Déclarations de M. Louis Le Pensec, ministre des DOM TOM, sur la coopération régionale dans les Caraïbes, à Fort de France le 3 et Pointe à Pitre le 4 septembre 1992.

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Circonstance : Déplacement de M. Louis Le Pensec, ministre des DOM TOM, aux Antilles les 3 et 4 septembre 1992

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Le développement de la coopération régionale entre les départements d'Amérique et les États voisins est l'un des aspects les plus novateurs de la politique pour l'outre-mer.

Non seulement cette coopération régionale est souhaitée dans les départements, mais encore elle apparaît nécessaire à une bonne insertion des collectivités dans leur environnement géographique.

La coopération régionale vient également valoriser l'appartenance des départements de la Caraïbe à l'Union européenne car elle donne un sens plus concret et constitue un prolongement naturel à l'effort consenti par la Communauté envers les pays ACP des Antilles.

La coopération régionale est une nécessité économique : la multiplication des liens commerciaux et des investissements conjoints conditionne, à moyen terme, l'essor et la croissance économique de ces départements et des pays voisins, ainsi que le souligne les accords de Lomé, associant l'Union européenne et les pays dits ACP.

Elle répond également au besoin identitaire des départements d'outre-mer. L'apport, important, de l'outre-mer à la richesse et à la diversité de la culture française, ne peut qu'être conforté par des échanges avec d'autres traditions, formées dans des conditions historiques et géographiques similaires.

Venant en point d'orgue dans une évolution amorcée dès le début des années 1980, la Conférence de Cayenne, les 4, 5 et 6 avril 1990, a permis l'affirmation solennelle de la politique française en ce domaine, lorsque le Premier ministre clôturait ses travaux en déclarant "je ne suis pas de ceux qui considèrent que la souveraineté de la République française pourrait être diminuée par les relations directes, bilatérales et multilatérales, que tissent les départements et territoires d'outre-mer avec leurs partenaires dans la zone".

Des instruments ont été mis en place (délégué et fond de coopération Caraïbe) depuis 1990 et des progrès importants ont été enregistrés :

– les DFA sont associés à la politique de coopération de la France dans leur zone géographique, grâce â la participation des régions aux commissions mixtes et aux réunions préalables qu'organisent les préfets ;

– le fonds de coopération caraïbes-Guyanes, en 1991 et 1992, a permis de mettre en œuvre plus de 45 opérations, d'un montant total supérieur à 60 millions, dans des domaines aussi importants que l'environnement, la santé, l'agriculture, la pêche et le développement des transports et télécommunications. Des projets tout aussi intéressants, souvent proposés par les départements et les régions dont ils prolongent la coopération décentralisée, sont déjà prêts à être examinés lors du comité de fin d'année ;

– la concertation, depuis longtemps souhaitée par l'OECS, s'amorcera dès l'automne. Le délégué interministériel aura alors une réunion avec l'OECS, qui officialisera la mise en place de trois groupes de travail sur les échanges commerciaux, le soutien aux petites entreprises régionales et les services administratifs. Ces travaux, auxquels les départements, les régions, les socioprofessionnels ont été associés, ont donné lieu à des propositions que je l'espère vous allez me commenter tout à l'heure ;

– je me réjouis de ce que les délégations françaises, lors de ces contacts, seront composées de représentants des collectivités territoriales associées avec des représentants de l'État ;

– je me réjouis aussi, et je vous félicite, de l'important travail de préparation, qui a été mené tant à la Martinique qu'à la Guadeloupe pendant le printemps et qui a conduit aux propositions dont j'ai apprécié le caractère concret. Les préfets et le délégué interministériel auront à encore rapidement les préciser et à en faire avec vous une synthèse, qui sera soumis à l'appréciation des collectivités territoriales puis suivra le document de référence pour les discussions avec l'OECS ;

– le ministère de l'économie et des finances a considérablement accéléré la discussion des conventions financières (protection des investissements pour le Trésor et conventions fiscales pour le service de la législation fiscale). Des résultats positifs sont quasiment acquis avec la Jamaïque, Trinidad, la Barbade et 4 des 6 pays de l'OECS ; encore que des délais toujours trop longs, séparent la constatation d'un accord et sa signature formelle, sans parier de la procédure de ratification qui peut prendre plusieurs années. Voilà qui devrait fournir un cadre favorable au développement de la coopération régionale.

Sur d'autres plans, les services de l'État, la douane notamment pour la lutte contre le trafic de drogues mais aussi les transports (ports et aéroports), ainsi que les grands organismes de recherche, ont développé de multiples actions qui font beaucoup pour l'insertion régionale des DFA. L'université des Antilles voit un vaste champ de coopération s'ouvrir à elle avec une collaboration avec celle anglophone des Caraïbes d'expression anglaise. La lutte contre les conséquences des catastrophes naturelles et leur prévention est un domaine qui intéresse la Caricom toute entière.

