Débat entre MM. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale de la recherche et de la technologie, et Alain Madelin, président de Démocratie libérale et président du Mouvement Idées-Action, à France 2 le 27 octobre 1997, sur la politique de l'éducation, la lutte contre l'échec scolaire, et le fonctionnement du système éducatif.

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Média : Emission Mots croisés - France 2 - Télévision

Texte intégral

(...) du XXIe siècle, c’est quelqu’un qui comprend le monde dans lequel il vit, qu’il participe à sa transformation et qui ne la subit pas, qui apprend dont à penser de manière autonome, à se situer dans une société, à trouver du travail et, je dirais, je crois qu’il faut apprendre à l’école à la fois le goût du travail et la joie de vivre. Je crois que c’est les deux missions essentielles, inventer l’avenir, s’insérer dans la société, respecter les autres, être un citoyen et je crois que plus que jamais, la notion de citoyen dans cette fin de siècle est une notion fondamentale pour l’école.

Arlette Chabot : Alors la grosse machine éducation Monsieur Allègre, on l’a souvent comparée à l’Armée rouge, vous, vous avez parlé d’un mammouth qu’il fallait dégraisser, nous allons y revenir, alors je vous propose de voir comment, de l’intérieur, un professeur, professeur d’anglais, Françoise Chaze qui est au collège Doisneau à Paris, elle vit et voit ce mammouth, Nathalie Saint-Cricq et Patrick Desmillier l’ont suivi pendant une journée.

Françoise Chaze : Le mot « carrière » vous voyez, ça me fait sourire en ce qui me concerne, moi je suis sortie de l’École normale supérieure sans l’agrégation, donc j’ai été nommée déjà dans l’Est, dans la vallée…, au pied des Hauts-Fourneaux, c’est là que j’ai fait mes premières armes et puis ensuite j’ai demandé à être rapprochée de mon mari qui était, lui, dans la région parisienne, et à ce moment-là j’ai été nommée en banlieue, dans une banlieue difficile, à Aulnay-sous-Bois, la Cité des 3 000 et là j’ai donc découvert sur le terrain des choses auxquelles je n’étais pas du tout préparée, la violence, le feu mis au collège, mes pneus crevés sur le parking, des enfants d’immigrés que je découvrais, mais ça a été quand même de bonnes années, mais je dois dire qu’au bout de dix ans quand même j’étais un peu usée. Et quand j’ai eu passé ces dix ans là, j’ai été donc inspectée par un inspecteur, ça s’est bien passé, j’ai profité donc de l’entretien pour lui dire, écoutez, si vous êtes satisfait de moi, est-ce que vous pouvez me donner un petit coup de pouce dans ce que vous appelez la carrière. Et donc cette personne m’a dit, non, je ne peux rien faire pour votre carrière. Que l’on soit bon ou mauvais, du point du vu du ministère, de notre administration, ça ne change pas grand-chose, je pense qu’un peu plus d’écoute quand même malgré tout plutôt que le sacro-saint ordinateur, peut-être quelques entretiens pourraient aider à pas mal de choses et à faire que des enseignants seraient un petit peu mieux dans leur peau, là où ils sont nommés. Il y a tous ces slogans qui ont couru pendant dix ou quinze ans apprendre en s’amusant, apprendre en s’amusant, oui, mais sauf que ce n’est pas toujours amusant d’apprendre. Les difficultés essentielles du collège, moi je dis que ce soit en anglais, en mathématiques, en histoire-géographie, c’est le français. Je crois qu’effectivement ça se passe mal dans l’enseignement primaire et la faute n’est pas aux instituteurs, la faite elle est aux formateurs et à la formation qu’ils reçoivent. Ils théorisent beaucoup trop sur la façon d’apprendre, sur la façon d’enseigner, parce que les sciences de l’éducation s’intéressent à la façon d’apprendre et à la façon d’enseigner, mais on ne s’intéresse pas au fond. Je dois faire des choses que je n’imaginais pas que j’airai à faire. C’est-à-dire que dans une heure de cours, je vais faire au mieux 15, 20 minutes d’anglais qui est ma discipline et puis le reste du temps, ça sera l’enseignement des règles du jeu, des règles de comportement, des règles d’écoute, de prise de parole.

Nathalie Saint-Cricq : Et quand vous dites que vous n’êtes pas relayée à l’extérieur par les familles…

Françoise Chaze : Oui, parce que le problème de cette crise, le problème du chômage et tout ça, c’est que les gens, les parents, ne sont plus tellement sûrs qu’en faisant faire des études à leurs enfants, ils les mettent à l’abri du chômage, donc du coup, s’ils n’y croient plus, s’ils n’ont plus cette confiance, les enfants n’y croient pas non plus. Je trouve ça très sympa d’être avec des mômes tout le temps, ça m’évite de vieillir trop vite, mais de toute façon, là j’ai une réaction de mère de famille, quand j’au cinq mômes chez moi ou quand c’est les anniversaires, au bout de deux heures, je n’en peux plus et je crois que les parents perdent ça de vue, ils nous en envoient 35 alors, il faut qu’on se les farcisse.

Alain Duhamel : Alors Claude Allègre vous avez quelques fois secoué les profs, vous avez aussi mis en cause le mammouth, finalement, la responsabilité principale, c’est les profs ou le mammouth ?

Claude Allègre : Attendez, d’abord je voudrais vous dire que le mammouth, il ne fait pas faire d’erreur préhistorique, il s’agit dans mon langage l’administration centrale de l’éducation nationale et absolument pas l’ensemble de l’éducation nationale, dont les professeurs n’ont rien à voir avec cela. Mais ce que nous venons de voir, je m’excuse de le dire, c’est exactement la justification de la politique que nous menons. Je ne veux plus que les enseignants soient traités par un ordinateur, d’une manière centrale et par des critères qui sont abstraits, je veux qu’on gère l’éducation nationale d’une manière moderne, humaine, par des rapports humains, par des discussions et par conséquent, déconcentrant la gestion de ces personnels, ça c’est la première chose. Deuxièmement, je veux qu’on tienne compte, dans le jugement des enseignants de leurs qualités, de la difficulté de leurs tâches, de leur dévouement, de leur imagination, et non pas d’une manière purement automatique à l’ancienneté. Je veux que dans ce… les talents qui sont nombreux dans le corps enseignant, mais qui sont variés doivent être reconnus pour ce qu’ils sont, ceux qui se donnent un mal de chien, ceux qui sont dans des… qui inventent de nouvelles solutions, ceux qui se battent dans les quartiers difficiles, qui ont les pneus crevés et qui enseignent tous les jours, sont des gens formidables ils font un travail extraordinaire, il doit être reconnu. Et ça c’est l’ensemble de mon message, c’est cela je ne comprends pas pourquoi ça n’a pas été fait plus tôt parce que je pense que c’est là-dessus que les choses se font. Ça c’est la première des choses. La deuxième chose qui a été dite et qui est aussi une base si vous m’entendez fustiger le Volapuk ENA, c’est d’avoir un enseignement qui tienne beaucoup plus compte de l’apprentissage, de la pratique du contact avec les élèves et beaucoup moins de manière théorique.

Arlette Chabot : Alain Madelin.

Alain Madelin : Oui, alors sur les enseignants, les enseignants sont d’ailleurs les victimes d’un système qui fonctionne mal, et qui fonctionne mal depuis longtemps, il faut s’interroger d’ailleurs sur les causes de ce mauvais fonctionnement de l’éducation nationale. Mais moi, je dis ça depuis longtemps, c’est évident qu’il faut dans tous les domaines y compris bien sûr dans l’ensemble de la fonction publique et chez les enseignants, mieux récompenser le travail, le mérite et l’effort, et on voyait ça dans ce reportage, et vous le savez tout aussi bien que moi, beaucoup d’enseignants sont un peu découragés de voir que leurs efforts ne sont pas récompensés, elle demande un petit coup de pouce pour sa carrière, eh bien non parce que jusqu’à présent, les carrières ne se font pas comme cela. Il faut essayer de comprendre un petit peu pourquoi Claude Allègre, il y a quand même depuis… ce n’est pas un problème de gauche et de droite parce que tous les gouvernements de gauche et de droite sont un peu responsables de cet état de fait, mais peut-être que derrière il y a ce qu’on pourrait appeler quand même les syndicats enseignants, de même qu’il existe une technocratie dans le domaine de la haute fonction publique, il existe une syndicatrie, on a appelé ça la corporation, la forteresse enseignante avec ses idées à elle, souvent avec des idées de gauche, des idées de socialistes qui voulaient le même enseignement pour tout le monde, le moule unique, le même corps d’enseignant…

Claude Allègre : Ça je vous rassure tout de suite, ce n’est pas des idées de socialistes…

Alain Madelin : Si pardonnez-moi, c’était… vous le savez tout aussi bien que c’était l’histoire, l’histoire du syndicalisme socialiste, dans le domaine de l’enseignement, ne refaisons pas l’histoire, mais tout ceci ça ne marche pas parce que ça produit l’injustice scolaire et puis ça provoque une sorte de démoralisation pour une part du corps enseignant, car les meilleurs ne se sentent pas encouragés à continuer avec les meilleurs et puis surtout il y a un peu de découragement quand on voit que de mauvais enseignants, on n’ait pas comment les écarter de l’éducation nationale, donc si vous faites un pas dans cette direction, encore un fois je dis bravo, c’est ce que je réclame depuis longtemps. Il restera à juger les actes. Alors moi j’avais par exemple compris que vous disiez que les enseignants ne travaillaient pas assez, j’avais compris ça en fait comme beaucoup dans l’opinion, on avait compris ça, moi j’avais le sentiment qu’en réalité les enseignants travaillent un peu moins en France que dans d’autres pays, mais ils ne sont pas très bien payés, ils sont plutôt moins bien payés que dans d’autres pays. Résultat…

Claude Allègre : Les deux choses sont inexactes Monsieur.

Alain Madelin : C’est en tout cas ce que j’avais entendu et ce que tout le monde avait compris dans certains de vos propos… Alors si vous retirez vos propos et si vous pensez que les enseignants travaillent assez, je trouve ça très bien. Ce que je m’inquiète aujourd’hui, c’est de voir que vous supprimez les heures supplémentaires qui sont quand les moyens de faire travailler un peu plus les gens et de les récompenser un peu plus, et que vous annoncez que au contraire, à l’Assemblée nationale, vous pensez qu’il faut diminuer les horaires des enseignants. Je trouve que ça ne vas pas dans le bon sens tout ça et qu’il peut y avoir parfois un décalage, mais on le reverra sans doute entre les bonnes idées et ensuite les actes.

Claude Allègre : Bon, alors vous avez tout à fait le droit de me critiquer sur des choses qui sont des faits avérés, mais pas des intentions. Alors je précise les choses, je pense que les enseignants, la grande majorité des enseignants travaillent beaucoup, il y a quelques anomalies, je les ai dénoncées et je…

Alain Madelin : Vous voulez qu’ils travaillent moins ?

Claude Allègre : Je souhaite que les enseignants s’engagent d’une manière plus collective, travaillent beaucoup plus ensemble, passent plus de temps dans les établissements et des meilleurs contacts avec les parents. Je ne parle pas de travailler plus et moins, je pense qu’une bonne partie actuellement des enseignants font des efforts considérables, mais des efforts qui sont chacun dans leur coin et qui ne sont pas coordonnés par l’ensemble du système. Je pense que ce système a fabriqué des individus qui sont extrêmement isolés et chacun fait des efforts, ce qui fait que lorsqu’on critique le système, il a l’impression lui-même d’avoir fait des efforts et de ne pas être reconnu. Je crois qu’on a besoin de donner le sens du collectif davantage, de récompenser le travail collectif, de récompenser les initiatives, de récompenser le dévouement et puis de veiller à ce que le lien entre les enseignants et les parents soit plus fort, ne soit pas séparé, que ce ne soit pas deux mondes. Voilà ce que je crois profondément.

Arlette Chabot : Ça veut dire notation pour les profs, enfin Monsieur Allègre, une vraie notation avec des vraies progressions de carrière ?

Claude Allègre : Ça veut dire une évaluation des enseignants et là aussi, l’évaluation n’est pas bien faite, n’est pas, à mon goût bien faite. Pourquoi ? Parce que je pense que la carrière de quelqu’un ne peut pas dépendre d’une personne, je crois qu’il faut avoir une évaluation collective et une évaluation qui reconnaisse des qualités qui sont multiples et y compris les projets des enseignants…

Alain Duhamel : Se traduisant comment pour les professeurs, pour ceux qui réussissent bien ?

