Texte intégral
D. Strauss-Kahn : Concernant le collectif, comme vous vous souvenez, au mois de juillet dernier, lors de l’audit fait par MM. Bonnet et Nasse, l’estimation faite du déficit était entre 3,5 et 3,7, c’est-à-dire supérieure à la loi de finances initiale. À ce niveau, la France ne respectait pas ses engagements en matière d’entrée dans l’Euro. Ce que disait avec plus de détail le rapport des auditeurs c’est que, côté budget, les moindres recettes étaient de l’ordre de 15 à 17 milliards, avec 12 à 20 milliards de dépenses en trop, ce qui conduisait un déficit initial de la loi de finances votée à 285 milliards minimum, pouvant aller jusqu’à 312, voire 322 milliards.
Le collectif que Christian Sautter et moi avons présenté au conseil des ministres ce matin établit le niveau du déficit à 270,7 milliards de francs, c’est-à-dire plus de 14 milliards de moins que celui de la loi de finances initiale, et donc entre 40 et 50 milliards de moins que l’estimation du mois de juillet. Ce collectif nous permet d’atteindre en termes de comptes publics en général ce que j’ai notifié à la commission vers le mois de septembre, c’est-à-dire un déficit public par rapport au PIB de 3,1 %.
Vous pouvez être surpris de ce que le déficit budgétaire auquel nous allons aboutir après le collectif soit inférieur à celui voté au début de l’année. Cela ne doit rien au hasard. Dans cette affaire, il n’y a, ni artifice budgétaire, ni miracle budgétaire, mais une stratégie suivie par le Gouvernement depuis le début de l’été sous l’autorité du Premier ministre.
Cette stratégie se résume rapidement, et Christian Sautter vous présentera plus à fond ce collectif.
Tout d’abord, faire en sorte que le niveau des dépenses voté par les députés soit respecté. C’est la première fois depuis quatre ans qu’il en sera ainsi, car au cours des quatre dernières années, ce qui a effectivement été dépensé pendant l’année a toujours dépassé, et de loin, ce qui avait été voté. La conséquence de ce choix est que les deux décrets d’avance – celui de juillet et celui d’octobre – ont été équilibrés, avec autant d’annulations que de dépenses à financer. Il y a une modification de la structure des dépenses mais, au total, la dépense est la même.
Il en est de même pour le collectif où, de nouveau, il y a des dépenses à financer qui n’étaient pas prévues initialement. C’est normal car, pendant une année, il peut y avoir des dépenses imprévues, mais elles sont financées par des annulations. Cela va plus loin, car il y a des dépenses qui sont financées et imputables à des gestions précédentes, de vieilles dettes non réglées.
Nous avons été plus loin : non seulement les dépenses sont respectées – ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps – mais nous avons réussi à reconstituer l’intégralité des recettes, et même plus, notamment grâce à des recettes non fiscales, de sorte que le déficit est moins important que celui prévu. Pour autant, comme c’est en partie grâce à des recettes non fiscales et qu’il n’y a d’augmentation de la fiscalité d’aucune manière dans le collectif, cela n’aura pas pour effet d’augmenter les prélèvements obligatoires prévus par la loi de finances initiale.
Si je résume la situation budgétaire, quand le collectif aura été voté, les dépenses en fin d’année correspondront à celles votées par la majorité précédente l’an dernier, même si la nature des dépenses aura pu changer en cours d’année. Une plus grande mobilisation des recettes sans dépréciation de la fiscalité, et donc un déficit inférieur à celui voté par la majorité précédente, est très inférieure à ce qui a été notifié par les auditeurs en juillet.
Tel est le cadrage d’ensemble.
M. Sautter : L’ambition de ce collectif a été double.
La première, c’est d’être absolument assuré d’être sur la trajectoire de l’Euro, ce qui n’était rien moins qu’évident en juillet. La deuxième, c’était de découvrir les dépenses nouvelles inéluctables qui ont surgi en cours d’année, sur lesquelles je vais vous donner quelques détails.
