Texte intégral
M. FIELD. – Dans un instant, PUBLIC reçoit François Léotard, le président de l’UDF, l’homme blessé aussi par les accusations dont il a fait l’objet autour de l’affaire Yann Piat. Nous parlerons de cette affaire. Nous parlerons du destin politique de François Léotard.
Et puis au cœur de l’actualité, Roger Poletti, le responsable Force ouvrière des transports, viendra nous dire si, oui ou non, il y a un risque que la France soit paralysée par les barrages routiers.
C’est dans un instant, c’est PUBLIC.
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M. FIELD. – Bonsoir à tous.
Je reçois ce soir François Léotard, le président de l’UDF. « L’homme blessé », disais–je à l’instant, « l’homme blessé aussi des accusations dont il a été l’objet dans l’affaire Yann Piat ». Il s’en explique dans un livre paru chez Grasset, un livre qui s’appelle « Pour l’honneur ». Les téléspectateurs de TF1 se souviennent, sans doute, de ce cri d’indignation que François Léotard a poussé au 20 heures de Patrick Poivre d’Arvor, il y a quelques jours.
Je remercie, François Léotard, d’avoir accepté de venir dans PUBLIC pour la première émission qui, dans la dure, va lui permettre de revenir et de s’expliquer plus longuement sur l’affaire.
Et puis il y a l’actualité. On parlera évidemment de votre livre, de cette affaire Yann Piat, et puis aussi des perspectives, notamment électorales, qui vous attendent dans la région PACA. Et l’actualité, c’est pour beaucoup de Français qui sont aujourd’hui en voiture ou qui s’apprêtent à prendre leur véhicule de savoir s’ils vont pouvoir rouler. Vous le savez, la grève des routiers menace.
Je remercie Roger Poletti d’être parmi nous. C’est le responsable syndical de Force ouvrière transport. On reviendra tout à l’heure sur les motivations de ce mouvement de routiers et puis sur les menaces qui planent. Mais est–ce que, là, maintenant, tout de suite, vous pouvez nous dire si, oui ou non, l’organisation à laquelle vous appartenez, Force ouvrière transport, va appeler les routiers à barrer les routes et à faire blocus ?
M. POLETTI. – Au moment où nous parlons, je ne suis pas encore en mesure de vous dire si, effectivement demain ou tout au moins ce soir, nous allons appeler les routiers à manifester sur les routes.
M. FIELD. – Mais la tendance ?
M. POLETTI. – On m’a passé un certain nombre de camarades qui semblaient décidés à vouloir poursuivre le mouvement. Mais je n’ai pas de tendance précise parce que même, tout à l’heure, en partant, parce que, vous savez, faire répondre les gens du dimanche alors que tout est pratiquement fermé, c’est difficile, mais au moment où je partais des réponses commençaient à affluer. On est en train de me préparer le dossier pour que je puisse l’annoncer tout à l’heure, à 20 h 20, lors de la conférence de presse que je donnerai à la Fédération.
M. FIELD. – Vous avez le droit de vous éclipser pendant l’émission et de nous donner la primeur de cette consultation un petit peu avant, ce serait même très bien.
M. POLETTI. – Je conçois fort bien, Monsieur Field, que ce scoop vous intéresse…
M. FIELD. – Merci.
M. POLETTI. – … mais je crois que, par respect pour l’ensemble de vos confrères et par rapport même à la profession, il y a des choses que l’on peut faire et il y a des choses qui ne se font pas. Et j’ai besoin de la presse pour expliquer à tous le mouvement de mes camarades. Je ne tiens donc pas à en fâcher. Vous me comprendrez facilement !
M. FIELD. – Bien sûr ! Mais si je vous dis que les dépêches qui tombent, quasiment toutes les minutes, montrent qu’il y a un réel durcissement, que même des organisations concurrentes, comme la CFDT qui était plutôt, finalement, proche de l’accord et qui défendait cet accord qui a été signé à la suite de cette nuit de négociations, puisque vous vous êtes quittés à 5 heures du matin, même la base de la CFDT démarre des barrages routiers ici et là.
M. POLETTI. – C’est vrai que, apparemment, le mouvement a l’air de prendre. Personnellement, je n’en suis pas du tout surpris. C’est un climat qui s’est développé depuis de nombreuses années. Et puis il y a eu 1996, les promesses non tenues, les engagements patronaux non tenus. Et tout cela fait qu’aujourd’hui les routiers arrivent au bout. Ils en ont ras le bol. Et cette fois–i je crois que, effectivement, le mouvement est vraiment profond, véritablement ancré. Ce qui me chagrine, c’est que nous n’avons pas réussi à pouvoir trouver une solution valable et équitable pour éviter ce conflit.
M. FIELD. – Vous voyez, vous êtes un peu comme les hommes politiques, vous ne voulez pas répondre quand on vous pose frontalement la question. Et puis en écoutant bien la réponse, on l’a quand même.
M. POLETTI. – Je ne suis pas un homme politique, je suis un simple militant syndical et, croyez–moi, cela me suffit très, très largement, et j’en suis fier.
M. FIELD. – En tout cas, on aura compris qu’on va vers un mouvement ou, en tout cas, que les premières notations que nous avons vont vers une extension des barrages routiers.
François Léotard, je vous propose qu’on revienne sur cette affaire des routiers, au cœur de l’actualité, dans un moment.
Je vous propose, quant à nous, de nous retrouver dans un instant pour parler de ce livre de François Léotard, « Pour l’honneur », paru chez Grasset.
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M. FIELD. – Retour à PUBLIC.
François Léotard, vous publiez donc chez Grasset ce livre qui s’appelle « pour l’honneur ». C’est un livre que vous avez écrit très rapidement, vous le dites vous–même, et c’est une sorte de réaction, de cri, avec une sorte de leitmotiv qui consiste à dire : « je suis l’objet d’une machination. Mais cette machination, ne peut être – je vous cite – que l’aboutissement d’un long processus de dégradation de notre vie politique, de notre vie publique ».
Vous avez vraiment le sentiment qu’il y a une sorte de degré, de saut qualitatif qui a été franchi avec cette affaire et qui, d’un certain point de vue, permet de pousser le cri d’alarme que vous poussez sur l’état de la démocratie française ?
M. LÉOTARD. – Je le crois. Mais la personne principale dans ce livre, ce n’est pas moi, si vous me le permettez, c’est ce pays qu’on aime, que vous représentez, que je représente, que des millions de Français représentent et qu’ils aiment, et qu’ils ont le sentiment de voir sous leurs yeux se dégrader.
Autour de nous – on va en parler pour les routiers – il y a des milliers d’injustices plus graves que celle–là. Il y a, autour de nous, des milliers de situations qui sont dramatiques pour les Français. Donc, je ne prétends pas du tout faire une espèce de personnalisation de cette injustice effrayante qui m’est tombée sur la tête. J’essaie de voir pourquoi ce pays a pu descendre jusque–là, et le mot « descendre » correspond bien à cela. C’est-à-dire faire en sorte que des médias, des hommes, des femmes, des spectateurs, des auditeurs, acceptent petit à petit une telle horreur qui, dans n’importe quel autre pays démocratique, c’est–à–dire un ministre qui fait assassiner quelqu’un par des militaires, et ce quelqu’un est un parlementaire, eh bien, dans n’importe quel autre pays, c’est un tremblement de terre. Et puis, en France, c’est vraisemblable ! », quelqu’un qui dit : « cela pourrait se faire ! » C’est cela qui m’a frappé de stupeur, qui m’a complètement époustouflé, qui m’a laissé muet, comme quand vous recevrez un coup de pied dans le ventre.
