Interviews de M. Alain Deleu, président de la CFTC, dans "La Croix" du 1er et du 7 (extraits de l'émission "Face aux chrétiens" de Radio-Notre-Dame le 30 octobre), "L'Itinérant" du 4, "Le Républicain lorrain" du 19 novembre, et "Le Figaro" du 2 décembre 1997, sur la réduction du temps de travail et les élections prud'homales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections prud¿homales du 10 décembre 1997

Média : Emission Face aux chrétiens - Emission Forum RMC Le Figaro - L'Itinérant - La Croix - Le Figaro - Le Républicain lorrain - Radio Notre Dame

Texte intégral

La Croix - 1er novembre 1997

Président de la CFTC, Alain Deleu était, jeudi 30 octobre, l’invité de l’émission « Face aux chrétiens » animée par Jacques Paugam. Il a répondu aux questions de Philippine de Saint-Pierre (Radio-Notre-Dame), Jean-François Bodin (RCF) et Michel Feltin. Voici l’essentiel de ses propos.

Routiers

Alain Deleu : Dans cette concurrence extrêmement sévère qui se livre entre les entreprises de tailles différentes, il est étonnant de constater que ce sont les plus petites qui ont été les plus ouvertes pendant les négociations. Ce sont les entreprises de grande taille qui ont bloqué les négociations. C’est tout de même étrange. Mais il est vrai – on l’a vu la dernière fois – que ces conflits font tomber certaines entreprises de transport.

Honnêtement, je me demande si la manière dont la fédération des grandes entreprises consent à l’échec n’est pas en train de jouer une crise qui profiterait davantage à ceux qui auront résisté qu’à ceux qui tomberont. Est-ce qu’au fond il n’y a pas un pari qui est de se dire : « Venons-en à cette crise, les plus faibles tomberont ? ».

Allocations familiales

Alain Deleu : À l’heure qu’il est, entre une famille de cadres moyens avec trois enfants et une famille de cadres moyens sans enfants, l’écart de niveau de vie est de 40 % en défaveur de la famille avec enfants. Donc, la question qui se pose n’est pas de savoir comment on va encore accroître cet écart en pénalisant un peu plus ces familles, mais de savoir comment on va faire pour rattraper ce retard. Donc, je dis non à la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, mais aussi à leur fiscalisation ou à la refonte du quotient familial.

Statut parental

Alain Deleu : Entre la responsabilité d’élever les enfants et celle de les nourrir en effectuant un travail, il y a souvent compétition d’intérêt. Nous souhaitons offrir aux familles un vrai libre choix entre ces deux possibilités.

Il y a des marges de manœuvre, et je vais vous donner un exemple. Il se trouve que la mesure la plus performante en termes d’emplois – c’est-à-dire celle qui a permis d’en créer le plus au moindre coût – est une mesure familiale : l’allocation parentale d’éducation dès le deuxième enfant. 400 000 familles en bénéficient. En réalité, c’est 400 000 emplois qui ont été libérés parce que le libre choix a fonctionné.

35 heures

Alain Deleu : Le patronat détourne l’affaire en disant : « Ok, réduisons le temps de travail et embauchons, mais ce n’est pas nous qui payons, c’est vous, les salariés. Vous, salariés, arrangez-vous avec les chômeurs pour partager le travail mais, nous, entreprises, nous ne sommes pas concernées. » Ce n’est pas aux smicards de payer l’embauche des chômeurs.

Prud’homales

Alain Deleu : Il faut voter aux prud’homales pour affirmer sa dignité de travailleur ayant rang égal avec son employeur dans l’entreprise et non pas rang de vassal. Je pense que le contexte actuel devrait entraîner un meilleur taux de participation. Il faudrait qu’il atteigne au moins les 50 % (NDLR : contre 41 % en 1992). Quant à la CFTC, nous avions réalisé 8,6 % la dernière fois. En 1997, nous visons 10 %.

Syndicalisme chrétien

Alain Deleu : Nous ne sommes pas un mouvement d’Église, mais des hommes et des femmes qui, ayant observé la valeur des principes chrétiens dans le monde du travail, les donnent à tous ceux qui le veulent, chrétiens ou non chrétiens.

 

L’Itinérant - 4 novembre 1997

L’Itinérant : Êtes-vous satisfait de la Conférence nationale sur l’emploi du 10 octobre dernier ?

Alain Deleu : Nous sommes satisfaits en ce sens que cela fait maintenant plus de dix ans que nous défendons, le dos au mur, des avantages sociaux construits par le passé. Avec cette conférence, nous entamons enfin des négociations pour améliorer les conditions de travail et de vie des gens. Le changement est considérable pour les salariés et pour les chômeurs…

L’Itinérant : Que peut-on espérer ?