Quelques mots d’abord sur les recettes. D’après les estimations des évaluateurs de juillet, il manquait de 15 à 17 milliards de francs pour l’État, et d’après les calculs des services, effectivement, à fiscalité constante, il aurait manqué cette année 15,7 milliards de francs de recettes de l’État. C’est pourquoi, dès le mois de juillet, des mesures fiscales ont été prises et adoptées par le Parlement, puis publiées dans la loi du 19 novembre 1997. Ces mesures majorent les impôts sur les entreprises les plus grandes.
Quel est le résultat ? Si on compare les recettes fiscales prévues dans la loi de finances initiale de 1997 et celles qui sont probables – car l’année n’est pas terminée – à la fin de l’exercice 1997, il y aura une majoration de 9,6 milliards de francs des recettes qui se décomposent en :
8,3 milliards de francs de recettes fiscales ;
0,9 milliards de francs de moindres prélèvements sur recettes ;
0,3 milliards de francs de recettes non fiscales supplémentaires.
Voilà côté recettes. Côté dépenses, comment se posait le problème ?
Sans qu’il y ait de dépenses volontaires supplémentaires – puisque les dépenses volontaires ont été prises en charge par deux décrets d’avance, un décret du mois de juillet de 10 milliards de francs qui a été gagé intégralement par des économies, et un deuxième décret du mois d’octobre de 2,87 milliards de francs qui a permis de financer des dépenses importantes dans le domaine de la défense et de l’éducation nationale, décrets que le projet de loi de finances rectificatif va ratifier – il y avait également 16,7 milliards de francs de dépenses inéluctables à couvrir.
Sans être exhaustif, quelle est l’origine de ces dépenses inéluctables, et comment ont-elles été couvertes ?
L’origine vient en partie de dépenses qui avaient été sous-évaluées dans la loi de finances initiale. Quelques exemples :
les exonérations de charges sociales sur les bas salaires à hauteur de 4,750 milliards de francs ;
le budget du logement concernant les aides au logement et le prêt à taux zéro pour 2,32 milliards de francs, qui ne comprennent pas les hausses de prestations logement d’aide personnalisée au logement et les dépenses d’accélération des réhabilitations qui étaient, dans le premier décret d’avance de juillet, entièrement couvertes par des économies ;
les crédits prévus au titre des pensions pour 650 millions de francs.
Et puis, il y a, si je puis dire, des ardoises qu’il faut bien solder en fin d’année. Je vous en donne quelques-unes :
– 3 milliards de francs de dettes à l’égard de la sécurité sociale qui avaient été payés par EDF-GDF et qui ont été gardés un certain temps par l’État. L’État va payer cette dette d’ici la fin de l’année ;
– 850 millions de francs dus aux chantiers navals ;
– 470 millions de francs pour la prime de qualité automobile, familièrement appelée « Jupette ».
J’ajoute deux autres éléments. La liste n’est pas exhaustive, mais on arrive déjà à une somme importante. Nous devrons couvrir des sanctions qui ont été prises pour des aides agricoles versées par l’Union européenne, et qui n’étaient pas régulières. Ceci va coûter au budget de l’État 789 millions de francs. Également, les opérations extérieures ; c’est une dépense traditionnelle de nos forces armées à hauteur de 605 millions de francs.
Voilà un certain nombre de dépenses à couvrir. Comment ont-elles été couvertes ?
La méthode traditionnelle – c’était la tradition durant les quatre années précédentes, mais pas seulement – consistait en quelque sorte à consacrer un accroissement du déficit. Le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, a pris la résolution, que je crois courageuse, de compenser ces dépenses nouvelles par des annulations correspondantes. Ces annulations pour 17,6 milliards de francs dépassent même un peu les dépenses nouvelles que j’ai citées. Ceci explique que les dépenses totales de 1997 seront un peu inférieures à celles prévues de l’ordre de 900 millions de francs.
Où ces annulations ont-elles eu lieu ?
Dans divers budgets civils, principalement le budget de l’emploi et de la solidarité pour 8,7 milliards de francs ; dans le budget de la défense pour 1,8 milliards de francs et le reste, 7,1 milliards de francs, qui provient de ce que la charge de la dette s’est avérée moins lourde que prévue. C’est une bonne surprise dont la France a bénéficié.
