Texte intégral
Avec la participation de : Ivan Levaï et Pierre Le Marc – France Inter ; Joseph Macé-Scaron et François Hauter – Le Figaro. Émission animée par Gilbert Denoyan sur France Inter (avec les rédactions de France Inter et du Figaro)
M. Denoyan : Bonsoir.
Alors que la morosité n'épargne ni le Parti socialiste ni l'Opposition, que le retour annoncé de la Droite au pouvoir semble déclencher une nouvelle guerre des chefs, le gouvernement bataille à l'Assemblée nationale pour défendre son budget 1993, avec au-dessus de la tête du Premier ministre une motion de censure que les Communistes n'excluent pas de voter.
La vie politique n'est jamais simple à quelques mois d'élections législatives, mais quand s'y ajoute le climat désagréable des affaires, sans oublier le paysage social qui se dégrade, on peut imaginer que les derniers mois de la législature seront difficiles pour la Majorité actuelle.
Invité d'Objections ce soir : Monsieur Jack Lang, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale et de la culture. Jack Lang, bonsoir.
Dans une période qui n'est pas particulièrement porteuse pour le pouvoir, vous restez un des leaders de Gauche dont la cote est la plus stable, peut-être parce que vous êtes le ministre le mieux communiquant, comme on dit. Cette semaine l'a montré, devant les attaques qu'ont portées certains responsables de l'Opposition, des attaques parfois dérisoires, dans l'affaire du riz aux enfants de Somalie.
J'aimerais bien que vous vous expliquiez quelques instants sur cette affaire. Beaucoup y ont vu une affaire de communication : utiliser la sensibilité des Français devant les images difficiles qui sont montrées tous les soirs au journal télévisé et récupérer de l'affectif à travers cela.
Je crois que c'est quelque chose d'autre que vous avez voulu faire. Je voudrais que vous en disiez un mot.
M. Lang : Cette idée que nous avons proposée avec Bernard Kouchner aux jeunes Français, écoliers, collégiens et lycéens, est une idée qui d'abord permettre concrètement, ce n'est pas négligeable, à un million et demi d'enfants somaliens de pouvoir bénéficier d'un peu de nourriture, alors que ces enfants sont menacés de mort. Je crois important qu'il y ait un geste d'amitié, de solidarité accompli par les jeunes Français à l'égard de leurs camarades d'un pays qui souffre et qui est déchiré par la guerre civile.
C'est donc un geste de solidarité, une chaîne d'amitié que nous avons proposé de créer entre les enfants de France et les enfants de Somalie. C'est vrai que cela ne résoudra pas immédiatement l'ensemble des problèmes qui se posent à ce malheureux pays.
En même temps, ce geste d'amitié-solidarité a été accompagné, à ma demande, dans les écoles, les lycées et les collèges, d'explications données par les professeurs. Pour moi, c'est une forme d'éducation civique en acte. Il ne suffit pas de formuler quelques préceptes moraux : il faut être généreux, il faut être bon, il faut être solidaire. Ce qui est très important dans ce qui a été entreprise ces jours derniers, c'est qu'on a pu montrer concrètement aux jeunes Français que la solidarité, ce n'était pas seulement de bons mots ou de bonnes intentions, c'était aussi payer de sa personne, accomplir un geste.
Et les professeurs en même temps ont expliqué, et cela a été l'occasion de découvertes pour beaucoup de jeunes, ce qu'était la Somalie, où elle se situait géographiquement, ce qu'était le sous-développement, pourquoi le sous-développement, pourquoi cette misère, pourquoi l'ONU, pourquoi l'ONU pouvait ne pas faire plus dans l'immédiat, pourquoi la France, pourquoi… Cela a été l'occasion, pour beaucoup de jeunes, de découvrir des questions qu'ils n'avaient vues que sous la forme "émotionnelle" de la télévision ou des images.
M. Levaï : Cette idée a été très bien accueillie et a été considérée par l'ensemble de l'opinion française comme vraiment une très bonne idée. Il y a eu quelques critiques, Gilbert Denoyan y faisait référence tout à l'heure, mais j'ai envie de vous demander pourquoi vous n'en avez pas davantage au gouvernement, des idées comme celle-là.
