Interview de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, à RTL le 26 octobre 1999, sur la position de la France sur la levée de l'embargo du boeuf britannique, les farines animales et la sécurité alimentaire.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - La France et l'Europe iront à Seattle, vous confirmez ?

« – Oui, bien sûr. »

Q - Est-ce que l'Europe ira unie à Seattle ?

- « Oui, puisque le mandat de négociation a été arrêté en conseil des affaires générales la semaine dernière et donc le mandat de négociation réunit maintenant l'ensemble des membres de l'Union européenne derrière la commission avec un mandat qui est très clair. »

Q - Aujourd'hui, sur une question – le boeuf britannique – l'Europe n'est pas unie, vous en convenez ?

- « C'est un autre problème mais je conviens qu'elle n'est pas unie à ce stade, oui. »

Q - Nous allons dire aux Américains qu'il faut appliquer le principe de précaution pour les aliments et toute l'Europe ne l'applique pas sur le boeuf britannique…

- « On est d'accord mais il y a une similitude des problèmes. Et en même temps c'est à l'Europe de les régler avec nos procédés d'arbitrage classique. Ce qui a déclenché cette crise, cette difficulté, c'est l'avis de scientifiques français de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui ont émis un avis défavorable à la levée de l'embargo et donc la France a suivi cet avis et a provoqué un débat, je l'avoue, assez vif en Europe, notamment du côté de nos amis britanniques. Mais depuis, ce que nous avions souhaité, c'est-à-dire que l'avis des scientifiques français soit confronté à celui des scientifiques européens, a eu lieu, a commencé à avoir lieu, hier, au niveau des experts des encéphalopathies spongiformes bovines, et puis jeudi et vendredi ça sera le Comité scientifique directeur – une instance placée auprès de la commission – qui se saisira de ce débat. »

Q - Précisément, si vendredi les scientifiques européens affirment que le boeuf britannique est sain et sans danger, que fera la France ?

- « On n'en est pas là. Il y a les deux extrêmes ; il y a celui que vous exprimez, à savoir : c'est sans danger, la France doit lever l'embargo immédiatement sous peine de contentieux. Il y a l'autre extrême qui serait de dire : la France a raison, il faut rétablir l'embargo. Et puis entre les deux il y a plein de solutions intermédiaires, à la fois techniques, scientifiques, et donc politiques. Il faut donc attendre l'avis de ces scientifiques. Les choses ne sont pas si simples, car la maladie à priori – qui est une maladie mortelle et grave – est en même temps de connaissance assez récente par les scientifiques et il y a beaucoup de zones d'ombre dans la connaissance de cette maladie, qui induisent les doutes de certains scientifiques, et notamment des scientifiques français. Il est très difficile pour des scientifiques européens de dire : circulez, il n'y a rien à voir, il n'y a pas de doute, il faut lever l'embargo. Je crois que l'avis des scientifiques français est un élément nouveau dans la prise de décisions européennes et nous voulons qu'il soit intégré en tant que tel dans les décisions européennes. »

Q - En Angleterre, les volatiles et les porcs ne mangent pas de farines animales, en France si !

- « En Grande-Bretagne les farines animales sont interdites effectivement depuis quelques années et en France elles n'ont été interdites que pour les bovins et elles sont encore utilisées pour les porcs et la volaille. »

Q - Va-t-on les interdire avant la fin de l'année ?

« – Je n'exclus pas, je l'ai dit, c'est une proposition que le Gouvernement français étudie sérieusement, parce que nous avons tellement d'ennuis avec ces farines animales qui, en même temps, rendent des services parce qu'il faut savoir que si nous les interdisions nous aurions sur le dos des dizaines de milliers de tonnes de déchets animaux qu'il nous faudra traiter, incinérer d'une manière ou d'une autre. Je dois dire que du côté britannique ce problème est un problème très lourd, dont on parle peu, et qu'ils n'ont pas encore réussi à régler. Nous, nous n'allons pas prendre ce genre de décision à la légère, nous sommes en train d'en faire l'évaluation. Je vous confirme que nous étudions sérieusement l'interdiction pure et simple des farines animales en France. »

Q - Et en France des bovins avalent des boues d'épuration…

- « Non, non, non ! De toute façon ces boues d'épuration c'était pour les farines animales pas pour les bovins. Mais c'était aussi des fraudes repérées par l'administration française. »

Q - Les entreprises ont été sanctionnées ?

- « Les constats, les PV ont été transmis au parquet pour des suites judiciaires car c'était très choquant et inadmissible. »

Q - Les écoliers du Kent sont privés de viande française, c'est une dépêche d'agence qui m'en informe…

- « Oui, je l'ai aussi sous les yeux. »

Q - Vous allez en Grande-Bretagne à la fin de la semaine ? Vous n'allez pas voir France-Nouvelle-Zélande ?

- « Non, mais c'est autre chose. »

Q - Mais on peut parler avec le ministre anglais ?

- « Voilà. Simplement il y a eu, je pense, une montée du ton en Grande-Bretagne et l'expression de propos qui frisent certainement la francophobie, la xénophobie et qui sont inadmissibles. Je pense que vraiment on est confronté à un problème qui est difficile. Cette crise, la France ne l'a pas voulue, elle ne s'y complaît pas, elle cherche à en sortir. Et je pense que pour en sortir il faut se garder de tenir des propos qui mettent de l'huile sur le feu et qui ne sont pas admissibles au niveau européen. Je pense que les conditions d'un dialogue serein avec le ministre de l'Agriculture britannique ne sont pas réunies. Et donc, j'attendrai pour le voir, quelques jours ou quelques semaines supplémentaires. »

Q - Peut-être pour le match…

- « Je ne suis pas sûr que ce soit le bon lieu pour faire ce genre de choses. »