Texte intégral
Q - Coïncidence étrange mais peut-être pas surprenante : le même jour, la presse publie - peut-être un peu vite - l'acte de décès du RPR et le bulletin de naissance de votre parti. Voici donc le premier jour du Rassemblement pour la France. Vous rassemblez qui ?
- "Tous ceux qui le souhaitent, comme nous l'avons fait pendant notre campagne électorale : de Villiers et moi, nous nous sommes adressés aux Français de toutes sensibilités et nous les avons invités à se rassembler."
Q - Qui m'aime me rejoigne…
- "Alors nous allons continuer, oui.".
Q - Hein, c'est ça : qui m'aime me suive ?
- "Oui enfin, "qui m'aime me suive... ». Ce n'est pas seulement ça. Il s'agit de se rassembler sur l'idée nationale."
Q - Que ça ?
- "Non, pas seulement ça. Nous aurons l'occasion de développer les choses."
Q - Alors vous pouvez souvent critiqué les appareils, vous ne négociez pas avec des appareils. Est-ce qu'on peut dire que vous acceptez des adhésions individuelles ?
- "Oui, absolument. Je crois que c'est d'ailleurs la bonne méthode et la bonne formule. Je crois qu'il vaut mieux des adhésions individuelles que des adhésions de groupe."
Q - Des transfuges du RPR par exemple ?
. - "Je ne cherche pas de transfuges du RPR. Je ne me réjouis pas de la situation du RPR actuellement. J'en prends acte mais cette situation me paraissait inévitable. Le RPR doit essayer de se rénover, c'est son problème, ce n'est pas le mien. Et moi je développe le mouvement que j'ai décidé de créer avec P. de Villiers."
Q - Vous faites une place à P. Séguin ?
- "Non, mais, chacun ... "
Q - Ou il faut qu'il adhère ?
- "Non, non, mais chacun se détermine comme il l'entend. P. Séguin est un homme de qualité. Il a quitté la présidence du RPR, ce qui ne m'a pas étonné l'époque. Ce qui m'avait étonné, c'est qu'il reste aussi longtemps compte tenu de la faiblesse de la marge de manoeuvre dont il disposait et qui est le véritable problème, d'ailleurs, qui s'est posé à lui, comme à d'autres dirigeants du RPR. Bon, point final. Ce que fera P. Séguin, nous verrons bien."
Q - Le RPF de Pasqua et de P. de Villiers, est-ce qu'il sera implanté dans toutes les régions, les départements, les villes ?
-"Oui, je le crois, absolument. Non seulement je le crois mais c'est nécessaire. D'ailleurs, quand on étudie les résultats électoraux, on voit que les suffrages qui se sont portés sur nous et les scores que nous réalisons constituent un socle non négligeable."
Q - Ca veut dire que le but de votre parti, c'est le pouvoir, d'y arriver ?
- "Le but de tout mouvement politique, c'est d'influer sur la conduite de la politique de son pays. C'est bien de cela dont il est question."
Q - Parce que vous ne rêvez pas d'arriver tout seul à devenir majoritaire et à représenter le symbole et le noyau dur de l'alternance ? On n'en est pas là ?
- "Ecoutez, je crois que pour l'instant, il ne faut pas rêver ! Mais je considère que partant de la base de départ qui est la nôtre, ces 13 %, nous avons "vocation à rassembler autour de nous pour faire à nouveau une grande force nationale et ramener à nous un certain nombre de gens qui sont déçus par les autres partis politiques ou qui se sont égarés."
Q - On précise encore : vous aurez les candidats, le moment venu, aux municipales, aux législatives...
- “Ca, on verra bien... "
Q - Oui mais si c'est un parti, il ne faut pas que ce soit un parti de plus ?
- "Non, ce n'est pas un parti. Moi je n'ai pas du tout l'intention, je l'ai déjà dit… Un parti, on voit bien. ce que c'est : ce sont des appareils, ce sont des ambitions personnelles et c'est un segment de l'opinion publique et de catégories sociales. Nous, nous espérons, nous souhaitons renouer avec la tradition gaulliste du rassemblement qui transcende à la fois les clivages et les catégories sociales."
Q - Vous parlez souvent de gaullisme, mais pour les années... D'abord, est-ce que vous pouvez être un gaulliste avec celui qui a souvent critiqué le gaullisme : P. de Villiers ? C'est ça le néo-gaullisme ?
- "Non mais ce n'est pas le problème. Moi, je ne me prétends pas, je ne dis pas que je suis gaulliste parce qu'il ne s'agit pas de se mettre une étiquette sur le dos. Il s'agit d'avoir un comportement qui est conforme à une certaine éthique. Donc je sais... "
Q - Parce que le général de Gaulle, c'était l'ouverture, l'adaptation, l'Europe, le monde !
- " Oui, naturellement, oui, oui.»
Q - Et il y a une vision du gaullisme, on se demande si le temps n'est pas venu, dans les années 2000, de ranger à la fois l'uniforme et le képi au placard...
- "L'uniforme et le képi, on peut effectivement les ranger au placard. Le gaullisme, sûrement pas, car le gaullisme est plus ancien que de Gaulle et c'est pour ça qu'il lui a survécu. Quand quelqu'un se lèvera pour refuser ce qui semble au plus grand nombre inéluctable, au travers des siècles, il pourra se réclamer de la même inspiration. C'est pour ça que je dis qu'il a existé avant de Gaulle, il existe après."