L'accusation qui est portée sur le gouvernement actuel et sur les Socialistes, c'est qu'au fond c'est un gouvernement finissant. Pourquoi pas plus d'idées de ce genre. Pourquoi pas plus de projets aussi mobilisateurs ? D'où vient cette panne ?
M. Lang : Franchement, je m'excuse de vous le dire, cela peut paraître présomptueux, mais je n'ai pas le sentiment d'être en panne. Personnellement, je me sens, et je ne suis pas le seul, enthousiaste et combattif comme au premier jour. Je ne crois que, depuis que cette fonction passionnante et difficile de l'éducation nationale m'a été confiée, je me suis croisé les bras…
En quelques mois, avec l'aide en particulier du Premier ministre qui a toujours, depuis le premier jour, facilité les réformes, nous avons fait adopter la réforme des lycées, la première partie de la réforme des universités ; bientôt la seconde avant la fin de l'année sera adoptée. Nous avons retenu des mesures pour améliorer la sécurité dans les lycées et les collèges, ouvert de nouvelles perspectives pour l'instruction civique, la lecture, l'introduction des arts à l'école, la réhabilitation de l'enseignement professionnel…
M. Levaï : C'est votre ministère…
M. Lang : Vous me dites : "avez-vous ou non des idées ?"
M. Levaï : Mais vous et Bernard Kouchner, c'est entendu que vous en avez, mais les autres ? Je dis cela parce que vous voyez bien que le mot de réforme vous est chipé : chipé par le RPR et chipé par Monsieur BALLADUR dans son dictionnaire de la réforme.
M. Lang : Certes, mais quand au nom de la réforme il s'agit par exemple, pour l'éducation nationale, de démanteler l'éducation nationale et de créer un enseignement à deux ou à quatre vitesses, qui serait un véritable enseignement de classe, un enseignement pour les riches et un enseignement pour les pauvres, si vous appelez cela de la réforme… J'appelle cela de la contre-réforme, plutôt de la réaction, du retour en arrière.
M. Denoyan : On va parler tout à l'heure des problèmes d'éducation nationale et des idées qui sont les vôtres pour améliorer l'ensemble.
M. Lang : Je voudrais dire que beaucoup de collègues du gouvernement, contrairement à ce que vous croyez, sont combattifs.
M. Denoyan : Voyez Marie-Noëlle Lieneman, qui dit : "Le Parti Socialiste ne sert plus à rien", voyez Madame Édith Cresson, ancien Premier ministre, qui n'a même pas envie de se représenter à Châtellerault aux prochaines législatives.
Il y a quand même, Jack Lang, un certain nombre de personnalités, à l'intérieur de la Majorité à laquelle vous appartenez, qui ne se sentent pas aussi enthousiastes que vous vis-à-vis de ces 10 ans ou 11 ans de pouvoir de Gauche.
M. Lang : Je ne veux pas me prononcer sur telle ou telle personne. Quand on dit être de Gauche, cela veut dire que l'on croit d'abord au travail d'équipe, et quand on participe à un travail d'une équipe, on tire dans le même sens.
M. Denoyan : On ne savonne pas la planche…
M. Lang : C'est votre expression à vous. Naturellement, ceux qui ne se sentent pas en mesure d'accomplir pleinement leur mission…
M. Denoyan : De ministre, par exemple…
M. Lang : … de transformation et de réforme, peuvent parfaitement se livrer à d'autres activités.
M. Denoyan : Vous êtes le n° 2 du gouvernement. Lorsqu'une de vos collègues, Madame Marie-Noëlle Lieneman, dit que le Parti Socialiste, c'est fini, qu'il faut réfléchir autrement pour faire de la politique, vous pensez qu'elle rentre dans le cadre que vous venez de définir ?
