Lettre aux adhérents de Mme Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, publiée dans "CFDT magazine" de novembre 1997, sur les enjeux des élections prud'homales, et déclarations de M. Michel Caron, secrétaire national, les 12 novembre et 2 décembre, dénonçant le dépôt de listes de candidature par le Front national sous le sigle CFNT (Coordination française nationale des travailleurs).

Prononcé le 1er novembre 1997

Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections prud'homales le 10 décembre 1997

Média : CFDT Magazine

Texte intégral

CFDT Magazine - novembre 1997
Nicole Notat

Bonjour,

Le 10 décembre prochain, comme tu le sais, la CFDT a rendez-vous avec près de 15 millions de salariés et de chômeurs qui vont être appelés à élire les 7 500 conseillers prud’hommes.

Pour ces élections, dans tout le pays, la CFDT présente des militants, des femmes et des hommes, compétents et disponibles. Des candidats qui, tous, partagent nos valeurs de justice et de solidarité.

Quels sont les enjeux de ce scrutin ? D’abord, il nous faut persuader les salariés et les chômeurs de voter massivement pour élire des représentants dans une institution indispensable pour la défense de leurs droits. Il y va de l’efficacité de l’action syndicale, notamment pour les salariés des PME-PMI où les prud’hommes sont, souvent, le seul recours en cas de conflit. Lutter contre l’abstention, c’est aussi exprimer une dimension singulière de notre vision du syndicalisme : aller vers la participation du plus grand nombre.

Il s’agit aussi de faire progresser notre organisation en voix et en nombre d’élus dans toutes les régions, dans tous les conseils de prud’hommes. À cette occasion, il nous appartient de confirmer la place que nous occupons dans le paysage syndical français : la CFDT est la première organisation en nombre d’adhérents, et elle progresse dans de nombreuses élections professionnelles.

Mais, au-delà de la photographie, à un moment donné, des influences respectives des organisations syndicales, ce qui fait notre détermination et notre différence, c’est la volonté de faire partager notre conception du syndicalisme : une force indépendante qui agit, propose, négocie et obtient des résultats toujours dans l’intérêt des salariés et des chômeurs.

C’est cet engagement pour un syndicalisme moderne et de transformation sociale par la voie des réformes qui guide nos actes.

Tu mesures, chaque jour, combien la CFDT est devenue un acteur central du débat économique et social, grâce à la force de nos propositions, à notre action sur le terrain et aux responsabilités que nous assumons au sein de l’assurance maladie ou de l’assurance chômage.

Réduction du temps de travail et création d’emplois, embauche des jeunes, rénovation de la protection sociale, préservation de services publics de qualité, amélioration permanente des conditions de travail et progression des revenus des salariés et des chômeurs… ce sont quelques-uns des combats quotidiens que nous menons ensemble.

Les faits parlent d’eux-mêmes. La loi-cadre, sur les 35 heures, annoncée lors de la conférence nationale du 10 octobre dernier, nous l’avons voulue avec détermination et nous avons réussi à faire partager nos propositions sur la réduction du temps de travail. Pour la CFDT, il s’agissait notamment de disposer d’un levier pour l’emploi et l’embauche des jeunes, de diminuer la précarité du travail pour un grand nombre de salariés à temps partiel, et aussi de répondre à l’aspiration légitime des salariés à disposer de plus de temps libre.

Dans les mois à venir, il nous faudra, encore et toujours, nous mobiliser et négocier pour obtenir de nouvelles avancées sociales et d’autres résultats tangibles, répondant aux attentes des salariés et des chômeurs. Le même esprit de mobilisation doit rythmer la dernière ligne droite qui nous sépare du scrutin prud’homal.

La première force de la CFDT, c’est l’implication de l’ensemble de ses adhérents.