Au total – et je voudrais insister car vous pouvez avoir l’impression que le collectif budgétaire est l’œuvre d’un tandem entre le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le secrétaire d’État au budget, appuyés par leur collaborateurs – c’est donc une œuvre collective de l’ensemble du gouvernement. La plupart des ministres ont fait l’effort de gager les dépenses nouvelles, qu’ils devraient engager par des économies sur d’autres postes de leurs budgets. Je crois que, sans cet effort collectif et courageux de l’ensemble du gouvernement, nous ne serions pas parvenus à réaliser ce que l’on peut appeler une performance, c’est-à-dire faire en sorte que les dépenses effectivement effectuées en 1997 soient d’un petit milliard de francs inférieures à ce qui avait été prévu il y a un an.
Voilà les précisions que je voulais apporter et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions sur ce sujet.
M. Strauss-Kahn : Il peut même ne pas y avoir de question !
Un intervenant : À quoi correspondent les annulations de crédit sur emploi ?
M. Strauss-Kahn : Les annulations de crédits ou les dotations ?
Un intervenant : Les annulations de crédit.
M. Sautter : Pour répondre à votre question, il y avait des sommes un peu trop copieuses qui avaient été prévues sur deux postes : le contrat initiative-emploi, d’un côté et le financement des préretraites, de l’autre. Ces économies de constatation ont servi à gager notamment l’impact de la hausse du SMIC sur les exonérations de charges sociales.
M. Strauss-Kahn : Sur le contrat initiative-emploi, ce sont des économies de constatation. Sur les préretraites, Le Gouvernement essaie de tenir cette affaire au plus serré. Il y a eu un agrément pour les préretraites et selon l’âge et les modalités, on peut en faire plus ou moins. Je veux saluer l’effort qui a été fait pour essayer de dépasser le moins possible, compte tenu de la circonstance d’ensemble dans laquelle nous sommes, en matière de préretraite. Effort qu’il faudra poursuivre en 1998.
Un intervenant : Sur l’aspect logement, le dépassement du prêt à taux zéro. Il en était prévu 101 000, on est à 140 000, c’est cela ?
M. Sautter : Nous vous fournirons en temps utile, bien que le temps utile ce soit maintenant, des informations précises en la matière. Il y a eu une sous-estimation du coût du prêt à taux zéro à hauteur d’environ 200 millions de francs. Comme c’était un engagement de l’État, cette dépense qui doit être couverte, a été couverte sans grande difficulté.
M. Strauss-Kahn : La grande faiblesse, c’est que nous avons toujours un peu tendance à avoir des estimations en francs et pas obligatoirement en unités physiques. Pour nous, le problème est le même que les 20 millions viennent d’un dépassement de 20 000 ou 40 000 F. On n’a jamais en tête les dépassements physiques, ce sont toujours les dépassements financiers.
Un intervenant : Quel est le total des dépenses ?
M. Strauss-Kahn : Ce n’est pas très simple. Allez-vous compter des dépenses militaires ?
Un intervenant : Les francs supplémentaires par rapport à la…
M. Strauss-Kahn : Vous comptez comment les OMEX ? Les opérations militaires de l’extérieur, ce sont celles décidées par le Gouvernement ou celles décidées par le chef d’État ?
Un intervenant : Hors opérations militaires extérieures.
M. Sautter : Je voulais vous répondre que les vraies dépenses nouvelles qui sont des dépenses volontaires et non pas des dépenses subies, comme celles dont nous parlons aujourd’hui dans la loi de finances rectificatives, ont été faites dans le décret d’avance du mois de juillet. Je ne veux pas vous rappeler la liste que vous connaissez :
– le quadruplement de l’allocation de rentrée scolaire ;
– un premier financement des crédits emplois-jeunes qui font que, malgré un certain scepticisme au mois de juillet, les premiers contrats sont en train d’être ressentis sur le terrain ;
– la revalorisation des aides au logement ;
– les cantines scolaires.