M. Lang : Je ne suis pas le Premier ministre, mais je suis solidaire de l'action qui est menée par l'ensemble du gouvernement pour réussir une action, et l'action de réforme engagée depuis quelques mois par monsieur Pierre Bérégovoy est très importante dans le domaine de l'économie, dans le domaine social, dans le domaine de la sécurité, dans le domaine international. Il est indispensable qu'effectivement nous ayons tous un esprit d'équipe. Je souhaite que cet esprit d'équipe l'emporte sur les états d'âme de telle ou telle personnalité.
M. Denoyan : Vous iriez jusqu'à dire : "On est dedans ou on est dehors" ?
M. Lang : Je vous laisse poser la question.
M. Denoyan : Je vous la pose ; il n'y a pas de réponse ?
M. Lang : À chacun de trouver la réponse en lui-même. Je répète que je souhaite que l'esprit d'équipe, un esprit d'équipe conquérant, combattif, l'emporte sur les états d'âme individuels.
M. Macé-Scaron : Pour reprendre les propos de Gilbert Denoyan, il n'y a pas que Marie-Noëlle Lieneman, il y a Ségolène Royal, il y a Jean Poperen ; il n'y a pas de jour sans qu'il y ait une petite phrase venant du gouvernement ou venant des proches ou de l'entourage de l'Élysée.
Finalement, on l'a vu la semaine dernière au Parlement le gouvernement a bien montré que le PS était un peu quelque chose de fini, vue la manière dont le Parti Socialiste, et le Groupe notamment, a été traité avec cette lambada parlementaire autour de la corruption.
M. Lang : Je ne comprends pas ce que vous dites… La semaine dernière, il y avait un projet gouvernemental, qui avait été présenté par le Premier ministre. Il y a un Parlement et je suis de ceux qui souhaitent que l'on puisse réhabiliter pleinement les pouvoirs du Parlement. Il y a eu, comme c'est normal dans n'importe quelle démocratie, un dialogue entre le gouvernement et le Parlement, et un compromis a été imaginé.
Je souhaite même qu'à l'avenir le pouvoir d'amendement du Parlement soit renforcé, et je ne me plaindrai donc pas que le Parlement puisse apporter sa contribution imaginative et critique à l'élaboration des lois. C'est sa mission d'élaborer les lois.
M. Macé-Scaron : Monsieur Lang, ce n'est pas critique : lorsque les députés eux-mêmes se plaignent de ne pas être prévenus ou de ne pas connaître le projet ou de ne pas être consultés. Il n'y a pas de dialogue justement. Ils sont mis devant le fait accompli.
M. Lang : Ils ne se sont pas plaints de ne pas avoir été consultés puisque le débat a duré pendant des jours et des jours, et finalement une solution de compromis a été imaginée.
Mais à votre question je réponds ceci : que les membres du gouvernement, et c'est le cas pour la totalité d'entre eux, prennent exemple sur le Premier ministre. Le Premier ministre a montré depuis 6 mois qu'il était un homme d'action et de réforme. Il garde la tête froide, il sait à chaque instant faire prévaloir l'intérêt général sur les petits intérêts individuels ou sur les pressions exercées par tel ou tel intérêt catégoriel. Voyez de quelle manière il a résolu des problèmes très difficiles : le problème des routiers, le problème des prisons, et quelques autres. Chaque fois, il a su garder le cap.
M. Macé-Scaron : Donc c'est lui qui doit conduire la campagne aux législatives ?
M. Lang : Je crois que l'énergie, la bonne volonté, l'imagination et le talent de chacun compteront, et naturellement, au premier rang, ceux du Premier ministre.
M. Denoyan : Monsieur LANG, je voudrais quand même vous poser une question qui revient un peu à ce que je disais dans la présentation de cette émission, pour essayer de bien comprendre quelle est votre attitude devant ce qui est quand même un malaise dans la majorité présidentielle aujourd'hui, tel que le rappelait Joseph Macé-Scaron, tel qu'on le voit le lundi matin en regardant le résultat des élections locales qui sont rarement favorables aux élus et aux candidats socialistes, les sondages qui ne sont pas très bons et qui laissent présager une défaite aux élections législatives.