Alain Deleu : Que doit-on vouloir espérer ! La décision du gouvernement de calculer la durée légale du travail hebdomadaire sur 35 heures en l’an 2000 ou 2002 est bonne si elle est mise au service de l’emploi. Nous ne voulons pas les 35 heures pour les 35 heures, mais les 35 heures pour l’emploi ! Pour nous, cela signifie que le temps gagné, quatre heures ou plus, car il y a beaucoup de gens qui font plus de 39 heures, permette à d’autres de travailler. Ce ne doit pas être du temps gagné par les entreprises sur les salariés.

L’Itinérant : Ça peut être le cas ?

Alain Deleu : On peut très bien imaginer que, pour passer de 39 à 35 heures, une entreprise réduise les pauses, accélère les cadences, change un peu les horaires et maintienne ses effectifs. Ce n’est pas le patron seul qui va mettre les 35 heures au service de l’emploi. Le patron, dans sa logique d’employeur, de résultat et de facilité de gestion, n’est pas forcément porté à embaucher. Pour nous, c’est la négociation par branches et par entreprises qui permettra de transformer l’opération des 35 heures en moteur d’emplois. Or, c’est bien là toute la difficulté. Quand vous regardez les conditions dans lesquelles s’est terminée cette réunion, quand le patron du CNPF sort en claquant la porte… Pour nous, sans négociation, on ne réussira pas à créer des emplois.

L’Itinérant : Et vous pensez que les 35 heure vont régler le problème ?

Alain Deleu : Dans les entreprises qui font des heures supplémentaires permanentes, c’est tout à fait possible. L’excès de travail des salariés, c’est forcément de l’emploi disponible. Le fait qu’on travaille trop est une des causes du fait que d’autres ne travaillent pas, c’est clair.

L’Itinérant : Ce n’est pas la seule cause du chômage…

Alain Deleu : Dans le passé, il y a vingt ou trente ans, la machine économique transformait tôt ou tard les profits en emplois, par l’accroissement du marché, de la consommation, et donc de l’embauche. Une espèce de cercle vertueux fonctionnait, parce que l’action syndicale convertissait en salaires les résultats de l’entreprise. Le combat portait ses fruits car, entre la poussée des syndicats et la mécanique économique, il existait une cohérence, productrice d’emplois. Depuis la crise pétrolière, la mécanique a changé et on ne produit plus autant d’emplois.

L’Itinérant : Pourquoi ?

Alain Deleu : Il y a deux raisons principales. Une raison technique qui est l’accélération des gains de productivité, par l’irruption du micro-processeur. Aujourd’hui, même si un nouveau produit crée de nouveaux emplois, la carte bancaire par exemple, il en produit moins qu’il n’en a créé dans un premier temps. Il y a une succession rapide de gains technologiques qui effacent les effets bénéfiques des gains précédents. Ce progrès technologique a bousculé, changé le cercle vertueux de la croissance et de l’emploi. Et il a surtout mondialisé l’économie…

L’Itinérant : Et la seconde raison ?

Alain Deleu : Une raison financière. On a longtemps vécu sur un système d’inflation qui, par nature, pénalise l’épargne et favorise le travail. En fait, la victoire contre l’inflation, victoire du capital, a surtout été un échec pour l’emploi. Là-dessus s’est ajouté le changement des outils financiers. Il y a dix ou quinze ans, les marchés financiers étaient assez cloisonnés et les produits financiers encore étroitement liés à la réalité économique des entreprises. Maintenant, quand un franc de marchandises, de biens ou de services est échangé, ce sont cinquante francs de produits financiers qui sont récupérés. Les jeux financiers ont quitté la réalité. Au quotidien, cela veut dire qu’une usine peut tranquillement profiter des aides publiques pour s’implanter, puis fermer quand elle n’en reçoit plus. J’étais à Amiens, à l’usine Curver. Les salariés me disaient que c’était une véritable machine à pomper les aides ! Ces jeux financiers entièrement libérés fonctionnent comme un vrai Monopoly, à la différence que dans le jeu, il n’y a pas de victime, c’est un jeu ! On assiste, avec le gain technologique, à la globalisation de l’économie, jeu financier mondial sans aucune prise en compte de la réalité. Conséquence, une crise économique comme celle que l’on a aujourd’hui en Asie du Sud-Est, une crise sociale comme en Corée du Sud.

L’Itinérant : Mais que proposer alors ?

Alain Deleu : Injecter dans le processus l’élément très important qu’est la richesse des hommes. On en revient à nos 35 heures, puisqu’on dit aux salariés que c’est avec eux qu’on va gagner la bataille de l’emploi. Nous parions enfin que c’est sur les hommes qu’on va réussir.