Et je me suis dit : « Au fond, cela veut dire quand même qu’il y a quelque chose qui ne va pas ». Alors, ce n’est pas uniquement un problème de justice, ce n’est pas uniquement un problème de saloperie, comme il en existe dans la vie publique, ce n’est pas uniquement cela, c’est qu’il y a des millions de gens qui peuvent se dire que, « au fond, après tout, c’est vraisemblable ! », comme le dit Monsieur Mégret. C’est vraisemblable qu’un militaire, sur un ordre donné par un ministre, aille assassiner, un soir de février, une femme, par ailleurs parlementaire. Je dis qu’à partir de ce moment–là, il faut que le pays se regarde lui–même. Ce n’est pas la peine d’aller voir Papon !… il faut qu’on se regarde soi–même et qu’on se dise : « Au fond, dans quel pays est–ce que je vis ? Est–ce que c’est cela que j’ai envie de donner à mes enfants comme message ? » C’est cela qui m’a intéressé.
Il a été fait vite, c’est vrai ! J’ai fait cela dans un mouvement qui est certainement trop coléreux, mais peut–être parce que j’aime trop mon pays, peut–être parce je ne l’ai pas vu comme cela quand j’étais petit, peut–être parce que mes parents m’ont appris autre chose, peut–être parce que, quand j’étais ministre de la défense, j’ai vu des gens formidables qui faisaient des choses extraordinaires de dévouement, de générosité, de courage, des jeunes, des gamins de 20 ans. Et que me dire cela, maintenant, à moi, sur ce pays–là et sur ces militaires-là, c’est quelque chose qui me stupéfie, c’est tout !
Encore une fois, il y d’autres choses dans la vie. Il y a un moment où il faut tourner la page et puis surtout essayer de regarder ce qu’on peut faire à partir de cela. Est–ce qu’on peut construire autre chose qui ce qui s’est ainsi dégradé ? Et c’est ce que je propose. Je dis : « Au fond, il y a toutes sortes de pistes à tracer sur la justice, sur la vie publique, sur la façon d’être, sur les hommes publics, sur les journalistes ». Tous ces métiers sont nécessaires. Ils sont beaux. C’est beau d’être journaliste, mais ce n’est pas beau d’aller chercher dans la poubelle des mensonges pour les jeter à la figure de quelqu’un. Cela n’a pas de nom !
M. FIELD. – Vous avez mis en cause, lors de l’une de vos interventions, des officines, vous parlez d’un complot. Vous y croyez encore ? Vous avez des pistes ?
M. LÉOTARD. – Je n’ai pas dit « complot ».Je dis simplement que – j’espère que la justice le montrera parce que j’ai retrouvé confiance dans la justice à travers tout cela – on essaiera de savoir ce que je pose comme questions dans le livre : qui, à quel moment, avec quel argent, a pris ce type de décision ? Sur quel conseil ?
Je vois mal ces deux types qu’on voit de temps en temps sur vos écrans, pour lesquels je n’ai que, j’allais dire « mépris », en tout cas, pas grand-chose comme sentiment, je les vois mal tout seuls, dans leur coin, prendre leur plume et rédiger ces saletés. Je vois des ombres derrière. J’ai peut-être tort ! Peut-être je me trompe ! et j’espère que la justice arrivera à le dire. « Monsieur, qui vous a demandé, à un moment, de dire cela ? Qu’est-ce que vous avez vu ? Cette espèce de barbu qui s’appelle Geaujon, qui est invraisemblable. Est-ce que tout ce ridicule de la fin, ce grotesque, ce burlesque de la fin, ça va cacher l’horreur du début ? C’est-à-dire le meurtre d’une femme et l’accusation monstrueuse qui a été faite à partir de ce meurtre.
Ce n’est pas parce que cela se termine comme les « Pieds Nickelés que cela doit cacher ce qui a commencé ! Ce qui a commencé, c’est qu’on a assassiné, un certain soir d’hiver, une femme sur une route. Alors, on a attrapé les tueurs. On les voit à la télévision, des petits tueurs, des petites frappes. Est-ce que c’est tout ? C’est une des questions. Et est-ce que, au fond, ces deux hommes-là qui ont raconté tout cela d’une façon invraisemblable, l’ont-ils fait d’eux-mêmes ? Je pose la question. Je ne suis pas magistrat, je ne suis pas journaliste non plus…
M. FIELD. – … vous êtes politique. Si on a essayé de vous abattre politiquement, vous devez avoir des idées d’où viennent les coups ?
M. LÉOTARD. – Abattre, cela veut dire quoi ? Cela veut dire que quelqu’un dit : « je me présente à une élection » et, au lieu de l’affronter, de dire : « j’ai d’autres idées que vous sur cette élection et on va en parler », comme nous sommes en train de le faire, qu’est-ce qu’on fait ? On prend du fumier, on lui met sur la figure. C’est cela « abattre » actuellement, en France, la vie politique. Si c’est cela, il vaut mieux faire autre chose.
Si ce pays, ce peuple qui s’est battu pendant des siècles pour la démocratie, pour le débat, pour la confrontation des idées, qui aime cela, si, au moment même du vote ou quelques semaines avant un vote, il s’envoie des ordures à la figure, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que j’ai un profond sentiment de dégoût.
Une élection, qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas tellement avoir du pouvoir, c’est dire : « je pense ceci sur un territoire, sur mon pays, sur une région et j’ai envie de faire cela ». Et je peux vous dire que ce qui m’intéressait dans cette élection, c’était l’emploi des jeunes.
Je suis convaincu que la décentralisation, c’est une élection régionale, peut permettre de faire baisser le taux de chômage des jeunes. Cela a l’air lointain ces deux sujets ! Je suis convaincu que l’on peut faire le lien, sur la formation professionnelle, sur l’action menée sur les lycées, sur l’ensemble de l’analyse qu’on peut faire des bassins d’emplois et des filières professionnelles. Cela, ce n’est pas l’État qui va le faire. Cette idée m’intéressait, et puis sur quoi je tombe ! sur ça. Je ne sais même pas comment il faut le qualifier d’ailleurs « ça, ça »… cette espèce de machin qu’on appelle un livre et moi qui adore les livres, j’ai honte de dire que c’est un livre, c’est un torchon.
M. FIELD. – Mais cette dégradation de la vie publique que vous décrivez, que vous invoquez – finalement, cela fait 20 ans que vous faites de la politique – est-ce que vous n’êtes pas, vous comme élu et particulièrement comme élu du Var, élu d’une région où les choses ne vont pas si bien que ça, en matière notamment de clarté dans les comptes publics, dans les marchés, dans le financement des marchés publics, est-ce que vous ne portez pas une responsabilité considérable comme élu, vous et les autres, dans cette dégradation de la vie publique ?
