Interview de M. Philippe de Villiers, vice-président du RPF, à RMC le 29 septembre 1999, sur la nécessité d'alléger les charges des entreprises, de réguler la mondialisation et de maintenir l'identité et la souveraineté nationales.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

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Q - Quel est votre sentiment sur le dernier discours du Premier ministre, en matière économique et sociale dans lequel L. Jospin veut un meilleur contrôle des licenciements pour les entreprises qui font un fort bénéfice ?

– « On vérifie, là, l'aphorisme célèbre : le socialisme est pavé de bonnes intentions. Je ne mets pas en cause les bons sentiments du Premier ministre. Mais quand il dit par exemple : "moins de travail précaire", l'écho répondra : "Plus de chômeurs", et, quand il dit : "On va réglementer" – c'est la bonne vieille méthode socialiste – d'ailleurs dans un monde sans règle, puisque M. Jospin accepte la mondialisation, cela veut dire qu'on perdra les entrepreneurs qui iront à l'étranger et on gardera les Rmistes. Il faut voir en termes d'emplois. »

Q - Vous, vous êtes contre la mondialisation. Vous n'allez quand même pas me dire que vous approuvez le fait que des mouvements de capitaux appartenant à quelques figures anonymes décident du travail de l'un ou de l'autre ?

– « Vous avez tout à fait raison. Ce que nous préconisons avec C. Pasqua, le Rassemblement pour la France, c'est deux choses : d'une part alléger les charges des entreprises, puisque nous avons les entreprises les plus chargées du monde industrialisé – M. Jospin fait le contraire, avec des prélèvements qui sont aujourd'hui 45,3, ce ,qui est considérable, énorme. Il faut tomber en dessous de 40 %. Et deuxièmement, corriger la mondialisation, c'est-à-dire exiger de l'Organisation mondiale du commerce que notre économie ne soit plus soumise aux grandes multinationales notamment américaines, et qu'on introduise dans les règles du commerce internationale, pour qu'il y ait un vrai libre-échange, les coûts sanitaires, les coûts, les coûts environnementaux qui aujourd'hui déséquilibrent le libre-échange. »

Q - Dans l'affaire Michelin, vous approuvez Michelin ?

– « Non, non. Ce que je constate c'est que les gens de chez Michelin sont un peu comme les paysans de France quand ils polluent les nappes phréatiques contre leur gré. Ils sont pris dans un système qu'ils réprouvent, qui est le système du libre-échangisme mondial, puisque Michelin a tout intérêt aujourd'hui à licencier en France et à délocaliser sa production dans des pays à très bas salaires. C'est le même problème pour l'agriculture, c'est le problème d'une mondialisation mal maîtrisée et qui, si on n'y prend pas garde, conduira un jour, au niveau mondial, à la banque unique, le magasin unique, la ferme unique, l'entreprise unique, et nous, on ne veut pas de cela, parce que l'économie est faite d'abord pour respecter les hommes. »

Q - De quel oeil voyez-vous ce qui se passe au RPR ?

– « L'oeil mis clos : cela ne m'intéresse pas beaucoup. Ce sont les derniers moments d'évanescence d'un parti déjà évanoui. Le RPR avait une idée directrice, une idée fondatrice, c'était l'indépendance nationale. Aujourd'hui, c'est nous qui l'incarnons avec C. Pasqua, le Rassemblement pour la France, et si C. Pasqua a quitté le RPR, c'est justement parce qu'il sentait que le RPR n'était plus capable de porter cette grande idée. Un mouvement politique n'a de chance de s'inscrire dans la durée que s'il maintient une ligne lisible. »

Q - Vous êtes gaulliste, maintenant, vous ?

– « Personne ne peut se prétendre gaulliste depuis le départ du Général de Gaulle en 1969, sauf ceux qui l'ont connu comme C. Pasqua, par exemple. »

Q - J. Chirac n'est pas gaulliste ?

– « Non, je ne crois pas. Pour être gaulliste, il faut savoir dire non. Non à Maastricht, non à Amsterdam, non aux abandons de souveraineté. »

Q - Il faut savoir dire oui aussi de temps en temps ?

– « Aujourd'hui, ce que les Français attendent de nous, c'est qu'on leur fasse des propositions fortes. J'en fais trois : d'abord ne plus accepter aucun abandon de souveraineté ; deuxièmement, remettre au premier plan les valeurs de sécurité et de tranquillité publique, rendre aux Français la première des libertés, la liberté d'aller et venir, c'est-à-dire la tolérance zéro. Et puis troisièmement, faire rayonner à nouveau l'idée des, valeurs françaises : l'école doit transmettre l'histoire nationale, les familles doivent être entendues et la nationalité française ne doit plus être bradée. Voilà un vrai programme pour le sursaut de notre pays. »

Q - Hier, M. Fillon, un des candidats à la présidence du RPR, disait : "Le RPR ne peut pas rester coupé en deux. Rien ne pourra se faire si le RPR ne retrouve pas son unité, et si des ponts ne sont pas installés entre l'actuel RPF et le RPR." Est-ce que cela vous intéresse qu’un candidat à la présidence du RPR dise cela ?