Q - Le RPR réunit aujourd'hui ses instances après sa défaite. Le RPR - je le lis partout, il paraît même que vous l'avez dit mais enfin… - est mort dit-on. Est-ce que c'est : "Le RPR est mort, vive le RPR !” ou : le RPR, on peut mettre une croix dessus ?
- "Non, je ne crois pas du tout que le RPR soit mort. Je pense qu'il appartient au RPR de se rénover et de retrouver son inspiration d'origine, s'il le peut. Moi, je fais quelque chose de nouveau parce que je ne pense pas que cette rénovation soit possible et que le RPR ait la marge de manoeuvre nécessaire."
Q - Pourquoi le RPR connaît-il depuis tant de temps ce jeu de têtes comme à Guignol ? untel, untel qui tombe, untel qui tombe ?
- "Ecoutez, moi, tout cela ne m'intéresse pas."
Q - Non, non mais vous avez peut-être une réponse ?
- "Je ne suis pas venu ici pour parler du RPR. Si vous voulez parler du RPR, vous avez des-gens qui peuvent le faire."
Q - Mais enfin vous en êtes encore puisque vous avez votre carte...
- "Non, je n'en suis plus."
Q - Vous avez déchiré la carte ? Vous leur renvoyez ?
- "Je considère que je n'en suis plus."
Q - Est-ce que vous êtes d'accord avec cette phrase d'A. Peyrefitte dans Le Figaro : "Le véritable problème de l'opposition se situe au sein du RPR. Le renoncement de Séguin, l'échec de Sarkozy n'ont qu'une cause : le porte-à-faux de la relation entre le, RPR et J. Chirac" ?
- "C'est tout à fait exact. C'est tout à fait exact parce que je crois que le Président de la République a été mal conseillé et dans le système tel qu'il est, celui d'une cohabitation longue, il est bien évident que les mouvements politiques doivent disposer d'une certaine marge de manoeuvre et ils doivent pouvoir s'exprimer et se déterminer par eux-mêmes. Moi, ce qui m'a beaucoup choqué dans les événements de ces dernières semaines, c'est justement le fait que beaucoup de mes amis, dont je sais qu'ils partagent mon analyse qu'ils ont le même sentiment que moi, aient fait passer leur allégeance au Président de la République ayant leurs propres convictions. Je ne dis pas qu'il faut être contre le Président de la République mais je dis qu'il faut apprendre à se déterminer soi-même quand l'intérêt national est en cause."
Q - Mais vous avez tous été comme ça depuis le général de Gaulle. Mme de Gaulle avait un parti. Si Chirac voit disparaître le sien, le Président est nu ce matin !
- "Mais écoutez, moi je ne suis pas de ceux qui sont là pour conseiller le Président de la République. Je l'ai fait en son temps, ce n'est plus mon rôle. Alors qu'il se tourne vers ceux qui l'ont conseillé et qui l'ont amené à cette situation.”
Q - Vous parlez beaucoup de ceux qui l'ont conseillé mais est-ce qu'il n'a pas une part de réflexion à lui, de sa part ?
- "Oui, certainement, certainement Je pense qu'il doit réfléchir à tout cela."
Q - Est-ce que, de votre part, c'est une attitude de rupture ou d'hostilité à l'égard du Président ?
- "Non, je crois que ça peut se résumer en deux mot : ni hostilité et ni allégeance."
Q - Et quoi alors ?
- "Nous nous déterminerons par nous-mêmes."
Q - Vous voulez rassembler, reconstruire. Vous avez un calendrier ?
- "Nous avons du temps devant nous. Maintenant, je pense que d'ici l'automne, nous aurons choisi et installé nos responsables dans les départements. Et entre-temps, naturellement, nous aurons arrêté les principes de la charte que nous publierons et qui servira de base à ceux qui vont nous rejoindre. C'est sur cette charte qu'ils devront s'engager. Ce n'est pas une adhésion à une personne. C'est une adhésion à un ensemble de principes et d'idées qui doivent nous inspirer pour la conduite des affaires du pays."
Q - A Strasbourg vous allez vous battre contre une certaine Europe ?
- "Je vais à, Strasbourg comme ici, participer à l'action qui nous semble indispensable de redressement des institutions. Et je rappelle à ce propos que dans un délai d'un an après l'adoption du Traité d'Amsterdam - tout le monde, enfin en tous les cas les gouvernements le savent, ils doivent présenter de nouvelles propositions pour l'organisation de l'Union européenne. Je dis, donc, ce matin, que nous entendons peser de tout notre poids dans ces délibérations, dans la définition de ces nouvelles structures de l'Union. Et ce que je souhaite, je préfère le dire dès ce matin pour qu'il n'y ait pas de surprise : le moment venu il vaudrait mieux, soumettre ce nouveau Traité, puisque traité il y aura, aux Français par la voie ...”
Q - Encore le référendum !
- "Eh oui ! Quitte à·vous paraître un peu entêté ! Je vous signale au passage que 53 % d'abstentions et 6 % de bulletins nuls, ça mesure le fossé entre les dirigeants actuels et l'opinion publique et les citoyens."
Q - Vous avez dit tout à l'heure : “Le RPR peut se rénover” alors que la plupart des gens le pensent exsangue. S'il se rénove, il peut y avoir une action commune avec votre RPF ?
- "Nous verrons bien. En tous les cas, pour le moment, son objectif numéro un, ça doit être de se rénover."
Q - Vous ne dites pas que c'est impossible ?
- "Je ne dis rien du tout. Nous verrons bien."