M. LÉOTARD. – Je ne fais pas de rapprochement excessif/ Comme pour l’affaire Papon, personne ne peut dire : « je ne suis responsable de rien », personne en France à aucun moment de son histoire. Et donc, il y a des gens qui sont responsables de cette histoire, là-bas, 40, 41, 42, et il y a des gens qui sont responsables de cette histoire aujourd’hui.
Je voudrais vous en parler de cette responsabilité qu’on pourrait avoir. D’abord, en vous disant que ma responsabilité première, c’est de défendre un territoire, une région, des gens qui ont été autant salis que je l’ai été. Vous pensez qu’une région qui fait 4,5 millions d’habitants soit aujourd’hui par un certain nombre de gens, dont des ministres, considérée comme un lieu de non droit, c’est-à-dire commune une zone dans laquelle le droit français ne s’applique plus. Ce qui grotesque ! parce qu’il y a des milliers de fonctionnaires, de magistrats, d’inspecteurs des impôts qui font leur travail. C’est une insulte qu’on est en train de leur dire, là aussi. C’est une gifle. Ce sont des gens qui font leur travail, et le droit s’applique là comme ailleurs.
Qu’est-ce qui se passe dans cette région, que j’aime ? Je suis provençal depuis des générations, je crois que cela mérite mieux que ça. Qu’est-ce qui se passe ? Il y a des spéculations foncières, c’est vrai ! Il y a un milieu, c’est tout à fait vrai ! Qui a contesté qu’à Marseille, depuis les années 30, peut-être 20, peut-être avant la première guerre, il y ait toujours eu un milieu, c’est-à-dire des voyous, des gangsters. Qu’il y a des tentations d’argent, tout cela est évident ! et qu’à un certain moment, à Gauche comme à Droite, jadis comme aujourd’hui, cela a touché des hommes politiques. Ces quatre choses-là sont exactes.
Est-ce qu’à partir de quatre choses de ce gendre, qui se sont passées à Lyon, qui se sont passées à Grenoble, qui se sont passées dans le sud-ouest, qui se passent en région parisienne, qui relèvent de la justice, on peut accabler comme ça 4,5 millions de citoyens, qui, tous les matins, vont mettre leurs enfants à l’école, vont travailler, essaient de faire dignement leur métier d’homme ? Qu’est-ce que cela veut dire ?
Il y a une espèce d’amalgame qui est en train de se faire – et je peux vous dire que les Varois, particulièrement, en souffrent, les Provençaux en souffrent – j’ai entendu, ici, autour de cette table, votre précédent invité parlé de la Corse dans des termes dont je n’oserais jamais parlé, dont personne n’oserait parler.
M. FIELD. – Michel Charasse, en l’occurrence.
M. LÉOTARD. – Oui, exactement ! Je veux dire que ni les Corses, ni les Provençaux ne méritent…
M. FIELD. – … vous mettez en cause les propos de Jean-Pierre Chevènement sur les zones de non droit. Est-ce que vous mettez en cause, par exemple, les conclusions du rapport d’une de vos camarades de Parti, François d’Aubert, qui, lorsqu’il était chargé de la commission d’enquête, a quand même parlé de « comité d’affaires existant dans le sud de la France, et notamment dans le Var, c’est-à-dire une imbrication des élus, d’hommes d’affaires et de mafieux » ?
M. LÉOTARD. – Monsieur Field, je viens de vous dire qu’il y a au certainement des collusions, et l’une d’entre elles est devant la justice, puisqu’il s’agit de l’ancien président du conseil général du Var. Elle est devant la justice, avec ce dénommé Fargette que vous avez en tête ou que les livres ont cité. Mais les 150 milliards du Crédit Lyonnais, ce n’est pas dans le Var que cela s’est passé, et j’espère qu’on portera la même attention à cela ! et toute une série d’autres affaires.
Ce que je veux dire : « c’est que, bien sûr, il y a des choses qui ne marchent pas », c’est évident ! Sinon cela ne viendrait pas comme ça devant tout le monde et devant tous les Français, mais il ne faut pas céder non plus ni à l’amalgame, ni à une espèce de caricature où, au sud de la Loire, il y aurait des gens qui seraient bizarres vis-à-vis du droit, vis-à-vis de la morale, vis-à-vis de l’honneur. Ce sont des gens comme vous et moi, qui ont le droit d’être épargnés dans leur réputation.
La réputation, il peut mériter de la perdre s’il a fait des bêtises, c’est tout à fait vrai – et il y en a qui l’ont perdue – mais aussi c’est une partie de son identité. Et je trouve qu’on est très légers sur ce sujet. J’ai fait en sorte – je prends l’exemple du var puisque vous en parlez – que l’actuel président du conseil général, qui est un de mes amis, soit un homme dont personne ne conteste une seule seconde l’intégrité…
M. FIELD. – Hubert Falco.
M. LÉOTARD. – Absolument !... et qui gère ce département avec beaucoup de courage et de dévouement pour essayer, justement, de lui donner une autre image. J’essaie d’appuyer ses efforts et nous sommes nombreux à essayer de le faire. Alors, cela peut marcher ou cela ne peut pas marcher…
M. FIELD. – … oui, mais dire que vous voulez assainir la situation, cela est aussi reconnaître que vous avez été finalement homme politique dans un moment où elle n’était pas assainie ?
M. LÉOTARD. – Je vous ai dit qu’il y avait des choses qui ne marchaient pas. Encore une fois, ce que je trouve très dangereux aujourd’hui, c’est que vous avez un pays dans lequel il y a, disons, – je simplifie – 30 millions de juges d’instruction, 30 millions d’indicateurs ou de délateurs, cela fait 60 millions de citoyens. C’est cela mon pays ? Il y a des juges d’instruction, c’est leur métier. Pourquoi seraient-ils incapables de faire établir la vérité ? Il y a des citoyens qui ont le droit aussi de ne pas être considérés ni comme des assassins, ni comme des voleurs. Il y a des journalistes qui ne méritent pas d’être traités comme des menteurs.
Ce qui me frappe dans cette situation, c’est qu’on mélange tout. Et certains de vos confrères, permettez-moi de le dire, ne savent même pas ce qu’est un fait, une date, un lieu. Je regardais une émission l’autre jour, on parlait du Var, on mettait Menton. Excusez-moi, c’est à une heure et demie de la frontière du Var. On parle de dates, ce ne sont jamais les bonnes. On parle de lieux, ce ne sont pas les bons. C’est un peu comme le bouquin dont vous parliez tout à l’heure, enfin, le bouquin, le machin, là !...
Que, nous, nous essayons de bien faire notre métier, et nous ne le faisons pas toujours bien, c’est évident !...
M. FIELD. – … vous reconnaissez finalement peu de choses dans ce livre.
M. LÉOTARD. – Je reconnais peu de choses parce que je n’ai rien à connaître, excusez-moi de vous le dire !
M. FIELD. – Moi, je pense que le plaidoyer aurait pu être plus convaincant si vous aviez consacré…
M. LÉOTARD. – oui, si j’avais eu plus de temps.
M. FIELD. – … un chapitre à toutes les affaires où votre nom a été impliqué. Parce qu’il y a une phrase en tout et pour tout où vous dites : « Si j’ai certainement eu tort de ne pas avoir, comme on dit, fait le ménage, je me demande simplement comment il fallait le faire ? » C’est plutôt aux citoyens à vous demander comment il faut faire cela, depuis des années et des années que ça dure.
