Déclaration de M. Pierre Bérégovoy, Premier ministre, sur les grandes orientations du XIème Plan, au Conseil économique et social le 9 mars 1993.

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Circonstance : Discussion sur les grandes orientations du XIème Plan au Conseil économique et social le 9 mars 1993

Texte intégral

Je suis venu à de nombreuses reprises devant votre assemblée dans mes fonctions précédentes ; je n’avais pu encore le faire en tant que chef du gouvernement. Vous savez combien j’apprécie l’amitié que je retrouve ici, et la qualité de vos travaux. Votre rapporteur, M. Jean-Pierre Vignau, vient d’en apporter une nouvelle preuve : qu’il en soit particulièrement remercié.

I. - Certains avaient cru qu’on pourrait tourner la page du Plan. Ce serait une grave erreur. Nous vivons une mutation profonde du monde et de la société française, cela vient d’être dit. Plus que jamais nous devons rendre intelligible cette transformation pour la maîtriser. Le Plan nous aide dans cette tâche, car il est le lieu où peut se définir une ambition commune et où se noue le débat collectif.

A l’effondrement du système soviétique à l’Est a répondu l’échec des certitudes libérales, à la façon de M. Reagan et de Mme Thatcher. La liberté à l’Est, la liberté des échanges commerciaux sont vues aujourd’hui, dans une France inquiète, comme renforçant les risques plus que les chances. Le « moins d’Etat » n’est pas la réponse aux défis d’aujourd’hui. Si nous voulons que notre avenir ne nous échappe pas, nous devons organiser le monde et la société pour réduire l’incertitude.

Le Plan, c’est aussi le débat : j’ai lu qu’entre les commissions thématiques, les discussions en région – tant au niveau des conseils régionaux qu’avec l’élaboration pour la première fois des « stratégies de l’Etat en région » –, le Conseil économique et social, ce sont environ 8 000 personnes qui ont participé à cette réflexion. Elle a déjà largement alimenté la presse et le débat politique de tout bord, et c’est très bien ainsi.

L’élaboration du Plan participe ainsi du « renouveau civique » que je juge indispensable. Renouveler la démocratie, réinventer ses thèmes et retrouver l’écoute des uns et des autres. L’accélération de l’histoire, avec ses difficultés, redonne sa grandeur au débat politique, et sa nécessité à la démocratie de proximité. Pour la qualité du travail fait en ce sens, je tiens à féliciter François Loncle, secrétaire d’Etat du Plan à mes côtés, à qui me relie une vieille complicité, et Jean-Baptiste de Foucauld, commissaire au Plan en qui nous apprécions tous un mélange exceptionnel de rigueur et d’imagination.

Le document préparatoire au XIe Plan qui vous a été soumis ainsi que le rapport de synthèse du commissaire proposent d’orienter, pour les cinq années à venir, l’effort des Français autour de quatre priorités : l’Union européenne, l’emploi, une société plus soucieuse de l’homme et de la nature, enfin la rénovation de l’action publique.

Votre rapporteur propose de privilégier les deux premiers enjeux : l’Europe et l’emploi. Je le suis volontiers, et je voudrais même le précéder en donnant la priorité des priorités à l’emploi, qui est naturellement notre principale préoccupation.

II. - L’objectif est clair, et difficile à atteindre : faire reculer le chômage. Nous y sommes arrivés entre 1988 et 1990, nous n’avons pu depuis que freiner sa progression. Depuis un an, le nombre de chômeurs en France a augmenté trois fois moins qu’en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Espagne ; le nombre de chômeurs de longue durée a reculé – c’était la priorité que j’avais tracée. Le « traitement social » que certains dénoncent si facilement, c’est la traduction active de la solidarité nationale. Nous n’avons pas à rougir de ces résultats ; mais je mesure leur insuffisance.