Claude Allègre : Se traduisant par une (…) des promotions plus rapides, par une situation meilleure pour leurs enseignements, je crois qu’il n’y a pas de mystères, je crois qu’on a le droit à la qualité partout et je pense que ce qu’a dénoncé tout à l’heure Monsieur Madelin qui n’est pas du tout le socialisme moderne que nous essayons de développer avec le Premier ministre, c’est précisément la confusion qui a régné dans ce pays, à droite et à gauche, entre égalitarisme et égalité, ce que je crois profondément, c’est que l’égalité, c’est la reconnaissance de la diversité, de la diversité des talents des élèves, le fait d’être aussi bon en musique…

Alain Madelin : Vous commencez à être libéral.

Claude Allègre : Mais non, écoutez, je parle de la diversité depuis des années et des années, c’est mon credo élémentaire la diversité…

Alain Madelin : Moi aussi.

Claude Allègre : C’est mon credo élémentaire, mais attendez, on y viendra tout à l’heure…

Alain Madelin : Mais simplement vous reconnaissez que vous avez un vieux socialisme dont ce n’était pas pour le moins la tasse de thé, et qui lui défendait l’égalitarisme et notamment au travers des syndicats enseignants.

Claude Allègre : Je pense que l’égalitarisme…

Alain Madelin : Et ça vous a fait beaucoup de mal.

Claude Allègre : Le fait qu’il y ait des disciplines nobles… non parce que vous défendez, vous me dites droite, gauche, non, les gens qui défendent…

Alain Madelin : Non, non, il y a une vieille droite et une vieille gauche, mais là on parle de la vieille gauche.

Claude Allègre : Eh bien, je pourrais vous parler de la vieille droite qui est aussi imposée…

Alain Madelin : Pour l’instant on parle de la vieille gauche, on parlera tout à l’heure de la vieille droite.

Claude Allègre : Mais comme je n’appartiens pas à la vieille gauche, c’est un peu injuste de me faire le procès de la vieille gauche, ou alors je fais le procès de vos ancêtres, c’est-à-dire la vieille droite, et là on reviendra rapidement au temps de mammouths, mais moi je voudrais simplement vous dire que nous essayons de dépasser cela avec l’idée qu’il t a des talents formidables dans la jeunesse française et qu’il nous appartient de les faire éclore et qu’actuellement ce système ne les fait pas éclore.

Alain Duhamel : Alors, Alain Madelin, vous répondez bien entendu si vous le voulez, simplement il y a une question qui ressort de ce que vous venez de dire l’un et l’autre, est-ce que des enseignants, vous attendez qu’ils donnent des connaissances, ou est-ce que vous attendez qu’en plus ils forment à la morale civique et qu’ils forment les citoyens ?

Alain Madelin : Écoutez c’est un métier complet le métier d’enseignant, c’est un métier complet.

Alain Duhamel : Non mais répondez à Claude Allègre et dites ce que vous pensez.

Alain Madelin : Oui, mais attendez, je veux revenir d’abord sur le fil du débat. J’ai indiqué tout à l’heure, qu’à mes yeux, depuis un certain nombre de décennies, nous avons eu un certain syndicalisme enseignant plutôt de gauche, socialiste et communiste, épris d’un certain égalitarisme, égalitarisme des carrières, une certain vision de la société qui lui faisait souvent mépriser la formation professionnelle, qui lui faisait tenir l’école à l’écart de la vie de l’entreprise, qui souhaitait supprimer un certain nombre de valeurs car jugées trop hiérarchiques ou trop autoritaires, et que ceci a fit beaucoup de dégâts au sein de l’éducation nationale. Il se trouve que depuis à peu près 20 ans, comme vous, je lis tous les rapports qui peuvent être faits, de gauche comme de droite et souvent d’ailleurs plus souvent de gauche que de droite, qui sont faits sur l’évolution nécessaire de ce système. Depuis le rapport de Laurent Schwarz en 1981, celui du collège de France, plus récemment le rapport Fauroux… tous disent, tous disent qu’il fait aller vers davantage d’autonomie, davantage de diversité, davantage de responsabilité. Moi je dis ce sont pour moi des banalités, pour libéral ce sont là des banalités, mais le problème c’est de savoir comment nous pouvons mettre cela en œuvre.

Claude Allègre : Non mais attendez, je vais vous arrêter tout de suite Monsieur Madelin, mon prédécesseur qui appartient à la même formation politique que vous…

Alain Madelin : Monsieur Bayrou.

Claude Allègre : Qu’a-t-il fait avec les universités ? Moi j’avais fabriqué une politique contractuelle que je travaillais auprès de Lionel Jospin, j’avais fabriqué une évaluation qui dépendait des différents établissements et une politique d’autonomie. Qu’est-ce qu’il a fait ? Il a recentralisé, c’est le ministère qui donnait les habilitations, donc exactement le contraire de ce que vous dites…

Alain Madelin : Vous avez fait un certain nombre de réformes dans le domaine de l’université avec lequel vous ne rompez pas…

Claude Allègre : Aucun sur le plan de l’autonomie. Aucune sur le plan de l’autonomie, ça a été le contraire, non, non mais parlons de point précis…

Alain Madelin : Alors est-ce que l’on ouvre un débat sur les universités, moi j’en serais ravi.

Claude Allègre : Non, mais Monsieur Madelin, vous venez me parler de concept, je suis rigoureux, je parle concept, premier point…

Alain Madelin : Alors je vous répondrai sur l’autonomie des universités.

Claude Allègre : Deuxièmement vous m’avez parlé de problème de syndicalisme enseignant, alors, je voudrais vous dire qu’il est extrêmement divers. Il a des syndicats enseignants extrêmement imaginatifs, extrêmement progressistes et il y en a d’autres c’est vrai, excessivement statiques.

Alain Madelin : Lesquels ?

Claude Allègre : Je voudrais quand même vous faire remarquer que c’est ceux-là, avec qui Monsieur Bayrou avait décidé de cogérer l’éducation nationale…

Alain Madelin : Vous changez d’alliance syndicale, si j’ai bien compris ?

Claude Allègre : Non, moi je ne fais pas de cogestion avec l’éducation nationale, je l’ai dit, chacun joue son rôle, je respecte les syndicats, ils sont consultés suivant les procédures légales et moi je propose au gouvernement une certaine politique, mais ce n’est pas moi qui ait cogéré l’éducation nationale, donc simplement pour vous dire que vous ne pouvez pas soulever un certain nombre de problèmes alors qu’ils viennent de votre camp. Alors maintenant on va aller sur le fond des choses, je crois qu’il est important de faire confiance à la force qui crée chez les enseignants, et cette force elle est à la base et par conséquent, le problème numéro un ce que je suis en train de faire et que j’ai déjà fait en tant que conseiller vous le savez bien, quand j’étais auprès de Lionel Jospin, c’est de déconcentrer. Déconcentrer, gérer les gens, parler avec eux, tenir compte de leur desiderata, les écouter, les évaluer, voilà ce que c’est la construction d’un système moderne.

Arlette Chabot : On parlera d’université tout à l’heure.

Alain Madelin : Juste un mot sur les universités, mais nous y reviendrons, mais en matière universitaire Claude Allègre, il y avait une loi qui était une mauvaise loi, je crois que vous en conviendrez, qui était la loi Savary, quand vous êtes arrivé aux universités avec Lionel Jospin, il y avait des universités qui effectivement jouissaient d’une certaine liberté, d’une certaine autonomie par rapport à la loi Savary, vous avez recoulé tout le monde dans le moule, dans le même moule…

Claude Allègre : Vous m’excusez, mais vous confondez complètement, les universités dont vous parlez, c’est nous qui les avons créés…

Alain Madelin : Je ne parle pas des universités 2000 je parle des universités qui étaient en dérogation avec la loi Savary, qui n’appliquaient pas la loi Savary…

Claude Allègre : Non, non, non ! Les universités nouvelles à qui on a donné…

Alain Madelin : Je ne parle pas des universités nouvelles, soyez rigoureux, je suis rigoureux, je parle des universités existantes qui n’appliquaient pas la loi Savary, vous avez exigé que tout le monde applique la loi Savary, vrai ou faux ?

Claude Allègre : Exact.

Alain Madelin : Bien, donc vous avez remis tout le monde dans le même moule, c’est-à-dire que vous avez plutôt réduit la marge d’autonomie qui était celle de l’éducation nationale à l’époque. Sur le fond, le vrai problème, c’est que nous avons un modèle centralisateur…

Claude Allègre : Attendez, attendez, Monsieur Madelin, vous ne pouviez pas nous demander de ne pas appliquer la loi, il y avait des universités qui étaient hors-la-loi…

Alain Madelin : On fera ce débat tout à l’heure.

Alain Chabot : Arrêtons sur le passé, parlons un peu de l’avenir c’est mieux.

Alain Madelin : Autonomie, décentralisation, plus grande liberté possible de la part des enseignants et des établissements, voilà la bonne direction. Moi je me bats depuis des années, mais peut-être que vous allez le faire, si vous le faites, j’applaudis, j’applaudis si vous le faites, je me bats pour un statut au moins expérimental de la plus grande autonomie possible pour les établissements qui nous permettent de débloquer des choses par en bas, parce qu’effectivement le changement il se fait déjà sur le terrain par des enseignants formidables, imaginatifs, qui ont un esprit entreprenant, qui n’ont pas toujours le cadre juridique et la liberté de manœuvre pour cela, faites un statut expérimental, un statut autonome à la base de façon à permettre à ces établissements, eh bien de découvrir les chemins du futur, un exemple concret, on ne peut pas bien gérer aujourd’hui sans être responsable de son équipe enseignante, moi je propose depuis longtemps qu’un chef d’établissement puisse choisir librement, peut-être pas en totalité, mais au moins dans une large partie, ses enseignants, son équipe enseignante. Est-ce que vous êtes prêt à permettre qu’un chef d’établissement puisse choisir son équipe enseignante, oui ou non ?

Alain Duhamel : Alors vous répondez là-dessus et ensuite on parlera de la violence scolaire qui est un sujet également très important.

Alain Madelin : Parce que là c’est concret, on parle d’autonomie, donnez un contenu concret à la notion d’autonomie.

Alain Duhamel : Alors réponse, réponse.

Claude Allègre : Alors dans le cadre des universités, c’est exactement la réforme que je viens de faire, je viens de redonner aux universités la possibilité de recruter leurs enseignants sans être contrôlées comme elles l’ont été…

Alain Madelin : Je parle des établissements scolaires…

Claude Allègre : Deuxièmement dans les établissements scolaires, je crois que ce que nous voulons donner, c’est d’abord premièrement, le chef d’établissement, comment est-il choisi dans l’état actuel, c’est un véritable problème, on ne va pas donner à un chef d’établissement tous pouvoirs sur une série de gens pour recruter leur équipe pédagogique, mais ce que je souhaite dans le futur, c’est que le chef d’établissement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, ait son mot à dire dans l’évaluation, la notation, la promotion de ses enseignants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, je pense qu’il est nécessaire…

Alain Madelin : Par recrutement ?

Claude Allègre : Je pense que le recrutement, nous sommes un pays avec une tradition d’un certain type de recrutement, ce que je souhaite c’est que la gestion des carrières soit de plus en plus décentralisée, ça c’est clair, déconcentrée, mais je ne crois pas qu’il soit souhaitable, dans l’état actuel des choses, de nos traditions et de notre enseignement, que le chef d’établissement choisisse des enseignants parce que nous tomberions là dans un système libéral, dans lequel se poserait aux deuxième degré le choix… laissez-moi finir, le choix du chef d’établissement. Monsieur Madelin, il y a une chose qui est très importante et qui est la citoyenneté, alors la citoyenneté par qui est-elle donnée ? Elle est donnée actuellement par l’État, la citoyenneté d’un établissement qu’est-ce qui le lie, c’est pourquoi dans les universités, je suis favorable à ce qu’il y ait un conseil d’orientation dans les universités dans lequel rentrent les acteurs de la vie économique locale et syndicale de manière à ce que les universités soient liées…

Alain Madelin : Mais pour les écoles et pour les lycées, les collèges ?