Comment pouvez-vous tenir les discours que vous tenez, qui semblent dire que le gouvernement tel qu'il est, marche, qu'il entreprend des grandes choses, et que de l'autre côté il y ait une interrogation aussi grande du côté des hommes politiques qui sont autour de vous, dans le Parti Socialiste ou dans la Majorité et un décalage avec l'opinion publique ? Il y a quand même une explication à nous fournir.
M. Lang : Je ne me sens pas du tout décalé avec l'opinion publique. Je me sens personnellement, et nous sommes nombreux dans ce gouvernement : le Premier ministre et toute une série de ministres, en harmonie avec les espérances et les souhaits profonds du pays.
Soyez vous-même critique à l'égard des sondages : rappelez-vous, on prévoyait dans les sondages la victoire des Travaillistes en Grande-Bretagne, on l'a même prévu un mois avant le scrutin, et ce sont les Conservateurs qui l'ont emporté. Alors que certains dans l'Opposition…
M. Denoyan : Et en 1978, on prévoyait la victoire de la Gauche…
M. Lang : Mais oui, il faut donc être très prudent et ne pas s'embarquer dans des évaluations à la légère. Certains à Droite ont peut-être tort, mais c'est leur affaire, de vendre la peau de l'ours, comme on dit, avant l'heure. Et quand on observe les déchirements qui les opposent les uns aux autres, j'imagine que l'inquiétude est plutôt du côté de l'Opposition qui est tiraillée… Imaginez un seul instant que ces personnalités soient au gouvernement dirigerait le gouvernement ? Vers quel horizon irait-il ?
M. Denoyan : Monsieur Balladur, peut-être ?
M. Lang : Le navire gouvernemental serait un jour tiré vers le nord, un autre jour tiré vers le sud et, naturellement, rencontrerait rapidement des récifs sur lesquels il se briserait. Aujourd'hui, excusez-moi de vous le dire, il y a d'abord à la tête de l'État un capitaine qui sait où il va, qui maintient le cap…
M. Levaï : Justement, comment va le capitaine ?
M. Lang : Il se porte bien.
M. Levaï : La question est posée, on y répond. Vous dites que le capitaine va bien ?
M. Lang : Notre capitaine se porte bien…
M. Levaï : Et il conduit le navire pendant 3 ans encore ? Votre sentiment ?
M. Lang : Mon sentiment est qu'il est le Président de la République et qu'il sera le Président de la République jusqu'à l'accomplissement de son mandat, c'est-à-dire dans 3 ans.
M. Levaï : Donc il n'y a pas lieu de spéculer aujourd'hui ?
M. Lang : Pourquoi des spéculations ?
M. Levaï : Parce que les spéculations nous les voyons. Nous avons vu monsieur Giscard d'Estaing dire qu'il était candidat…
M. Lang : Libre à chacun de se livrer à de la politique fiction, libre à chacun d'imaginer des scenarios de film, de bande dessinée…
M. Denoyan : Et il y a monsieur Chirac qui voudrait que le Président s'en aille après la victoire de l'Opposition aux élections législatives de mars prochain.
M. Macé-Scaron : Et au PS même.
M. Lang : Il n'est au pouvoir d'aucun homme politique de modifier à lui seul la Constitution et de se substituer à la volonté personnelle du chef de l'État.
M. Le Marc : Quand vous entendez monsieur Pezet, qui est un député du Parti Socialiste, dire que le seul moyen de développer la vie politique du pays, c'est une présidentielle anticipée, qu'en pensez-vous ?
M. Lang : C'est son appréciation personnelle.
M. Le Marc : C'est l'appréciation de beaucoup de Socialistes.
M. Lang : De quelques Socialistes… C'est très étrange à quel point vous mettez toujours l'accent sur les éructations d'Untel…
M. Le Marc : Ce n'est pas une éructation, c'est une déclaration.
M. Lang : … ou les soupirs d'un autre. J'appartiens personnellement à une équipe dirigée par un Premier ministre combattif et qui entend bien se battre pour que les élections prochaines soient des élections victorieuses pour la Gauche.