M. LÉOTARD. – Depuis 1986 où l’on sentait venir un certain nombre de choses – en 1986, j’étais au gouvernement – où j’ai eu l’occasion de rencontrer un certain nombre de ministres de l’intérieur, celui-là, puis les successeurs, puis les successeurs des successeurs, à chaque fois, je disais : « regardez cela » – Dieu sait si ce n’est pas mon genre – « Regardez cela, faites attention ! » Il y a une police qui s’appelle la Police nationale, il y a des inspecteurs de impôts, il y a des inspecteurs des douanes, il y a des magistrats. Pourquoi chacun se fait procureur dans cette affaire ? C’est cela que je ne comprends pas !
Si je n’ai pas eu le temps de parler d’un certain nombre de choses, je suis à votre disposition pour un parler, Monsieur Field.
On dit, pas dans mon livre, dans l’autre, que « tout cela aurait une origine – alors, c’est bien simple puisque j’étais ministre de la défense – qui aurait été l’aliénation d’un certain nombre de terrains militaires dans des conditions qui seraient à regarder ». Monsieur Field, je ne sais pas ce que vous avez aujourd’hui, hier ou demain ? Il faut téléphoner – il y en a pour un quart d’heure – au ministère de la défense en disant : « donnez-moi la liste des terrains qui auraient été vendus, à qui ? Comment ? Dans quelles circonstances ? De mars-avril 1993 à mai 1995 ? » Ce n’est pas difficile. Que font les journalistes ? Il y en a pour un quart d’heure.
M. FIELD. – C’est tout le problème de la vente de la base aéronautique…
M. LÉOTARD. – Non, vous ne l’avez pas fait. Et je vous montrerai ce document de l’administration de la défense, d’aujourd’hui. Alors, il faut bien faire votre travail, Monsieur Field. Je suis désolé de vous le dire !
M. FIELD. – François Léotard, à un moment donné, vous êtes ministre de la défense, maire de Fréjus, et vous êtes obligé de vous dédoubler sur cette affaire…
M. LÉOTARD. – Comment cela ?
M. FIELD. – … est-ce qu’il n’y a pas, là, déjà quelque chose qui choque la morale publique et la morale républicaine ?
M. LÉOTARD. – Vous me faites honte, Monsieur Field.
M. FIELD. – Non, mais ne répondez pas comme cela à chaque fois, François Léotard.
M. LÉOTARD. – Je vous le dis ! Je vous le dis parce que c’est la vérité.
M. FIELD. – Je ne vous attaque absolument…
M. LÉOTARD. – … qu’est-ce que vous faites là ?
M. FIELD. – Je vous pose des questions liées à des documents.
M. LÉOTARD. – Le seul terrain qui a été vendu au prix des domaines, parce que ce n’est pas le ministère de la défense qui vend, c’est le ministère des finances… cela, non plus, les journalistes ne le savent pas, et le seul terrain qui a été vendu au prix des domaines où il n’y a eu aucune espèce de baisse du prix, c’est celui-là. Et quelqu’un s’est penché autour ? La caserne d’Angelli à Nice ? La caserne de je ne sais plus où.
M. FIELD. – Cela veut dire qu’il y a un climat de suspicion. Quand vous bénéficier d’un non-lieu, par exemple, lorsque les faits sont précis…
M. LÉOTARD. – … vous êtes en train de mettre un petit fumier sur la table et vous dites : « Tiens, c’est bizarre, cela sent mauvais ».
M. FIELD. – Non, François Léotard.
M. LÉOTARD. – C’est exactement ce que vous êtes en train de faire.
M. FIELD. – je vous dis que ce livre aurait gagné, dans la partie la plus sincère de votre cri d’alarme sur la démocratie, à ce que vous vous expliquiez franchement sur un certain nombre d’affaires sur lesquelles vous n’avez qu’un phrase.
M. LÉOTARD. – Encore une fois, en sortant, vous passez un coup de fil au ministère de la défense et ils vous donneront la réalité des choses. Ce n’est pas difficile. Tous les journalistes qui sont en train de vous écouter n’ont qu’à décrocher maintenant leur téléphone et ils téléphonent au directeur de cabinet de Monsieur Alain Richard, par ailleurs, ministre socialiste de la défense. Ce n’est pas très difficile à faire cela ! Je ne vois pas très bien où est la difficulté ? Et puis ce sont des adversaires politiques, ce sont eux qui m’ont battu en juin dernier. Il n’y a qu’à leur téléphoner. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus ?
Je trouve cela tout à fait lamentable la façon dont vous procédez ! C’est-à-dire il y a un homme public, par définition, il doit être suspect de quelque chose, parce qu’il est élu…
M. FIELD. – Non, pas par définition, François Léotard.
M. LÉOTARD. – … excusez-moi, parce qu’il est élu. Le jour où vous serez élu, on en reparler, Monsieur Field !... Moi, je mérite l’élection. Cela fait 14 ans que je suis élu et, aux municipales, trois fois au premier tour. Le jour où vous en ferez autant, Monsieur Field, on en reparlera !
M. FIELD. – on passe à votre portrait pour calmer le jeu un peu. C’est Sébastien le Flers qui l’a fait.
Portrait
M. FIELD. – Si vous aimez les problèmes, vous êtes comblé.
M. LÉOTARD. – C’est pas mal, votre truc, là !
M. FIELD. – On parle politique ?
M. LÉOTARD. – Allons-y !
M. FIELD. – Non, si vous voulez?
M. LÉOTARD. – Oui, oui…
M. FIELD. – … oui ?
M. LÉOTARD. – Non, ne vous dis que ce n’est pas mal. Je suis bon joueur. Allez-y !
M. FIELD. – Qu’est-ce qui n’est pas mal?
M. LÉOTARD. – Le portrait.
M. FIELD. – Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous fait…
M. LÉOTARD. – … c’est marrant.
M. FIELD. – Les élections PACA, vous allez les faire comment ?
M. LÉOTARD. – Soyez gentil, dites: « Provence-Alpes-Côte d’Azur ».
M. FIELD. – Vous allez les faire avec qui est sur quelles bases?
M. LÉOTARD. – Écoutez, j’espère avec tout le monde, d’abord, parce que je suis, dans l’opposition actuelle, un de ceux qui souhaite, propose, réclame des listes communes entre le RPR et l’UDF, si possible partout en France. Et donc nous allons – j’espère, la réponse n’est pas encore arrivées du RPR – faire dans cette région, comme en Île-de-France, des listes communes.
Si jamais, en Île-de-France, on arrivait à des listes différentes, il y aurait aussi des listes différentes en Provence, bien entendu ! Mais je pense qu’il faut laisser à ceux qui proposeraient cette stratégie la responsabilité de leur échec puisque à l’évidence nous finirions, dans cette situation, par un échec. Donc, moi, je propose qu’on fasse des listes communes partout en France d’ailleurs, et pas simplement en Provence, mais aussi dans les autres régions françaises.