Claude Allègre : Je ne pense pas que ce soit souhaitable pour les lycées et sûrement pas pour les écoles et non plus pour les collèges, et pas pour les lycées, pourquoi ? Parce qu’il y a derrière autre chose qui était un fondement de la République, qui est l’égalité devant l’éducation et on ne peut pas faire en sorte qu’il y ait des lycées riches et des lycées pauvres, des écoles riches et des écoles pauvres, et qu’en fonction de telle ou telle dotation, il y ait une discrimination sur le territoire national…

Alain Madelin : Je ne parle pas de discrimination par l’argent, je parle du choix des professeurs, Claude Allègre.

Claude Allègre : Je répète encore une fois qu’elle conduira à cela.

Alain Madelin : Non, mais à l’heure actuelle vous avez un système qui n’est pas bon, il est très clair…

Alain Chabot : Attendez, on en parlera tout à l’heure…

Alain Madelin : On envoie des enseignants inexpérimentés là où on aurait besoin d’enseignants expérimentés et on met les meilleurs professeurs… la situation est injuste pour l’instant…

Alain Duhamel : Monsieur Madelin, sur ce point on va y revenir on a même un sujet spécial là-dessus, donc on y revient dans cinq minutes…

Alain Madelin : Je ne cherche pas l’affrontement pour le plaisir de l’affrontement, allez on peut essayer d’avancer concrètement. Des professeurs mieux motivés, mieux récompensés, s’ils font plus…

Claude Allègre : Ils sont motivés.

Alain Madelin : Oui, mais pour être motivé, il faut juste être un peu récompensé, s’ils font un plus et notamment un plus en matière de formation, on les récompense davantage, vous êtes d’accord sur ce point. De mauvais professeurs, parce que quand même un mauvais professeur, il va gâcher 4 000, 5 000 élèves, dont il faut pouvoir les écarter, vous êtes d’accord aussi là-dessus, les chefs d’établissement, il faut leur donner plus d’autorité et plus de responsabilités, vous êtes d’accord…

Claude Allègre : Nous sommes d’accord bien sûr, mais il faut…

Alain Madelin : Si on pouvait aller encore un tout petit peu plus loin avec un vrai statut d’autonomie ce serait formidable.

Claude Allègre : Attendez Monsieur Madelin, mais il faut mieux les choisir.

Alain Madelin : Ah oui, là je suis d’accord avec vous.

Arlette Chabot : Alors si vous voulez bien…

Alain Madelin : Mais on progresse.

Claude Allègre : Je n’ai pas dit qu’il fallait leur donner le choix des enseignants.

Arlette Chabot : Alors je voudrais simplement qu’on parle d’un sujet évoqué tout à l’heure aussi sur le rôle d’éducateur des professeurs, je voudrais qu’on regarde, on a interrogé par l’intermédiaire d’IPSOS des Français sur les priorités que doit avoir le ministre de l’éducation, et vous lassez voir ce sondage publié hier par le Journal du Dimanche, vous voyez que la première priorité si j’ose dire, pour les Français c’est la lutte contre la violence, alors vous développerez votre plan contre la violence, je crois, dans une dizaine de jours Monsieur Allègre, mais je voudrais savoir l’un et l’autre comment vous pensez effectivement qu’il faut faire pour limiter et supprimer cette violence dans l’école.

Claude Allègre : Bien, d’abord vous avez vu que depuis que nous sommes arrivés, nous avons pris un certain nombre d’attitudes sur la pédophilie, sur les problèmes comme les cantines, non mais maintenant ça suit, les poursuites se font, il n’y a plus besoin de récriminer, quand je, nous sommes arrivés, je suis obligé de dire qu’on ne poursuivait pas, on déplaçait, on cachait…

Alain Madelin : Ne dites pas ça, Claude Allègre.

Claude Allègre : Mais oui on cachait…

Alain Madelin : Si vous dites ça, moi je vous rappelle qu’il y a certaines personnes qui ont été ministre de l’éducation nationale socialistes qui signaient des pétitions en faveur des pédophiles…

Claude Allègre : Je ne sais pas qui, mais pas moi en tout cas.

Alain Duhamel : Qu’est-ce que vous voulez dire ?

Alain Madelin : Mais si c’est une réalité, il y a deux ou vingt ans, regardez dans les archives, ceux qui signaient des pétitions en faveur des pédophiles…

Claude Allègre : Non attendez, là vous me…

Alain Madelin : Je vous renvoie, les journalistes feront leur travail.

Claude Allègre : Je crains, Monsieur Madelin, que vous ayez provoqué une attaque cardiaque chez ma collègue Ségolène Royal, parce qu’honnêtement…

Alain Madelin : Mais vous renvoyez au passé, je vous renvoie au passé, il y a tout un climat d’excuses pédophiliques qui a pesé sur un certain nombre d’actes et sur un certain silence.

Claude Allègre : Non, mais vous vous êtes mépris, je ne vous renvoie pas au passé, je vous dis c’est prouvé, que depuis un certain nombre d’années, cette situation s’était instaurée, j’ai accusé personne. Je reviens sur le deuxième problème qui a été le bizutage, le bizutage, on met les choses à peu près en ordre et on s’attaque au problème de la violence, moi je ne prétends pas vous savez, qu’on va résoudre les problèmes en claquant dans les doigts, c’est un problème terrible le problème de la violence, c’est un problème extrêmement difficile, qui a cru d’année en année. Simplement je ne veux pas dévoiler ce que nous annoncerons dans dix jours avec Jean-Pierre Chevènement, Élisabeth Guigou, Ségolène Royal etc., je dis simplement nous allons y mettre les moyens parce que rien n’est possible si la loi républicaine ne s’applique pas dans nos écoles, et ce qu’a dit Jean-Pierre Chevènement hier et qui est parfaitement exact, c’est que, vous savez on a regardé toutes les statistiques, tout ce qui se passait, toutes les enquêtes, c’est que bien souvent la violence tient à quelques personnes, pas énormément, qui sont des foyers, quelques individus, qui entraînent un établissement sur la violence. Ce que dit Jean-Pierre Chevènement dit : s’il y a des fauves, il faut les extraire et ne pas les remettre dans un autre établissement comme on a fait pendant longtemps. Donc on va s’attaquer à ce problème et j’espère que… je vous le dis, moi je ne souhaite pas que ce soit un sujet de débat, je souhaite… il y a quelques sujets sur lesquels je pense qu’il y a besoin d’unité nationale pour combattre ça, la violence, je considère que pour notre démocratie c’est les racines mêmes qui sont mangées, donc on doit être ensembles là-dessus.

Alain Duhamel : Alain Madelin là-dessus ?

Alain Madelin : Si Claude Allègre n’avait pas dit ça, je l’aurais dit à la place, car bien évidemment, il faut tous être humble devant les solutions que nous avons à ce problème de la violence dans l’établissement scolaire, c’est un sujet très difficile qui nous interpelle profondément et personne n’a de solution miracle, si quelqu’un l’avait, ça se saurait. Il y a des raisons extérieures, c’est-à-dire que d’une certaine façon, la violence à l’école, c’est un peu le reflet de la décomposition de la société, c’est des familles décomposées, des parents qui n’ont pas d’autorité parce qu’ils sont au chômage, parce qu’ils ont été licenciés, parce qu’ils sont usés et le gamin dit, moi je travaille et toi, qu’est-ce que tu fais, à son père, donc il y a la perte de l’autorité parentale. C’est le reflet aussi d’un urbanisme collectiviste, un peu comme toute une mauvaise année, on a fabriqué des machines qui broient l’homme. C'est le reflet de la société d'assistance, l'assistanat, je crois que l'assistanat ça détruit les personnes, ça détruit les familles, à mes yeux il n'y a pas de choses plus importante aujourd'hui que de lutter contre cette société d'assistance, non pas parce qu'on gaspille de l'argent, mais parce qu'on gâche des vies, parce qu'on enferme des gens complètement à l'écart du travail et chaque personne a le droit d'avoir la dignité du travail, transformer tous les revenus minimum d'assistance, notamment, les revenus minimum d'insertion pour les personnes qui le peuvent, en revenu minimum d'activité ça me paraît quelque chose de très important pour soigner les causes extérieures. Il y a eu aussi un angélisme pédagogique, il mériterait qu'on s'y arrête un peu, on tourne la page aujourd'hui mais à un moment donné, il ne faut pas brimer l'enfant, il faut l'école ouverte sur l'extérieur, pas de clôture, pas de porte, pas de barrière, cet angélisme pédagogique, il a je crois contribué à saper l'autorité des maîtres et je crois qu'il n'y a pas de possibilité de réfréner la violence à l'école sans restaurer l'autorité des maîtres.

Arlette Chabot : Alors à Claude Allègre et puis on va passer à des questions. Alors questions... Si si vous avez le droit à 20 secondes encore.

Alain Madelin : Je vais juste raconter une expérience, en milieu scolaire à Redon on s'est aperçu que là où il y avait des handicapés accueillis avec leur fauteuil roulant, ça baissait la violence et je trouve que c'est plutôt bon signe, il y a une sorte de solidarité, de générosité qui se faisait spontanément dans l'école, contribue à faire baisser la tension. Je m'arrête.

Arlette Chabot : Alors des questions, peut-être des lycées, parce qu'après tout ce sont les premiers consommateurs, Nathalie Saint-Cricq on le disait tout à l'heure, vous êtes avec des lycéens de Paris, et sur ces questions, peut-être d'abord de la violence.

Nathalie Saint-Cricq : Oui, deux lycées de Paris, le lycée Carnot qui est un lycée d'enseignement général et un lycée technique, le lycée Jean Lurcat. Alors première question sur le sujet qu'on vient d’aborder, c'est-à-dire sur la violence, question qui est posée par Lynda, vous pouvez vous lever Lynda.

Lynda : En fait moi je voulais dire sur la violence, les lycées se restreignent plutôt à se débarrasser des sujets perturbateurs au lieu de chercher plutôt à s'en occuper et à savoir pourquoi ils sont violents. Ça serait peut-être plus important de passer par là avant de passer par un conseil de discipline et de les renvoyer des lycées.

Nathalie Saint-Cricq : Autre question, alors sur les profs, un sujet inépuisable ...

Arlette Chabot : Oui, alors attendez, on va peut-être répondre, sur la violence, question de méthode et ensuite on reviendra sur les profs.

Alain Duhamel : Alors Claude Allègre, Claude Allègre.

Claude Allègre : Je crois que cette jeune fille oppose deux solutions, alors qu'elles sont complémentaires, et malheureusement ça a été trop longtemps le débat en France, on opposait la solution des causes, la solution à long terme et la solution à court terme. Je crois que premièrement, la légalité républicaine doit être établie partout et deuxièmement, ce n'est pas bien sûr la solution, il faut s'attaquer aux causes du mal et donc il faut effectivement essayer de comprendre et essayer de soigner. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure, par rapport à certains établissements qui étaient évoqués, que moi je tenais à ce que l'éducation soit faite, personnalisée etc., mais néanmoins, il ne faut pas oublier qu'une agression est une agression et qu'elle doit être sanctionnée et qu'elle ne doit pas être tolérée. Et je pense qu'on a trop opposé, dans le passé, ceux qui travaillaient en long terme et ceux qui travaillaient en court terme. Je crois que les deux sont complémentaires.

Alain Duhamel : Alain Madelin vous êtes d'accord ?

Alain Madelin : Je partage cet avis.

Arlette Chabot : Alors on revient sur les rôles de profs pour savoir si les terminales aiment leurs professeurs.

Nathalie Saint-Cricq : Oui, donc une première question de Frédéric, debout aussi.

Arlette Chabot : Ah il faut se lever Frédéric, c'est comme à l'école.

Fréderic : Bonsoir, alors vous avez parlé tous les deux du fait qu'il faille décentraliser pour permettre aux professeurs qui ne sont pas bien jugés par leurs élèves et par le corps professoral dans une école de pouvoir être, entre guillemets, éliminés, mais je ne pense pas que ce soit déjà une solution possible, parce qu'on ne peut pas les mettre à la porte, il faut qu'ils puissent continuer d’exercer leur métier et puis cette décentralisation vous la proposez, mais personne n'a jamais rien fait.

Arlette Chabot : Alors Alain Madelin ?

