aujourd'hui et peut-être mieux. Et donc, ils ont toutes les raisons de venir négocier.

Michèle COTTA : Alors, Dominique STRAUSS-KAHN, vous venez de lancer une campagne pour l'euro. Pourquoi maintenant ? Et cette campagne, est-ce que c'est une campagne de propagande qui se veut telle ?

Paul GUILBERT: Ou d'intox ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Alors pourquoi maintenant ? Parce que, comme vous le savez, l'euro sera notre monnaie le 1er janvier 99. Vous savez, il y a six mois, ce n'était pas sûr. Il y avait beaucoup de monde qui disait "ça va exploser en vol, ça ne se passera jamais", d'autres disaient "il faut le reporter".

Paul GUILBERT : D'autres disaient "les socialistes ne le feront pas".

Dominique STRAUSS-KAHN : Certains disaient même cela. C'était mal les connaître parce que les socialistes ont toujours été ceux qui ont porté l'Europe depuis quinze ans. Mais aujourd'hui, je rencontre, quoi, une personne sur cent qui n'y croit plus parce que tout le monde sait - et nous n'y sommes pas pour rien, le gouvernement français mais d'autres aussi au cours des six derniers mois pour avoir crédibilisé cette idée - et donc, chacun sait maintenant que le 1er janvier 99, l'euro sera notre monnaie. Alors il faut expliquer aux Français, aux particuliers, aux PME - les grandes entreprises ont pris de l'avance mais les PME moins - comment ça va se passer concrètement. Et donc, vous dites "une campagne de propagande". Pas de propagande sur l'euro, Maintenant, la chose est faite, mais en tous cas... propagande pour montrer comment les choses vont se faire, expliquer cela...

Michèle COTTA : Ça a l'air quand même très compliqué d'emblée.

Dominique STRAUSS-KAHN : Honnêtement, ce n'est pas très compliqué mais un changement de monnaie, ce n'est jamais simple. On a encore des grands-parents ou des parents qui comptent toujours en anciens francs et ça fait quarante ans. Donc, évidemment, ça ne va pas être aussi simple que ça. Pour autant, c'est tout à fait nécessaire. Les avantages que l'économie va en retirer sont formidables. Et donc, l'effort à faire, on va le produire. Mais il faut expliquer, vous avez raison, et c'est pour ça qu'on commence cette campagne.

Paul GUILBERT : Oui mais quand même, on voit des députés, des députés de l'opposition, je le concède, mais qui d'ailleurs rejoignent les alarmes du Parti communiste, des universitaires qui demandent le report de l'euro, vous l'avez vu ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Oh, c'est très marginal.

Paul GUILBERT : Ah, c'est marginal mais c'est peut-être un tiers de la gauche.

Michèle COTTA : Quelques professeurs de droit aussi, vos confrères.

Paul GUILBERT : Ils demandent ça parce qu'ils pensent que le gouvernement de la banque... que la banque sera le vrai gouvernement de la France. Alors vous répondez quoi à ces gens-là ?

Dominique STRAUSS-KAHN : D'abord, c'est loin d'être un tiers de la gauche. Il n'y a pas 5% de la gauche aujourd'hui qui est contre le fait... même Jean-Pierre CHEVENEMENT dans le gouvernement suit cette loi comme les communistes.

Paul GUILBERT : Il se tait. Il a la politesse de se taire.

Dominique STRAUSS-KAHN : Donc, la gauche le veut et le fait.

Michèle COTTA : Qui ne dit mot consent ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Absolument, c'est un compromis politique. Et la gauche le veut et le fait. Alors maintenant, il y a les professeurs de droit. J'ai beaucoup de respect pour les professeurs de droit mais enfin, ils ne font pas l'ensemble de l'opinion, Parce qu'ils disent, disiez-vous, ils craignent de la Banque centrale... non, justement. Ce qui a changé depuis six mois, c'est qu'à Amsterdam - vous vous rappelez de ce sommet européen d'Amsterdam quelques jours après l'arrivée du gouvernement - j'ai demandé au nom du Premier ministre Lionel JOSPIN que soit mis en place ce qu'on a appelé un conseil de l'euro. Il va exister. Et ce conseil de l'euro qui va réunir les ministres de l'Economie et des Finances va être une sorte de contrepoids, de pendant de la Banque centrale.

