Déclarations de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, en hommage au syndicat Solidarnosc et à l'action des résistants étrangers en France durant la deuxième guerre mondiale, sur la visite de l'Assemblée nationale lors des Journées du patrimoine, et sur les politiques d'aide au développement, Paris les 1er, 5, 20 et 22 septembre 1997.

Prononcé le 1er septembre 1997

Intervenant(s) : 

Circonstance : Inauguration d'une plaque dédiée à Solidarsnoc le 1er. Exposition sur les étrangers dans la Résistance le 5. Journée du patrimoine les 20 et 21. Assises de la francophonie les 22-23 septembre 1997.

Texte intégral

Date : 1er septembre 1997
Source : Assemblée nationale

Inauguration d’une plaque dédiée à SOLIDARNOSC

Comme tant de Parisiens, tant de Français, je me souviens avec émotion de la croix blanche dressée en ce début des années 1980 sur l’esplanade des Invalides, entourée de fleurs et de lumières, veillée jour et nuit par une chaîne d’amis de la Pologne et de la liberté.

Alors comme si souvent, dans notre histoire largement partagée, les deux mots de Pologne et de liberté se trouvaient unis dans le cœur des Français. Nous étions bien conscients que le combat de la Pologne pour l’indépendance et la démocratie était le ferment de la naissance d’une Europe maîtresse de son destin.

Les luttes courageuses de Gdansk, de Varsovie et de la Pologne entière ont été à l’origine de cette nouvelle étape de l’histoire de notre continent.

Puissent les valeurs qui les ont inspirées continuer de nous guider dans l’édification de l’Europe. Puisse l’amitié séculaire entre la France et la Pologne contribuer à cette tâche de notre temps. Je souhaite qu’ainsi ce monument du souvenir soit aussi un signe vers l’avenir.

 

Date : 5 septembre 1997
Source : Assemblée nationale

Les étrangers dans la Résistance

Monsieur le président, Monsieur le ministre,
Chers collègues, chers amis,

Ne pas oublier ces femmes et ces hommes courageux qui se sont battus pour un pays qui n’était pas le leur, mais qu’ils aimaient, et dont ils avaient appris dans leur cahier d’écolier qu’il était celui des droits de l’homme, des libertés et de Jaurès, être fidèles à ce qu’ils ont été, à ce qu’ils nous ont donné, il y a des causes ni nobles que leur mémoire ne disparaît pas… Elle se transmet de génération en génération et chacun d’entre nous éprouve aujourd’hui, je le sais, la nécessité de ce beau devoir de mémoire envers celles et ceux qui, « étrangers » mais chez eux dans la Résistance, n’ont pas hésité à agir et parfois à se sacrifier.

Voilà pourquoi, aujourd’hui, j’accueille avec émotion cette exposition, dans cette maison qui est la vôtre puisque, étant celle de la démocratie et de la République, elle a vocation à recevoir ce qu’elles ont de plus sacré. Je suis heureux que par l’intermédiaire de nos questeurs, et notamment de M. Bruhnes qui y a tant contribué, vous ayez songé à notre Assemblée pour cette exposition.

Cela d’autant plus qu’il est une particularité de notre mandat que beaucoup, tout simplement parce qu’ils n’y ont pas réfléchi, négligent. Les parlementaires de l’Assemblée nationale ne sont pas seulement les représentants des citoyens qui les ont élus. Ils siègent dans l’hémicycle pour que soient pris en compte les intérêts et les préoccupations, les droits et les libertés de tous ceux qui vivent sur notre territoire : les jeunes qui n’ont pas encore la possibilité de voter bien sûr, mais aussi les étrangers qui, régulièrement entrés dans notre pays, scientifiques, artistes, ouvriers, employés, ingénieurs, y sont régulièrement devenus des salariés, des contribuables, des usagers auxquels s’applique notre droit, le droit que nous votons ici. Si nous venions à oublier cette évidence, alors que l’Assemblée récemment élue aura dans quelques semaines à se prononcer sur les questions d’entrée et séjour, d’immigration et de nationalité, cette exposition aurait le mérite supplémentaire de nous rappeler que l’étranger, parfois montré du doigt dans les temps de paix, sait aussi devenir un frère d’armes quand vient l’épreuve de vérité. Vous célébrez donc, nous célébrons ensemble, le rôle joué par les étrangers dans la Résistance. Et nous avons deux fois raison.