Alain Madelin : Alors, mes propos vont choquer peut-être, mais pourquoi on ne peut pas mettre un mauvais enseignant à la porte ? Tony Blair dit cela couramment en Angleterre et dans les autres pays on dit cela, donc il faut accepter de dire ça, il ne faut pas... en plus il n'y en a pas beaucoup, mais il faut savoir qu'un mauvais enseignant sur trente ans, ça peut vous gâcher 5 000 élèves, il y a des enseignants qui, pour des raisons diverses sont démotivés, ont craqué, il faut pouvoir effectivement s'en séparer, ça ne veut pas dire s'en séparer de façon inhumaine, mais s'en séparer, je crois que c'est un plus pour l'ensemble de l'Education Nationale.

Alain Duhamel : Vous êtes d'accord Claude Allègre ?

Claude Allègre : Je veux d'abord répondre à ce qui a été dit, l'enseignement primaire est déjà géré d'une manière déconcentrée, ça existe déjà, il reste... l'enseignement supérieur est largement déconcentré, pas encore assez à mon goût, et c'est l'enseignement secondaire qui n'est pas déconcentré, donc il ne faut pas dire que les procédures de déconcentration n'existent pas. Moi je crois qu'il y a peu de vraiment mauvais enseignants, il y en a peu...

Alain Madelin : Mais on se les refile d'établissement en établissement.

Claude Allègre : Voilà, alors il y en a peu, il y en a très peu, mais comme j'ai souvent dit ces derniers temps, il faut se rendre compte que 1 % d'erreur à l'Education Nationale, c'est 150 000 élèves qui en sont victimes, par conséquent un très faible taux d'erreur est catastrophique sur le plan des gens. Donc moi je crois que lorsqu'ils y a de très mauvais enseignants, encore une fois ils sont très rares...

Arlette Chabot : Oui, et qu'est-ce qu'on en fait ?

Claude Allègre : Je pense qu'il va falloir... ce n'est pas une pirouette, ce n'est pas une langue de bois, il va falloir trouver des solutions et je pense qu'on va les trouver ce ne sont pas des solutions...

Alain Duhamel : Vous ne pouvez pas nous la donner tout de suite ?

Claude Allègre : Non, c'est des solutions qui demandent à être discutées mais moi je pense que le fait, que le problème soit posé, c'est déjà très nouveau.

Alain Madelin : C'est bien, c'est bien.

Arlette Chabot : Alors, unique question sur le prof, puis on va entendre Françoise...

Françoise : Oui, bonsoir. Considérez-vous qu'il est normal que l'on trouve que des professeurs sont brillants parce qu'ils ont réussi des bonnes études, qu'ils ont eu un CAPES ou une agrégation et qu'ils sont des bons pédagogues ?
 
Alain Duhamel : Claude Allègre ?

Claude Allègre : Non, à l'évidence non, moi je plaide depuis toujours que la vérité, c'est le métier. J'ai prononcé dans d'autres lieux l'idée que je ne voulais plus de civilisation de l'ascenseur mais une civilisation de l'escalier, qui permette à chacun d'être mis sur une marche mais ensuite qu'il fallait qu'il marche. Donc moi je suis tout à fait acquis à cela. Alors j'ajoute, et vous le verrez assez vite, que je suis partisan que dans la formation des enseignants, il y ait beaucoup plus d'apprentissage, il y ait beaucoup plus de contact avec les élèves qu'il n'y en a actuellement.

Arlette Chabot : Alors, Françoise Chaze, une petite question, réaction du prof qu'on a vu tout à l'heure.

Françoise Chaze : professeur d'anglais. Oui, alors d'abord...

Arlette Chabot : C'est vous qui allez être collée, si ça continue.

Françoise Chaze : Oui, tout à l'heure vous avez parlé, de virer finalement, monsieur Madelin, les mauvais professeurs. Bon, je crois, monsieur Allègre, que nous ne sommes pas si nombreux. Mais ce sera qui ? Qui va juger le mauvais professeur ? Comment il va être évalué ? Qui va prendre cette décision ? Dans quel cadre ? Est-ce que vous pourriez préciser un petit peu comment vous voyez ça ? Et quant à la violence, la violence, elle rentre effectivement dans l'école, elle y rentre de façon importante et les professeurs sont assez démunis face à cette violence, donc concrètement aussi, qu'est-ce que qui va se passer ?

Alain Duhamel : Alain Madelin ?

Alain Madelin : D'abord, vous savez, vous savez comme moi, les parents, les élèves, savent très bien quel est le bon établissement. Et à l'intérieur de l'établissement, quels sont les bons professeurs, on le sait, et puis quand il y a vraiment un très mauvais, ça se sait aussi, dans une petite ville de province, je vous assure qu'on connaît tout cela. Alors le problème, c'est de trouver la façon de faire cela. La façon, ça s'appelait autrefois l'inspection. Je crois qu'il faut redonner les moyens, les pouvoirs, à une véritable inspection, évaluer les établissements, c'est ce que proposait le rapport FAUROUX ; évaluer aussi les professeurs, mais je ne voudrais pas que vous me transformiez en croquemitaine, là. Si je suis partisan effectivement de dire qu'un mauvais enseignant, on doit le mettre un peu sur la touche, l'essentiel de mon propos, c'est de récompenser les bons enseignants, c'est-à-dire de ceux qui font des efforts de formation, ceux qui font des efforts d'innovation, ceux qui font des efforts de pédagogie, je crois que ceux-là il faut... il faut avoir plus la carotte que le bâton, si vous voulez, pour résumer mon propos.

Claude Allègre : Moi, je voudrais quand même dire un mot.

Arlette Chabot : Alors juste un petit mot.

Claude Allègre : Je répète encore une fois, les très mauvais enseignants représentent une petite, une toute petite portion et comme dit madame, comment les évaluer ? Je crois que précisément, parce qu'ils sont une exception, ils sont relativement faciles à repérer, donc ce n'est pas pour ceux-là que l'évaluation est la plus difficile à faire. L'évaluation est difficile à faire pour l'ensemble des enseignants et moi je souhaite que cette évaluation, elle soit faite collectivement. Je pense que la carrière de quelqu'un ne peut pas dépendre d'une seule personne, fût-il inspecteur, et qui donne une note. Il faut qu'il y ait une évaluation collégiale mais cette évaluation, elle doit être faite sans aucune difficulté. Quant au problème de violence, je sais que les enseignants sont dépourvus, c'est pourquoi nous allons prendre un certain nombre de mesures pour regarder un problème qui est capital, qui est l'énucléation de la violence : comment la violence naît-elle dans un établissement ? Eh bien, après un certain nombre d'études, on sait par exemple que la violence, que la cantine et le petit intervalle de temps de fin de cantine est un des endroits où naît la violence. Donc il faut surveiller ce moment ...

Alain Madelin : Il faut remettre des pions.

Claude Allègre : Absolument, il faut remettre des surveillants dans ce domaine. Et on sait que naturellement les récréations sont des moments de... et on sait surtout qu'il y a une propagation de la violence d'année en année, c'est-à-dire qu'il y a des petits délinquants qui se forment dans des petites classes, qui deviennent de plus en plus embêtants pour leurs camarades. Donc on connaît maintenant un certain nombre de choses, on va essayer de lutter. La différence, je crois, je crois, encore une fois je ne pense pas avoir la science infuse pour résoudre ce très difficile problème, mais on a décidé de choisir dix zones, avec Jean-Pierre Chevènement et de mettre, comme on dit vulgairement, le paquet sur ces dix zones en essayant un certain nombre de méthodes. Et si ça marche sur ces zones, eh bien on l'étendra à toutes les zones.

Arlette Chabot : Alors on a évoqué tout à l'heure ce problème des inégalités à l'école, c'est-à-dire, au fond, l'école aujourd'hui reproduit les inégalités sociales, on s'aperçoit que l'école laisse aussi un certain nombre de gens sur la route. Alors au lycée FRESNEL à Caen, les responsables de ce lycée suivent les élèves qui sont en situation d'échec, soit à l'entrée à l'université, soit ceux qui n'arrivent pas à franchir le cap du baccalauréat. Marie-Pierre Farkas et Rémi Poissonnier sont allés donc dans ce lycée de Caen.

Marie-Pierre Farkas : Lycée FRESNEL à Caen entre banlieue et zone rurale, 1 300 élèves, 34  % issus de milieux défavorisés. Ici, on fait tout pour corriger les erreurs de parcours. Les élèves qui plusieurs fois ont raté le bac sont regroupés en modules enseignement à la carte, professeurs volontaires payés en heures supplémentaires.

M. Caraby, 20 ans : Moi, je suis là, c'est de la faute de personne, c'est la mienne, c'est tout. Je n'ai pas travaillé, et puis je suis là à cause de ça, enfin il ne faut pas non plus... On dit : « il y a des inégalités, tout ça », mais il faut avoir envie de travailler aussi.

G. Carot, 21 ans : J'ai passé le bac deux fois, donc comme il n'y avait aucun établissement qui pouvait me reprendre, j'ai cherché ce que je pouvais faire sans le bac et c'est là que j'ai vu que je ne pouvais rien faire.

V. Truffert, 20 ans : Après deux fois, quand même, on se rend compte quand même qu'on n'a pas de diplôme et qu'il faut le bac, et puis pendant les grandes vacances, je me suis dit quand même, je ne vais pas arrêter les cours, je ne vais rien avoir, puis je me suis quand même rendu compte que c'était une chance d'aller à l'école, alors ça, quand on est à l'intérieur du système scolaire, on s'en rend pas forcément compte.

Marie-Pierre Farkas : Vous allez faire quoi après ?

S. Samson, 20 ans : Je ne sais pas, je ne sais pas justement, non, comme je ne sais toujours pas si j'aurai mon bac au bout de l'année ou pas, donc je ne peux rien prévoir.

Marie-Pierre Farkas : Si, puisqu'à priori, il faut s'inscrire avant.

S. Samson : Oui, mais vous savez, quand on a redoublé quand même deux fois, c'est pas le moral non plus.

Marie-Pierre Farkas : Structure d'accueil pour les 20-26 ans qui ont abandonné la fac sans diplôme.

Professeur : Vous avez fait histoire. Je crois que c'est du droit effectivement.

Marie-Pierre Farkas : Formation en alternance sur 16 élèves, une seule a trouvé un stage payé en entreprise.

C. Chapel, 22 ans : J'ai fait une année parce que je me suis dit, ça sert à rien de continuer, c'est pas ce qu'il te faut, donc faut chercher ailleurs.

J. Auvago, 22 ans : Moi, je fonctionne, il faut que je sois encadrée. Pour moi, la fac, c'était un truc pourri, il y avait un prof qui venait faire son cours, il repartait, voilà.

C. Chapel : Parce que vous savez, vivre sur le dos de ses parents, pendant 5-6 ans, à la fin ça devient, vous avez l’impression de rendre des comptes, enfin je ne sais pas, ce n'est pas...

I. Lechartier, 24 ans - Mes parents n'ont pas une super-situation, et moi j'ai envie de les dépasser, d'avoir une situation dans ma vie et de ne pas me retrouver à galérer de petits boulots à droite, à gauche.

Marie-Pierre Farkas : Isabelle a eu son bac à la quatrième tentative, elle pense aujourd'hui créer son entreprise. Si je vous dis égalité des chances à l'école ?

M. Besnard, 26 ans : Egalité des chances, oui, quand on est devant le pupitre, on a l’égalité des chances, puisqu'on a les mêmes professeurs, on a les mêmes cours. Alors évidemment, si on travaille autant les uns que les autres, on a l'égalité des chances, il faut travailler, ça c'est sûr, sinon on n’arrive à rien de toute façon, aussi bien à l'école d'ailleurs qu'ailleurs.

Marie-Pierre Farkas : Ici, le fonds social fonctionne à 100 % parce que beaucoup de familles n'ont pas les moyens de payer les sorties, la cantine.

C. Baudry, proviseur du lycée FRESNEL : La société n'est pas accueillante pour les jeunes et maintenant cela se remarque vraiment beaucoup parce que c'est un effet de masse. Alors je pense que nous ne sommes pas véritablement adaptés mais nous essayons au cas par cas, au coup par coup de trouver des solutions. Et on y arrive, c'est à dire je crois que c'est une politique de petits pas, qui peut y arriver et chaque établissement dans chaque académie peut trouver des solutions ponctuelles et locales.

Marie-Pierre Farkas : A FRESNEL depuis vingt-cinq ans toutes les expériences pédagogiques n'ont qu'un seul objectif : corriger un tant soit peu les inégalités.