Ceux qui n'ont pas envie de participer à cette bataille ont bien le droit de prendre leur liberté, d'aller ailleurs, et d'ailleurs c'est préférable. Quand on veut mener une bataille, mieux vaut réunir autour de soi les troupes qui sont prêtes à aller de l'avant. Je préfère que ceux qui ont des états d'âme, des interrogations, puissent retourner à leurs chères études, choisir d'autres voies. D'ailleurs c'est ce qu'on me dit : certains ont l'intention de quitter la politique. Pourquoi pas ?
La politique, ce n'est pas une obligation, il n'y a pas de contrainte. Chacun est libre, mais je souhaite personnellement qu'aujourd'hui, sous l'autorité du Président de la République et conduit par un Premier ministre très courageux, très combattif, qui a une haute idée des intérêts de la France, nous cessions de nous laisser "entamer" par les états d'âme, les interrogations de personnes qui peut-être souhaitent aujourd'hui prendre un peu de repos. Je comprends très bien qu'il y ait des gens qui, après quelques années de gouvernement ou de députation, aient envie de se reposer. C'est un droit.
M. Le Marc : Vous parliez du capitaine, mais est-ce que l'équipage écoute le capitaine ? Je voudrais qu'on en revienne au projet de loi anti-corruption. Il y avait dans ce projet deux réformes fortes qui étaient d'ailleurs proposées par le Président de la République : la première était la fin du financement de la vie publique par les entreprises et la seconde était la publication du patrimoine des élus.
Ces deux mesures ont été refusées par les Socialistes. Est-ce que vous pensez que c'est un échec ou pas de la volonté de réforme manifestée par l'Exécutif ?
M. Lang : Les choses ne s'apprécient pas en ces termes. Vous observez que s'il advient que le groupe majoritaire à l'Assemblée nationale s'incline devant la volonté gouvernementale, on dénonce leur servilité, on les présente comme des députés inertes…
M. Le Marc : Je crois savoir que le Président a regretté ce fait, justement, en conseil des ministres.
M. Lang : … et si, comme cela se passe dans un Parlement normal, digne de ce nom, les députés expriment des sentiments, proposent des modifications, suggèrent des changements, aussitôt on parle d'échec du gouvernement face à des députés qui ont exprimé un sentiment.
Non, c'est la vie démocratique normale et personnellement je souhaite qu'à l'avenir notre Parlement puisse jouer un plus grand rôle. Nous sommes aujourd'hui dans un pays dans lequel sans doute le Parlement est un de ceux qui a le moins de pouvoir en Europe et j'aimerais bien qu'un jour notre Parlement national dispose d'attributions et de prérogatives beaucoup plus importantes.
Pour revenir au sujet que vous évoquez, si vous me demandez mon sentiment personnel, je ne peux engager que moi-même : si j'avais été député, j'aurais voté le projet gouvernemental, ou les projets gouvernementaux, et la proposition de loi dans leur version initiale.
M. Lang : Mais vous êtes ministre, et un ministre assez heureux puisque vos budgets… C'est une chance pour Jack Lang : vous êtes à la culture, le budget de la culture progresse vous êtes à l'éducation, le budget de l'éducation progresse aussi…
Une question quand même, et la réponse intéressera vos collègues du gouvernement comment faites-vous pour avoir de bons budgets ? Vous avez des copains au gouvernement ? Vous êtes bien entendu à Bercy ? C'est Pierre Bérégovoy ? C'est l'Élysée ? Qu'est-ce que c'est ? Il y a des bonnes fées qui se penchent sur le berceau de la culture ou de l'éducation.
M. Lang : Oui, des bonnes fées ou de bons magiciens, comme vous voulez. Vous le savez, le Président François Mitterrand a toujours souhaité que les arts et la culture bénéficient d'un soutien continu de la puissance publique, et d'année en année ce soutien a été maintenu. Cette année encore, nous avons, grâce à lui, franchi le fameux cap du 1 % ; c'était le rêve de Jean Vilar : voici une trentaine d'années, il espérait qu'un jour le budget de la culture atteindrait le 1 % du budget de l'État.