Raison, parce que la Résistance n’en finit jamais de nous instruire. Qu’y-a-t-il de plus noble que cet engagement volontaire ? Espérer quand tout semble compromis ; ne pas de tromper quand d’autres hésitent ; ne pas plier sous la force ; choisir la vérité face au mensonge, la justice contre la barbarie. Et, au total, s’organiser, pour que vivent la France, la République et les valeurs qui rassemblent les peuples. Ce fut la force et la jeunesse d’une Résistance dont la flamme ne s’éteindra pas.

Raison aussi, parce que nous avons une dette particulière à l’égard de tous ces étrangers, travailleurs immigrés, républicains espagnols, réfugiés d’Europe centrale, juifs allemands ou polonais fuyant les persécutions nazies, régiments coloniaux d’Afrique et d’ailleurs, qui ont joué un rôle de premier plan dans la Résistance, dans ses combats intérieurs comme au sein des Forces françaises libres. Les FFL, dont les premières forces ont été levées au Tchad, ont compté plus de 300 000 soldats originaires d’Afrique du Nord, d’Afrique noire et d’Océanie. Qui pourrait oublier le courage de ces tirailleurs sénégalais, ces tabors de l’Atlas et ces goumiers marocains, à Bir-Hakeim, à Monte-Casino et d’ailleurs ? Déjà, avant eux, beaucoup de leurs pères étaient tombés dans les tranchées de la Grande guerre. Nous n’avons pas oublié que tâches les plus difficiles, les missions les plus dangereuses, de la guérilla urbaine aux maquis, étaient souvent confiées aux francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée, ces rebelles et ces insoumis, ces amis inconnus sortis de l’ombre et dont l’Affiche rouge a immortalisé le courage.

Beaucoup étaient des ouvriers et des communistes. Leur idéal, quelles que soient leurs convictions, n’avait pas de frontières. Ils avaient l’internationalisme chevillé au corps. Ils étaient nés à Prague, Barcelone ou Varsovie et moururent dans notre pays, assassinés par les pelotons d’exécution de Montluc ou du Mont-Valérien, torturés par la Gestapo de la rue des Saussaies ou les miliciens de la rue Lauriston. Tandis qu’ils souffraient, leurs bourreaux les insultaient. Ces frères de Jean Moulin étaient simplement coupables de ne pas être Français aux yeux de ceux qui trahissaient la France.

Le devoir de respect s’impose. On dit parfois qu’il s’érode. Mais ne nous étonnons pas que la mémoire s’affaiblisse si nous ne l’entretenons pas. Il n’y a pas de jugement pertinent sur l’avenir sans connaissance du passé. Depuis le début des années 80, sous l’impulsion des associations et des historiens, beaucoup a été fait pour mieux faire connaître la participation des étrangers à la Résistance et à la Libération de notre territoire. Plusieurs monuments ont été érigés à leur mémoire, à travers la France, à commencer par celui de Besançon inauguré par le Président Mitterrand en septembre 1993. Une commémoration émouvante s’est récemment déroulée au Trocadéro sur le parvis des Droits de l’Homme. Un geste symbolique pourrait être effectué, dans le même esprit, lors des prochaines célébrations du 8 mai.

D’autres manières encore existent de saluer ces hommes ordinaires devenus des héros. Il m’arrive de passer devant le Panthéon. Je m’étonne parfois qu’aucun étranger n’y figure, à l’exception notable de trois ou quatre ecclésiastiques italiens sympathiques, fidèles serviteurs de l’Empire et de Napoléon, récompensés en conséquence. J’évoquais à l’instant le destin tragique des vingt-trois de l’Affiche Rouge, ces vingt-trois justes aux noms difficiles à prononcer, dont se détache la figure de Manouchian, « amoureux de vivre à en mourir » et qui « criaient la France en s’abattant ». Qu’ils soient Arméniens, Italiens, Espagnols, Juifs d’Europe centrale, Hongrois ou Polonais, ils représentent d’abord l’humanité en lutte contre l’inadmissible. L’universel en marche. Leur dévouement est un message de liberté, d’égalité et de fraternité, un message aux générations futures, au peuple français comme à tous les autres. À ces grands hommes aussi la patrie doit être reconnaissante.

Car votre exposition le rappelle justement à ceux qui n’ont des immigrés qu’une vision sommaire et condescendante. Ces étrangers qui ont rejoint notre pays n’ont pas seulement labouré nos champs, construit des maisons, et fait tourner les usines, ils se sont aussi battus pour la France, beaucoup sont morts pour elle. Ce n’était pas seulement des travailleurs, c’était aussi des soldats dont le sacrifice est d’autant plus grand que rien ne les y obligeait sinon la passion de la liberté.