Je ne veux pas vous faire cette liste ; ce sont vraiment des dépenses nouvelles que, je pense, le Gouvernement précédent s’il avait eu la bonne fortune d’être reconduit, n’aurait pas faites. Pour le reste, je crois que celles dont nous parlons aujourd’hui, ce sont pour l’essentiel des dépenses subies, qu’il faut effectivement assumer.
Un intervenant : Quelles sont les incidences du SMIC sur les exonérations de charges sociales ?
M. Sautter : Les conséquences du SMIC sur les exonérations sont de l’ordre de un milliard de francs.
Un intervenant : Cela confirme que la France se qualifie pour l’Euro ? C’est une confirmation. 3,1 % de déficit. Comment l’analysez-vous, ses forces, ces faiblesses, notamment pour 1998 ?
M. Strauss-Kahn : Pour ce qui est de l’Euro, je ne veux pas tirer de conclusion avant que la commission et l’IME aient fait leur rapport. Leur jugement ne dépend pas uniquement d’une application stricte des critères, car sinon certains pays, qui sont très au-delà de certains critères (je pense à la dette sur le PIB) seraient automatiquement éjectés, il y a des évolutions qui seront prises en compte, je suppose. Donc, il faut laisser une latitude à cette appréciation. Il fallait que nous atteignions ce niveau pour être susceptibles d’être qualifiés. Aujourd’hui, je pense qu’il n’y a plus de discussion sur ce point.
Comment est-ce que je l’analyse ? Nous avons un effort considérable en matière de budget de l’État et nous avons une situation des comptes sociaux, qui est celle que l’audit a révélée et qui va demander encore des efforts en 1998 et comme chaque année, il y a du côté des autres administrations publiques (les « APUL » et les « ADAC ») un petit excédent qui se révèle cette plutôt plus faible que ce que nous aurions pu croire. Bien entendu, il y a cette année, dans l’opération, la fameuse soulte de France Télécom qui n’existera pas l’année prochaine. C’est pourquoi, quand on compare le 3,1 auquel nous allons parvenir cette année et le 3 du cadrage des comptes publics généraux, qui inclue la loi de finances et la loi de finances pour la Sécurité sociale, qui sont en train d’être votées, on peut avoir l’impression que la baisse n’est que de 0,1. Elle est de 0,1 plus le rattrapage de la soulte de France Télécom, qui fait 0,45, qui n’existera pas en 1998. En l’effort entre 1997 et 1998 est un effort de + 0,5 point de PIB.
Autant cette année, Il y a un effort important pour 1997 sur les comptes d’État, le budget, autant comme vous le savez, l’année prochaine, il va y avoir un effort très important fait en matière de comptes sociaux, puisque le déficit que nous aurons sur les comptes sociaux cette année est de l’ordre de 36-37-38 milliards ; 37 milliards étant la prévision de cette année et le déficit prévu pour l’année prochaine est de 12 milliards. Pour le régime général bien sûr.
Donc, on peut comprendre qu’il était très difficile de faire des économies sur les comptes sociaux, cette année, quand on prend la mécanique en cours d’année, c’est plus facile, je le reconnais bien volontiers, sur le budget de l’État, même si ce n’est pas simple. Mais sur l’année suivante, une bonne part de la diminution du déficit qui nous fait passer de 3,5 à cause de la soulte de France Télécom, à 3, vient d’une baisse du déficit social.
Un intervenant : Ne visez-vous pas plutôt 3 % que 3,1 pour 1997 ? Dans le tableau que vous fournissez, on arrive à un 3,1. Vous ne mentionnez pas le déficit de l’État en comptabilité publique. J’ai fait le calcul, c’est 3,35. Théoriquement, il y a un écart d’un dixième.
M. Strauss-Kahn : Il se trouve que pour des raisons extrêmement complexes, il n’y a plus d’écart, malheureusement. Les techniques de passage de la comptabilité publique française à la comptabilité européenne sont un peu aléatoires. Elles sont fixes, mais les résultats sont aléatoires. Selon les causes du décalage, cela donne à l’arrivée quelque chose ou pas. Donc, que le déficit vienne de là ou d’ailleurs, cela donne dans la conversion, quelque chose qui diminue ce déficit ou pas, cela a été le cas dans les années passées. Malheureusement, ce n’est plus le cas cette année. Donc, on n’a même pas (on l’avait espéré au début) un petit avantage comptable qui viendrait de la conversion.