La France a aujourd’hui des réserves de croissance : réserves structurelles, avec sa main-d’œuvre qualifiée et son espace équipé. Réserves plus « conjoncturelles » aussi : le pouvoir d’achat des ménages a progressé de 2 % en 1992, et la consommation a nettement repris depuis le mois de juillet dernier ; la situation financière des entreprises est meilleure qu’en 1987 ; les taux d’intérêt à long terme sont à 7,25 %, leur plus bas niveau depuis le premier choc pétrolier. Mais la France connaît une crise de confiance : les incertitudes entretenues avant et après le référendum dans certains milieux sur notre monnaie ont fait monter les taux d’intérêt à court terme, et conduit ainsi les entreprises à déstocker massivement. Plus de consommation, moins de production : voilà le paradoxe d’une économie française inquiète. 
La France a aujourd’hui une forte marge de baisse de ses taux d’intérêt à court terme, si on met fin à la cabale artificielle contre le franc. L’Allemagne a commencé à changer de voie, en baissant ses taux de 1,5 point depuis six mois. L’intérêt national commande de maintenir la politique du franc stable. C’est ainsi que nous ferons repartir la croissance. Il ne s’agit pas d’intensifier, monsieur le rapporteur, ce qu’on a appelé la « désinflation compétitive », laquelle a réussi ; il s’agit de conserver nos acquis économiques : une inflation maîtrisée, un commerce extérieur rééquilibré et même excédentaire l’an dernier.

Certains voudraient, à la suite de Baudelaire, « plonger dans l’inconnu pour trouver du nouveau ». C’est un beau programme poétique, et un mauvais credo économique. Quand la tempête est là, la ténacité paie plus que l’aventure. Le Plan nous rappelle avec force les trois piliers de la sagesse économique : poursuite de la politique de stabilité monétaire ; cap fermement tenu de la monnaie unique et de l’initiative européenne de croissance ; retour de l’ordre économique international, autour du G7, d’un accord global et équilibré au GATT et d’un renforcement de l’aide au développement. J’avais lancé il y a deux ans, quand j’étais ministre des Finances, l’idée d’une création supplémentaire de monnaie à l’échelle internationale, ce qu’on appelle les droits de tirage spéciaux pour soutenir la croissance mondiale. A l’époque, je n’ai pas été entendu. D’autres voix se sont élevées depuis en ce sens. 
Je crois souhaitable que le prochain comité intérimaire au FMI, fin avril, reprenne cette idée.

Le Plan complète sa prescription pour la croissance par l’exigence nouvelle de « performance globale ». La France doit renforcer les facteurs de sa compétitivité à long terme : la qualité du dialogue social ; le mode d’organisation des entreprises ; les investissements publics (éducation, infrastructures, recherche).

Les travaux de la commission présidée par un chef d’entreprise, M. Jean Gandois, se situent bien loin d’un libéralisme simpliste. La croissance – et encore moins le recul du chômage – ne passe pas par un nouvel allégement général des charges, coûteux et peu efficace s’il n’est pas ciblé : nous avons atteint aujourd’hui, pour la fiscalité des entreprises, un point d’équilibre. Il faut s’y tenir, et laisser à l’Etat les ressources nécessaires pour préparer la compétitivité de demain, à la Sécurité sociale les ressources nécessaires pour assurer la cohésion aujourd’hui.

La croissance est nécessaire parce qu’elle créé des emplois : près de 650 000 emplois salariés supplémentaires depuis 1988. Mais la leçon pour l’avenir est simple : pour faire reculer le chômage, la croissance est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Il faut compléter la croissance par la solidarité. Le Plan a fait ici une réelle percée, en explorant tous les leviers d’une politique active de l’emploi. Les rapports de MM. Brunhes et Charpin sont remarquables et je veux y insister.

Le grand enseignement de la décennie, qui a vu l’inexorable montée du chômage dans le monde industriel, est que nous avons à faire face à une situation tout à fait inédite. Nous savons qu’il faudrait 5 à 6 % de croissance par an sur dix ans pour obtenir une résorption du  chômage. Or l’activité mondiale a fléchi, et tout laisse à penser que nous ne retrouverons pas avant longtemps les taux de croissance observés au cours des Trente Glorieuses. C’est une révolution économique. Deuxième élément, les progrès techniques maintiennent à un très haut niveau les gains de productivité : la machine crée des richesses mais détruit les emplois d’hier. C’est une révolution technologique. Enfin, l’évolution positive de la population active est nourrie par des phénomènes profonds qu’aucun d’entre nous ne peut regretter, au premier rang desquels le travail des femmes. C’est une révolution sociologique. Aussi difficile que cela soit, il faut, pour faire face à cette triple révolution, une révolution culturelle de même intensité. L’objectif premier est de lutter contre le chômage. Mais l’effet sera beaucoup plus important car, au passage, le visage de notre société aura été remodelé.