Est-ce que cela suffit ? Non, je pense qu’il faut essayer, soit d’intégrer dans notre projet régional la dimension écologique, soit de passer un partenariat avec des formations écologiques qui vont défendre un certain nombre d’idées auxquelles je suis attaché et qui consistent à protéger un peu mieux ce que nous avons de cher.
Et je reviens un instant sur la Provence, Monsieur Field, puisque je suis le seul maire de la Côte d’Azur à avoir fait acheter, publiquement, 400 hectares pour les protéger définitivement. Alors, cela vous oubliez de le dire ! Mais enfin c’est mon devoir de vous le rappeler comme de le rappeler à vos confrères : 400 hectares en bord de mer. Il n'y en a pas un seul entre Vintimille et puis l’Espagne.
C’est pour cela que, dans cette région, nous essaierons de mettre l’accent sur l’écologie, sur la défense de l’environnement et puis sur un certain nombre de thèmes que j’ai cités tout à l’heure : la formation professionnelle. Car je crois qu’on peut jouer un rôle important sur la formation professionnelle, à travers les crédits régionaux, à travers des structures que j’ai mises en place avant de quitter la mairie de Fréjus, qui sont des structures de bassins d’emplois où l’on associe les différents partenaires pour l’emploi pour générer des filières de formation qui n’existent pas actuellement. Et je suis convaincu que c’est la seule réponse, enfin la seule réponse locale, au problème de l’emploi. Le reste, cela dépend des autorités nationales et, aujourd’hui, elles vont dans le mauvais sens.
Mais c’est cela que je veux faire et c’est ce débat que j’aimerais avoir avec, d’une part, les socialistes qui sont en face de nous, qui sont contre nous et qui ont des attitudes, des propositions tout à fait différentes, qui passent par l’État, qui passent pas l’impôt, qui passent par la fonction publique, c’est leur projet. Et puis l’Extrême-Droite qui, elle, est engagée dans une espèce de délire fantasmatique que j’essaierai de combattre.
M. FIELD. – Vous vous êtes fait champion du combat contre l’Extrême-Droite dans cette région-là, qu’est-ce qui a fait la maturation de votre réflexion sur ce refus définitif, finalement, d’une alliance avec le Front national ? Sans vous mettre en colère à nouveau…
M. LÉOTARD. – … Oh ! Je ne me mets pas en colère. Quand vous dites des choses intéressantes, je ne me mets pas en colère.
M. FIELD. – C’est-à-dire des choses qui vous plaisent ?
M. LÉOTARD. – Non intéressantes.
M. FIELD. – Enfin, peu importe ! Si vous êtes d’accord avec moi que l’élection de Dreux a été un peu le point de départ, en 1984, de la montée du Front national, à cette époque-là, vous n’excluiez pas aussi fermement que vous le faites maintenant l’alliance avec le front national.
M. LÉOTARD. – On a 5 minutes ?
M. FIELD. – Oui, cela dépend de vous.
M. LÉOTARD. – L’histoire de Dreux, c’était tout à fait le début du Front national. Je vais vous raconter une histoire parce qu’elle est assez symptomatique de ma façon de réfléchir et de raisonner.
On me téléphone un soir, c’était une municipale partielle, et on me dit : « voilà, il y a une liste qui se présente, avec une tête de liste, qui n’était pas du tout Front national et, dedans, il y a quelques personnes du Front national », c’était tout à fait au début du phénomène. Je vous dis la réponse, j’ouvre les guillemets : « Qu’est-ce que la tête de liste a fait pendant la guerre ? », le type qui était au bout du fil, qui était militant de l’UDF, me dit : « je ne vois pas le rapport ? » – j’ai dit : « je veux savoir ce que la tête de liste a fait pendant la guerre ? », parce que c’était un type assez âgé, on m’a dit : « il est RPR et il était à la 2e DB », j’ai dit : « alors, vous pouvez y aller ».
Si je dis cela – c’est une anecdote, ce n’est qu’une simple anecdote –, c’est tout simplement parce que, à ce moment-là – et, encore une fois, on ne savait pas très bien ce que cela allait devenir –, j’étais très attaché à ce que, dans une élection municipale comme dans une élection nationale, on sache de quoi était fait le projet politique des uns et des autres.
Puis ensuite est apparue toute une série d’événements que vous connaissez…
M. FIELD. – … Mais déjà, à l’époque, un Bernard Stasi, un Pierre Méhaignerie, une Simone Veil…
M. LÉOTARD. – Et gloire à eux, Monsieur Field.
M. FIELD. – … ont été, finalement, plus perspicaces que vous?
M. LÉOTARD. – Et gloire à eux ! Vous savez, je ne suis pas en train de compter les points entre les uns et les autres. Nous sommes dans la même famille et tant mieux s’ils m’ont précédé.
Il se trouve que petit à petit, et notamment dans ma région, j’ai vu ce que c’était, et j’ai vu les transfuges qui venaient nous voir en disant : « vous ne vous rendez pas compte de ce qu’ils sont en train de dire dans les cellules : « Hitler n’a pas fini le boulot », des horreurs de ce genre ! Ils sont venus nous voir et j’ai dit : « Ce n’est pas possible, on n peut pas continuer ». Et puis j’ai lu, j’ai commencé à lire. Il n’y a pas beaucoup de gens parmi nous qui lisent les journaux – si on peut, là aussi, les appeler ainsi – qui viennent de cette mouvance politique. Et donc j’ai commencé à voir cela.
Je peux vous dire que depuis cette date, depuis 1982, je n’ai jamais changé une seule fois d’attitude. Il y a un certain nombre de gens qui ont fait du chemin avec, cela n’a pas été mon cas. Je n’en fais pas non plus une obsession. Je dis simplement que je ne veux pas que mon pays glisse petit à petit vers cela ; alors que, à chaque élection, on voit petit à petit progresser les votes dans ce sens.
M. FIELD. – Cela ira jusqu’à une alliance avec le Parti socialiste pour barrer, éventuellement, la route à Jean-Marie Le Pen à la présidence de la région?
M. LÉOTARD. – Je crois que ce n’est pas nécessaire. Je crois que nous pouvons gagner sous nos propres couleurs. Et je crois que nous pouvons montrer, au contraire, que – comment dire – entre, d’un côté, le socialisme étatique que Jospin est en train de mettre en place, qui est vraiment le contraire de la bonne réponse pour la France et, de l’autre côté, les appels fanatiques des autres, il y a une position raisonnable, courageuse, modérée, responsable pour une économie d’entreprise, pour la responsabilité des acteurs locaux qui luttent contre les différents fantasmes de la société française, l’un d’entre eux étant le fantasme de l’État.
Je pense qu’on peut, au contraire, développer cette thèse-là. Et je vais le faire très posément si, du moins, j’ai en face de moi des interlocuteurs qui veulent bien me dire des choses intéressantes.
M. FIELD. – Je vous le souhaite !
On se sépare pour une courte page de publicité. Puis, nous feuilletterons l’actualité de la semaine. Nous reviendrons évidemment, avec responsable de Force ouvrière transport, sur le conflit des routiers qui menace.