Michèle COTTA : Vous dites qu'il va exister mais ni la Grande-Bretagne, ni la Grèce, ni le Danemark, ni la Suède ne le veulent.

Dominique STRAUSS-KAHN : Et pourquoi à votre avis ?

Michèle COTTA : Parce qu'ils ne sont pas dans l'euro.

Dominique STRAUSS-KAHN : Parce qu'ils ne sont pas dans l'euro. Donc, ça ne les concerne pas évidemment. Nous allons avoir une monnaie à 11, peut-être 10, peut-être 11, j'espère 11. Les 11, c'est eux que ça concerne. La Banque centrale dont vous parliez, c'est eux que ça concerne. Ceux qui ne sont pas dans l'euro, qu'ils s'occupent de leurs affaires. Et donc les 11, Théo WAIGEL...

Michèle COTTA : Ça veut dire deux Europe ça ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Mais ça a toujours été comme ça. Aujourd'hui, il y a un Système monétaire européen. Il y en a qui sont dedans, il y en a qui sont dehors. Les Anglais ont demandé, enfin les conservateurs - les travaillistes sont sur une autre position - dans le passé, les conservateurs anglais ont demandé à rester dehors. Aujourd'hui, Tony BLAIR voudrait revenir et j'en suis très heureux parce qu'il faut qu'ils y viennent mais ils ont besoin de temps. Pendant l'intervalle, ils n'y sont pas. Et tant qu'ils n'y sont pas, nous gérerons notre monnaie entre nous.

Paul GUILBERT : Soit, le conseil de l'Euro n'existe pas encore.

Dominique STRAUSS-KAHN : Il existera dans trois semaines.

Paul GUILBERT : Dans trois semaines, bon. En attendant, l'incident de la candidature de monsieur TRICHET que vous avez lancée, le gouverneur de LA BANQUE DE FRANCE, pour qu'il soit gouverneur de la Banque européenne, comment se fait-il que cette initiative politique ait déjà été battue en brèche, cette initiative de souveraineté... récusée par les banquiers qui ont un autre candidat ? Est-ce que ce n'est pas un très mauvais signe, ça ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Non. D'abord, ce n'est pas un incident. La France souhaite avoir un candidat. C'est bien légitime quand même.

Michèle COTTA : Elle s'y est prise un peu tard peut-être.

Dominique STRAUSS-KAHN : Certains disent un peu tôt. Ils disent "pourquoi si tôt alors que ce n'est que pour dans un an. Vous auriez pu attendre", vous voyez. Il fallait bien commencer à un moment quelconque.

Paul GUILBERT : Ça, c'est politique, c'est une demande politique de votre part.

Dominique STRAUSS-KAHN : Oui, c'est une demande qui est que la France souhaite que le premier gouverneur, le premier président de la Banque centrale européenne soit français. Vous avez raison de dire que les banquiers entre eux s'étaient arrangés avec une idée, une sorte de consensus en disant "voilà, on va choisir celui-là parmi nous" sauf que le traité ne dit pas cela. Le traité dit que ce sont les chefs d'Etat et de gouvernement qui choisissent. Comme vous le disiez, c'est un choix politique. Et donc, il est hors de question que ça soit dans une arrière-cuisine, l'ensemble des banquiers centraux qui décident de cela. Donc, nous avons dit "voilà, nous, nous avons un candidat". Va-t-il réussir ? Je le souhaite. On n'en est jamais certain. Quand il y a une compétition, on n'est jamais certain de ce qui va arriver. Il y a donc plusieurs candidats aujourd'hui qui sont déclarés et nous verrons bien ce que les chefs d'Etat et de gouvernement choisissent. Mais je ne vois pas pourquoi on trouverait illégitime que la France qui est quand même un des pays les plus porteurs de cette affaire ait un candidat. Vous êtes d'accord ? Donc, il est bien normal que nous ayons présenté monsieur TRICHET.