Pour l'éducation nationale, c'est le Premier ministre en personne qui a, dès le mois de mai, indiqué que l'éducation nationale serait à ses yeux la priorité des priorités. Et sur ce point, comme sur tous les autres, les engagements pris par lui ont été respectés.
Objections.
M. Denoyan : Vous connaissez la règle du jeu, Jack Lang, il y a un objecteur dans cette émission. Ce soir, ce sera Monsieur Pascal Clément, député UDF de la Loire.
Bonsoir.
Vous avez entendu le début de notre conversation, que ce soit sur le climat, que ce soit sur les autres points de l'actualité : le projet de loi sur la corruption, sur le budget. Quelle est la question que vous souhaiteriez poser à Monsieur Jack Lang.
M. Clément : J'en ai trois rapides, mais la première est de revenir sur la Somalie, et rendre hommage à Monsieur Lang. Comme vous le voyez, c'est une objection assez agréable. Je voudrais lui dire que j'ai trouvé cette opération de très bonne venue. J'ai, comme beaucoup de Français, des enfants qui ont participé et j'ai trouvé qu'effectivement c'était une excellente pédagogie. Je voudrais insister sur le fait qu'à ma connaissance l'Opposition a considéré dans son ensemble que c'était une bonne opération. Je voulais le dire.
Pour autant, et ce n'était pas une critique de cette opération, mais vous allez voir immédiatement où je veux en venir, il me semble que la politique étrangère du gouvernement s'efface de plus en plus devant l'humanitaire. On voit très clairement l'humanitaire dans la politique du gouvernement, il faut bien rendre hommage à Monsieur Kouchner dans cette affaire, en revanche, on ne voit plus la politique étrangère.
Ainsi on ne parle plus de la Yougoslavie; Or, je voudrais tout de même rappeler que nous n'avons plus du tout d'actions en Yougoslavie. Je suppose que Monsieur Lang va me parler de la "FORPRONU", mais la "FORPRONU" est encore une protection pour les convois humanitaires, que cette protection a des incidences politiques puisque, d'une certaine manière, elle protège les Serbes et quand les Bosniaques ont attaqué, c'est effectivement parce qu'ils considéraient que la "FORPRONU" protégeait les situations serbes.
Nous avons, dans cette affaire, des initiatives à prendre d'autant plus facilement que nous avons soutenu, nous le savons tous, la candidature de Boudros Ghali au secrétariat général de l'ONU et que cette politique devait être un peu plus la nôtre.
M. Denoyan : Monsieur Clément, permettez-moi de vous couper un instant, j'aimerais bien comprendre le sens de votre intervention.
M. Clément : Le sens de mon intervention, puisque vous me laissez gentiment finir, c'est de dire : "Je ne comprends pas pourquoi on ne voit plus la politique étrangère, et je parle de la Yougoslavie. Monsieur Roland Dumas a devant lui un gouvernement de Belgrade qui est un des derniers gouvernements totalitaires, on n'entend pas Monsieur Roland Dumas dénoncer le gouvernement totalitaire de Serbie. Je trouve qu'actuellement nous n'avons plus de politique étrangère, nous n'avons plus qu'une politique humanitaire". C'est ma première question.
M. Lang : Monsieur le député, tout d'abord, je vous remercie beaucoup de donner acte au gouvernement de la bonne initiative qui a été prise pour les enfants somaliens. Au passage, je note que le ministère de l'éducation nationale qui est souvent décrié a montré, sur ce point comme sur quelques autres, une efficacité assez grande puisque, en quelques jours, l'ensemble des professeurs, à qui je voudrais rendre hommage, et l'ensemble des parents et enfants se sont mobilisés avec une énergie et une ferveur exceptionnelles.
Dire que la France serait inopérante ou absente de l'ex-Yougoslavie, ce n'est pas vrai. Vous savez que les Français sont les plus présents sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, notre contingent est le plus nombreux. Une partie de ce contingent se trouve sous le drapeau des Nations-Unies, une autre partie sous le drapeau français et si l'exemple français était suivi par les autres nations occidentales, la présence militaire extérieure serait très forte. Et nous entendons bien, d'ailleurs, – par la conviction –, progressivement entraîner d'autres pays à soutenir notre effort pour tenter de rapprocher les points-de-vues et d'apporter, un jour, je l'espère, la paix dans ce pays.