Un intervenant : En septembre, vous l’espériez encore.
M. Strauss-Kahn : Oui, mais que voulez-vous !
M. Sautter : Je voulais rajouter un mot pour illustrer (je m’excuse que ce ne soit pas en réponse à une question) le fait que la réduction des dépenses que nous avons opérée est assez exceptionnelle. Je voudrais vous donner 4 chiffres. D’habitude, quand on regarde l’exécution des budgets, on regarde les déficits. Là, on va regarder uniquement les dépenses de l’État.
En 1994, les dépenses effectives, par rapport à celles qui ont été prévues, ont été majorées de 7,8 milliards de francs. Grosso modo : 8 milliards de plus effectivement dépensées en 1994, par rapport à ce qui avait été prévu dans la loi de finances initiale.
1995 : 37,9 milliards de francs de dépenses en plus par rapport à ce qui avait été prévu dans le budget initial.
1996 : 6,1 milliards de francs de plus de dépenses constatés par rapport aux dépenses prévues.
Et donc le de 1997 qui, à mon avis, dans cette perspective, est assez frappant : non pas un plus, mais un – 0,9 milliards de francs. Donc, je vous donne ces chiffres pour bien montrer la rupture de tendance qui a été opérée dans ce collectif 1997.
Un intervenant : Pouvez-vous nous donner les chiffres pour 1993 ?
M. Strauss-Kahn : Je pense que cela doit être le même, puisque si ce sont les années dans lesquelles la gestion change où les gouvernements qui prennent en charge en début d’année, font un effort particulier pour remplir le budget dans les conditions qui ont été votées par leurs prédécesseurs, on devrait aussi trouver zéro en 1993. Vous avez peut-être le chiffre.
M. Sautter : Sous réserve de vérification : entre 30 et 40 milliards de francs de dépenses supplémentaires en 1993, mais sous réserve de vérification. Je préférerais que le grand professionnel que vous êtes, ait un chiffre précis plutôt que cette estimation un peu vague.
Un intervenant : Les dépenses pour la dette, c’est un calcul très prudent fait pour ce qui est antérieur ou avez-vous changé un peu la structure de dettes ?
M. Strauss-Kahn : C’est principalement l’effet de la baisse de taux. La baisse des taux avait été – c’est d’ailleurs une prudence, on peut le prendre comme cela – moins anticipée qu’elle ne s’est véritablement passée. Dans une certaine mesure, c’est la même chose qu’en 1996. En 1996, la mécanique était un peu la même pour un peu moins. Là, c’est 7 et quelques milliards. L’année dernière, c’était 6 et quelques milliards. Dans les deux cas, il y avait eu de la part des services une prudence consistant à ne pas anticiper trop vite une baisse de taux qui s’est quand même produite.
Un intervenant : (Inaudible). Certains pensent que les taux courts pourraient remonter ?
M. Strauss-Kahn : Non, non. J’espère qu’il va y avoir une convergence. S’il y a une convergence, elle se fait au niveau des taux les plus forts, c’est-à-dire les plus faibles. Je m’explique. Les taux les plus forts sont ceux des taux des monnaies les plus fortes, les taux qui aujourd’hui sont les plus faibles. De ce point de vue, l’Allemagne et la France sont de bons indicateurs. Je ne crois pas qu’il faille retenir l’hypothèse selon laquelle la convergence se fera sur une sorte de moyenne des différents taux existant aujourd’hui.
Pour autant, on a retenu 3,5, un peu dans la même logique que ce qui a été fait dans les années précédentes. Chaque fois, cela a été fait de façon plutôt prudente. On constate à la fin de l’année que, finalement, il y a plutôt un avantage. De la même manière, on a retenu un taux qui nous paraît prudent mais qui n’est pas estimé à partir d’une sorte de moyenne. Je pense que les taux européens devraient assez rapidement converger, même avant que l’euro soit en place, a fortiori quand l’euro sera en place, vers les taux des monnaies les plus fortes, c’est-à-dire les taux les plus faibles
Un intervenant : En matière de taux à long terme, quelle est l’hypothèse qui a été retenue, ce qui peut servir pour l’endettement, le long terme ?