Paul GUILBERT : Non mais il se heurte au pouvoir de la banque déjà, au pouvoir des banquiers.

Dominique STRAUSS-KAHN : Non, non. Mais attendez, le problème n'est pas les banquiers, ce ne sont pas les banquiers qui vont choisir. C'est soit en décembre à Luxembourg, soit au mois de mai quand on choisira les pays, à ce moment-là, il y aura une décision qui sera prise parmi les chefs d'Etat et de gouvernement - pour la France, Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN, Tony BLAIR pour les Anglais etc. etc. - et puis, ils choisiront parmi les candidats. Et nous avons voulu revenir justement à cette légalité politique et non pas à un choix de banquiers. C'est un élément de plus s'il en était nécessaire pour montrer combien la France veut que la direction que l'Europe soit une direction politique et pas simplement une direction technicienne.

Michèle COTTA : Dominique STRAUSS-KAHN, l'Asie connaît la crise monétaire la plus grave, je crois, depuis plusieurs années. Est-ce que vous pensez que ça peut rejaillir sur la situation en France ? Vous dites au fond, d'après ce que j'ai lu de vos interviews précédentes, "la Corée, le Japon, peu importe. Nous, nous ferons toujours 3% de croissance". Est-ce que votre optimisme n'est pas chevillé au corps ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Non, je ne dis pas exactement ça. Je dis la crise a commencé en Thaïlande, en Indonésie et tant qu'elle sa limitait à ces pays, elle était sans grande conséquence sur nous. Elle atteint aujourd'hui la Corée et c'est plus sérieux. Il faut s'en préoccuper. Le FMI s'en préoccupe, les différents grands pays, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne aussi. Et je pense que, si le gouvernement coréen veut bien suivre la voie que lui montre le FMI, ils vont arriver à maîtriser la situation. Si d'aventure maintenant la crise commençait à atteindre le Japon de façon sérieuse, alors là, ça deviendrait beaucoup plus grave. Ca n'est pas encore le cas, c'est pour ça que je reste optimiste. Mais si le Japon venait à être touché fortement, pas simplement par la faillite d'une maison de titres comme ç'a été le cas ce qui n'est pas rien mais qui n'est pas colossal, si le Japon venait à être touché fortement, alors là, nous aurions effectivement une situation qui deviendrait préoccupante. Pour le moment, elle ne l'est pas tellement. Regardez, la Corée, c'est 2% de l'économie mondiale comme l'Espagne. Mais ce qui se passe en Espagne, pour nous, est beaucoup plus important que ce qui se passe en Corée. Or, les prévisions pour l'Espagne sont très bonnes. On attend une forte croissance en Espagne. Et donc, pour le moment, je ne crains pas de trop grosse conséquence sur notre économie.

Michèle COTTA : Pour le moment... quand est-ce que vous serez inquiet carrément ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Je vous dis, si jamais l'économie japonaise connaissait un grand fracas, alors là, évidemment, ça serait absurde de penser qu'il n'y ait pas de répercussion. Aujourd'hui, je pense que les prévisions qui existent pour l'Europe dans son ensemble, pas seulement pour la France mais aussi pour la France en matière de croissance pour 98 sont des prévisions qui restent solides.

Paul GUILBERT : Un mot de l'opposition, si vous voulez bien. A l'occasion du débat sur la nationalité qui va s'achever demain je crois, vous avez donné à l'opposition l'occasion de se réunir. C'est un spectacle qui n'était pas si fréquent. C'est une occasion de sortie de crise que vous leur donnez ?