Pour ma part, je vois six domaines privilégiés, six leviers qu’il faudra actionner simultanément.

Tout d’abord, agir sur le coût du travail non qualifié. Si le niveau global du coût du travail n’est pas excessif en France, il est clair, en revanche, que les salariés les moins qualifiés sont les premières victimes de phénomènes d’exclusion.

La bonne réponse, à moyen et à long terme, je vais y revenir, est la qualification et la formation. A court terme, et dans une démarche de solidarité, il convient de rechercher les moyens d’alléger le coût des emplois peu qualifiés. Certainement pas en remettant en cause le niveau du SMIC, qui est un minimum légitime en termes de justice et de solidarité. Il faut en revanche, pour les emplois peu qualifiés, diminuer les charges sociales qui s'ajoutent au salaire, en utilisant tous les moyens disponibles, et notamment la franchise forfaitaire de cotisation.

C'est une première révolution mentale. Nous devons accepter l'idée que certains emplois, même moins productifs que d'autres, méritent d'être protégés dès lors qu'on neutralise, pour l'entreprise, le coût de cette protection.

Le deuxième levier, d'ailleurs cohérent avec celui que je viens de décrire, c'est la mise en œuvre permanente d'un programme de lutte contre le chômage de longue durée.

Accueilli d'abord avec scepticisme, quand ce n'était pas avec des sarcasmes, le programme 900 000 lancé en avril s'est poursuivi dans un certain consensus. Près de 800 000 chômeurs de longue durée sont sortis du chômage en dix mois ; leur nombre total a reculé, dans un contexte difficile. Ce programme a montré que le chômage de longue durée n'était pas condamné à devenir un chômage perpétuel ; il a révélé un besoin d'innovation dans le traitement des problèmes de l'emploi.

A côté des emplois classiques du secteur marchand, doivent exister des activités utiles à la collectivité, et qui permettent d'accueillir, provisoirement, les exclus du marché du travail pour les réinsérer. C'est un déplacement de la dépense publique de l'allocation de remplacement vers la rémunération d’une activité d’intérêt général. Mais c’est un déplacement ??? d'une révolution des mentalités. A côté de l'emploi classique, il doit être admis qu'existent des activités non moins dignes et non moins utiles.

Le troisième levier sur lequel il nous faut agir, c'est l'organisation du travail.

Des mesures ont déjà été prises par le gouvernement : relance des préretraites progressives que Renault développe par exemple, incitation au développement du travail à temps partiel reprise au bond chez Axa récemment. C'est aussi cela qui justifie que nous souhaitions avancer vers les 35 heures dans les cinq ans qui viennent.

Je ferai, sur ce thème de la réorganisation du travail, trois observations.

D'abord, la réduction du temps de travail, qui en est une des modalités principales, doit être l'occasion de vraies négociations sociales, du « grain à moudre » comme disait M. Bergeron. D'une part, parce qu'elle doit s'accompagner d'une autre conception du processus de production afin d'accroître la durée d'utilisation des équipements. D'autre part, parce que la question de la compensation salariale doit être discutée, en sorte que soient protégés à la fois les bas salaires et la compétitivité de l'entreprise. Une loi-cadre pour impulser et fixer les garanties des salariés ; des négociations entreprise par entreprise pour adapter la formule aux réalités de chaque société. Telle est, je crois, la voie. Fermeté de l'impulsion, souplesse de la réalisation. J'observe d'ailleurs que les expériences se multiplient : Potain, Montabert, Hewlett Packard, d'autres encore.

Deuxième observation : la réduction de la durée du travail n'est pas la seule formule. Je crois aussi beaucoup à la modification de la séquence formation/travail sur la durée de la vie active. L'idée avancée par le président de la République et reprise par Mme Notat d'un capital-formation alloué à ceux qui n'ont pu bénéficier d'une formation initiale suffisante pourrait être examinée attentivement. Cela donnerait son sens plein à la formation permanente et permettrait d'alterner au cours du cycle de vie active les périodes de travail et de formation.