Ton engagement sera déterminant. Notre objectif est que chaque adhérent, au jour du vote, ait convaincu au moins trois électeurs de choisir la CFDT. « Quatre pour un : apportez trois voix à la CFDT », c’est le sens de l’opération lancée par les sections d’entreprise, une opération à laquelle, j’en suis certaine, tu auras à cœur de participer.

Au soir du 10 décembre, au regard de nos résultats, je suis sûre que nous pourrons, du plan local au niveau national, partager la même fierté d’appartenir à la CFDT.

À nous tous maintenant de faire gagner nos idées et de montrer la voie, la meilleure voie pour défendre les droits des salariés et des chômeurs.


« Je compte sur toi pour faire voter CFDT. Amicalement, Nicole Notat »


Déclaration de Michel Caron – 12 novembre 1997

La CFDT réagit au dépôt de listes par le Front national dans le cadre de l’élection prud’homale du 10 décembre 1997

Le dépôt des listes de candidatures aux élections prud’homales du 10 décembre 1997 confirment que le Front national sera présent lors de ce scrutin.

Ces listes sont présentées sous le sigle CFNT, coordination française nationale des travailleurs, les lettres « FN » étant mises en avant.

La CFDT dénonce l’intrusion du FN dans cette élection. Il est grave qu’une force politique puisse ainsi s’afficher, et utiliser les prud’hommes comme tremplin pour atteindre un objectif politique. Cette confusion des genres est contraire aux principes fondamentaux de la République et aux fondements du droit du travail.

L’objectif de la préférence nationale prôné par le FN suscite et encourage une distinction de traitement des justiciables, fondée sur la race ou l’origine nationale ou ethnique, contraire au principe de la fonction de juge.

L’existence même de ces listes met en péril l’institution prud’homale, la crédibilité de ses juges, l’avenir de la justice. Cette situation était évitable, si la CFDT et les autres confédérations avaient été entendues lorsqu’elles ont demandé que des dispositions législatives et réglementaires soient prises pour garantir auprès des salariés l’impartialité des listes soumises à leur suffrage.

Au vu de la situation d’aujourd’hui, la CFDT a plus que du regret de ne pas avoir été écoutée.

D’ores-et-déjà, il apparaît que certaines listes CFNT sont entachées d’irrégularités. La CFDT a engagé des recours devant les tribunaux d’instance pour qu’elles soient déclarées irrecevables.

La situation ainsi créée renforce la détermination de la CFDT à mener sa campagne d’explication sur les enjeux de cette élection. Elle est convaincue que les salariés refuseront l’intrusion du politique et des thèses extrémistes, et défendront l’indépendance des prud’hommes en choisissant les candidats compétents, disponibles et libres de toute idéologie. Ils garantiront ainsi la pérennité des prud’hommes, institution indispensable à la défense individuelle et à l’intérêt collectif des salariés.


Déclaration de Michel Caron – 2 décembre 1997

Des listes Front national aux prud’hommes : une décision de justice choquante

La Cour de cassation vient de déclarer irrecevables les pourvois déposés par la CFDT et la CGT, visant à faire retirer les listes présentées par le Front national.

La Cour de cassation a également déclaré irrecevables les pourvois déposés par le Front national.

Ces décisions ont deux conséquences :
- les listes FN invalidées par les juges locaux, le restent, et ne pourront donc par participer au scrutin du 10 décembre prochain ;
- alors que les autres listes FN seront présentées.

Par ces décisions choquantes, la Cour de cassation prolonge ainsi la situation ubuesque née de l’initiative du Front national de présenter des listes au scrutin prud’homal.

En effet, plus que jamais, la loi actuelle apparaît inadaptée. Cette nouvelle situation entraînera inévitablement des contentieux post-électoraux.

Pour la CFDT, les électeurs doivent, maintenant, se prononcer sur l’enjeu essentiel de ce scrutin : élire des conseillers prud’hommes indépendants, impartiaux, ayant acquis une expérience reconnue de la défense des salariés. La CFDT a confiance dans la volonté des électeurs de refuser toute politisation du scrutin prud’homal.