À tout de suite, un peu de calme publicitaire.
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M. FIELD. – Retour sur le plateau de PUBLIC avec, tout de suite, un résumé de l’actualité de la semaine, en tout cas de ses points saillants. C’est l’EDITO de PUBLIC. On regarde.
L’EDITO
BOURSE/Le yoyo planétaire
ROUTIERS/La crainte du blocus
JUSTICE/La réforme attendue
SÉCURITÉ/Le virage socialiste
HALLOWEEN/L’american day
M. FIELD. – Américanisation de notre calendrier, François Léotard ? Que je remercie d’avoir préféré PUBLIC au marathon de New York, pour une fois, puisque les deux étaient concurrents cette année.
M. LÉOTARD. – Je crois qu’on peut envahir un pays sans l’occuper maintenant. C’est une grande nouveauté des temps modernes. Non, mais je regrette de ne pas être allé au marathon de New York…
M. FIELD. – … Oui, cela, j’ai pu le comprendre tout à l’heure!
On va revenir sur les autres thèmes de l’actualité : la réforme de la justice, la question de la sécurité avec les résultats de ce colloque de Villepinte. Mais on va revenir à l’actualité des routiers qui était évidemment au cœur de l’EDITO : que veut dire un accord qui, finalement, a été signé sans que 80 % du patronat des transports soient aujourd’hui, ces conducteurs pour lesquels ont dit soi-disant 5 % d’augmentation, mais vous savez combien ils vont gagner au 1er novembre ? 6 728 francs brut.
M. FIELD. – Ce qui explique la nervosité des routiers, c’est aussi l’impression que les accords qui ont été conclus à l’issue du grand mouvement de l’année dernière, finalement, ces accords ne sont pas rentrés dans les faits.
M. POLETTI. – Vous l’avez montré vous-même. Vous avez interrogé les routiers sur cette affaire de 3 000 francs. Cela a été l’arnaque du siècle. Les patrons ont accepté de discuter de cette prime. Ils en ont fait une recommandation et, dès le lendemain, ils osaient annoncer qu’ils n’allaient pas honorer cet engagement. Comment vous-vous qu’aujourd’hui les salariés puissent avoir confiance en de tels patrons ? Ce n’est pas possible.
M. FIELD. – François Léotard, votre regard sur cette affaire avec, aussi, le jugement que vous portez sur l’attitude du gouvernement dont on sent qu’il a essayé de tirer les leçons, finalement, de la crise de l’année dernière en agissant avant et non pas une fois que le blocus était généralisé ?
M. LÉOTARD. – Je crois qu’il y a deux partenaires, plus un, dans cette affaire. Il y a, d’abord, les routiers dont je comprends parfaitement les revendications. Quand j’entends les chiffres que tous les Français entendent, les 200 heures par mois…
M. POLETTI. – … 270.
M. LÉOTARD. – A fortiori, et les 10 000 francs qui correspondent à cela, quand j’entends les discussions, je comprends parfaitement les revendications des routiers. Je comprends aussi que les petits patrons, je pense aux plus petits d’entre eux, n’aient pas les moyens de satisfaire certaines des revendications. Et j’en viens au troisième partenaire, quelle est sa responsabilité ? Ce n’est pas tellement d’être entre les deux, c’est le gouvernement, les gouvernements successifs qui sont responsables de la fiscalité française des petites et moyennes entreprises et qui les mettent dans l’impossibilité de survivre ou, en tout cas, de donner à leurs salariés ce à quoi ils auraient droit.
Je crois que la vraie réflexion qu’il faut faire à partir de ce conflit où beaucoup de Français se sentent solidaires des routiers, c’est : « assez, maintenant, de fiscalité et notamment assez de fiscalité sur les PME qui sont dans l’incapacité de donner quoi que ce soit à leurs salariés », encore une fois quand ces salariés demandent quelque chose de légitime. Je crois qu’on oublie ce troisième personnage. Et quand je vois que, depuis des mois, on continue à augmenter la fiscalité des Français, la fiscalité des entreprises, les chartes sociales, les charges qui pèsent sur la société française, on n’arrivera à aucun résultat.
Je souhaite que ce débat cesse de devenir un débat entre les salariés et des patrons qui sont généralement des petites entreprises, majoritairement des petites entreprises, mais que l’on se tourne vers le mal français, le vrai mal français, qui est le désordre de la fiscalité et l’ampleur des charges qui pèsent sur les citoyens et sur les entreprises. C’est cela la vraie question.
M. FIELD. – La crainte d’un mouvement routier inquiète évidemment nos voisins européens. C’est l’objet de la séquence, « France vue par… », c’est une télé anglaise, Sky news, qui a suivi les préparatifs de ce mouvement des routiers. On le regarde.
Une vraie crise, quel type de solution rapide, pour reprendre les négociations, est envisageable de façon à ne pas recommencer ou reconnaître ce qu’on a vécu l’année dernière, c’est-à-dire des jours et des jours de blocage total ?
M. POLETTI. –Je crois que la solution idéale serait que cette partie du patronat qui représente 80 % revienne se mettre à la table et, je vous le dis, cesse, mais cesse véritablement, de bloquer systématiquement la situation. Que l’on arrête de brasser des mots, de brasser des phrases et qu’effectivement on trouve chez eux une volonté de traiter à fond le problème.
J’écoute les représentants patronaux. J’ai écouté Monsieur Petit, mais c’est lamentable ce que Monsieur Petit raconte : « la misère des entreprises, etc. ». J’ai, dans ma sacoche, la lettre d’un adhérent de Monsieur Petit, il lui dit : «J’en ai marre ! J’arrête, je n’ai plus confiance dans vos organisations syndicales. La seule chose que vous savez faire, c’est créer le chacun pour soi. Vous n’êtes pas foutu de sortir de votre archaïsme. Et ce qui me rend encore plus malade, c’est qu’aujourd’hui c’est du côté des organisations ouvrières que l’on voit venir une forme permettant certainement de sortir le transport français du marasme ».
Alors que ces patrons bougent, que, lorsqu’on s’engage avec eux, ils tiennent leurs promesses. Que l’on arrête ces bavardages incessants, ces rendez-vous ratés, parce qu’il y a 360 000 emplois en suspens. Quand Monsieur Petit dit : « On va perdre des emplois », le simple respect de la réglementation, Monsieur Field, donnerait environ 15 à 20 000 emplois. Ce n’est pas une bricole, ce n’est pas une bagatelle. Alors qu’on arrête un petit peu toutes ces balivernes, que l’on examine très exactement le problème et qu’on s’y mette sérieusement.
J’attends. Si l’on doit y aller ce soir, même si je n’ai dormi que trois heures, eh bien, je repars, on y va et on négocie. Mais on négocie valablement, avec la volonté d’aboutir, avec la volonté d’arriver.
M. FIELD. – Monsieur Poletti, merci.
Et puis, évidemment, vous aurez dans le journal de 20 heures de Claire Chazal le dernier point sur cette actualité sociale.
En même temps, c’est une façon aussi de poser le problème de l’Europe parce qu’on sait très bien que l’ouverture, finalement, européenne va accroître les difficultés de ces petites entreprises dans des secteurs, justement, où la petite entreprise et le morcellement des entreprises vont toucher de plein fouet la concurrence internationale.