Dominique STRAUSS-KAHN : De toute façon, il vaut mieux que l'opposition existe dans une démocratie. Il faut qu'ils arrêtent de piailler dans tous les sens et qu'ils aient des positions. Et donc, de ce point de vue, moi, je ne me plains pas de ce que l'opposition soit capable de défendre enfin une position un peu cohérente même si je ne la partage pas, cette position. Ceci étant, ce n'est pas le seul constat qu'on peut faire sur ce débat. Vous vous rappelez de l'amendement qui a été proposé par monsieur LE CHEVALLIER, seul député Front national, proposant l'abrogation du droit du sol complètement, le retour au droit du sang, à la filiation qui n'a jamais existé dans notre pays depuis que la République est là. Qu'est-ce qui s'est passé ? La gauche a voté contre évidemment. Quelques hommes de droite que je veux saluer dont Pierre MAZEAUD ont voté contre mais l'ensemble du RPR s'est abstenu y compris madame CATALA qui était là et qui est une des dirigeantes du mouvement. Et donc, à cette occasion il s'est passé quelque chose de grave. C'est que, sur une opération aussi séditieuse je dirais de la part du Front national visant à revenir à quelque chose que nous n'avions jamais connu, que nous ne voulons pas connaître à savoir la disparition du droit du sol, le droit du sang pur et simple, le RPR s'est abstenu.

Paul GUILBERT : Pardon, vous avez vu pourquoi. Il s'est abstenu parce qu'il disait qu'il ne voulait pas mettre le doigt dans cet engrenage-là. C'est une autre façon de protester.

Dominique STRAUSS-KAHN : Non, non. Vous savez, il faut être simple. Quand on est contre, on dit qu'on est contre. Quand on est pour, on dit qu'on est pour. Et quand on s'abstient, le doute demeure. Et donc, le doute est là. Est-ce que véritablement aujourd'hui dans l'opposition, la volonté de s'opposer aux positions du Front national est aussi forte que parfois ils le disent mais que rarement ils le montrent ? La question est posée.

Michèle COTTA : Alors justement, en ce qui concerne les régionales qui sont donc prévues et qui se dérouleront le printemps prochain, Jean-Marie LE PEN a dit sur RTL avant-hier qu'il voulait éliminer tous les présidents de droite des Conseils régionaux, Ca veut dire qu'il aidera la gauche. Est-ce que ça vous gêne ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Non, ça veut dire qu'il s'arrange avec ses électeurs. Moi, le problème du Front national, de ce point de vue-là, ne m'intéresse pas. Il m'intéresse comme force politique qu'il faut combattre mais pas du point de vue de ce qu'il veut ou pas faire avec la droite. Les élections régionales sont devant nous. Tout donne à penser que la gauche est en état de remporter six, sept, huit régions peut-être. Et le changement politique que ça va créer dans notre pays est majeur. Que le Front national règle ses comptes ou pas avec la droite, je comprends que le Front national soit un peu énervé contre la droite parce que la droite passe son temps à accueillir des hommes du Front national en son sein et parfois des idées du Front national. Ça, c'est un problème...

Paul GUILBERT : Elle en perd surtout, excusez-moi. Les électeurs, c'est plutôt dans l'autre sens.

Dominique STRAUSS-KAHN : Elle perd des électeurs. Je vais corriger, vous avez raison, Elle perd des électeurs mais elle accueille des élus. Regardez monsieur PERRAT (phon), le maire de Nice par exemple qui passe avec armes et bagages, bon, bien... la porosité...

Paul GUILBERT : On peut se convertir.

Dominique STRAUSS-KAHN : Soit mais je ne suis pas sûr que monsieur PEYRAT, en changeant d'étiquette, ait changé d'idée. Et donc, je pense qu'en réalité tout ça traduit une très forte porosité des partis de droite dont beaucoup des membres sont des grands républicains qui combattent le Front national mais en tant qu'institution, ces mouvements accueillent bien volontiers et les hommes et les idées du Front national pour essayer de trouver un renouveau qu'ils n'arrivent pas à fonder sur leurs propres valeurs.

Michèle COTTA : Il n'empêche que c'est le Parti socialiste vraisemblablement et ses candidats qui accueillera les voix du Front national.