Je souhaite que les responsables des collectivités territoriales soient mieux informés et associés à ces actions.

La plupart des pays et territoires de la zone sont désormais conscients de l'importance et du poids économique des DFA et sont désireux de nouer des relations plus étroites avec eux.

Il ne tient qu'à nous d'être plus dynamiques pour exploiter les ouvertures très nettes qui ont été faites par des pays comme la Barbade, Trinidad ou le territoire de Porto Rico, voire le Caricom. Concernant cet organisme régional peut être devrions-nous réfléchir sur l'intérêt qu'il y aurait à y acquérir un statut d'observation analogue à celui du Mexique, du Venezuela ou de Porto Rico.

Toutefois ces progrès remarquables ne nous dispensent pas de réfléchir aux améliorations envisageables. Deux voies doivent être examinées :

– il conviendrait tout d'abord de mieux intégrer nos projets de coopération dans les programmes de nos partenaires potentiels.

La coopération régionale n'est pas quelque chose que nous pouvons organiser seuls. Dans la réalité, il existe déjà des liens et des réseaux de coopération très forts entre les territoires de la zone. Il faut nous insérer dans ces réseaux, alors que nous les connaissons très mal et que leurs modalités de fonctionnement nécessitent souvent une modification profonde de nos habitudes.

Les pays·du Caricom viennent d'élaborer avec la Communauté européenne un programme indicatif de coopération régionale. Il faut que nos projets de coopération s'articulent avec ce programme. Je sais d'ailleurs, qu'au début du mois de mai, vous avez eu une réunion avec le préfet de la Martinique. Il est pour examiner les possibilités ainsi offertes. Il est regrettable que les financements européens spécifiques à la coopération régionale soient encore si peu utilisés alors que vous le savez bien, nos budgets sont cette année si serrés.

Il faut également que la coopération régionale s'intègre mieux dans la pratique courante. Elle est encore trop souvent considérée comme un domaine à part, non intégré à la stratégie d'ensemble de développement économique ou d'équilibre social, alors qu'elle pourrait constituer une toile de fond, soutenant l'essentiel de nos actions.

Pour cela, les actions de coopération régionale doivent s'inscrire dans un schéma cohérent et non être décidées au coup par coup, et le coût de ces actions doit être pris en compte dans la programmation financière.

Et en ce qui concerne ces financements, il doit y avoir synergie entre les différentes sources mobilisables du côté français (ressources des collectivités territoriales, FIC, contrat de plan et cadres communautaires d'appui) et entre ces sources et celles à la disposition des pays ACP (FED notamment). Il convient ainsi de mieux valoriser l'appartenance de nos départements à la Communauté d'une part et l'association des ACP à cette même communauté d'autre part.

Je ne saurai naturellement terminer cet exposé introductif sans faire référence aux prochaines grandes manifestations qui marqueront cette coopération, la réunion de Curaçao organisée par le West Indian Comitte en novembre, à laquelle une forte présence des DFA serait souhaitable et la prochaine conférence de Miami, début décembre. J'ai écrit aux présidents de chacun des conseils régionaux pour souligner tout l'intérêt de cette manifestation, et notamment combien l'expression des préoccupations des DFA, et donc la voix de la France, avaient gagné à la concertation préalable qui s'était nouée entre les trois régions. Peut-être pourrait-il en être de même cette année.

Je serai maintenant heureux de vous écouter sur ces thèmes si importants, puisque comme par votre appartenance à l'Europe, la coopération régionale marque la fin du système de de "l'exclusive" et votre accession a toujours plus de la responsabilité dans le cadre de la décentralisation progressivement mise en place en France depuis 1981.

Il y a deux ans à Cayenne, le Premier ministre Michel Rocard présidant la conférence plénière instituant la coopération régionale dans la Caraïbe, annonçait la fin de ce système de l'exclusive, L'Union européenne et le Traité de Maastricht viennent précipiter cette évolution. Union européenne et coopération régionale se conjuguent en effet pour offrir aux départements d'outre-mer, à la Martinique comme à la Guadeloupe et à la Guyane la possibilité de tisser de nouveaux liens, les uns de voisinage, les autres de cousinage et ce, en dehors de la Métropole : bref l'annonce d'un degré de liberté nouveau.

Les régions, les départements l'ont bien vite reconnu en poussant la coopération décentralisée, en proposant à l'État de participer à travers le fonds de coopération Caraïbe à des actions régionales qu'ils souhaitaient promouvoir, en demandant d'être présents aux commissions mixtes d'aide et de coopération avec les pays voisins, mais aussi en se préparant à négocier avec les entités régionales locales, OECS aujourd'hui, Caricom demain.