L’Itinérant : Justement ! Cette conférence n’avait l’air de ne concerner qu’une partie de cette richesse, les salariés, mais pas les chômeurs et autres exclus…

Alain Deleu : Je n’aime pas beaucoup ce terme d’exclus, parce que l’exclusion suppose un acte volontaire. Or, qui est responsable du fait qu’un jeune ne parvient pas à trouver un emploi ? Si un patron ne peut pas l’embaucher, faute de place ou de moyens, il ne peut pas… Le problème de l’exclusion est bien plus global. L’exclusion est un péché de système, pas un péché d’homme.

L’Itinérant : Les chômeurs n’étaient pas invités à la réunion…

Alain Deleu : Nous, à la CFTC, nous ne nous considérons pas comme un syndicat de seuls salariés. Sont aussi adhérents des retraités, des préretraités, des chômeurs, des jeunes à la recherche d’emploi, et nous les représentons tous. Notre devoir à l’égard du chômeur est réel, nous sommes là pour le soutenir. À la CFTC, nous essayons de lui maintenir son rôle syndical dans l’organisation. Nous demandons à chaque union départementale d’être partenaire d’une association de chômeurs, qui va jusqu’à l’hébergement de l’association, en toute indépendance, dans nos locaux. Et nos délibérations sur l’emploi ne sont pas valides si elles n’ont pas été soumises à des commissions de chômeurs.

L’Itinérant : Agissez-vous pour leurs intérêts ?

Alain Deleu : Oui, parce que nous disons que partager le travail, c’est bien, mais que le multiplier, c’est mieux. Actuellement, qui partage le travail ? Le patron. Le patron qui licencie ou non, embauche ou non, pratique le temps partiel ou le temps plein. Conséquence, sept millions de personnes sont touchées, directement ou non, par le chômage. Partager le travail pour faire un peu de place, c’est un progrès considérable, certes. Mais pour nous, le temps de travail peut mieux faire. Il doit permettre d’augmenter la richesse de l’entreprise.

L’Itinérant : Cet avis, est-il partagé par les autres syndicats ?

Alain Deleu : Il me semble que la CFDT et la CFTC sont les plus convaincus qu’il y a à faire sur ce terrain-là. Cela dit, si on a obtenu cette réunion gouvernementale, c’est que les cinq confédérations ont tenu une ligne cohérente entre elles. Cela change des vieux souvenirs d’échec, causes de mauvaise entente.

L’Itinérant : Pourquoi cette union ?

Alain Deleu : Parce que tout le monde sent bien qu’on n’a plus le droit d’ignorer le chômage, c’est intenable. C’est pour cela que je pense que cette opération va réussir, malgré la sortie du patronat et son terme de « tueur » !

L’Itinérant : « Tueur », c’est un peu exagéré comme terme, non ?

Alain Deleu : Ce serait plutôt des hommes sans foi ni loi, et on en connaît dans le patronat ! Cette sortie du CNPF est un gâchis, une attitude qui va contre la négociation. Il faut que les patrons changent de mentalité et de comportement, car on ne réussira pas la lutte pour l’emploi sans eux. Vous savez, il y a des patrons qui, malgré leur logique d’investisseur, sont intéressés par un plus d’emplois. La bataille sera rude, mais ça marchera parce que l’opinion sera avec nous.

L’Itinérant : Est-ce que les patrons ne sont pas plus forts que l’opinion ?

Alain Deleu : Rien n’arrête l’opinion, rien n’arrête la conviction des gens. C’est pour cela que je rêve d’une marche blanche pour l’emploi. Et les patrons suivront. On dit que 20 % d’entre eux seraient prêts à négocier. Cela veut dire qu’entre un et deux millions de salariés pourraient être concernés demain par une négociation, soit entre cent mille et deux cent mille emplois supplémentaires créés.

L’Itinérant : Vous êtes optimistes !

Alain Deleu : Je vous livre une anecdote. Jaruzelski [ancien président polonais, NDLR] avait proposé un accord boiteux à Walesa [leader syndical, NDLR]. Walesa, à qui on disait qu’il s’était fait avoir, nous a alors répondu : « c’est un Polonais comme moi, j’en appelle à sa conscience de Polonais ». Et il a gagné !

L’Itinérant : Vous en appelez donc à la conscience des patrons…

Alain Deleu : Absolument. Elle existe, elle est parfois enfouie sous les relevés des comptables, mais elle existe !

L’Itinérant : Parlons du plan d’austérité du gouvernement. S’attaque-t-on vraiment aux plus riches pour aider les plus pauvres ?

Alain Deleu : Si on voulait s’attaquer aux plus riches, on aurait pris d’autres mesures. Au lieu de toucher au plafond des allocations familiales, on aurait très bien pu changer le plafond du quotient familial pour le calcul de l’impôt. Celui qui a deux enfants et de très hauts revenus perd environ sept cents francs, une bagatelle pour lui. Mais il aurait perdu beaucoup plus sur le quotient familial. En fait, les plus touchés par cette mesure sont les cadres. Or, qu’ont-ils fait au pays pour qu’on leur tape dessus en particulier ? Prenez deux familles qui ont le même revenu, l’une avec trois enfants, l’autre sans enfant. À l’une, on va retirer les allocations parce qu’elle gagne trop, l’autre qui n’a pas d’enfant aura du même coup un niveau de vie au moins 40 % supérieur. La justice serait de demander aux deux de faire un effort…

L’Itinérant : Qu’auriez-vous souhaité ?