J’aimerais, au moment où l’on va réviser les conditions d’entrée et de séjour des étrangers sur notre territoire, que les descendants de deux qui se sont battus pour la France ne soient pas oubliés par elle. Je sais que c’est aussi la conviction du gouvernement. Ils sont les héritiers des combattants de la liberté.

J’ajouterai pour finir trois remarques que m’inspire l’événement qui nous rassemble :

Une leçon de diversité. Si la France est une, les Français sont divers. Tel est le visage de notre pays. Même si certains nous martèlent par propagande le contraire, rien n’est moins conforme au génie de notre nation et à la mémoire des hommes et des femmes qui en ont écrit les pages les plus fortes, que la xénophobie ; l’antisémitisme et le racisme. Ces perversions ne représentent pas la France. Aujourd’hui, plus que jamais l’intégration doit l’emporter sur l’exclusion.

Une leçon de réciprocité. Des étrangers sont morts sur notre sol. Des Français se sont aussi sacrifiés à l’étranger. Je pense en particulier à nos soldats engagés au péril de leur vie dans les opérations les plus récentes de l’ONU, comme dans l’ex-Yougoslavie, au Cambodge et parfois en Afrique. C’est la mission d’un grand pays, d’une nation généreuse que de ne pas se désintéresser de ce qui se passe au-delà de ses frontières, et de toujours concourir, dans le respect du droit, à la cause de la justice et de la paix.

Une leçon de volonté. Nous sommes désormais délivrés en Europe des barbaries les plus sombres. Mais l’avenir n’est jamais écrit. Vouloir la paix, c’est vouloir la coopération entre les nations, et pour la France c’est vouloir l’Europe. Rien n’est donné, tout reste un combat, désormais pacifique, un devoir. Ne l’oublions pas au moment de définir ce que devra être l’approfondissement de notre Union. Sa sécurité et sa force seront les clefs de la capacité d’intervenir dans le monde pour défendre nos valeurs.

Monsieur le Président, Monsieur le ministre, chers amis, le parcours de ces héros du temps de guerre doit être une leçon pour nos concitoyens en temps de paix.

Hommage aux étrangers dans la Résistance !

Vive la République, vive la France !


Date : 20 septembre 1997
Source : Assemblée nationale

Journées du patrimoine

Madame, Mademoiselle, Monsieur,

Chaque année, pour cette journée du patrimoine, vous êtes de plus en plus nombreux à choisir de visiter l’Assemblée nationale et j’en suis très heureux. Est-ce seulement par esprit de curiosité ? D’autres raisons expliquent aussi ce succès : chaque citoyen vient chercher ici une certaine part de la République, une certaine part de la démocratie. Cette maison est la vôtre.

Car, évoquer le « patrimoine » ne consiste pas à évoquer un passé figé. Certes, il y a ces marbres, ces tapisseries, ces velours et ces colonnes. Certes, il y a le Palais Bourbon et l’Hôtel de Lassay qui nous rappellent la succession magnifique des styles et des époques, de la veille de la Révolution jusqu’à nos jours. Certes, il y a l’hémicycle tant de fois représenté qu’on ne sait plus s’il est décor ou réalité. La République a besoin de ce mélange de grandeur et de sobriété.

Mais derrière tout cela, réside l’essentiel : les principes et les valeurs auxquels nous sommes attachés et qui soutiennent tout l’édifice depuis plus de 200 ans.

L’Assemblée est d’abord un lieu vivant : vivant, grâce au dévouement de ceux, parlementaires et fonctionnaires qui y travaillent ; vivant, grâce aux débats et aux discussions qui, ici, ponctuent la vie de la Nation ; vivant – surtout – grâce aux lois qui y sont votées dans le souci de l’intérêt général, pour garantir nos droits, protéger nos libertés, approfondir notre démocratie.

Un lieu vivant ne le reste que s’il est ouvert sur l’avenir. La législature qui s’ouvre va nous mener vers l’an 2000. L’assemblée doit s’adapter au siècle qui vient. Réformer nos institutions, rendre nos discussions plus claires, nos décisions plus lisibles et mieux appliquées, aller vers la parité entre hommes et femmes dans la vie publique constituent autant d’étapes. De même, moderniser notre travail parlementaire et mieux le faire connaître est essentiel. Notre hémicycle a besoin de fenêtres tournées vers le XXIe siècle : l’utilisation des nouvelles technologies et la mise en place d’une chaîne de télévision parlementaire et civique figurent parmi nos priorités. Le Parlement de l’an 2000 sera plus proche des citoyens. Ainsi notre cohésion nationale sera renforcée.

