Interview de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, dans "Le Parisien" du 11 juin 1999, sur la consommation et l'importation de farines animales dans l'alimentation animale et la possibilité de produire en France les protéines végétales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Parisien

Texte intégral


Q - Les éleveurs français sont-ils prêts à se passer des farines animales ?

Luc Guyau. - Oui, mais pas à n'importe quel prix. Nous sommes prêts si nous pouvons donner nos propres protéines à nos animaux. Car nous refusons toute importation d'oléagineux qui ne seraient pas sûrs pour le consommateur. Il y a le risque des OGM (organismes génétiquement modifiés) bien sûr, avec le soja américain. Mais il existe aussi le risque d'accidents, comme celui de la dioxine aujourd'hui.

Q - La France a-t-elle les moyens de produire suffisamment de protéines végétales ?

- Bien sûr. Nous avons beaucoup de surfaces disponibles. La France possède environ un million d'hectares en jachère. Même des terres à blé pourraient être reconverties. Techniquement, il est possible de produire aujourd'hui assez de protéines végétales. La seule contrainte, c'est le marché mondial. Mais nous demandons la permission d'en produire à concurrence de ce qui se fait dans le secteur animal. Rien de plus. Nous consommons un peu plus de 400 000 tonnes de farines animales. Nous voulons l'équivalent en farines végétales. L'Europe doit avoir le courage d'affronter sur ce point les Etats-Unis. Il faut de la volonté, mais c'est une question d'équilibre alimentaire. La santé est tout de même prioritaire, non !

Q - Mais cette farine végétale serait plus chère. N'est-ce pas encore le consommateur qui paiera ?

- Dans le panier de la ménagère, les produits agroalimentaires ne pèsent que 16 %. Et le quart, seulement, va aux producteurs. Il faut que les intermédiaires acceptent de diminuer leur marge bénéficiaire et arrêtent de mettre la pression permanente sur les bas prix.

Q - Comment les convaincre ?

- En s'alliant, producteurs et consommateurs. La première action, c'est le dialogue, mais après, il faut faire pression. Il faut que le public se responsabilise. Il faut accepter de payer le prix de la qualité. Nous en avons ras le bol d'entendre parler de productivité. Nous sommes victimes, comme les consommateurs, des choix de cette société.