Alain Deleu : En moyenne, une famille française a un enfant de moins qu’elle désirerait. Parmi les raisons, il y a la baisse de leur niveau de vie. Le gouvernement traite la famille comme un risque budgétaire au lieu d’un investissement pour le pays. Sa logique est frileuse. Si les prestations familiales évoluaient comme le niveau de vie des Français, les gens reprendraient confiance. Les familles modestes resteront toujours notre priorité. N’avons-nous pas demandé et obtenu du gouvernement Jospin le doublement et le triplement de l’ARS ? Cela dit, il faut aussi aider les familles moyennes à avoir autant d’enfants qu’elles le désirent. Nous souhaitons qu’on travaille sur une plus grande équité. Les dispositions prises à l’encontre de l’AGED choquent, car des gens qui gagnent certes bien leur vie vont être pénalisés. Leurs ressources vont diminuer de trois ou quatre mille francs par mois.

L’Itinérant : On pénalise les plus riches. C’est cohérent…

Alain Deleu : L’AGED, c’est environ trente-cinq mille emplois. La mesure de l’ARP sur les préretraites, c’était huit mille emplois. On annonce un peu plus de huit mille emplois, tout en risquant d’en fusiller dix ou quinze mille. Où est la cohérence ?

L’Itinérant : Un mot sur la grève des routiers ?

Alain Deleu : Le transport routier est le point de cristallisation de l’économie française. Les routiers sont au cœur du système, qui les broie. Je suis très inquiet. On va tout faire pour qu’il n’y ait pas grève, car une grève, c’est un échec. Mais je n’en suis pas sûr du tout… Les routiers doivent bénéficier de conditions de vie acceptables. Notre syndicat privilégie la négociation par rapport à l’affrontement. Mais nous restons fidèles à nos principes, nos valeurs, qui sont le respect de la personne, le droit au travail, le droit de propriété, le respect de la vérité. Et nous remettons les puissances et les pouvoirs à leur juste place. Au fond, dans le fonctionnement d’une société, on permet simplement à la fraternité, à l’amour, de s’exprimer.

 

Le Républicain lorrain - mercredi 19 novembre 1997

Le Républicain lorrain : Quels signes forts attendez-vous du Sommet européen sur l’emploi à Luxembourg ?

 

Alain Deleu : Nous attendons tous de ce Sommet des objectifs tangibles. Il y a 18 millions de chômeurs en Europe. Ce n’est pas tolérable. La réponse doit être politique. Autant la construction économique de l’Europe a été un succès, autant à présent elle ne peut plus suffire même pour cet objectif de la paix sociale. Les problèmes risquent, sur le long terme, de retourner l’opinion publique contre l’Union européenne. Pour que l’Europe existe, il faut qu’elle ait une dimension sociale au moins équivalente à sa dimension économique.

Le Républicain lorrain : Concrètement, avec quels moyens ?

Alain Deleu : Par des mesures de soutien à la croissance qui est la mère des emplois. Ceci passe par des politiques d’investissements et des politiques monétaires, fiscales et sociales cohérentes entre les différents pays de l’Union dans le respect des fondamentaux de l’économie de marché.

Le Républicain lorrain : Quels arguments opposez-vous au patronat qui, dans le débat sur les 35 heures, juge insupportable les charges sociales et évoque des délocalisations ?

Alain Deleu : Son discours est depuis dix ans le même alors que les baisses de charges sur les bas salaires octroyées par les gouvernements successifs n’ont pas créé les emplois correspondants. Sans nier l’effet de la masse salariale sur le bilan de l’entreprise ce discours est choquant. J’aimerai que le patronat parle des salariés non en termes de charges, mais d’acteurs d’une entreprise qui a des ambitions. La délocalisation est largement un argument alibi car, à moins de ramener le SMIC à 1 000 F, l’on ne peut pas s’aligner sur les rémunérations des pays émergents. C’est très grave de tromper l’opinion car l’enjeu est dans le dynamisme de l’entreprise, la compétence des salariés. Or notre balance commerciale vers ces pays est excédentaire.

Le Républicain lorrain : Mais la CFTC prône la semaine de quatre jours.

Alain Deleu : Si l’on part du principe que l’ennemi n° 1 est le chômage, il faut reconnaître que la semaine de quatre jours a l’avantage d’obliger les entreprises à se réorganiser et à créer massivement des emplois. Les négociations devront être alors menées pour faire du sur-mesure.