Alain Duhamel : Alors monsieur Madelin, le système scolaire c'est une machine à reproduire les inégalités sociales, ou bien effectivement on peut vraiment faire autre chose ?

Alain Madelin : Non, non c'est une formidable impasse et un formidable échec. Moi j'appartiens à une génération où on avait un peu plus de chance que la génération d'aujourd'hui d'avoir de la promotion par l'école. Fils d'ouvrier il avait des chances... Aujourd'hui un fils d'ouvrier à 28 fois moins de chance de rentrer dans une grande école qu'un fils de cadre supérieur. Et la sélection... Enfin, tout se passe comme si nous avions un système sélectif mais sélectif par l'échec. Et on voit aujourd'hui tellement de jeunes, comme on le dit, là sont en train de galérer de formation en formation, de petits boulots en petits boulots, c'est un formidable échec. Alors ça passe bien évidemment pour libérer l'économie pour créer des places supplémentaires, tant qu'on ne crée pas de places supplémentaires dans l'économie il y a forcément un embouteillage, mais cela passe aussi par des réformes profondes à l'intérieur de l'Education Nationale pour avoir une forme d'orientation, d'orientation sélective et non pas que la sélection... l'absurde sélection par l'échec que nous voyons aujourd'hui.

Claude Allègre : Je crois qu'il y a deux raisons. Je ne disconviens pas des dysfonctionnements du système éducatif, pour ma part  j'y vois deux grandes raisons. La première c'est qu'il y a une sélection beaucoup trop précoce, en fait on sélectionne, je regardais les manuels scolaires ces temps derniers comme chacun sait puisqu'on en a fait état, dès le CP, dès le Cours Préparatoire, l'enseignement est fait pour sélectionner. Par exemple on pose des questions immédiatement aux enfants, au lieu de les amener à de l'apprentissage, donc on sélectionne et du coup on élimine des gens très vite, donc c'est vrai que c'est un système très sélectif et il faut arrêter cela, il faut faire en sorte par exemple en CP l'évaluation de l'enfant se fasse par rapport à lui-même et pas de manière relative par rapport aux autres, il faut qu'on regarde s'il progresse. Chaque enfant regarde s'il progresse au lieu de se classer par rapport aux autres. La deuxième chose, c'est la variété, je pense que... Et ça c'est... le cœur de mon combat c'est ça, c'est de dire qu'il faut être bon quelque part, il vaut mieux être le meilleur pâtissier de France qu'un très mauvais mathématicien et qu'il faut reconnaître tous les talents, les talents professionnels, les talents artistiques, les talents intellectuels dans tous les domaines, et malheureusement on appartient à un pays qui a fabriqué des élites, qui d'ailleurs ne sont pas extraordinairement imaginatives, hélas, on ne serait pas dans la situation où on est, autour de discipline qui sont toujours les mêmes disciplines très rigides. Donc variété, pas de sélection précoce, et je peux vous dire qu'on s'y attaque, ça ne sera pas facile, parce que les gens qui ont acquis des situations à l'aide de ce système d'une manière ou d'une autre n'ont pas envie qu'il change de système, mais je crois que profondément ce sont les deux grandes voies.

Alain Madelin : Je suis globalement d'accord, il faut rompre dans ce pays avec d'un côté l'égalitarisme, le moule unique et reconnaître la pluralité des formes de réussite, de l'excellence, la pluralité des formes d'intelligence. On a voulu encore une fois couler tous les enfants dans le même moule et privilégier une voie de sélection, notamment par les mathématiques. Je trouve que c'est profondément une erreur. Aujourd'hui ce qu'il faut faire c'est accepter d'abord d'accepter la différence des élèves, donc la différence des formes d'éducation et d'intelligence. La modification des rythmes scolaires c'est de ce point de vue-là, à mon avis, quelque chose de très important, que l'on puisse comme dans d'autres pays travailler le matin et puis avoir l'après-midi des activités artistiques, ou sportives, ou scientifiques, je trouve que c'est une bonne chose et il faudra qu'on aille dans ce sens-là. La pluralité ...

Claude Allègre : Monsieur Madelin, on y est là, je me permets de vous le dire, on y est. Les emplois-jeunes de l'école primaire servent à modifier les rythmes.

Alain Madelin : Mais non.

Claude Allègre : Mais si monsieur Madelin, mais je vous demande bien pardon, c'est pour ça que...

Alain Madelin : Eh bien écoutez Claude Allègre je vais vous inviter à Redon. Parce que nous menons une expérience de modification des rythmes scolaires et je vous assure que... On les prendra si vous nous donnez des emplois-jeunes, on les prendra, mais ce n'est pas ce dont on a besoin, on a besoin de vacation, on a besoin d'ouverture sur l'extérieur, on a besoin de liberté, on a besoin d'un peu d'argent aussi...

Claude Allègre : Monsieur Madelin nous sommes en train de modifier les rythmes... Ecoutez les enseignants vous en créez, tous, dans tous les coins, les entreprises en créent, les collectivités territoriales en créent etc., et ensuite vous dites il y a trop d'enseignants. Moi je pense que l'encadrement à l'intérieur de l'école est actuellement encore insuffisant, et vous le savez bien nous avons moins d'enseignant par tête d'habitant que les Etats-Unis d'Amérique et beaucoup moins que la Scandinavie.

Alain Madelin : Voilà un vrai sujet de divergence entre nous, là. Voilà un vrai sujet. Je vais essayer de faire la différence si vous voulez. Vous vous dites par exemple que pour la modification des rythmes scolaires c'est le tout éducation, le tout enseignement. Moi je vous dis il faut au contraire ouvrir sur l'extérieur. Nous sommes ici dans un lieu ou respire l'art, les Beaux-Arts, je trouve qu'il y a une énorme faiblesse de l'enseignement artistique dans ce pays...

Claude Allègre : Mais vous plaisantez, je n'ai pas parlé d'enseignement, j'ai... Ils vont faire des activités artistiques, sportives, etc. ...

Alain Madelin : Avec des gens de l'extérieur ou avec vos emplois-jeunes AUBRY ?

Claude Allègre : Mais avec des emplois-jeunes, pourquoi voudrez-vous...

Alain Madelin : Vous ne pensez pas qu'un artiste peut apporter un peu plus qu'un emploi jeune pour l'éducation artistique.

Claude Allègre : Ce n'est pas moi qui vais être contre les artistes, mais je crois que l'école est capable, l'école est capable d'intégrer des savoirs, les enseignants sont capables d'évoluer, et ils sont en train de le faire. J'étais à Marseille vendredi, je vois ce qui en train de se faire pratiquement sur le terrain. Ça sera... parce que les emplois-jeunes tels que monsieur Seguin les a fait à Epinal, peut-être vous les avez fait, mais il n'y a que les municipalités riches qui peuvent le faire.

Alain Madelin : Non, non.

Claude Allègre : Mais oui, mais oui...

Alain Madelin : Moi Claude Allègre, voilà ce que j'ai voulu faire, je vais vous dire ce que j'ai voulu faire. Ce que j'ai voulu faire, nous avons des associations culturelles formidables, et nous avons des associations sportives dynamiques, donc j'ai voulu pour modifier ces rythmes scolaires faire rentrer le meilleur de mes associations à l'intérieur de l'école. Et vous me dites : on va donner des emplois-jeunes. Eh bien non je préfère continuer dans cette voie-là. Je poursuis...

Claude Allègre : Monsieur Madelin je ne vous force à rien, tout ce qui est bon pour moi est bon, tout ce qui est bon pour l'enfant, tout ce qui améliore... je n'ai pas de dogmatisme là-dessus.

Alain Madelin : Eh bien venez à Redon, Claude Allègre, je vous invite encore une fois...

Claude Allègre : Je viendrai à Redon.

Alain Madelin : Vous allez voir ce que l'on peut faire sur place et vous verrez si vraiment les emplois-jeunes c'est la meilleure façon pour modifier les rythmes scolaires.

Claude Allègre : On a fait aussi des expériences de rythmes avec de la manière dont je les propose dans un certain nombre d'académies qui marchent très bien aussi. Alors acceptons la diversité.

Alain Madelin : Très bien. Vous me permettez de dire un mot de l'enseignement artistique, parce que je crois que c'est tout à fait fondamental.

Arlette Chabot : Vraiment ce qui s'appelle un mot, vous voyez.

Alain Madelin : Ce qui va compter dans le prochain siècle qui s'annonce, plus que jamais c'est la créativité, et vous le savez comme moi des scientifiques comme Charpak, comme Gilles De Gennes, vous disent : je n'aurais pas pu être aussi créatif si dans le même temps je n'avais pas eu un support artistique, une éducation artistique. Et l'éducation artistique elle ne doit pas être réservée à quelques-uns, je crois que le moment est venu de faire pour l'éducation artistique ce que Jules Ferry, à une autre époque, a fait pour l'instruction primaire et là il y a une grande bataille et il faut faire rentrer les meilleurs de nos artistes à l'intérieur de l'école, et il faut aussi puisque vous vous occupez de réformer la formation des maîtres que vous mettiez un peu des cours obligatoires, de musique, et d'arts plastiques pour la formation des maîtres.

Claude Allègre : Je réponds que j'étais il y a quinze jours dans cette merveilleuse exposition des écoles maternelle dans le XIIIe qui montrait ce que la créativité des enfants peut être, et je regrettais que ça s'arrête aux sorties de l'école maternelle. Donc je suis 100 % d'accord, l'enseignement artistique est quelque chose d'absolument fondamental. Donc là-dessus nous n'aurons pas...

Alain Madelin : Un petit peu mieux que les emplois-jeunes peut-être.

Claude Allègre : Mais je n'ai pas dit que les emplois-jeunes remplaçaient l'éducation artistique. L'éducation artistique doit être faite... je parle de l'encadrement.

Alain Madelin : Mais faites... Ouvrez l'école sur les talents extérieurs.

Alain Duhamel : On a bien compris.

Arlette Chabot : Tous les deux vous aurez un peu d'éloquence ce soir mais si vous pouvez condenser un peu vos réponses. Question sur le bac : 80 % d'une classe d'âge au bac, est-ce que c'est une bêtise, est-ce qu'on ne pousse pas absolument des élèves sur un diplôme qui est aujourd'hui et dévalorisé, et ne conduit à rien ? En un mot…

Alain Duhamel : Et qui ne correspond pas forcément à leur qualité.

Claude Allègre : Vous me posez deux question en une.

Alain Duhamel : Vous allez répondre en une fois.

Claude Allègre : Est-ce que voulez prendre vos vacances en hiver ou au bord de la mer ? Répondez par oui ou par non. Donc est-ce que le bac correspond à la variété des talents bien qu'il soit extraordinairement compliqué avec des options, de sous-options, etc., il y en a trop. Est-ce que le bac a une utilité aujourd'hui? Je crois que oui, parce que tant qu'on n'aura pas redonné un sens autre à l'enseignement du lycée, donc ne touchons pas pour l'instant au bac, il ne faut pas s'amuser à casser tout notre appareil éducatif. Ceci étant, je n’ai pas une vénération pour le baccalauréat, fantastique, laissons-le tel qu'il est, en tous les cas c'est ma politique pour l'instant.

Alain Duhamel : Alors laissons-le vivre.

Alain Madelin : Laissez-le vivre mais ce qui est intéressant c'est de regarder ce qui se passe après le bac. Et là c'est plutôt l'embouteillage. On va avoir environ bientôt 500 000 jeunes qui vont finir par rentrer chaque année dans l'enseignement supérieur, 220 000, 250 000 vont avoir un diplôme à bac plus 4, bac plus 5.

Claude Allègre : Non, il n'en rentre pas 500 000, il n'en rentrera pas 500 000, parce qu'on est en train de descendre.

Alain Madelin : Oui il rentrera à peu près, si on continue à… Si vous atteignez les 80 % vous serez à peu près à ce chiffre-là.

Claude Allègre : Non, on ne maintiendra pas les 80 % monsieur Madelin ...

Alain Madelin : Ah bon d'accord, d'accord.

Claude Allègre : Puisque ce niveau est en train de se stabiliser.