Mais si vous imaginez, à travers votre question, que la France pourrait, unilatéralement, envoyer des centaines de milliers d'hommes en Yougoslavie, je vous réponds tout de suite "non"…
M. Clément : … Monsieur Dumas pourrait dénoncer le gouvernement serbe.
M. Lang : Car, comme l'a très bien dit le Président de la République, "nous ne voulons pas ajouter le sang au sang, la mort à la mort". Imaginez un seul instant, au mois d'août dernier, que nous ayons cédé aux invitations de certains de vos amis en envoyant sur place de jeunes soldats français, beaucoup seraient morts sans que pour autant nous ayons réussi à séparer les parties au conflit.
M. Clément : Deuxième question, je note simplement que j'aurais voulu entendre de Monsieur Lang la condamnation du gouvernement totalitaire de Serbie, mais n'y revenons pas.
M. Lang : Si vous voulez qu'on parle de ce sujet : le gouvernement totalitaire de Serbie n'est pas un gouvernement que je recommanderais spécialement pour notre pays et pour d'autres pays, mais notez au passage qu'il est, dans cette région, et, en particulier, dans l'ex-Yougoslavie, un des gouvernements qui a été élu, son Président a été élu. Naturellement, on peut discuter sur les conditions, mais il a été élu. Que Monsieur Miloseyic soit un ancien communiste, il n'est pas le seul qui, à l'Est, ait cette caractéristique, Monsieur Eltsine lui aussi, qui a été élu d'ailleurs, est un ancien dirigeant communiste.
M. Clément : Deuxième et dernière question, Monsieur Lang a été interrogé longtemps sur le PS et, effectivement, on a l'impression que vous êtes, vous, Monsieur Lang, un peu comme le maréchal de Soubise qui cherchait son armée avec une lanterne. On ne voit plus où est le PS et surtout on ne le voit plus sur le terrain des idées.
Il y a des idées qui sont un peu lancées, à savoir, comme on n'en a plus, on va s'allier avec les écologistes, et je voudrais vous entendre là-dessus : pour vous, est-ce l'avenir du PS et de la Gauche française, de devenir un Parti vert, vert un peu rose ? Et, en particulier, regarder cet échec retentissant pour votre politique qui est la situation de nos banlieues. Pas plus tard qu'il y a quelques jours, à Asnières, une bande de drogués a attaqué un commissariat. Or, je vous rappelle, à l'époque, quand il y a eu les événements, ô combien tristes, de Los Angeles, on a entendu le Président de la République ironiser en disant à l'époque : "Qu'au fond, c'était le fruit de la politique américaine". On s'interroge, est-ce le fruit de la politique de la ville française qui provoque ces situations qui sont tout de même dramatiques ?
M. Denoyan : Monsieur Clément, vous avez posé deux questions alors que vous deviez n'en poser qu'une, mais nous allons être gentils, nous allons répondre aux deux.
Les Verts deviennent-ils rose ou devraient-ils devenir rose ?
M. Lang : Monsieur le député, je respecte beaucoup ce que vous dites, j'aime beaucoup la politique mais j'aimerais que la politique puisse tout de même, de temps à autre, s'imposer une rigueur intellectuelle. Lorsque vous comparez l'incident malheureux qui s'est produit dans une banlieue française avec les incidents de Los Angeles, réfléchissez un instant, ce n'est pas comparable. Il y a eu, à Los Angeles et dans d'autres villes américaines, des émeutes d'une violence inouïe. Que, dans certaines banlieues françaises, il y ait des incidents, à un moment ou à un autre, c'est incontestable, mais si nous ne connaissons pas, en France, la situation américaine, c'est précisément parce que, depuis des années, il y a une action publique qui est conduite à la fois par l'État, les municipalités, – de tendances politiques diverses –, les organisations, les associations, les syndicats, les écoles, les établissements scolaires pour faire que, dans ces quartiers, autant qu'il est possible, puissent coexister l'ensemble des personnes qui y vivent.