Cela me conduit à ma troisième observation : le partage du travail va bien au-delà de la lutte contre le chômage. C'est un profond changement de société, une société moins organisée autour de l'activité productive, et davantage tournée vers l'épanouissement de soi, dans laquelle les périodes de non-travail ne seraient pas nécessairement des périodes de chômage.

Le quatrième levier sur lequel il faut agir, c'est le changement des comportements et des mentalités au sein même des entreprises, la rupture avec le réflexe quasi conditionné selon lequel les adaptations se font au détriment systématique de l'emploi.

A court terme, cela veut dire que les ajustements parfois nécessaires pour adapter l'entreprise aux fluctuations de la conjoncture doivent se faire dans une optique de partage du travail. Là encore, les expériences sont de plus en plus nombreuses : Société bordelaise de crédit, Mutuelle artisanale de France, IFREMER. Je ne peux les citer tous, ce qui est un bon signe.

A moyen et long terme, c'est la généralisation des méthodes modernes de gestion des ressources humaines : formation, gestion prévisionnelle, reclassement. Démarches nécessaires porteuses de valeur ajoutée pour l'entreprise et de sécurité de l'emploi pour les salariés.

L'Etat devra y inciter. Pour ne prendre que cet exemple, le Parlement a voté un amendement en décembre dernier, obligeant à présenter un réel plan de reclassement en cas de licenciement. Cet amendement a été à l'époque violemment dénoncé à l'Assemblée nationale. Il faut aller plus loin. Je souhaite que les partenaires sociaux réfléchissent à une tarification de l'assurance chômage incitant davantage à une gestion intelligente des personnels.

Le cinquième levier susceptible de multiplier les emplois, c'est le développement des emplois de service, particulièrement dans les services de proximité. L'initiative prise récemment par le groupe public Elf-Aquitaine pour la distribution d'essence, avec la création de 400 emplois dans une première étape, en est un bon exemple.

Nous avons amorcé le mouvement : je pense notamment à l'allégement fiscal pour les employeurs à domicile ou au développement des emplois d'intérêt général.

Il faut poursuivre et amplifier : l'aide aux personnes, l'environnement. Mais aussi le tourisme qui crée 30 000 emplois par an. Avec la réduction de la durée du travail et l'augmentation du temps de loisir, ce sont de nouveaux emplois qui pourront être créés demain dans ce secteur.

Il s'agit enfin, et c'est le sixième levier sur lequel je voudrais insister, de perfectionner sans relâche les mécanismes actuels du fonctionnement du marché du travail, notamment la coopération avec les partenaires concernés : ministère du Travail, ANPE, UNEDIC et ASSEDIC, collectivités locales, mouvement associatif, entreprises.

J'ai évoqué six leviers ; ce n'est pas par une arme simpliste que nous ferons reculer le chômage. La lutte pour l'emploi est un combat trop grave et trop difficile pour qu'on le réduise aux slogans magiques : allégement des charges, suppression du traitement social ou de l'ANPE. Je souhaite moins de simplification dans le débat et plus de mobilisation de la part de tous les acteurs.

La lutte pour l'emploi est en effet l'affaire de tous : le document préparatoire au XIe Plan parle d'« engagement collectif de performance pour l'emploi ». J'ai proposé un nouveau « pacte de solidarité ». Réussissons ensemble, plutôt que d'échouer séparément. Votre rapporteur ne s'est pas prononcé sur cette idée d'« engagement collectif ». Je vous invite à réfléchir dans les prochaines semaines aux éléments d'un tel engagement ou d'un tel pacte.

III. - Après l'emploi, pour l'emploi, l'autre priorité est la construction européenne. Votre projet d'avis est sur ce point d’une fermeté de conviction – que je salue, et que je partage. L'Europe tend trop à devenir le bouc émissaire commode de nos difficultés : pour les marins-pêcheurs comme pour les industriels du textile, pour les routiers comme pour les chasseurs, « c'est la faute à l'Europe ». A jouer ce jeu de défausse, nous risquons gros. Nous risquons de perdre le peu d'Europe que nous avons déjà, et de regretter amèrement le plus d'Europe dont nous avons besoin et que nous n'aurons pas voulu ou su construire. Personne ne peut croire que notre avenir est dans le protectionnisme et le chacun pour soi. Mais l'Europe doit être plus ferme dans les négociations internationales. L'agriculture européenne et française doit être sauvegardée. De même, on ne peut pas accepter la concurrence sauvage des produits des pays où le coût de la main-d'œuvre est dix fois inférieur au nôtre. Des règles internationales doivent fonder la compétition sur des critères objectifs. C'est la Communauté, élargie progressivement aux dimensions du continent, qui est la réponse aux trois déficits du monde de 1993 : déficit de croissance, déficit de paix, déficit de solidarité.