Alain Madelin : C'est intéressant, mais grosso modo vous allez avoir 220 000, allez 220 000 diplômés à bac plus 4, bac plus 5 chaque année. Et sur ces 220 000 bac plus 4, bac plus S la société française n'est capable d'offrir que quoi ? 60 000, 70 000 places de cadre correspondant aux aspirations hier bac plus 4, bac plus S. Donc ce qui se prépare c'est une formidable frustration, c'est-à-dire que tous ces diplômes, ces super-diplômes préparent plutôt à une sous-qualification et je crois que c'est un sujet important qui nécessite des réformes profondes du marché du travail, on pourra peut-être en dire un mot, mais qui nécessite aussi sans doute une autre approche de l'université, et je crois qu'il y a un mot, vous appelez ça le mot tabou qu'il ne faut pas prononcer, alors on le prononce « sélection ».

Claude Allègre : Alors je crois que là-dessus on a trouvé un point de divergence.

Alain Madelin : Ce n'est pas sûr, ce n'est pas sûr, attendez.

Claude Allègre : Moi je crois que d'abord les emplois de demain, quand vous regardez aujourd'hui ce qu'est un fraiseur aujourd'hui, c'est quelqu'un qui manipule un ordinateur, qui fait marcher une machine-outil. On aura besoin de plus en plus d'emplois extrêmement qualifiés, de gens extrêmement ...

Alain Madelin : On est d'accord.

Claude Allègre : Par conséquent la seule différence c'est que l'entrée à l'université ne garantit pas forcément un statut social, bon, eh bien oui, c'est exactement ce que je disais c'est la civilisation de l'escalier, ça vous donne une marche un peu au-dessus et puis après il faut marcher.

Arlette Chabot : Impeccable.

Claude Allègre : Mais je pense que pour le pays c'est une grande chance d'avoir des gens... Une grande chance de gens inscrits.

Arlette Chabot : Ce qu'on voudrait c'est d'abord sur ces inégalités une question de parents d'élèves très vite sur ces inégalités. Allez-y.

Question : Oui bonjour Monsieur le Ministre, une question : vous avez titularisé dans les dernières vacances tous les maîtres auxiliaires, or c'était les ressources de beaucoup de rectorat, ainsi que vous avez supprimé les heures supplémentaires.
 
Claude Allègre : Non pas les heures.

Question : Vous en avez supprimé beaucoup. Alors la question est qu'actuellement pour effectivement aller à l'université, il faut passer son baccalauréat. Or il y a des classes actuellement en terminales qui n'ont pas de professeur devant les élèves. Il n'y a pas de professeur. Et ça c'est important.

Arlette Chabot : C'est monsieur Moundial qui pose la question et qui habite à Paris et Claude Allègre répond.

Claude Allègre : Ma réponse est qu'après les vacances de la Toussaint ce problème sera résolu. La raison...

Question : Pouvez-vous en donner la certitude ?

Claude Allègre : Absolument. Simplement je ne voulais pas recréer de maîtres auxiliaires et par conséquent on a ajusté avec les nouvelles méthodes pour réemployer d'une part les maîtres auxiliaires et avoir des professeurs sur toutes les classes, et on a décidé que les emplois qui seraient nécessaires de recréer ce serait uniquement les admissibles au CAPES et l'agrégation, ce qui veut dire que l'année suivante ils pourront être réintégrer.

Arlette Chabot : Sur ces inégalités, merci monsieur Moundial.

Claude Allègre : Non, non, mais je sais, je connais la situation, je viens d'y passer quatre heures aujourd'hui.

Question : Nous avons actuellement des vacataires qui ont 200 heures.
 
Claude Allègre : Je viens d'y passer, monsieur, quatre heures aujourd'hui.

Arlette Chabot : Alors si vous avez la gentillesse de passer le micro à votre voisine qui est madame Douchin qui habite Orléans qui a trois enfants, sur ces inégalités allez-y.

Alain Duhamel : Qui va passer la question à son tour ?

A. Douchin, parent d'élèves : Je voudrais parler des élèves en difficulté, en grand échec scolaire, ils sont de plus en plus nombreux, et souvent ces enfants sont dirigés pour des problèmes comportementaux, vers l'éducation spéciale alors qu'ils n'en relèvent pas. Quelle mesure pouvez-vous prendre Monsieur le Ministre pour scolariser les indésirables de l'école et éviter leur exclusion de l'école publique.

Arlette Chabot : Les enfants en grande difficulté, Claude Allègre.

Alain Duhamel : Eh bien oui, c'est forcément à vous qu'on demande en premier.

Arlette Chabot : On parle tout de suite de l'entreprise et des étudiants.

Claude Allègre : D'abord les enfants en très grande difficulté, il faut les prendre en petits groupes et il faut avoir le courage, il n'y en a pas un nombre si grand que ça, il faut avoir le courage dès le début de les prendre séparément et d'avoir un contact individuel. Tout à l'heure je disais que l'école sélectionne trop tôt. Eh bien vous voyez on constate que certains enfants ont des difficultés pour apprendre à lire par exemple en CP, si on ne les culpabilise pas et qu'on attend un an ou deux, un certain nombre se mette à lire parce que le développement cérébral ne se fait pas avec la même vitesse, c'est pourquoi il ne faut pas sélectionner trop tôt, et c'est pourquoi il faut prendre les enfants et avoir un contact personnel. Donc on travaille à ce sujet, mais là encore madame, je vous dis très franchement, je ne suis pas un magicien, je ne vais pas résoudre après quatre mois arrivé à l'Education Nationale, ce qu'un certain nombre d'années n'ont pas pu résoudre.

A. Douchin : Pensez-vous rendre effective Monsieur le Ministre, la loi de 89 qui prenait en compte le rythme des apprentissages des enfants, en pédagogie, en cycles.

Claude Allègre : Vous avez raison, je suis d'accord, j'avais dû participer à la rédaction de cette loi donc je dois la connaître un peu.

Arlette Chabot : Alors il y a un autre problème qu'on n'a pas abordé, c'est celui de la carte scolaire, allez-y.

Question : Bonsoir messieurs. Je voudrais savoir comment vous pensez résoudre le problème de la sectorisation qui fait que si on habite d'un côté de la rue on a droit à un lycée mauvais, de mauvaise qualité, et si on habite de l'autre côté à un très bon lycée ? Deuxième question peut-être qui va être sur un sujet un tout petit peu différent, sur les filières techniques.

Question : Bonsoir, pourquoi les filières technologiques sont-elles dévalorisées par rapport aux filières générales des bacs ?

Arlette Chabot : Alors le problème de la carte scolaire qui est très important pour tout le monde. Allez-y, est-ce qu'il faut supprimer la carte scolaire ?

Claude Allègre : Non je crois qu'il ne faut supprimer la carte scolaire, il faut l'appliquer un peu plus souplement, et c'est ce que nous nous efforçons de faire, et pour les filières technologiques je voudrais prendre cet exemple parce que tout à l'heure je disais à monsieur Madelin qu'on se défendait beaucoup pour garder les choses. Nous avons le projet de faire en sorte que les grandes écoles, les plus grandes admettent un nombre de bacheliers technologiques, des filières de classes préparatoires technologiques très grands, eh bien nous avons une résistance, nous avons une résistance de la part de ces écoles, alors que parmi les anciens élèves, des tas de gens éminents souhaitent cela, Francis Mer et d'autres, nous n'arrivons pas à le faire facilement, donc il ne faut pas croire, et là vous comprenez pourquoi je suis un homme de gauche, je croie qu'il y a des privilégiés, il y avait autrefois des privilégiés de la naissance, il y avait des privilégiés de la fortune, il y a des privilégiés de castes, actuellement qui sont des castes sociales.

Alain Madelin : Vous reconnaissez que je ne suis dans aucun de ces trois cas, dans aucun de ces trois cas.

Claude Allègre : Je ne vous accuse pas du tout, je ne vous accuse pas de cela. Eh bien néanmoins il faut bien comprendre que ces castes, elles, se défendent socialement, et qu'il y a une lutte pour que changer les choses, ça s'appelait autrefois la lutte des classes, moi j'appelais ça la lutte des castes.

Arlette Chabot : Alors monsieur Madelin là-dessus.

Alain Madelin : Alors je partage entièrement cet avis selon lesquels bien évidemment à certain moment il y a des privilégiés qui tiennent à garder leur place de privilégiés et quand il n'y a pas assez de place pour tout le monde moi j'appelle ça « la lutte des places ». Donc à chacun son appellation.

Claude Allègre : Vous allez devenir socialiste, vous.

Alain Madelin : A chacun son appellation.

Arlette Chabot : Un libéral socialiste.

Alain Madelin : En réponse globale à quelques-unes des questions que j'ai entendues tout à l'heure, je crois que pour adapter l'enseignement parce que c'est vrai, moi j'ai été frappé... Mon intérêt sur ces questions d'enseignement elle remonte à une réflexion que m'avait fait une brave dame en Bretagne qui m'avait dit : mon fils n'est pas fait pour l'école monsieur Madelin. Et j'ai réalisé que c'était complètement absurde, c'était l'école qui n'était pas faite pour lui. Et donc le problème, tout le défi des prochaines années ça consistait à adapter l'école aux enfants. Et si on avait un peu plus de liberté, un peu plus de souplesse, un peu plus d'autonomie, un statut d'autonomie pour les initiatives je vous assure qu'il se trouverait des enseignants, qu'il se trouverait des parents, qu'il se trouverait des chefs d'entreprise, pour essayer de faire ici et là du mieux qu'ils peuvent, pour essayer d'adapter à des situations difficiles...

Claude Allègre : Monsieur Madelin par rapport à l'école, je crois que vous venez de dire deux ou trois choses qui sont, je crois très importantes, qu'est-ce qu'il y avait autrefois ? Autrefois il y avait peu de gens qui allaient à l'école, et le sentiment d'injustice c'était de dire : ah moi je n'ai pas eu la chance d'aller à l'école. Aujourd'hui tout le monde va à l'école et ceux qui ne réussissent pas disent : l'école ne m'a pas bien traité, et donc on a un sentiment de ressentiment contre l'école alors qu'autrefois on l'avait contre la société. Je crois que c'est là la grande difficulté, c'est que la démocratisation de l'école oblige l'école à reconnaître les talents.

Alain Madelin : Parce que l'école est trop subie mais pas assez choisie ?

Claude Allègre : Mais absolument, parce que l'école était habituée à un type de talent et qu'aujourd'hui elle est obligée de s'ouvrir à tous les talents. Voilà.

Alain Madelin : Vouloir l'école choisie c'est commencé à devenir être libéral.

Arlette Chabot : Alors si vous voulez on va parler... C'est incroyable. Alors on va parler de l'école et de l'entreprise, il y a un chef d'entreprise dans cet hémicycle qui est très impatient et il a raison donc je vous propose avant de devenir à la situation française et des défauts et des difficultés de communiquer entre l'école et l'entreprise, d'aller voir ce qui se passe en Grande-Bretagne avec Etienne Leenhardt, vous allez voir que dans les universités britanniques il y a des liens, et même d'ailleurs certains disent aujourd'hui en Grande-Bretagne qu'il y a un trop grand partenariat entre l'université et les entreprises. Regardez.

Etienne Leenhardt : Jean-Paul Sartre n'est pas cette année au programme de ce cours de littérature française, et pourtant c'est dans un huis-clos presque quotidien que le professeur Collier transmet son savoir. A Cambridge comme dans beaucoup d'universités britanniques les travaux dirigés c'est souvent un enseignant pour une poignée d'élèves et personne n'y trouve rien à redire.

Professeur Collier, professeur de littérature française : Je donne des cours de thème et de version dans des groupes de 12 élèves, c'est parfait. Chaque élève est obligé d'intervenir pendant l'heure. Si j'avais 80 élèves dans un groupe de travaux dirigés cela serait impossible.

Elève : On a vraiment beaucoup de chance, c'est un moyen formidable d'étudier.

Elève : Pour nous c'est plus efficace mais pour l'université ça coûte beaucoup plus cher.

E. Leenhardt : Le problème est mathématique. Plus d'enseignants c'est forcément plus de dépenses, à moins de réduire le nombre d'étudiants dans les universités.

C. Holdslock, chercheur London School of Economies : Nous dépensons chaque année pour chaque étudiant 15 000 francs de plus qu'en France, mais il n'y a que 32 % des jeunes Britanniques qui accèdent à l'université, ce qui est beaucoup moins qu'en France.