 

Date : 22 septembre 1997
Source : Assemblée nationale

Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici, en mon nom personnel et, bien sûr, au nom de l’ensemble des députés.

Heureux d’abord de recevoir des hôtes éminents, venus de tous les horizons de la francophonie, ce vaste continent linguistiques. Hommes politiques exerçant de hautes fonctions exécutives ou parlementaires, responsables d’organismes internationaux, universitaires, chercheurs, votre présence témoigne de la vigueur de notre langue commune dans un domaine, celui de la science, ici la démographie, dont trop souvent, on la dit absente.

Heureux aussi de voir que vous avez choisi l’Assemblée nationale pour vous assembler, discuter, réfléchir. Cette maison est celle des citoyens français, mais elle est également celle de la République et de la démocratie. Elle est naturellement ouverte sur le monde. Comme il y a deux cents ans, on y parle de droits, de libertés, de garanties. À ce titre, est aussi la vôtre. Mais c’est également devant votre savoir, votre expertise, vos connaissances qu’elle ouvre ses portes. J’en suis profondément convaincu, il est plus que jamais nécessaire que tous les problèmes contemporains y soient évoqués pur que sa réflexion sur la société française et son travail législatif puissent s’appuyer sur une analyse précise des réalités dans lesquelles s’inscrit aujourd’hui notre pays. Notre Parlement, s’il sait entendre les autres, comprendre la diversité des intelligences et des expériences peut contribuer à organiser cet échange d’idées qui fait que l’humanité est une et universelle. Il est bien de douter. Il est beau de recevoir. Confronter nos opinions nous fera tous progresser. De cette certitude, j’en déduis une seconde. Je suis sûr que vos débats seront enrichissants pour la présentation nationale de la République française.

Je voudrais donc remercier les organisateurs de ces journées, en particulier le professeur Dubernard, tous les sénateurs et députés qui ont œuvré avec lui à la préparation de ce colloque, l’Assemblée internationale des parlementaires de langue française, qui lui apporte son parrainage, tous nos amis ici présents qui ont accepté de participer à ces échanges et les nourrir de leur compétence et de leur dynamisme.

Le thème dont vous allez débattre pendant ces deux journées fait partie de ces sujets qu’on tend trop souvent à perdre de vue précisément parce qu’ils concernent des phénomènes majeurs mais non spectaculaires, ne se prêtant pas à la mise en image frappante qui trop souvent conditionne aujourd’hui l’attention des médias et donc des opinions. La trépidation de l’actualité s’intéresse trop souvent à l’écume des choses. Elle ignore le mouvement du monde. L’histoire avance, la géographie se transforme, la science progresse et nous cherchons dans des faits divers un sens à notre vie. Quelle ironie !

Pendant ce temps la maîtrise des évolutions démographiques demeure un facteur prépondérant du développement et de la lutte contre la pauvreté, et nous ne nous y intéressons pas assez.

La lecture attentive du dernier rapport mondial sur le développement humain publié par le PNUD est sur ce point particulièrement instructive. Certes on est fort heureusement amené à relever parmi les données actuelles des éléments positifs : au cours des trois dernières décennies, les pays en développement ont vu l’espérance de vie de leur population augmenter de 17 ans, la mortalité infantile diminuer de moitié, la malnutrition baisser d’un tiers ; les trois quarts des familles y ont accès à l’eau potable et peuvent envoyer leurs enfants à l’école primaire. Autant de résultats remarquables et qui doivent inciter à l’optimisme, et surtout à ce que j’appellerai l’optimisme de la volonté : des progrès sont effectivement possibles, et il faut donc persévérer dans les efforts de tous.

Pourtant, si le pourcentage de ceux qui, sur notre planète, vivent dans un insupportable état de précarité a diminué, la croissance démographique mondiale fait que leur nombre en termes absolus n’a pas cessé d’augmenter : on estime à 1,3 milliards le nombre d’humains vivant dans la pauvreté absolue, 800 millions de personnes souffrent de malnutrition et au moins autant d’adultes sont analphabètes. Et je ne parle pas de l’ostracisme technologique ou scientifique qui les écarte des progrès de l’humanité.

