Interview de M. Valéry Giscard d'Estaing, membre du bureau politique de l'UDF, dans "La Montagne" du 10 octobre 1997, sur les projets d'emplois-jeunes du gouvernement, l'aide du Conseil régional d'Auvegne à la création d'emplois et la réduction du temps de travail.

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Média : La Montagne

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La Montagne : Le Conseil régional de prononcera lundi sur un système d’aide à la création d’emplois productifs. En quoi consiste-t-il ?

Valéry Giscard d’Estaing : Ce système concerte toutes les entreprises installées en Auvergne, employant au moins 500 personnes qui embaucheront un salarié supplémentaire avec un contrat à durée indéterminée et un salaire compris entre le SMIC et environ 133 % du SMIC. Comme charges salariales, l’entreprise ne supportera que 10 % du montant du salaire, soit 660 France par mois. Le supplément de charge, déjà partiellement réduit par l’URSSAF, sera allégé par l’aide du Conseil régional.

Toutes les professions seront concernées, y compris pour la première fois les activités commerciales, sous réserve qu’elles aient une surface inférieure à 300 mètres carrés. Aucune condition d’âge ne sera imposée car il ne faut pas faire de discrimination entre les demandeurs d’emploi en fonction de leur âge ! Ce système vise à créer, en deux ans, 2 000 emplois productifs qui devront être harmonieusement répartis sur le territoire régional. Le montant de l’aide par emploi sera de 26 400 francs sur deux ans.

La Montagne : Si le système a le succès escompté, comptez-vous l'étendre ?

Valéry Giscard d’Estaing : Il rentrera en vigueur très vite, dès le 15 octobre, si, comme je l’espère, il est approuvé lundi prochain au cours de la session du Conseil régional. Celui-ci gérera directement le dispositif au moyen d’une cellule composée de deux personnes seulement. Nous publierons des comptes rendus périodiques pour évaluer si sa mise en œuvre se traduit effectivement par des créations d’emplois supplémentaires. En fonction de la vie du système, nous examinerons s’il y a lieu de modifier le plafond fixé au départ à trois emplois maximum par entreprise, ou même de dépasser l’objectif des 2 000 emplois.

La Montagne :  Pensez-vous qu’une telle formule puisse connaître une application sur le plan national ?

Valéry Giscard d’Estaing : Nous ne pouvons accepter le maintien du nombre de chômeur actuel. Par rapport au reste de la France, l’Auvergne a connu une légère amélioration, avec une petite réduction du chômage d’une année sur l’autre. Néanmoins, nous conservons actuellement 58 000 chômeurs. Ce chiffre représenterait la population de la deuxième ville de la région après Clermont-Ferrand ! Le dispositif que nous proposons est novateur et nous serons la seule région de France à l’appliquer. Mais nous voulons aussi apporter à travers lui, la démonstration spécifique que la réduction des charges sociales est l’élément décisif dans la lutte contre le chômage.

La Montagne : Davantage que la réduction du temps de travail ?

Valéry Giscard d’Estaing : Oui ! Qu’il y ait des opérations visant à définir un meilleur partage entre le temps du travail et le temps des loisirs, c’est tout à fait normal, mais cela n’a rien à voir avec la diminution du chômage. On ne réduira le chômage qu’en créant de nouveaux emplois compétitifs et on ne peut rendre ces emplois compétitifs qu’en baissant les charges. Toutes les études montrent que le problème central pour la diminution du chômage en France, c’est celui des charges qui pèsent sur le travail salarié. La réduction de la durée du temps du travail à rémunération constante conduit à une augmentation du coût unitaire salarial qui n’a jamais permis de créer des emplois. Aussi je souhaiterais qu’aujourd’hui, à la réunion de Matignon, les partenaires sociaux regardent ce qui peut être fait raisonnablement en direction de la réduction des charges pesant sur les bas salaires.

La Montagne : Qu’ils s’inspirent de votre exemple ?

Valéry Giscard d’Estaing : Si, au lieu de multiplier des mesures peu efficaces on avait fait ce que nous proposons pour l’Auvergne, cela aurait coûté moins cher et on aurait eu des résultats beaucoup plus importants sur la création d’emplois. Nous proposerons, en effet, l’extension de l’expérience auvergnate au niveau national, pour qu’elle puisse servir de référence à une politique de l’emploi.

La Montagne : Comment situez-vous votre expérience par rapport aux emplois-jeunes qui font l’objet d’une loi en cours d’examen ?

Valéry Giscard d’Estaing : Sur le projet de loi, j’ai émis un vote d’abstention à l’Assemblée nationale. Je n’ai pas voulu voter contre ce texte parce que le gouvernement a fini par accepter un amendement important sur le financement de l’apprentissage. Dans cette loi, il s’agit d’emplois créés dans le secteur public ou associatif, non productif. Souvenez-vous que dans ses annonces électorales le gouvernement avait pris aussi des engagements pour la création d’emplois dans le secteur productif. Il n’a rien fait, jusqu’à présent dans ce domaine. Eh bien nous, nous prenons l’initiative et nous montrons ce qui peut être fais dans le secteur productif. Je souhaite ardemment que cela puisse répondre à l’attende de nombreux demandeurs d’emplois.