Le Républicain lorrain : Le Premier ministre a réglé le conflit des routiers en 6 jours, mais le carton rouge que vous lui avez adressé pour sa politique familiale n’a guère eu d’effets ? Que pensez-vous de la méthode Jospin ?

Alain Deleu : Le Premier ministre a une politique et il la tient. C’est bien naturel. Le Gouvernement a traité le conflit des routiers de façon satisfaisante. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’amertume et de questions sur son déroulement. Le contexte préélectoral des prud’homales a pu peser sur les stratégies et tactiques. J’ai constaté qu’il n’y avait pas que des routiers sur les barrages ce qui signifie que le conflit et les négociations revêtaient un enjeu stratégique. Je me pose des questions. En revanche, je déplore que l’on n’ait pas tenu compte du rejet unanime des mesures contre la politique familiale.

Le Républicain lorrain : Que vous inspire la tentative de récupération des prud’homales par le FN sous couvert d’associations qui lui sont proches ?

Alain Deleu : Je suis préoccupé par la manière dont s’est engagée la campagne en raison des formes de polémiques qui ne sont pas à l’avantage du syndicalisme. Un débat public est préférable afin que les salariés et chômeurs puissent voter en s’appuyant sur une vraie confrontation sur le fond des options confédérales. La confusion entre syndicalisme et politique est un mal bien français qui explique le faible taux de syndicalisation. Mais cela dépasse les bornes quand un parti politique vient s’ingérer sur le terrain social. La confédération qui a su être indépendante s’opposera à ces listes très contestables.

Le Républicain lorrain : Quelle est votre ambition pour ces élections ?

Alain Deleu : Nous avions réalisé 8,6 % des suffrages en 1992 (au niveau national). Notre objectif est d’atteindre les 10 %, ce qui correspond à l’analyse du développement de la CFTC sur le terrain.

 

Le Figaro - 2 décembre 1997

Le Figaro économie : Quel est pour vous le sens de cette élection ?

Alain Deleu : Loin des polémiques parisiennes, les salariés, les chômeurs et les employeurs vont choisir leurs juges : des juges, mais avant cela, des conseillers qui recherchent tous les modes de conciliation possibles et exercent à fond leur rôle de conciliateurs et de conseillers.

Le conseiller prud’homme CFTC s’engage personnellement dans la charte prud’homale CFTC à « être un magistrat au seul service de la justice, soucieux de rendre justice avec droiture et indépendance ». Le conseiller prud’homme CFTC juge sur les éléments présentés par les deux parties, sans parti pris d’un côté ou de l’autre. En revanche, il reçoit une solide formation juridique et sociale.

La CFTC apporte aussi au salarié l’appui du « défenseur prud’homal », qui assiste le salarié tout au long de la procédure. Nos conseillers prud’hommes sont à l’image de la CFTC. Membres d’une confédération d’inspiration sociale chrétienne, nous revendiquons un syndicalisme libre et ouvert à tous, sans attaches confessionnelles ou politiques. La CFTC dit la vérité. Ferme dans ses revendications, réaliste et sans surenchères, elle est le syndicat de la négociation d’abord, de la conciliation et de la médiation autant que possible, la grève ne venant qu’en dernier recours. La CFTC est aussi le syndicat de la famille et de la liberté scolaire.

Le Figaro économie : Comment cet engagement peut-il avoir une traduction pratique ?

Alain Deleu : En matière de justice prud’homale, qui a fait mieux que la CFTC ? Quelques exemples : avant un licenciement individuel, grâce au « conseiller du salarié », tous les salariés ont droit à une assistance. Ceci, on le doit à l’action de la CFTC. Et cela est vrai aussi de la généralisation de l’entretien préalable ou encore du bénéfice du doute accordé au salarié dans le procès, en l’absence de preuve déterminante.

La CFTC joue aussi un rôle important pour le reclassement des licenciés économiques. Et nous proposons aujourd’hui un droit d’alerte devant l’administration du travail ou les juges de référé, au cours de la procédure de licenciement.

Avec la CFTC, la protection des salariés progresse, concrètement.

 

La Croix - 7 novembre 1997

La Croix : Comment devient-on syndicaliste ?

Alain Deleu : Je suis né à Roubaix où la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) a toujours été forte. Mon père y militait depuis de nombreuses années, et je crois aussi que mon grand-père paternel en avait été très proche.

La Croix : Militant par tradition familiale ?

Alain Deleu : Oui, en quelque sorte. Mais il faut ajouter que l’époque aidait aussi à l’engagement. Je suis entré dans le syndicalisme en 1967 ! Être syndiqué pour un jeune, c’était valorisant.