M. Strauss-Kahn : Le long terme, vous savez, ce sont les marchés.
Un intervenant : Il y a quand même une hypothèse dans le budget 1998.
M. Strauss-Kahn : On fait comme traditionnellement, c’est le cas pour l’estimation des parités par rapport au dollar, etc., la situation qui est celle du mois d’août. On est donc à 6 %. C’est ce qui avait été…
M. Villeroy de Gahlau : Je voudrais apporter une précision technique. L’hypothèse de taux à moyen et à long termes n’influe en rien la charge de la dette sur 1998.
M. Strauss-Kahn : Elle a une influence sur la croissance éventuellement. Elle n’a pas une influence sur la charge de la dette.
Un intervenant : Le taux de croissance prévu dans ce collectif est-il le même qu’en début d’année ou avez-vous changé ?
M. Strauss-Kahn : Pour 1997 ? Il n’y a plus besoin d’hypothèse de taux de croissance. Bientôt, on va avoir un résultat en taux de croissance. Comme vous le savez, au mois de juillet l’estimation était plutôt en dessous de ce qui avait été prévu en début d’année. Il avait été prévu 2,3 ; on était plutôt sur l’hypothèse de 2,1. Vers le mois de septembre, on s’est dit qu’on avait quand même de fortes chances de faire plutôt 2,2. Aujourd’hui, je n’exclus pas que l’on puisse finir l’année à 2,3, ce qui avait été prévu. Je n’en suis pas sûr. Tout cela dépend encore d’un mois et demi d’activité.
Un intervenant : Hier, quand on a vu le président d’Allianz venir à Paris dans son rôle de chevalier blanc, il a dit qu’il croyait, qu’il savait que la création de fonds de pension était sur l’agenda de ce gouvernement. Sait-il des choses que nous ne savons pas à ce jour ?
M. Strauss-Kahn : C’est à lui qu’il faut demander s’il sait des choses. Il a du mal à savoir des choses que je ne sais ! Dans ces conditions, je ne peux que vous répétez ce que je vous ai déjà dit. Le Gouvernement n’a pas l’intention de laisser fonctionner – il l’avait dit pendant la campagne électorale – la loi dite « THOMAS » telle qu’elle a été votée ? Nous allons proposer au printemps un texte de loi différent.
Pour cela, j’entends nommer assez rapidement une mission d’étude comprenant un parlementaire, peut-être un ou deux experts qui feront le tout de la question, un peu comme on l’a fait sur d’autres sujets, France Télécom, comme on le fait en ce moment sur les Caisses d’Épargne avec Raymond Douillère. Ils me remettront un rapport dans les premiers mois de l’année. À partir de là, Nous verrons comment nous entendons mener notre politique en matière d’épargne retraite. Il n’y a rien de plus qui puisse être su par quiconque.
Sur d’autres sujets, avez-vous des questions que vous voudriez poser ?
Un intervenant : La cession sur le marché ou un éventuel repreneur du Crédit Lyonnais… ?
M. Strauss-Kahn : J’ai déjà répondu à cette question dans le passé. Il n’y a rien de nouveau. J’ai rencontré le commissaire « VAN MIRT » sur le plan que le Crédit Lyonnais a proposé. Il y a des discussions entre le Gouvernement, l’entreprise d’une part et la commission d’autre. Il n’y a rien de neuf à déclarer.
Un intervenant : On ne va pas vous demander d’accélérer la procédure ?
M. Strauss-Kahn : Ce qu’on demande et ce que je réponds fait partie des conversations avec le commissaire.
Un intervenant : Sur la crise d’Asie, vous avez changé votre avis ces dernières semaines. Vous étiez optimiste. Maintenant, vous êtes plus prudent sur ses effets. Dans ce cadre-là, pensez-vous que le G7 est prêt à donner son appui à un sauvetage à la Corée du Sud ?
