Interview de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, dans "Le Monde" du 27 août 1999, sur la campagne d'information du Gouvernement contre le tabagisme et la réduction de la consommation de tabac par la hausse des prix et de la fiscalité des produits du tabac.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Q - « Quelle analyse faites-vous des résultats de l'enquête réalisée par 60 Millions de consommateurs ?

- Cette enquête a déjà le mérite de rappeler les dramatiques conséquences sanitaires de la consommation de tabac. Je ne suis pas persuadée que les fumeurs étudient avec attention la teneur en goudrons et en nicotine indiquée sur le paquet de cigarettes. Ils sont nombreux à ignorer que les teneurs indiquées correspondent aux quantités inhalées et à rester dans l'illusion d'une faible toxicité des cigarettes légères, souvent considérée comme un moindre mal, un alibi pour ne pas arrêter. L'enquête s'appuie sur une méthode nouvelle d'étude du fumage, qu'il est nécessaire d'évaluer avec rigueur. Les résultats seront analysés avec attention, particulièrement en ce qui concerne la forte distorsion observée avec les cigarettes légères.

Q - Quelle suite donnerez-vous à la demande de l'Institut national de la consommation de réviser la norme internationale et d'imposer une mention obligatoire sur le taux de monoxyde de carbone ?

- Si ces résultats s'avèrent exacts, ils seraient de nature à remettre en cause la norme ISO 3308 actuellement en vigueur dans de nombreux pays et plaideraient en faveur de l'indication de la teneur en monoxyde de carbone sur les paquets de cigarettes. Toute norme est soumise à évolution. Je me félicite de tout ce qui peut informer la population des méfaits du tabagisme, responsabiliser les fabricants d'un produit particulièrement dangereux à l'origine de la mort d'un consommateur régulier sur deux, et surtout prévenir le tabagisme chez les jeunes.

Q - Quelles actions concrètes le gouvernement le Lionel Jospin compte-t-il conduire dans le domaine du tabagisme ?

La lutte contre le tabagisme, ennemi numéro un de la santé publique, est une priorité nationale. Je vous rappelle que notre pays est particulièrement touché par ce fléau qui fauche 70 000 personnes chaque année. On prévoit près de 150 000 décès par an dans une génération et une multiplication par dix des décès féminins. Cette hécatombe ne sera que partiellement évitée par notre combat actuel pour aider les fumeurs à arrêter et pour dissuader les jeunes de fumer.

Le gouvernement a présenté en mai un plan de lutte qui constitue pour moi un priorité. Son objectif est de faire reculer d'ici trois ans la consommation globale de 5 % par an, de diminuer d'un tiers le nombre de fumeurs chez les adolescents et de moitié le nombre de fumeuses parmi les femmes enceintes, dont les enfants à naître sont particulièrement exposés. Le budget de la lutte contre le tabagisme a été multiplié par cinq en deux ans (26,5 millions de francs en 1997 et 130 millions en 1999). Cet effort sera poursuivi l'année prochaine. Une campagne nationale d'information est menée par le Comité français d'éducation pour la santé à destination des préadolescents d'une part et des femmes d'autre part. Les méfaits du tabagisme sur le foetus, le nourrisson, le jeune enfant seront exposés par les médecins et les sages-femmes lors de la nouvelle consultation individuelle de préparation à la naissance. Les médecins favoriseront les démarches de sevrage. Deux cent cinquante emplois-jeunes vont être créés pour renforcer les actions de promotion de la santé en milieu urbain défavorisé. Ces jeunes seront formés et encadrés par les spécialistes du Comité français d'éducation pour la santé.

Le gouvernement mobilise l'administration et les établissement publics et organismes dont il a la tutelle en faveur de l'application stricte de la loi relative à la lutte contre le tabagisme (loi Evin) ? Je serai particulièrement attentive aux actions spécifiques qui vont être menées en milieu scolaire et dans les lieux accueillant du public, où l'interdiction de fumer est peu respectée. Afin de faciliter le sevrage tabagique, les substituts nicotiniques seront délivrés gratuitement dans les centres d'examen de santé de la Cnamts. Ces produits seront disponibles dans les établissements de santé et mis en vente libre en pharmacie dès janvier. La prise en charge médicale spécialisée des personnes dont le sevrage s'avère difficile doit être renforcée.

Enfin, le Premier ministre a confié au député Alfred Recours la mission d'examiner les moyens de réduire la consommation des tabacs, en particulier par des mesures relatives à leur prix et à leur fiscalité. Son rapport doit être remis à la fin du mois de septembre. Nous en tirerons toutes les conséquences. Je rappelle que nous avons déjà pris des mesures en ce sens en augmentant les prix des produits du tabac de 5 % en moyenne au 1er janvier dernier. Le plan triennal de lutte contre la toxicomanie et de prévention des dépendances démontre la volonté du gouvernement de lutter contre l'ensemble des dépendances, y compris bien sûr le tabagisme. »