La Croix : Vous semblez regretter ce temps-là…

Alain Deleu : Il ne faut pas regarder en arrière ! Mais c’est parfois dur, je l’avoue, de constater qu’aujourd’hui la lutte syndicale est souvent perçue, à tort, comme un archaïsme. Le syndicalisme, c’est d’abord beaucoup de générosité et un véritable projet de justice sociale.

La Croix : Ce souci de justice s’enracine dans l’enfance. Quelle éducation avez-vous reçue ? Quel fut votre univers familial ?

Alain Deleu : Mon père était employé de presse et ma mère était marchande de journaux. Nous n’étions pas riches et nous vivions dans un quartier populaire de Roubaix, près de la Bourse du travail. L’expérience de la question sociale fut pour moi quotidienne. J’éprouvais, au travers de mes propres conditions de vie, le sentiment de l’injustice sociale. Les parents de mes copains travaillaient dans les usines textiles où la vie était loin d’être idyllique. C’est dans cet univers que le virus syndical m’a été « inoculé ». J’ai grandi avec l’idée qu’il fallait absolument faire quelque chose pour que cela change.

La Croix : Révolté ?

Alain Deleu : Comme on peut l’être à 18 ou 20 ans. Je n’ai jamais eu le désir de faire la révolution. Juste celui de permettre à des femmes et des hommes de vivre.

La Croix : Ce combat s’est-il nourri du christianisme familial ?

Alain Deleu : Mes parents étaient très croyants. Ils étaient proches de la paroisse franciscaine de Roubaix, qui, historiquement, avait beaucoup porté la CFTC. Pour eux, la foi était inséparable de l’attention aux autres, notamment aux plus pauvres. Mon choix de la CFTC, à une époque où le syndicat à la mode était plutôt la CFDT, doit beaucoup à l’image de chrétien qu’ils m’ont donnée. Élève de l’enseignement catholique, j’ai aussi beaucoup reçu de mes éducateurs. Certains prêtres, notamment, m’ont transmis le « goût » de la foi, une foi incarnée, moderne, soucieuse de s’engager au cœur de la vie des hommes.

La Croix : Avez-vous toujours été chrétien ?

Alain Deleu : Est-on jamais chrétien ? Comment répondre à une telle question ? On n’est pas chrétien, on est plutôt sur la route, on essaye de le devenir… Mais je n’ai pas connu de « crise de foi », je ne me suis jamais vraiment battu avec la question de l’existence ou de l’inexistence de dieu. J’oserais presque dire que la foi est, pour moi, presque « naturelle ». Pendant l’enfance, ma mère tenant le magasin jusqu’à 13 heures le dimanche, nous allions à la messe le soir, dans une grande église froide, triste et aux trois quarts vide : je n’en ai pas gardé un souvenir impérissable. C’est en faisant mes études à l’Institut catholique de Lille, pour devenir professeur de sciences naturelles, que j’ai pu expérimenter une vie chrétienne plus chaleureuse et communautaire. La Catho était un lieu de débat, un lieu d’échange où les chrétiens pouvaient se confronter aux grandes questions du moment. Nous rencontrions des profs et des aumôniers de grande valeur… C’était très riche.

La Croix : Est-ce là que vous avez rencontré votre femme ?

Alain Deleu : Oui. Elle suivait des études de maths, également pour devenir enseignante. Très vite, nous avons été d’accord sur un projet de vie commune où les autres auraient leur place. Nous nous sommes mutuellement aidés à ne pas nous refermer sur notre carrière et sur les préoccupations familiales. Nous avons la chance de partager la même foi chrétienne : c’est une richesse incomparable dans un couple.

La Croix : À l’époque de vos premiers engagements syndicaux, l’Église s’intéressait-elle beaucoup à la question du travail ?

Alain Deleu : C’était encore la période conciliaire. De grands textes venaient d’être publiés et les chrétiens s’intéressaient beaucoup à la pensée sociale de l’Église. Nous baignions dans un christianisme très impliqué dans les combats pour la justice, très soucieux de l’amélioration de la vie des hommes et des femmes. Un christianisme qui acceptait de dialoguer avec la modernité, dont le message restait certes spirituel, mais invitait aussi à des transformations concrètes immédiates. Nous avions conscience qu’être chrétien, c’était accepter de se retrousser les manches pour bâtir un monde meilleur. Recevoir le message du Christ et essayer d’en vivre, c’était nécessairement agir. Le Royaume se construit sur terre…

La Croix : Vous auriez pu rester enseignant tout en militant à la CFTC. Vous avez accepté de vous faire happer progressivement par des responsabilités nationales…

Alain Deleu : Les choses se sont faites progressivement. J’ai vécu dans l’enseignement le choc de Mai 68. C’est la question des « piquets de grève » qui m’a poussé plus avant dans l’aventure syndicale.

