Texte intégral
Q - Votre rapport parlementaire sur le droit des sourds est arrivé juste après les mesures annoncées par Ségolène Royal pour une meilleure scolarisation des élèves handicapés en milieu ordinaire. Est-ce significatif d'une priorité gouvernementale ?
- Cela participe à un projet politique global de reconnaissance de la personne handicapée. L'école est la première étape. C'est le voeu des familles ; que leur enfant handicapé puisse bénéficier du même accompagnement scolaire, de la fréquentation des enfants non handicapés et d'un enseignement de nature à garantir leur insertion sociale et professionnelle lorsqu'ils seront adultes. Arrivée à la responsabilité de secrétaire d'État, après qu'un CNCPH (Comité national consultatif pour les personnes handicapées) présidé par Ségolène Royal et Bernard Kouchner qui a lancé des impulsions fortes pour la scolarisation des enfants handicapés, je vais m'attacher à en poursuivre l'application, et vraisemblablement accélérer certains dispositifs, avec une volonté très forte de rapprochement entre les deux ministères et les administrations concernées.
Q - Comment concevez-vous le rôle de la secrétaire d'État à la santé ?
- La volonté d'intégration des enfants est le point de départ. On sait bien qu'il faut aussi de l'accompagnement, le développement de dispositifs et d'outils d'intégration et notamment des services ambulatoires polyvalents, la formation des personnels, la mise à disposition d'accompagnements humains ou techniques qui facilitent cet accueil.
Q - Des moyens humains formés ?
- Il ne suffit pas d'avoir le nombre, encore faut-il avoir la qualité. Des expériences peuvent être généralisées. On a les moyens d'aider à la formation des aides éducateurs pour en faire, de vrais auxiliaires de scolarité.
Q - Des associations ont regretté que Claude Allègre limite le recrutement des emplois jeunes qui faisaient cet office ?
- L'éducation nationale a beaucoup recruté l'année dernière. Une montée en puissance très rapide sur le nombre, avec des difficultés d'adaptation et d'intégration des aides éducateurs dans certaines équipes éducatives. Peut-être que cette année, il faut utiliser un temps de pause et d'adaptation pour permettre à ces jeunes gens et jeunes filles de trouver leur place dans le système éducatif. Si des aides-éducateurs ont été recrutés dans des écoles qui, accueillent des élèves handicapés, on ne va pas les retirer. Au contraire, on va pouvoir travailler davantage à leur formation, à l'adaptation de leur activité aux objectifs.
Q - Les moyens matériels paraissent lourds, coûteux, compliqués ?
- Cela nécessite qu'on renvoie entièrement le dispositif mis en place pour les aides techniques. Avec les aides humains, c'est un chantier que je vais prendre à bras le corps, et que je partage avec les associations de handicapés ou de parents. Il est ouvert sur mon bureau depuis que je suis ici.
Q - C'est aussi un gros dossier économique ?
- Un dossier humain. Notre avancée vers l'intégration, par la reconnaissance de la place de la personne handicapée dans notre société, est aussi un élément marquant de la modernité de la capacité de cette société de faire la place à la différence, à développer des solidarités qui permettent de dépasser cette différence, dans un échange fructueux.
Q - On s'aperçoit que des obstacles à la scolarisation sont parfois tout bêtes. Exemple : une mairie équipe une école primaire d'un logiciel pour une enfant non-voyante et personne n'arrive à faire marcher le matériel avec l'imprimante braille ! N'est-ce pas de nature à faire capoter des projets d'intégration, et anéantir les efforts précédents ?
- Tout à fait ! Il y a des problèmes qui paraissent insurmontables par manque de connaissance… ou par accélération d'enthousiasme et impossibilité de mis en oeuvre. Ce qui montre qu'il est nécessaire, pour être efficace et cohérent, d'avoir une action collective, progressive. Une bonne connaissance du handicap et des moyens de le dépasser.
Q - Vous vous êtes donné un délai ?
- J'ai l'intention de me pencher sur cette question rapidement mais sans précipitation, sans certitude absolue : le temps de réfléchir, mesurer les impacts, associer vraiment les partenaires.
Q - Ségolène Royal parlait de 40 000 enfants qui pourraient être sortis des institutions pour être scolarisés dans les écoles primaires. Ca vous paraît réalisable ?
- Objectif ambitieux. J'aimerais aussi que ce ne soit pas « ou l'un ou l'autre » (NDLR : les institutions d'un côté, l'école en milieu ordinaire de l'autre). Il y a des enfants qui sont besoin d'un accompagnement lourd et spécifique pendant un moment de leur scolarité. Il ne faut pas un dispositif face à un autre. Mais une organisation cohérente, un parcours linéaires, avec éventuellement des possibilités de passage de l'un à l'autre pour garantir les meilleures chances. L'objectif n'est pas de faire entrer tous les enfants dans le système ordinaire. C'est d'aider le système ordinaire à être accueillant, adapté, accessible. En associant les spécificités et les missions des deux, mais c'est aussi de garantir la pérennité de l'éducation spécialisée.
Q - Doit-on aller plus loin dans la définition du handicap, comme certains y poussaient, en y mettant par exemple certains troubles du comportement ?
- Il en faut pas mélanger les termes. Il y a des handicaps physiques, mentaux, sensoriels et puis des troubles qui peuvent se révéler précocement et sont des freins à l'apprentissage ou à la scolarisation, mais on ne peut avoir une extension du handicap car on perdrait l'efficacité des dispositifs. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'occuper du dépistage des troubles précoces.
Q - La secrétaire d'État à la santé a encore d'autres gros dossiers sur son bureau pour la rentrée ?
- Je travaille à la préparation du PLSS (Projet de loi de sécurité sociale) 2000. Je rencontre les différents professionnels concernés par cet important budget, en collaboration avec Mme Aubry. J'ai tenu à visiter l'ensemble des agences de sécurité sanitaire, préoccupation majeure de nos concitoyens. Je me suis rendu compte de la grande qualité des services de sécurité sanitaire dont la France s'est dotée pour partager cette grande culture commune. Je me suis occupée du recrutement du secrétaire général à la santé. Il y a tous les dossiers sociaux du calendrier : problèmes des personnes âgées, des personnes handicapées, à la fin du mois, le dixième anniversaire de la semaine de l'enfance maltraitée.