M. Strauss-Kahn : Je ne peux pas dire que l’on ait changé d’avis. Je reste relativement optimiste. Je crois que la situation, à mesure qu’elle dure plus longtemps, est plus sérieuse. Il est normal de s’en préoccuper plus. En effet, aujourd’hui la question de la Corée du Sud pose un problème, vous avez raison. Pour autant, j’ai le sentiment que les conséquences sur la croissance telle que nous l’avons prévue en France ou en Europe en général seront des conséquences limitées.
À ce propos, je voudrais quand même vous faire part d’une information que vous avez peut-être déjà. Vous savez que des contrats sont en train d’être engagés entre le Japon, les États-Unis et les pays de la zone. Quatre ministres des finances membres du G7 ont considéré que les Européens devaient participer à ces discussions. Nous avons donc écrit en commun au ministre japonais et au secrétaire d’État américain. Cette lettre a eu l’effet entendu. Ces contacts qui ont lieu continuent d’être des contacts multilatéraux au sein d’une structure qui ressemble à celle du G7, qui rencontre les pays de la zone.
Si j’insiste là-dessus, c’est que c’est sans doute la première fois que les quatre ministres des finances anglais, allemand, italien et français écrivent la même lettre. C’est un signe de plus des progrès de la coordination des politiques économiques qui a beaucoup avancé, contrairement à ce que je lis parfois dans la presse, lundi matin à Bruxelles.
Il y a deux sujets. Il y a la coordination des politiques économiques au titre de l’article 103 dans l’ECOFIN. Tout le monde est d’accord maintenant. On a beaucoup avancé. Je confirme ce que je viens de dire. Il y a un autre sujet qui est le Conseil de l’euro qui ne concerne que les pays qui seront dans l’euro, sur lequel il est vrai que l’on n’est pas encore au bout du processus.
Sur les objectifs que la France s’était fixés de ce point de vue-là – je ne parle pas du sommet emploi – à Amsterdam, faire vraiment que la coordination des politiques économiques veuille dire quelque chose et que l’article 103 soit mis en œuvre et faire qu’il existe au Conseil de l’euro, il y a 1,5 sur 2 des objectifs qui sont atteints pour le moment : celui sur la coordination ; celui sur le Conseil de l’euro a encore besoin de travail d’ici le sommet. La coordination est en très bonne voie. Cette lettre n’en est qu’un signe de plus.
Un intervenant : Quand la lettre a-t-elle été écrite ? Ce matin ?
M. Strauss-Kahn : Non, il y a une semaine.
Un intervenant : En ce qui concerne le Crédit Lyonnais, M. « VAN MIRT » a-t-il exprimé de nouvelles exigences ?
M. Strauss-Kahn : Je croyais que je m’étais fait comprendre. Les conversations que j’ai avec M. « VAN MIRT » sont les conversations que j’ai avec M. « VAN MIRT ». Pardonnez-moi d’être aussi violent. Le jour où M. « VAN MIRT » et moi déciderons ensemble qu’une déclaration doit être faite, nous la ferons. Avant cela, vous pouvez poser 25 fois la même question, vous obtiendrez 25 fois la même réponse.
Un intervenant : En tant qu’autorité de tutelle sur le secteur des assurances, pensez-vous qu’Allianz est mieux en mesure de protéger les intérêts des clients d’AGF ?
M. Strauss-Kahn : Cela fait effectivement partie de mes responsabilités prudentielles. Pour le moment, aucune demande d’agrément d’Allianz n’a encore été déposée. Je subodore qu’il y en a une qui va venir. Elle sera examinée dans les mêmes conditions qu’a été examinée celle de GENERALI.
Un intervenant : Vous rendrez une décision aussi rapidement que pour GENERALI ?
M. Strauss-Kahn : Il faut le temps nécessaire pour examiner ces circonstances.
Un intervenant : Quand pouvons-nous attendre quelque chose sur GENERALI ? Je crois que vous vous êtes exprimé là-dessus récemment.