Je n’ai jamais accepté que des syndicalistes empêchent des enseignants, au nom même du combat syndical, de faire leur métier. Je comprends qu’il soit parfois nécessaire de secouer un peu les gens pour qu’ils prennent conscience des difficultés de leurs collègues. Mais je ne comprends pas qu’on le fasse de manière coercitive. L’avenir ne peut pas se construire à coups de diktats fixés par les appareils nationaux. En 68, je me suis opposé à la CFDT sur ce point. C’est à ce moment-là que j’ai réellement mis le pied à l’étrier. Ensuite, avec ma femme, nous avons été enseigner pendant deux ans aux Antilles, le temps pour moi de faire mon service national au titre de la coopération. Le syndicat CFTC n’existait pas dans notre école : ma femme l’a créé et nous avons été amenés à défendre une collègue dans un combat très serré. De retour en métropole, on nous a demandé de continuer à nous engager et, de fil en aiguille, je me suis retrouvé en charge de fonctions nationales. En fait, je n’ai jamais fait de projet de carrière dans le syndicalisme, mon véritable objectif, ma passion, c’était l’enseignement. Peu à peu, j’ai accepté de laisser l’enseignement pour le syndicalisme ; j’ai accepté de répondre à une série d’appels…

La Croix : Concrètement, comment est-on chrétien dans le combat syndical ?

Alain Deleu : Permettez-moi de reformuler votre question. Le problème, ce n’est pas de chercher à savoir comment être chrétien dans le syndicalisme. La vraie question, c’est de chercher les moyens d’être chrétien dans sa vie, dans son métier, quel qu’il soit. Le syndicaliste croyant se pose sans doute les mêmes questions que les autres. La vraie difficulté, c’est d’être chrétien dans la vie. C’est un porte-à-faux permanent, une contradiction quotidienne. La foi chrétienne nous remet sans arrêt en face de nous-mêmes, et face à nos responsabilités vis-à-vis des autres. Le Christ nous interpelle, nous bouscule, mais cela est vrai pour tous, pas seulement pour les syndicalistes !

La Croix : Le terrain syndical est particulièrement dur aujourd’hui. Il faut se battre, négocier. La foi, l’éthique chrétienne sont-elles une aide ou une entrave ?

Alain Deleu : Y a-t-il aujourd’hui des secteurs dans notre société où la vie ne soit pas dure et où le combat ne soit pas âpre ? Il y a pour chacune et chacun d’entre nous à se mettre à l’écoute du message évangélique, valable pour tous. La lutte syndicale est aujourd’hui, c’est vrai, particulièrement dure. L’essentiel, pour moi, est de toujours respecter l’autre, ce qui ne veut pas dire être forcément d’accord avec lui. Je fais quotidiennement l’expérience qu’il est possible de s’inscrire dans un combat syndical sans renier les valeurs profondes auxquelles on croit. Mon devoir, c’est de me battre pour les idées que nous défendons, non seulement sans écraser l’autre, mais en essayant de le comprendre. J’allais presque dire : en essayant de… l’aimer.

La Croix : Voilà un langage inhabituel dans la bouche d’un syndicaliste !

Alain Deleu : C’est le mien, je l’assume car je sais que dans quantité d’endroits d’autres croyants l’assument également. Je ne souhaite pas imposer mes convictions personnelles aux autres, mais je ne vois pas de quel droit on m’empêcherait de dire ce qui, au plus profond de moi-même, me fait agir et vivre.

La Croix : Finalement, comment pouvez-vous résumer votre morale de l’action ?

Alain Deleu : Chercher honnêtement et collectivement la vérité. Ne pas l’imposer, mais la défendre vigoureusement. Ne pas attaquer des hommes, mais des idées. Ne pas trop tomber dans la casuistique politique, cette sorte de partie de billard qui fait qu’aujourd’hui, à une table de négociations, personne ne dit plus vraiment ce qu’il pense. En matière de morale de l’action, je crois que la CFTC a aujourd’hui (je plaide pour ma « paroisse » !) une bonne longueur d’avance.

La Croix : Dans le débat politico-social d’aujourd’hui, avoir de la morale ne constitue-t-il pas un handicap ?

Alain Deleu : Parfois, pour gagner plus vite et plus fort, il faudrait accepter de se compromettre, faire des « coups médiatiques », calculer, flatter l’opinion même lorsque, en conscience, on sait que la voie mène à l’impasse. Personnellement, j’en suis incapable et je crois que, en outre, ce serait totalement contraire à la grande tradition de la CFTC. Qu’importe, les victoires faciles, si, pour les obtenir il faut y perdre son âme !

La Croix : Dans le sigle de votre syndicat, il y a un « C » pour l’adjectif « chrétien ». Dans une société laïque, pluriculturelle et plurireligieuse, quel est le sens d’une telle spécificité ?