E. Leenhardt : Pour faire face financièrement les universités se laissent largement tenter par les sirènes du privé. FORD, TOYOTA, MICROSOFT, des dizaines d'entreprises apportent leur obole, à Cambridge cela représente près de 40 % du budget de l'université. Affectivement les étudiants du professeur Maskell l'appellent monsieur Marks et Spencer, c'est en effet grâce à l'argent du plus grand distributeur alimentaire britannique que son poste de recherche en laboratoire a pu être créé.

D. Maskell, professeur chargé de la recherche agro-alimentaire : Traduction : Je dois dire que Marks et Spencer qui a financé cette chaire a toujours été très correct, et m'a toujours laissé une totale liberté.

Professeur Collier : Il est sûr qu'il y a peut-être un danger de devenir nous même une entreprise commerciale, mais jusque-là je pense que nous avons évalué les risques, et je pense que jusque-là nous en profitons bien.

E. Leenhardt : Investissement, forum, carrière emploi, tout cela ne suffit pas pour maintenir le niveau d'enseignement sans creuser les dépenses publiques, le Premier ministre Tony Blair a annoncé pour la rentrée prochaine l'imposition de droit d'entrée à l'université selon les ressources de chacun. A Cambridge cela dira jusqu'à 10 000 francs par an, et fait immédiat selon les prévisions, le pourcentage des inscriptions pour la rentrée prochaine est déjà en baisse de 12 %.

Alain Duhamel : Alors monsieur Lachman qui est le président de Strafor, vous avez souvent critiqué le système français, vous avez souvent approuvé des choses qui ressemblent à petit peu à ça, je voudrais que vous réagissiez, est-ce que c'est une bonne solution ?

Henri Lachman : J'ai eu beaucoup de mal à comprendre ce qui se passait sur l'écran.

Alain Duhamel : Est-ce que le type de relation entre les entreprises qui donnent directement de l'argent, le cas échéant à une chaire de professeur, à un laboratoire de recherche, est-ce que c'est ça la solution qui vous permettrait à vous d'améliorer les choses ?

Arlette Chabot : Ce qu'on souhaite c'est de savoir comment à votre avis.

Henri Lachman : Je ne crois pas, parce qu'on ne peut pas donner deux fois, on ne peut pas donner par la fiscalité, la plus lourde des pays développés, et donner par ailleurs. Par contre ce que je crois d'abord il ne faut plus se battre sur le bac, je trouve que... Dire que le bac est bon ou pas bon, ce n'est pas le problème. Le problème c'est la référence du bac. Pourquoi en France parle-t-on toujours en bac plus, bac plus 2, bac plus 4, bac plus 15. Et même ces jeunes qui étaient en échec tout à l'heure, ils parlaient de bac, ce n'est pas possible, parce que c'est comme ça qu'on sélectionne par l'échec. Alors moi personnellement je suis tout à fait convaincu que c'est par la formation par alternance que nous arriverons à sortir les jeunes de la rue et faire en sorte qu'ils ne soient plus exclus. Et je dois dire à Monsieur le Ministre, je trouvais dans LIBERATION au mois de juillet il a dit une grande bêtise, quand il disait que les patrons avaient un amour passionné pour l'apprentissage parce que c'était le moyen d'avoir des emplois et de ne pas les payer, et qu'ils feraient mieux de limiter leur salaire ou de rembourser leurs études. Alors moi je dis, chiche sur le remboursement des études. Que tout le monde rembourse les études quand ils pourront les rembourser, ou qu'on donne des bourses. Mais le vrai problème c'est qu'il y a une coupure artificielle entre la sortie de l'école et l'entrée en entreprise, cette coupure n'est pas bonne et il faut que les entreprises participent plus activement et on a nos torts aussi, mais que l'entreprise participe plus activement à la formation des jeunes, c'est-à-dire la définition des besoins, la maquette pédagogique, l'enseignement et la délivrance des diplômes. Quand on parlait tout à l'heure d'évaluer les professeurs je ne comprends pas la question, tout le système éducatif évalue en permanence les élèves, pourquoi on n'évaluerait pas les profs ?

Alain Duhamel : Alors Claude Allègre ça fait beaucoup de choses ?

Claude Allègre : Oui. D'abord premièrement vous ne pouvez pas prendre Cambridge comme un exemple de l'université anglaise, c'est la meilleure université du monde, et c'est l'université la plus élitiste du monde.

Arlette Chabot : Vous voyez déjà qu'avec... il y a déjà des élèves qui vont être éliminés là.

Alain Duhamel : 12 % en moins l'année prochaine.

Claude Allègre : Non, écoutez je connais très bien cette université, j'y ai suffisamment enseigné pour la connaître. Donc je pense que vous ne pouvez pas prendre Cambridge comme université, c'est comme si vous preniez Harvard comme université américaine de référence. Alors si vous voulez regardez l'Ecole normale supérieure en France et vous verrez des choses qui ressemblent à ça.

Arlette Chabot : Ecole-entreprise.

Claude Allègre : Mais parlons du problème école-entreprise. Deuxième mythe, dans les universités américaines il faut savoir que le financement des entreprises représente au plus une dizaine de pour cent, donc ce n'est pas le financement des entreprises qui est important. Ça c'est un mythe. Le MIT est financé à 84 % par les fonds de l'Etat, il faut bien comprendre ça. Donc je crois que le problème de l'entreprise, d'abord qui s'est beaucoup amélioré ces dernières années en France, est que je souhaite qu'il y ait un meilleur lien effectivement entre la formation en entreprise, et la formation de l'université, mais ça passe par une première chose. C'est que l'université s'ouvre à la formation continue, ce qu'on est en train de faire, j'ai annoncé qu'il y aurait 10 universités cette année qui seraient ouvertes toute l'année et on a négocié avec un certain nombre de grandes entreprises qui vont faire leur formation continue dans l'université. Je pense que ça c'est le premier mouvement, c'est de ne pas avoir des officines plus ou moins séparées de l'université pour faire la formation continue en entreprise. La deuxième chose, c'est qu'il faut, c'est ce qu'on a fait avec les instituts universitaires professionnalisés, il faut que la moitié des professeurs dans les filières professionnalisées viennent de l'entreprise et viennent y travailler à temps partiel, Parce que pour enseigner par exemple la gestion, les meilleurs ce sont les gestionnaires. Donc je crois qu'il faut faire cela. Je crois que cette situation est en train d'évoluer favorablement en France.
 
Alain Madelin : Il nous reste peu de temps, il faut aller à l'essentiel.

Alain Duhamel : Oui allez-y.

Alain Madelin : L'essentiel pour moi c'est la formation en alternance. Il y a une pluralité des voies de réussite, et il y a des gens qui ont une intelligence un peu différente ou qui souhaitent réussir tout simplement autrement. Donc je crois qu'il est absolument indispensable de développer la formation en alternance. Et notamment l'apprentissage. L'apprentissage nous devrions avoir 300 000, 400.000, 500 000 et puis 1 million d'apprentis en France, c'est un objectif qui est à notre portée. On devrait également multiplier les stages diplômant à l'intérieur des entreprises. Lorsque le précédent gouvernement avait proposé cela que n'a-t-on entendu ! Donc la formation en alternance est en soit une très bonne chose, et un bon métier vaut mieux souvent qu'un mauvais diplôme. Donc développer la formation en alternance, cela suppose de réconcilier l'école et l'entreprise. Beaucoup se sont faits au cours de ces dernières années, assurément, mais il faut quand même reconnaître qu'il y avait du chemin à parcourir, parce qu'il y avait quand même toute une idéologie enseignante qui n'aimait pas voir beaucoup l'entreprise à l'école et les élèves à l'intérieur de l'entreprise. Je voudrais dire qu'il faut revaloriser la notion même d'apprentissage. Etre apprenti ça ne doit pas être la voie de l'échec, ce n'est pas le fait de ne pas avoir réussi ailleurs qui vous condamne à l'apprentissage. Ça doit être une filière complète qui vous mène éventuellement à un diplôme d'ingénieur. Moi quand j'étais gamin j'ai fait des études techniques, j'apprenais le fraisage, le tournage, l'ajustage, mais j'étais dans une filière qui pouvait me conduire jusqu'à l'ingénieur, j'avais une blouse blanche à l'école, eh bien avec une blouse blanche on ne se sentait pas relégué. Je crois qu'il y a un problème de considération à donner à l'apprentissage. J'ai quelques idées sur cette question.

Claude Allègre : Alors je voudrais d'abord dire que l'enseignement en alternance quand on a créé les Instituts universitaires professionnalisés, par construction ils doivent se faire en alternance, ce n'est pas de ma faute si..., attendez, ce n'est pas de ma faute si un certain nombre de déviance se sont faites et qu'on a laissé faire. Donc moi je suis absolument favorable à l'enseignement par alternance. Je pense en ce qui concerne l'apprentissage que la situation, tout le monde se gargarise sur le problème de l'apprentissage, je m'en préoccupe je vous le garantis avec beaucoup d'assiduité en ce moment, mais l'apprentissage d'aujourd'hui ne peut pas être celui d'hier parce que les métiers ont énormément évolué et nos amis allemands montrent qu'il faut faire évoluer cet enseignement d'apprentissage. Ce dont je suis persuadé c'est qu'il faut avoir par exemple pour les lycées professionnels un enseignement qui soit beaucoup plus proche de cet enseignement en alternance, ça c'est vrai, et c'est ce que logiquement nous allons petit à petit faire. C'est vrai aussi pour des enseignements technologiques, mais le fond de la question c'est la formation continue. Le fond de la question c'est qu'aujourd'hui lorsque vous suivez un stage de formation continue on vous fait un petit papier en disant : à suivi le stage de formation continue. Mon projet, le projet du gouvernement, le projet essentiel c'est qu'on doit obtenir dans ce pays tous les diplômes en formation initiale ou en formation continue, c'est-à-dire qu'on puisse après être sorti d'un DUT travailler dans l'industrie, revenir et devenir ingénieur, et le jour où nous gagnerons ce pari, qui n'est pas un mince pari, à ce moment-là on aura rendu un dynamisme formidable à l'ensemble de cette population parce que à tous les niveaux à tous les âges l'espoir restera présent.

Alain Madelin : Je vais vous proposer d'aller un tout petit peu plus loin dans la même direction. Ok je trouve ça très bien de fait d'offrir des possibilités d'atteindre tous les diplômes par la formation continue, mais moi ce que je souhaite c'est un capital de deuxième chance, que le gamin qui n'a pas pu aller jusqu'au bout de sa première chance, parce qu'il a dû décrocher, qu'il n'a pas pu suivre un DEUG, il puisse bénéficier de disons, aller parce que ça je sais qu'on peut le négocier avec les responsables d'entreprise, c'est un objectif à apporter, 1 200 heures de formation, capital de deuxième chance, et là on aura fait un grand projet.

Claude Allègre : Mais bien sûr, mais oui.

Alain Duhamel : On va peut-être demander à Henri Lachman de réagir...

Arlette Chabot : Il y a une critique aussi qui est souvent faite aux chefs d'entreprise c'est qu'ils ne sont pas très accueillants. Alors on dit les profs n'aiment pas l'entreprise, mais on dit aussi que les chefs d'entreprise disent : c'est formidable la formation en alternance, c'est formidable l'apprentissage, mais au fond vous n'aimez pas beaucoup voir des jeunes dans les entreprises, c'est vrai ou faux ?

Henri Lachman : Je ne crois pas que ce soit vrai, il est clair que nous avons un peu abdiqué dans nos responsabilités de formation, et que le fossé qui existe entre l'école et l'entreprise est très dommageable. Je crois qu'il est fondamental de donner à l'apprentissage ses lettres de noblesse. Vous disiez 1 million d'apprentis, je crois que c'est parfaitement possible, d'ailleurs c'est possible dans la fonction publique et dans le privé ensemble, et aujourd'hui il y a une inauguration de l'usine SMART, le président de DAIMLER BENZ qui est le premier groupe industriel européen, il a commencé chez MERCEDES, Jürgen Schrenk a commencé chez MERCEDES comme apprenti, mais il faut arrêter de parler en terme de diplôme, je crois qu'il faut parler en terme de métier, en France on ne dit pas : je vais devenir ingénieur , je fais polytechnique, on ne dit pas : je veux devenir médecin, je veux faire ma médecine, arrêtons de parler en terme de diplôme, professionnalisons les choses, et ayons un métier et développons ces matières en formation initiale, et en formation continue.