M. Strauss-Kahn : Ah bon ?
Un intervenant : On me dite d’ici une quinzaine de jours.
M. Strauss-Kahn : On vous a dit cela ? C’est le même interlocuteur que celui dont vous parliez qui vous a dit cela ? Le délai légal est de trois mois. Je ne pense pas qu’il soit absolument nécessaire d’attendre la fin de ce délai. Nous avons le temps pour continuer l’étude de ce dossier.
Un intervenant : Donc, pas de décision sur GENERALI dans les quinze jours ?
M. Strauss-Kahn : Je ne dis pas non plus cela.
Sur le sommet de l’emploi, vous savez tout ?
Je ne vous entends poser aucune question, je conclus que vous savez tout ou que cela ne vous intéresse pas. C’est l’un ou l’autre. Vous auriez tort. Ce sommet est extrêmement utile.
Là aussi, quand à Amsterdam les Français ont obtenu dans l’ECOFIN qu’il y ait un sommet sur l’emploi, beaucoup d’entre vous étaient très sceptiques. Je vois que cela n’a pas obligatoirement changé. Je pense que vous avez tout à fait tort.
Sur le principe, ce sommet est le premier d’une longue série. Nous allons mettre en place une procédure européenne où le second sommet européen de l’année, celui d’hiver, sera le sommet de l’emploi. Nous mettons en place une procédure de surveillance sur les politiques de l’emploi, de contrôle des objectifs fixés dans chaque pays, qui est très analogue à la procédure de convergence mise en œuvre à propos des critères de Maastricht. La seule différence, c’est qu’il n’y a pas au bout le fait d’entrer ou de ne pas entrer dans quelque chose. C’est une différence de taille.
Néanmoins, en termes de volonté de procéder à l’analyse des situations nationales, d’afficher des objectifs, de voir s’ils sont atteints, de faire de la surveillance multilatérale, c’est la même procédure qui s’engage. De ce point de vue, c’est extrêmement significatif du démarrage d’une Europe de l’emploi que nous avons souhaitée.
La deuxième raison pour laquelle je pense que vous avez tort d’être pessimistes, c’est que lorsqu’on regarde les textes qui sont préparés, qui ne sont encore qu’un cadrage des grandes lignes, puisque les plans d’action de chaque pays doivent être prêts pour Cardiff… Je pense que c’est ce qui sera décidé au sommet. On décide de quelques grands objectifs : le chômage des jeunes, les chômages de longue durée, etc. Dans chacun de ces objectifs, à Cardiff, chaque pays déposera son plan qui ensuite sera examiné périodiquement pour voir comment il avance.
Lorsqu’on lit ce texte, on voit qu’on est très loin de ce qui, il y a encore peu de temps, était la vulgate de la communauté ou de l’union en matière d’emploi : flexibilité, dérégulation. On n’est pas sur cette thématique. Il faut s’occuper des politiques sur les jeunes, de la formation professionnelle, du capital-risque vis-à-vis des PME, bref ! De politiques actives de l’emploi. La thématique a considérablement changé. De ce point de vue, c’est extrêmement important.
Si vous me dites que cela ne signifie pas que, au lendemain du sommet, le taux de chômage va baisser de 2 points dans tous les pays, vous avez raison. Nous sommes à un tournant important des priorités dans l’union qui, jusqu’à maintenant, fonctionnait sur deux pôles uniquement : un pôle monétaire et un pôle dérégulation, concurrence, qui dorénavant va fonctionner, si cela marche comme je le souhaite – je pense que c’est en très bonne voie , sur trois pôles : les deux premiers plus un pôle emploi. Les résultats mettront un certain temps à venir, comme les résultats en termes de convergence budgétaire ou de taux d’inflation ont aussi mis un certain temps à venir à partir des critères de Maastricht. Je pense que dans quelques années, même avant quelques années, on pourra parler des objectifs de Luxembourg comme on parle des critères de Maastricht, ou de Cardiff, si vous voulez.
Cela sera décidé à Luxembourg, mais sans doute apparent à Cardiff.
Je vous remercie de vous êtes dérangés.