J'ai évoqué déjà la croissance, grâce à l'Union économique et monétaire. La paix : il n'est pas bon que le monde soit dominé par une seule puissance, fût-elle notre alliée et notre amie. L'Union européenne doit devenir un acteur fort sans propension impériale : l'Europe ne peut plus se construire principalement pour elle-même, elle doit aussi le faire pour participer à la promotion d'un nouvel ordre économique et politique mondial. La solidarité : nous ressentons tous les déficits de l'Europe sociale, et la difficulté à développer ce modèle d'« économie solidaire de marché » que l'Europe doit faire naître. Les propositions du Plan, celles de votre rapporteur, offrent des jalons bienvenus sur la voie obligée d'un projet de société européen. Le modèle européen, ce n'est pas, ce ne peut pas être, celui de l'individualisme fort et de l'Etat faible ; ce n'est pas non plus celui du consensus social forcé. Ce doit être un modèle d'équilibre, qui, si nous le pouvons, doit être exporté à l'Est et au Sud.

IV. - J'ai repris sans réserve les priorités de votre projet d'avis. Ils n'effacent pas pour autant les chantiers essentiels dont nous ne pouvons assez parler aujourd'hui :
– l'aménagement du territoire et la protection de l'environnement : nous avons en France le plus grand espace d'Europe et un des plus beaux patrimoines. Ce sont des atouts maîtres, qu'il faut toujours mieux valoriser ; les prochains contrats de plan seront modulés au profit des territoires les plus pauvres, comme je m'y suis engagé lors du CIAT du 10 février ;
– l'agriculture, qui est un élément essentiel de notre identité nationale comme de notre puissance économique. La réforme de la PAC a été et est contestée par ceux qui pensent que ne rien faire est le moyen le plus facile de plaire. Elle prépare l'avenir, qui ne peut pas être dans l'agriculture, pas plus que dans les autres domaines, la répétition du passé. Surtout, la PAC réformée est le bouclier qui nous a permis de tenir bon dans les négociations du GATT, comme vous avez pu l'observer.

Il est aussi un chantier qui me tient particulièrement à cœur : c'est celui de la lutte contre les inégalités. Votre projet d'avis préfère cette expression à celle de « cohésion nationale » retenue dans les documents préparatoires : au-delà des mots, l'impératif est le même, et il est essentiel. Rechercher demain tout ce qui réintègre les exclus : c'est le sens de la priorité à l'emploi. Mais ne rien faire aujourd'hui qui remette en cause les progrès acquis. J'ai proposé dans cet esprit une « caisse de garantie », pour donner aux partenaires sociaux les moyens de gérer la retraite par répartition, pour que le patrimoine des Français garantisse la retraite des Français. Les acquis sociaux sont l'armature de la nation : la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, les moyens nouveaux de l'éducation nationale, pour que le progrès économique produise aussi du progrès social ; le SMIC, le RMI, la politique de la ville, la lutte contre le chômage de longue durée, pour que personne ne soit le laissé pour compte de la modernisation. Ne commençons pas le « détricotage » de la cohésion nationale. Il faut sûrement faire plus, celui qui vous parle en est convaincu, pour les plus démunis. En tout cas, il ne saurait être question de faire moins.

Dans douze jours, les Français vont voter. Il appartiendra au gouvernement issu des élections de présenter devant le Parlement la loi de Plan. Je ne doute pas qu'il le fera, quel qu'il soit, en se fondant sur des travaux préparatoires dont la qualité a été unanimement reconnue, et sur les observations de votre assemblée. Au-delà des clivages politiques, notre débat d'aujourd'hui nous rassemble pour préparer l'avenir : c'est l'objectif du Plan, c'est pour cela qu'il est irremplaçable.

J'ai dit « au-delà des clivages » car c'est une idée à laquelle je tiens beaucoup, devant les difficultés, au nom de l’intérêt général, il faut rassembler toutes les bonnes volontés au service de la France.