M. LÉOTARD. – Oui, mais on peut voir l’Europe autrement. Comme je le disais tout à l’heure, on peut le voir au plan des charges qui pèsent sur les autres. L’Europe, ce n’est pas simplement une concurrence un peu plus forte sur un certain nombre de secteurs, c’est aussi une convergence des politiques économiques. Or, nous sommes actuellement le pays d’Europe, je dis bien « le pays d’Europe », qui a les charges fiscales les plus élevées. Alors, si l’Europe, ça pouvant servir à la France à être responsable dans ce domaine, à apaiser sa dépense publique, à baisser ses charges collectives, eh bien, je pense que ce serait une bonne chose. C’est d’ailleurs ce qui va se faire. Car lorsque vous aurez des TVA avec 4 ou 5 points de différence entre la France et l’Allemagne, lorsque vous aurez un impôt sur le revenu à 10 points supérieurs en France par rapport à d’autres pays, lorsque vous aurez une taxation de l’épargne très largement plus lourde en France qu’ailleurs, eh bien, vous aurez des évasions de capitaux et des évasions du travail, c’est-à-dire des hommes.
Je crois que, là, il y a une réflexion à faire, positive, sur l’Europe. L’Europe nous a, jusqu’à présent, protégés de nos propres défauts. Et je souhaite que, dans ce domaine du transport routier, on s’aperçoive que, pour ces petites entreprises françaises… pourquoi il n’y a pas la même chose en Allemagne ? Pourquoi il n’y a pas la même chose en Grande-Bretagne ou en Espagne ? C’est tout simplement parce que les charges qui pèsent sur ces entreprises sont moins lourdes. Et il y a aussi certainement, ce qu’a dit Monsieur Poletti, peut-être des patronats plus compréhensifs ! Là, je ne connais pas assez la question. Mais je souhaite qu’on aille dans une Europe qui nous permette de chasser nos propres lacunes et nos propres défauts.
M. FIELD. – Autre thème de l’actualité qui était en scène dans l’EDITO, la réforme de la justice annoncée par Jacques Chirac et, finalement, mise en œuvre, pour une part, par le gouvernement socialiste. Le thème de la sécurité, thème de prédilection de l’opposition, qui est en quelque sorte accaparé par le gouvernement socialiste. Est-ce que vous ne voyez là que de l’habilité de la part du gouvernement de Lionel Jospin ? Ou est-ce que vous voyez peut-être, là, une sorte de maturation de la vie politique qui fait que les clivages apparaissent moins nettement entre la Droite et la Gauche et qui donner l’impression que l’Opposition est un petit peu aphone ou, en tout cas, embarrassée pour critiquer le gouvernement ?
M. LÉOTARD. – Je préfère votre deuxième interprétation, c’est-à-dire une certaine maturation du débat politique.
Vous me permettez de dire un mot sur le problème de sécurité : il n’appartient ni à la Droite, ni à la Gauche. Jadis, on se faisait brocarder à Gauche quand on employait ces termes-là, quand on parlait de la police ou de la gendarmerie. Tant mieux s’ils changent !
Je voudrais simplement dire que ce n’est pas la bonne voie, celle qu’a choisie Monsieur Chevènement. Pour l’histoire de la police comme pour l’éducation nationale, mais disons la police, il faut bien distinguer ce qui est du domaine du national – protection des frontières, police judiciaire, maintien de l’ordre – de ce qui est du domaine de la tranquillité publique, c’est-à-dire de l’autorité des maires, sous l’autorité, elle-même, des procureurs de la République.
Si les socialistes avaient le courage d’aller dans cette direction, concentrer les forces de police sur des vraies tâches nationales et laisser aux élus, sous l’autorité des procureurs de la République, bien sûr, ce qu’on appelle la tranquillité publique, c’est-à-dire la petite délinquance – ce qui, en fait, agace beaucoup nos compatriotes – je crois qu’on ferait un pas en avant. Et, là, ils sont victimes de leur idéologie. Ce n’est pas parler de la sécurité qui est important, c’est faire en sorte qu’on fasse baisser la délinquance.
Alors, je crois que c’est un gouvernement qui parle plus qu’il ne gouverne et, finalement, qui dépense plus qu’il ne réforme. Ce qui est fâcheux ! Mon sentiment, jusqu’à présent – vous pouvez prendre, d’ailleurs, la liste des grands sujets qui ont été évoqués depuis maintenant quatre ou cinq mois : AIR France, les 35 heures, l’immigration, l’affaire de la sécurité, la justice – est que vous ne débouchez pas sur des vraies réformes qui, en fait, engagent l’avenir français. Vous débouchez sur des reconquêtes d’électorat par le Parti socialiste. C’est bien pour eux, je ne suis pas sûr que ce soit bien pour la France. Ce n’est pas la même chose.
Sur la justice, un mot si vous le permettez, je crois qu’il y a quand même des points qui sont positifs dans ce qui a été proposé par Madame Guigou. Je prends un exemple : cela fait des mois que je le souhaitais, qu’on le disait : la présence de l’avocat au tout début de la garde à vue est une chose positive qui se fait partout ailleurs. Vous avez un début d’indépendance pour ce qui concerne le parquet qui est une bonne chose. Mais pourquoi ne pas aller plus loin ? Quitte à réformer, pourquoi ne pas séparer plus profondément les magistrats du siège, ceux qui jugent, des magistrats du parquet, ceux qui accusent, et faire en sorte que ce ne soit pas nécessairement ni la même école, ni la même fonction publique qui, finalement, représente les uns et les autres. Cela serait une vraie réforme.
M. FIELD. – Pourquoi s’être arrêté en chemin d’après vous ?
M. LÉOTARD. – La réforme, en France, s’arrête en chemin parce qu’il y a un déficit de courage politique. On devrait pouvoir aller plus loin. C’est une réforme qui s’inscrit dans la droite ligne de ce qu’avait fait Napoléon et qui a marqué très profondément la société française. Je crois qu’on peut faire autrement aujourd’hui.
Le drame de notre société, c’est que, aujourd’hui, elle est marquée par une centralisation, un jacobinisme, une puissance de l’État, une présence de l’État, et en même temps une faiblesse d’ailleurs, quand je dis « puissance », c’est une omniprésence et en même temps une faiblesse, qui fait que tout est aspiré par le haut et que vous n’avez plus suffisamment de démocratie locale, d’initiative locale, de gestion locale des problèmes et qui fait que le pays est en train d’étouffer.
Je suis très fortement décentralisateur et je pense que la vraie réponse aux questions des Français, c’est aujourd’hui d’aller le plus près possible du citoyen. Ce n’est pas ce que font les socialistes, c’est à peu près l’inverse. Ils ne jurent que par l’État. Or, je suis convaincu que l’État doit se concentrer sur les missions sur lesquelles, aujourd’hui, il est très faible d’ailleurs et que le reste doit être confié à des autorités élues qui ne viennent pas de l’État et qui ont leurs propres responsabilités. C’est tout à fait autre chose.