Alain Deleu : Cet adjectif ne marque pas une exclusion, une frontière entre « ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas ». Il veut simplement marquer le sens de la transcendance de l’homme. Et quoi de plus « moderne », de plus urgent que de rappeler aujourd’hui, dans le monde du travail, que l’homme ne se réduit pas à ce qu’il produit, à son travail. Le dernier « C » de CFTC vient redire quelque chose d’essentiel qu’on avait un peu oublié : l’homme n’est pas qu’un agent économique, l’homme n’est pas qu’un chômeur ou un demandeur d’emploi, l’homme est un être unique, inaliénable, libre…

La Croix : Fils de Dieu ?

Alain Deleu : Personnellement, je l’affirme. C’est le cœur de ma foi. Mais le président d’une grande organisation syndicale doit demeurer discret sur sa foi. Si je veux agir en commun avec des hommes et des femmes de sensibilités spirituelles et philosophiques diverses, il me faut accepter une forme de renoncement par rapport à mes propres convictions chrétiennes. Trop les proclamer, ce serait mettre mal à l’aise et ne pas respecter ceux de mes compagnons qui ne la partagent pas. Dans les rangs de la CFTC, il y a certes des croyants, mais aussi des incroyants et des « hésitants ». Il y a aussi des croyants d’autres religions… La CFTC n’a rien à voir avec un mouvement d’Église. C’est une organisation syndicale comme les autres, soucieuse de respecter une laïcité bien comprise. La seule différence, c’est que nous nous retrouvons toutes et tous, dans le respect de nos différences et de nos convictions propres, sur un objectif commun : mettre en œuvre les principes sociaux chrétiens qui sont donnés à tous les hommes et les femmes de bonne volonté et qui ont fait la preuve de leur efficacité. L’homme n’est pas que matière, l’homme n’est pas qu’un rouage de l’économie, l’homme a une dimension transcendante… La référence chrétienne, la référence à la pensée sociale de l’Église n’est pas un carcan, une obligation à croire, c’est une liberté de plus, un atout : « La vérité vous rendra libre… »

La Croix : S’il vous faut résumer l’axe fort aujourd’hui de la pensée sociale de l’Église, que répondez-vous ?

Alain Deleu : Le grand défi porte sur le couple : droit à la propriété individuelle et destination universelle des biens. Que signifie aujourd’hui, dans un système libéral où la notion de propriété privée est acquise comme un droit, le respect du droit pour tous à accéder aux biens, au travail, à l’emploi, au logement… ? Finalement, l’Église nous pose une grande question : à quoi, à qui destinons-nous les biens et les richesses que nous fabriquons ? Comment envisageons-nous de répartir les richesses limitées de la terre ? Quel développement prônons-nous ? Sortie de cet horizon de justice « pour tous », la lutte syndicale se réduit à quelque chose de mesquin. La seule grande question qui vaille en matière syndicale, c’est : que pouvons-nous faire pour que l’activité économique soit davantage tournée vers la prospérité pour tous ?

La Croix : C’est le rôle de l’Église de se mêler de questions économiques ?

Alain Deleu : Rien de ce qui est humain ne doit être étranger à l’Église. Son rôle n’est pas, bien sûr, de proposer des solutions concrètes ou de trancher dans les débats du moment. Son rôle est de nous appeler sans cesse à la conversion : conversion des cœurs, mais aussi conversion des actes. C’est par leurs engagements concrets que les chrétiens peuvent peser sur l’évolution d’une société vers davantage de justice. L’Église est d’abord éducatrice des consciences.

La Croix : Le combat syndical a-t-il une dimension spirituelle ?

Alain Deleu : Par volonté de justice sociale, des chrétiens viennent frapper à la porte du syndicalisme. Je constate souvent que leur « efficacité » syndicale est liée à la force de leur spiritualité personnelle. C’est la cohérence de l’homme qui fait l’avancée du Royaume : la démarche intime et spirituelle donne sa force et sa validité à l’engagement. En exergue de mon livre, je cite Soljenitsyne : « Si une nation a épuisé ses forces spirituelles, le meilleur système étatique ne la sauvera pas de la mort, ni n’importe quel développement industriel. »

La Croix : Vous citez aussi la règle de saint Benoît : « Prie et travaille ». Qu’en est-il pour vous personnellement ?

Alain Deleu : Côté travail, ça va, merci ! Le syndicaliste que je suis n’en manque pas ! Côté prière, c’est un jardin secret : permettez à l’homme public de ne pas trop en dire. Disons que je ne vois pas comment je pourrais tenir sans me laisser remplir par l’autre, avec ou sans « A » majuscule. Si, régulièrement, je ne fais pas de place à l’autre et à l’Autre dans mon espace intérieur, je me dessèche et je perds le sens de mon action. La prière, c’est l’apprentissage la rencontre de l’Autre, apprentissage qui me conduit vers le visage de tous les autres. La prière est une mise en présence, une ouverture dont je ne saurais me passer.