Nous assistons donc à une sorte de course entre l’amélioration du sort des hommes et l’augmentation de leur nombre. Recevant il y a quelques jours M. Diouf, directeur général de l’organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture, pour évoquer avec lui les questions de sécurité alimentaire, j’ai été frappé par l’incidence dans ce domaine des tendances démographiques.

Leur impact se fait sentir sur la disponibilité des ressources. Je songe en particulier aux ressources en eau, qui seront un des grands enjeux du siècle à venir et peut-être un facteur de guerre comme on le constate déjà au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique du Sud. Elles seront pleines de conséquences sur l’évolution de notre environnement, sur les niveaux de nuisance et de pollution qui tortureront notre planète. Et n’en oublions pas non plus les conséquences politiques : chacun sait que parmi les causes des tragédies qui ont endeuillé l’Afrique centrale, la région des grands lacs, le facteur démographique, le déséquilibre entre population et terres disponibles, a joué un rôle.

Ce serait bien sûr un contresens de faire porter aux seuls problèmes démographiques, à l’inadaptation des politiques de population dans telle ou telle partie du monde, tel ou tel pays, la responsabilité exclusive ou principale des difficultés rencontrées. Le rapport que j’ai cité montre au contraire que les origines fondamentales des retards de développement, de la pauvreté, se trouvent bien davantage dans les modèles économiques et sociaux aujourd’hui dominants, dans les rapports toujours déséquilibrés et inéquitables entre catégories de pays, dans l’insuffisant effort de solidarité à l’échelle mondiale.

Il n’en est pas moins vrai qu’aucun développement durable ne peut être obtenu sans adaptation des schémas démographiques.

L’expérience, l’Histoire montrent que démographie et développement sont indissociables. La maîtrise démographique est souvent la résultante de la croissance qui en fournit les moyens économiques et rend les structures sociales plus harmonieuses, plus apaisées. En sens inverse, la maîtrise démographique est indispensable au développement, ci ses avancées sont la manifestation d’une transformation des mentalités, d’une amélioration des modalités d’organisation collective, qui profite à la croissance. La manifestation même du cercle vertueux !

Mais il est des conditions qui en fournissent l’apparition et on ne saurait trop insister sur le rôle primordial des femmes dans l’adoption de nouveaux comportements. C’est dans la mesure où les femmes sont conscientes et libres, qu’elles ont la possibilité concrète de l‘être, par l’éducation, le statut juridique, les moyens sanitaires, qu’elles peuvent, elles d’abord, changer les choses. Le combat pour la maîtrise démographique, pour le développement, passe par la libération et la promotion de la femme. C’est un point central et je ne voudrais pas qu’on l’oublie. Parité et égalité sont des mots qu’on a du mal à prononcer sur les rives de la Seine, de l’Amazone, du Sénégal ou du Mékong.

Autre point essentiel, je manquerais cependant de franchise et ne serais pas dans mon rôle si je n’ajoutais pas immédiatement qu’au couple démographie/développement il faut ajouter un troisième partenaire : la démocratie car elle est génétiquement porteuse de solidarité, d’efficacité et de responsabilité.

Néanmoins il serait trop facile et bien égoïste de faire semblant de croire que promotion de la femme et progrès de la démocratie suffiront à eux seuls à résoudre tous les problèmes. Notre planète meurt des déséquilibres Nord/Sud et pour moi le mot déséquilibre à ici un synonyme parfait : le mot inégalité. Être fidèle à ce à quoi je crois, c’est aussi lutter contre cette inégalité-là !

Le sujet de vos assises est donc aussi complexe qu’il est important. C’est la règle. À grandes causes, grandes questions. Vos travaux en aborderont toutes les dimensions, en faisant une large place aux problèmes africains, ce dont je me réjouis. Je suis sûr que de la confrontation des analyses, des propositions des uns et des autres, surgira une approche plus fine des principes et des méthodes d’action.

Je sais que votre rencontre, au-delà de cette recherche commune, a aussi pour finalité de mieux faire prendre conscience aux responsables, premier lieu à ceux des pays francophones, des problèmes à affronter et des voies à suivre. Je tiens à vous assurer que les préoccupations qui vous réunissent pour ces deux journées sont partagées par les députés français.

En vous renouvelant tous mes vœux de bienvenue, je vous souhaite plein succès dans vos travaux. Je vous remercie.