Claude Allègre : Monsieur je suis obligé de vous arrêter là-dessus, moi je suis le premier à dire ce n'est pas le problème des diplômes si c'était égal pour tout le monde, mais depuis un certain nombre d'années, ce qu'on a fait c'est de dire la formation initiale on a des diplômes et la formation continue ne parlons pas de diplôme, on ne donne pas de diplôme, résultat c’est que le malheureux qui fait de la formation continue n'en bénéficie pas, il n'est pas mis dans les grilles indiciaires etc., par conséquent tant qu’on reste dans ce pays avec des bac plus 2 , des bac plus 3 et hélas des bac moins 15 je pense que... hélas des bac moins 15, ça veut dire des gens qui ne comprennent rien, c'est pas pour vous que...

Alain Duhamel : On est d'accord...

Claude Allègre : Je dis que les diplômes restent la référence, et moi je veux qu'en formation continue quelqu'un qui a... Y compris en validant les acquis professionnels, c'est moi qui ait préparé la loi de validation diplômante des acquis professionnels, on puisse accéder à tous les grades.

Alain Duhamel : Alain Madelin vous répondez brièvement...

Arlette Chabot : Parce qu'il y a des étudiants qui nous attendent patiemment depuis une heure et quart de pouvoir vous poser des questions.

Alain Madelin : Juste un mot extrêmement important de revaloriser l'idée même d'apprentissage. C'est vrai qu'un maître-artisan il est très fier de l'apprentissage, et d'avoir un apprenti et on a du mal à faire comprendre que c'est parfois un mot qui signifie un peu formation au rabais. Moi je vais vous dire ce que l'on fait dans ma circonscription, dans mon département, nous avons un formidable campus, le campus de Kerlane, monsieur Allègre n'aime pas beaucoup mais qui est un campus qui accueille les écoles privées, les écoles publiques, un très beau campus pour étudiants, on va y mettre le centre de formation des apprentis, et j'aimerais qu'il s'appelle l'institut polytechnique des métiers, je trouve qu'il y a là un signe si vous voulez de considérer les gamins qui font de l'apprentissage comme des étudiants à part entière dans un institut polytechnique des métiers.
 
Arlette Chabot : Alors Grenoble, je vous propose, alors Jeff Wittenberg les étudiants sont formidables de patience, ils vous ont écoutés, Jeff Wittenberg vous êtes à côté des étudiants de Grenoble, allez-y c'est le moment, il faut qu'ils posent des questions tout de suite.

Jeff Wittenberg : Nous sommes effectivement à l'université de Grenoble qui compte un peu plus d'étudiants scientifiques que la moyenne nationale, alors il y a des filières qui sont très liées au tissu économique régional, c'est notamment le cas en informatique, en nucléaire mais il y a d'autres filières, d'autres domaines ce n'est pas du tout le cas. Vous pouvez en témoigner Rodolphe.

Rodolphe : Bonsoir, Rodolphe, étudiant en droit prive. Messieurs trouvez-vous normal qu'un étudiant au terme d'un cursus universitaire, notamment en droit privé, n'ait jamais eu l'occasion de faire un stage dans un cabinet d'avocats ou en droit des affaires au sein d'un service juridique dans une entreprise, ou en droit public au sein d'une administration. Cette absence d'expérience pratique concerne bien évidemment d'autres filières.

Claude Allègre : La réponse est évidemment non, on ne trouve pas ça normal.

Alain Madelin : La réponse est évidemment non, je ne trouve pas ça normal. Mais je voudrais rappeler à Claude Allègre que lorsqu’un autre gouvernement avait proposé cela, les stages diplômant d'entreprise c'était plutôt ses amis qui étaient descendus dans la rue.

Arlette Chabot : Alors Henri Lachman qui est...

Henri Lachman : Ça ne s’intégrera pas dans un cursus scolaire, le stage ne marchera jamais. Il faut absolument que ce soit intégré dans la maquette pédagogique, sinon ce sont des voyeurs ailleurs qui viennent chez nous en été quand il n'y a personne.

Arlette Chabot : Alors d'accord ? Il est d'accord.

Claude Allègre : Il est d'accord. Non mais attendez, on enfonce des portes ouvertes. Sur les stages soyons clairs, moi je suis très favorable au stage en entreprise. A condition que ça ne soit pas des stages de longue durée qui se substituent à des emplois, ce que j'ai vu, y compris dans une entreprise dans laquelle je me suis trouvé président. Donc je pense que les stages doivent être des stages encadrés, de courte durée, de formation, et naturellement ils doivent rentrer dans les cursus. Ceci étant dit, actuellement le problème des stages, et là je vous donne alors, des résultats numériques de l'Education Nationale, posent un sérieux problème parce que les entreprises dans certaines régions sont saturées de stagiaires et n'ont pas actuellement les moyens de les accueillir.

Alain Madelin : Oui c'est un gros problème, et on voit beaucoup d'enseignants qui voulant effectivement réconcilier l'école et l'entreprise, demandent aux gamins de trouver des stages, et là on commence l'apprentissage de la ségrégation sociale, parce qu'il y a le gamin qui a des relations et qui peut trouver un stage par son papa que celui qui n'en a pas.

Claude Allègre : Absolument.

Alain Madelin : Et très tôt on se rend compte qu'il y a deux catégories d'élèves. Il faut dire quoi ? Il faut être concret, ça veut dire que toute une série de stages pourrait être remplacée par des modules adaptés. Moi j'avais lancé avec François Bayrou ministre de l'Education Nationale le module entreprise cadette où l'on apprenait la simulation de la gestion d'une entreprise avec des intervenants extérieurs, je trouve que c'est une bonne sensibilisation pour la gestion des entreprises, pour une connaissance de l'entreprise pour ceux qui n'ont pas besoin d'un stage diplômant intégré dans un cursus universitaire, comme le disait très justement Henri Lachman il y a un instant.

Jeff  Wittenberg : Il y a le problème des débouchés, mademoiselle vous êtes en lettres modernes.

Etudiante : Je m'appelle Sophie, donc depuis que j'ai passé mon bac en 1995 je me suis faite à l'idée de devenir professeur de français parce que c'est un domaine qui n'offre pas de nombreux autres débouchés et j'aimerais savoir quelle autre perspective d'avoir justement vous comptez donner aux étudiants qui s'engagent dans cette discipline qu'on pourrait exploiter à mon avis un petit peu plus.

Claude Allègre : D'abord je crois, et ça c'est une bonne décision qui a été prise par les écoles de commerce, je crois qu'il y a maintenant des filières pro-littéraires dans les écoles de commerce, et je pense que c'est une bonne chose et il y a de plus en plus des métiers qui s'ouvrent à la formation littéraire, je crois que ça c'est une bonne évolution qui s'est fait jour ces dernières années.

Arlette Chabot : Une question encore de Grenoble.

Alain Duhamel : Une dernière.

Arlette Chabot : Jeff.

Jeff Wittenberg : On a parlé des stages il y a un instant, Eric, vous avez une question à poser.

Eric : Bonsoir, je m'appelle Eric, je suis étudiant à l'Ecole supérieure des affaires, alors excusez-moi je vais peut-être un petit peu vous interpeller, mais sauf votre respect, je trouve que vous êtes un petit peu quand même des grandes gueules parce qu'on a essayé de parler...
 
Alain Duhamel : Votre question.

Eric : Oui je vais vous la poser, excusez-moi, c'était entre guillemets, toujours est-il que c'est ce que je pense. Bon j'aimerai savoir une chose : est-ce qu'il serait possible d'instaurer justement par rapport à ces stages que vous évoquiez précédemment, un salaire de stage minimum, parce qu'il y a des entreprises qui en fait exploitent complètement de la main d’œuvre qui est qualifiée, tantôt bac plus 2, tantôt bac plus 3, voire plus 4, DESS et qui en fait à l'arrivée, il faut savoir que par rapport à une convention de stage, on n'est pas obligé de vous payer.

Arlette Chabot : Ok merci, réponse de l'un et de l'autre parce qu'il faut conclure, allez-y.

Claude Allègre : C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure, si le stage est long et qu'on apporte à l'entreprise, je pense qu'il est normal que l'entreprise rémunère le stagiaire. Si c'est au contraire un stage court dans lequel le stagiaire reçoit tout de l'entreprise et n'apporte pas grand-chose à l'entreprise, il n'y a pas de raison qu'il soit rémunéré, je crois que c'est là que se situe et c'est vrai qu'il y a beaucoup d'abus, et c'est vrai qu'il y a beaucoup de stagiaires qui sont exploités par un certain nombre d'entreprises.

Arlette Chabot : Alain Madelin ?

Alain Madelin : Il y a une palette entre la formation en alternance, apprentis sous statut salarié, on reçoit un salaire et l'autre solution où l'on est en alternance, mais sous statut étudiant, et entre les deux vous avez les stages diplômant qui peuvent être rémunérés, c'est ce qui avait été proposé et encore une fois hélas refusé, j'espère que ça reverra le jour.

Arlette Chabot : Claude Allègre je sais que les étudiants de Grenoble voulaient poser une autre question...

Claude Allègre : Ils n'ont pas été refusés, ils fonctionnent ces stages, monsieur Madelin...

Alain Duhamel : Claude Allègre ?

Arlette Chabot : Claude Allègre, je sais que les étudiants de Grenoble voulaient poser une question sur le statut de l'étudiant, ça en 30 secondes, François Bayrou l'avait promis, il n'y a pas de statut d'étudiants, on dit que ça coûte cher, est-ce que ça sera fait oui ou non, 20 secondes et une conclusion à chacun.

Claude Allègre : Ecoutez honnêtement, monsieur Bayrou avait promis sans argent, donc le statut des étudiants est un problème financier, nous sommes en train... le Premier ministre a dit que c'était une de nos priorités, on est en train de le négocier, j'ai dit qu'il y aurait une loi qui serait soumise au parlement au printemps, je renvoie au printemps, mais il y aura de l'argent.

Alain Duhamel : Alors un mot de conclusion chacun, Alain Madelin.

Alain Madelin : Ecoutez, moi je pense qu'on a besoin de réformes profondes, à la fois sur les programmes, à la fois sur les établissements, l'autonomie, la plus grande liberté, sur l'enseignement supérieur, la loi SAVARY est inadaptée, sur la formation en alternance, vaste chantier de réforme. Vous voyez je crois qu'au terme de ce débat, il n'y a pas forcément les idées de gauche et les idées de droite, il peut y avoir un certain nombre d'idées de bon sens, et le combat est peut-être entre les conservateurs et les novateurs, les anciens et les modernes. J'espère que Claude Allègre saura transformer un certain nombre de ses idées en actions.

Arlette Chabot : Claude Allègre ?

Claude Allègre : Moi j'ai noté que monsieur Alain Madelin allait voter mon budget dans quinze jours à l'Education Nationale puisqu'il était d'accord avec la plupart des orientations que nous souhaitions faire, donc je pense que sur un certain nombre de points... moi je me réjouis quand il y a un consensus entre la droite et la gauche pour faire avancer des choses dans l'intérêt du pays, à l'évidence il y a des domaines sur lesquels nous ne sommes pas d'accord, je ne suis pas prêt à ce que les proviseurs choisissent les professeurs, je ne suis pas prêt à ce qu'il y ait une dérégulation complète sur le problème des universités, mais et un certain nombre, heureusement qu'il y a un certain nombre de différences. Ce que je crois c'est qu'il y a une convergence dans ce pays maintenant... et je me réjouis que ces jours-ci l'enseignement soit au cœur du débat politique de nouveau parce que c'est réellement l'avenir qui se joue et deuxièmement, je crois qu'il y a une volonté de faire évoluer cet enseignement vers plus de souplesse, plus d'humanité, plus de reconnaissance et plus de diversité.

Alain Duhamel : Merci monsieur Allègre.

Arlette Chabot : Voilà, en vous remerciant effectivement l'un et l'autre pour le prix d'éloquence, en remerciant les lycéens qui sont là, en nous excusant auprès des étudiants de Grenoble, mais vous pouvez toujours envoyer vos questions à l'un et à l'autre, merci Claude Allègre, Alain Madelin. Avant de nous quitter, je salue les téléspectateurs qui regarderont cette émission grâce à TV 5 et CANAL FRANC INTERNATIONAL, c'est-à-dire vous verrons dans le monde entier. Nous nous retrouverons dans un mois, le 24 novembre pour un nouveau face à face. La semaine prochaine Paul Amar, « D'un Monde à l'Autre ». Merci, bonsoir.

Alain Duhamel : Bonsoir.