Dominique STRAUSS-KAHN : Non. Ecoutez, moi, chaque fois que je vois un sondage, vous les connaissez comme moi, le Front national au deuxième tour se reporte un tiers sur la droite, un tiers sur la gauche, un tiers reste chez lui. Ce sont des électeurs... les électeurs voter Front national par rejet de la gauche reviennent vers la gauche. Les électeurs de droite qui ont décidé de voter Front national reviennent vers la droite. Ce qui compte là-dedans, plus que les électeurs, ce sont les idées. Et moi, je suis très frappé - je le disais à l'instant - de voir comment dès qu'on gratte un peu, dès que le débat devient un peu aigu comme c'est le cas à l'Assemblée maintenant, le vernis saute. Et au RPR comme à l'UDF, des relents chez certains d'entre eux - pas tous, loin de là ! - mais des relents de position très proche du Front national se font jour.

Michèle COTTA : Est-ce que ça veut dire que vous pensez qu'un jour le RPR ou l'UDF pourra éclater... certains de ses membres ... séduits par la contagion ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Je ne sais pas. Je ne le souhaite pas. Je ne le souhaite pas mais regardez ce que disait monsieur GRIOTTERAY l'autre jour. Je ne souhaite pas. Je crois que nous avons besoin d'une forte opposition républicaine de droite dans notre pays mais républicaine qui soit capable avec nous de marginaliser le Front national. C'est ça, l'objectif.

Paul GUILBERT : Vous voulez l'inventer en quelque sorte. Est-ce que vous allez être candidat vous-même aux régionales ? Quoique ministre, c'est très difficile.

Dominique STRAUSS-KAHN : Oui mais enfin, je serai tête de liste dans mon département, le Val-d'Oise. Lionel JOSPIN a autorisé ses ministres à être candidats.

Paul GUILBERT : Mais si d'aventure vous aviez la majorité, vous ne pourriez pas être président de la région Ile-de-France ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Ah, si d'aventure nous avons la majorité, nous verrons d'aventure ce que nous voulons faire.

Michèle COTTA : Alors, Dominique STRAUSS-KAHN, on dit que vous êtes un homme flexible, que vous n'avez pas beaucoup de convictions. Est-ce que vous vous reconnaissez dans ce portrait hâtif, j'en conviens ?

Dominique STRAUSS-KAHN : Je vous surprendrai en vous disant oui. Non, je crois que j'ai des convictions très fortes. Je les exprime contre le Front national. Je les exprime sur la solidarité, la volonté de la Justice sociale. Mais je crois que, pour changer la société dans le sens qui me convient, il faut le faire en discussion et pas en force. Dans un pays comme le nôtre, on ne change les choses qu'en convainquant les autres et pas en voulant passer en force. Certains de mes détracteurs feront le portrait que vous venez de dire. J'en connais de pire.

Michèle COTTA : Merci, Dominique STRAUSS-KAHN. Nous reprendrons cette conversation peut-être au moment où le Japon à son tour...

Dominique STRAUSS-KAHN : Espérons que non.

Michèle COTTA : Espérons que non. Le gouvernement a autorisé avant hier la culture en France d'un maïs génétiquement modifié, un maïs qui résiste à un insecte ravageur, la pyrale. Et cette découverte, une partie de cette découverte revient à la firme suisse NOVARTIS. Il y a d'autres possibilités de maïs génétiquement modifié mais qui n'ont pas encore été autorisées. Les agriculteurs sont favorables à la mise en culture de ce maïs transgénique mais les consommateurs, enfin certains consommateurs, craignant une nouvelle affaire type vache folle, estiment que la culture des légumes ou des fruits transgéniques est à terme dangereux pour les animaux, pour l'homme et pour l'environnement. Transparence et information sont nécessaires sur ce sujet qui tient beaucoup plus à l'irrationnel qu'au rationnel. Là-dessus, l'enquête de Jean-Michel MERCUROL.