– « Ce qui est intéressant, c'est qu'en dehors des qualités personnelles de M. Fillon, que je connais bien, parce qu'il est président de la région des pays de la Loire, c'est un homme talentueux et sympathique, ce qui est intéressant, c'est que petit à petit, le Rassemblement pour la France, que nous avons créé avec C. Pasqua, est au coeur de la vie politique, et que tout le monde se tourne vers lui. C'est intéressant cette phrase-là : une sorte de lapsus révélateur. Mais il faut bien voir une chose : c'est que le seul mouvement politique qui, aujourd'hui, a la liberté de parole et la liberté d'action, c'est nous, Pourquoi ? Parce que les autres sont entravés par la cohabitation, Dès qu'ils veulent s'exprimer, les leaders reçoivent un appel du secrétaire général de l'Elysée qui leur dit : "Attention, il ne faut pas gêner la cohabitation." Nous, nous souhaitons justement rassembler dans notre mouvement tous ceux qui veulent défendre la souveraineté de la France, c'est-à-dire rendre aux Français la fierté nationale et qui veulent se battre contre cette cohabitation paralysante. »

Q - La cohabitation existe et les Français l'ont voulue.

– « Regardez l'affaire des 35 heures ! »

Q - Je rappelle que c'est les Français qui ont voulu la cohabitation.

– « L'homme politique n'est pas là pour suivre l'opinion. L'homme politique, surtout quand il est Président de la République, il est là pour avoir une parole forte. »

Q - Dans une bataille présidentielle, s'il y avait une bataille Jospin-Chirac – ce qui est quand même probable – vous laisseriez passer la gauche où vous soutiendriez le candidat de droite ?

– « Tout l'art politique qui est un art d'exécution, c'est de ne pas se mettre dans cette situation. Je considère que la future bataille présidentielle se jouera sur un enjeu : la disparition ou la survie de la France dans son identité et dans sa souveraineté. C'est la raison pour laquelle, selon toute vraisemblance, il y aura un candidat à l'élection présidentielle, et je souhaite que ce soit C. Pasqua, qui incarne aujourd'hui à la fois la souveraineté, la sécurité, l'autorité de l'Etat – tout ce que les Français souhaitent – en même que la liberté économique. L'affaire des 35 heures, c'est quand même incroyable que le Président de la République se taise. C'est quelque chose qui va casser toutes nos entreprises. Le socialisme, c'est une machine à casser les entreprises, Eh bien, le Président de la République se tait. Il s'est tu sur le Pacs. »

Q - Ce n'est pas ce que disent les entreprises, comme vous dites. On a bien vu dans les sondages, en ce moment, que les Parisiens soutiennent la candidature de M. Strauss-Kahn. Donc, ils n'ont pas une mauvaise opinion des socialistes au pouvoir.

– « Moi je ne suis pas là pour savoir ce que pensent les sondages. Je crois plus au suffrage universel qu'au sondage universel. Ce que je crois, c'est que nous sommes là, nous, pour exprimer des convictions et, je suis persuadé que l'effet Jospin, c’est une grande illusion d'optique. Vous savez, il y a un grand malaise dans la société française. Ca peut exploser demain. Ca me rappelle beaucoup G. Pompidou qui, en mars 68, disait : "tout va bien, il n'y a pas de problème, il n'y a pas de grumeaux sur la purée". »

Q - On vous a vus avec M. Pasqua, lundi soir, à une réunion dans Paris. Vous avez l'intention de présenter un candidat à Paris ? M. Pasqua a dit : "Notre ambition c'est que Paris retrouve dignité. Vous ne serez pas déçus." Cela veut dire quoi, vous ne serez pas déçus ?

– « Ce qu'a voulu dire C. Pasqua ? D'abord, chaque chose en son temps. On verra bien ce qu'on fait pour les élections municipales. Le RPF ne sera pas seulement le mouvement de la souveraineté et de la liberté des Français, ce sera aussi le mouvement de nouvelles pratiques. politiques et de têtes nouvelles. Il est urgent, aujourd'hui, de faire émerger des têtes nouvelles, à Paris, comme ailleurs. Je constate que sur les 16 000 adhésions, ce matin, que nous avons reçues, la moitié des gens qui adhèrent sont des gens qui n'ont jamais fait de politique et, cela, pour nous, c'est un encouragement formidable. »