M. FIELD. – On voyait des images de votre carrière politique. Il y a un an et demi, au journal « Le Monde », vous disiez : « dans les années 84-85, j’étais en adéquation. J’ai plus de mal à présent, la société française ne m’est plus aussi transparente ». Ce sont des propos que vous résigneriez aujourd’hui ?
M. LÉOTARD. – Oui, un peu. Je trouve que « le vivre ensemble » qui était la définition d’une nation, le bonheur d’être ensemble et, si possible, le bonheur de faire ensemble, c’est quelque chose qui s’éloigne, me semble-t-il, en France. J’aime passionnément mon pays, j’ai envie de retrouver ce bonheur qu’avaient les Français à certains moments de leur histoire, non seulement de s’aimer eux-mêmes, leur langue, leur culture, leur musique, leurs penseurs, leur armée, mais en même temps de faire en sorte qu’ils construisent quelque chose ensemble, ce qui a été une civilisation. Nous avons été une des plus grandes civilisations du Monde, est-ce qu’au fond ce n’est pas cela qui nous manque ? Cette façon d’être ensemble.
Je crois que, depuis l’incivilité des jeunes collégiens à la sortie du collège jusqu’à cet espèce de mémoire bizarre qui revient avec l’affaire Papon, une mémoire coupable, une mémoire des choses malsaines de notre histoire, il y a, là, quelque chose qui n’est pas très sain. Demandez à une jeune Français de 20 ans, aujourd’hui, ce qu’est Bir Hakeim ? Il va vous dire : « c’est une station de métro ». C’est un des plus beaux moments de la libération des Français. On parle aujourd’hui de la guerre.
Je prends un autre exemple : pourquoi ne pas faire un très beau musée de la Résistance à Paris, un super musée de la Résistance où on expliquerait ce que c’était que l’affiche rouge, où on expliquerait ce que c’était que Jean Moulin, où on expliquerait ce que c’était que le Vercors ? Vous avez quelque chose à Caen qui est très bien, qui est un musée de la paix et de la guerre. Vous avez à Verdun quelque chose sur la paix, mais de la Résistance ? C’est une belle leçon pour les jeunes Français d’aujourd’hui.
Je veux dire : essayons de voir ce qu’il y a de beau dans notre histoire ». Vous savez, les cadets de Saumur, en 40, cette étrange défaite, ils se sont battus contre les Allemands pendant des jours : le Général de Gaulle qui a franchi les lignes pour aller de l’autre côté. Il n’y a pas que des défaites dans ce pays, il y a eu des choses formidables qui ont été faites par les Français.
M. FIELD. – Sur les mouvements de société actuelle, il y a une grande disparité de prises de position des dirigeants des partis qui composent l’UDF. François Bayrou qui était mon invité, il y a quelques semaines, réaffirmait une sorte de morale traditionnelle sur la famille. Alain Madelin parle sur la dépénalisation des drogues douces, sur le contrat d’union civile avec une volonté d’être très libéral au sens des mœurs. Vous, comme Président de l’UDF, vers quelle tendance iriez-vous ?
M. LÉOTARD. – J’ai d’abord la responsabilité d’assurer la synthèse, qui est plus facile qu’on ne le pense, entre le personnalisme chrétien que je crois utile pour mon pays et le libéralisme. Mais je crois que, sur certains sujets de société, il ne faut pas le voir de façon trop négative. L’alcool tue aujourd’hui, en France, beaucoup plus de monde que les drogues douces. Il faut le dire. Quand vous avez des gens qui vous disent : « Il ne faut pas toucher au haschich », vous vous posez des questions ! Il y a 60 000 morts par l’alcool, en France, actuellement.
Donc, essayons de poser des questions calmement, d’abord paisiblement, de voir si c’est un problème médical, donc que les médecins disent ce qu’ils en pensent et qu’enfin le principe de liberté, associé à la responsabilité, puisse prévaloir.
M. FIELD. – Donc ironie sur « la gauche-pétard », ce n’est pas votre truc ?
M. LÉOTARD. – Moi, je ne l’ai pas fait, en tout cas ! Mais je veux dire : « essayons d’épouser cet appétit de liberté qu’ont les jeunes Français ». Cela ne me choque pas de les voir mettre leur casquette à l’envers et habiller comme ils sont habillés. Il y a un appétit de liberté. Alors, il faut savoir de temps en temps dire : « attention, cela, il ne faut pas ! » et, en même temps que la liberté, la responsabilité. Ce sont tous les problèmes sexuels, le problème du sida, le problème de la famille. Mais la liberté, c’est beau ! Il ne faut pas non plus rouspéter parce que les jeunes Français ont envie de liberté.
M. FIELD. – Il y a quelque chose peut-être d’amer pour vous, finalement, vous sortez ce livre qui s’appelle « Pour l’honneur », vous êtes rentré en politique – vous l’avez dit souvent – pour laver aussi l’honneur de votre nom avec la mise en cause injuste de votre père à propos de la catastrophe du barrage de Fréjus, de l’indemnisation des victimes, est-ce que, finalement, 20 ans de vie politique pour avoir, à nouveau, à redéfendre son honneur, ce n’est pas quelque chose qui vous fait réfléchir ?
M. LÉOTARD. – Oui, bien sûr ! Mais on n’est jamais assuré de gagner dans la vie, ni sa vie personnelle, ni sa vie publique. Mais la seule bataille qu’on mérite de perdre, c’est celle qu’on ne mène pas.
Je ne veux pas faire de parallèle trop fort, mais j’ai eu un jour une discussion formidable avec le Chancelier Kohl. Il me dit : « les premiers, dans les camps de concentration, c’était des Allemands, c’était des socio-démocrates allemands, c’était des communistes allemands, c’était des juifs allemands », et il avait fait un livre sur la résistance allemande. Je ne fais pas de parallèle excessif, on n’est pas dans la même situation et comparaison n’est pas raison, je veux dire simplement qu’il y a des moments où la vie politique est intéressante parce qu’elle fait appel à la conscience et, là, elle est belle. Ce n’est pas expédier les affaires courantes, ce n’est pas « on met un point de CSG là ou là », c’est : il y a un problème de conscience qui se pose et, à ce moment-là, on dit : j’y vais ou je n’y vais pas. Il y a la tentation de la pas y aller, je l’ai, vous l’avez, on l’a tous de dire : « c’est trop dur ! ».
Je ne suis pas du tout assuré de gagner ce combat en Provence, pas du tout ! C’est un combat très difficile, mais j’ai le mener parce que je n’ai pas envoie de ce qu’on nous propose et j’ai envie de faire autre chose de la vie publique de cette région que ce que vous avez décrit tout à l’heure. Je crois que cela est possible et cela m’intéresse. Je ne suis pas sûr de gagner ! Si je ne gagne pas, les défaites ne sont pas non plus ignominieuses si on a bien mené la bataille.
M. FIELD. – François Léotard, merci.
Je rappelle le titre de ce livre « Pour l’honneur », c’est paru aux éditions Grasset. Je vous remercie.
Mon invité de la semaine prochaine sera Claude Allègre le ministre de l’éducation nationale.
Bonsoir à tous. Dans un instant, vous avez rendez-vous avec Claire Chazal pour le 20 heures.