Petit à petit, des améliorations très importantes se produisent. J'ai visité, ces temps derniers encore, un certain nombre de ces quartiers où on voit que les gens reprennent espoir et on ne peut pas, en quelques années, réussir à guérir totalement les conséquences désastreuses d'un urbanisme inhumain dont vos propres amis, pas vous-même directement, ont été les auteurs dans les années 70-80. Ils ont construit sans plan véritable, sans tenir compte des besoins des habitants, des ensembles immobiliers qui, encore une fois, créent des conditions de vie parfois insupportables.
M. Denoyan : J'observe, Monsieur Lang, que vous ne répondez pas à la question de savoir si, effectivement, le Parti socialiste va s'ouvrir aux Verts ? C'est peut-être une question qui ne vous intéresse pas ?
M. Lang : Pour vous dire la vérité, ce n'est pas une question qui m'emballe vraiment.
M. Denoyan : J'avais cru comprendre cela.
M. Lang : Ce qui m'intéresse vraiment, en ce moment, c'est : quelles actions concrètes le gouvernement de la France peut conduire au cours des prochains mois et des prochaines années ?
M. Denoyan : Au mois de mars, il y a des élections, Monsieur Lang.
M. Lang : Les élections se feront sur la base d'idées, en effet, Monsieur Clément, de programme et j'espère bien que, sur la base des réussites qui ont été les nôtres, sur le plan économique, sur le plan de l'éducation, sur le plan de la culture, sur le plan de la politique étrangère, nous allons pouvoir bâtir un programme d'actions pour les cinq années qui viennent qui offrira aux Français des perspectives qui les conduiront à souhaiter que cette action continue plutôt qu'elle soit remplacée par un programme de retour en arrière tel qu'il se dessine dans l'Opposition.
M. Levaï : Justement dans le Figaro Magazine, Barbra Hendricks vous propose une action concrète. Elle dit : "Vive la culture à 20 h 30", et je la cite, "j'ai des enfants. À l'heure actuelle, les miens ne peuvent pas regardent la télévision, tout ce qui est enrichissant, théâtre, ciné-club, littérature, concert, opéra, etc. passent à l'heure où ils sont couchés"…
M. Denoyan : … C'est une critique qui est largement soulevée.
M. Levaï : Ne croyez-vous pas que la télévision ait un rôle à jouer dans l'éducation des jeunes ? Question de Barbra Hendricks au ministre de l'éducation et de la culture.
M. Lang : Elle doit la poser non seulement à moi-même mais à l'ensemble des responsables, des hommes publics, de la presse. Tant de gens ont encouragé la rentabilisation à outrance de la télévision et lorsqu'une chaîne culturelle surgit comme ARTE, ce qu'on entend, ici ou là, pour porter une appréciation, ce n'est pas de savoir si l'opéra retransmis correspondrait aux vœux de Barbra HENDRICKS, mais si ce soir-là il y a eu 300 000, 500 000 ou un million de téléspectateurs…
M. Denoyan : … Si l'audimat a fonctionné.
M. Lang : D'ailleurs, à cet égard, je voudrais indiquer que 1 % d'audience, – je pense que ARTE franchira ce cap –, tous les jours, c'est 800 000 personnes, cela veut dire, sur un an, 300 millions de téléspectateurs, c'est plus que tous les cinémas, tous les musées, tous les théâtres réunis…
M. Denoyan : … 800 000, cela fait beaucoup, c'est plutôt 500 000, Monsieur Lang.
M. Lang : À supposer même que ce soit 500 000 puisque c'est cette question qui vous intéresse seulement…
M. Denoyan : … Non, non, mais une chaine hertzienne, 500 000 personnes, ce n'est pas lourd.
M. Lang : Supposez que ce soit 500 000 seulement, ce serait, de toutes façons, beaucoup plus que les spectateurs de tous les cinémas de France, de tous les musées de France, de tous les théâtres de France et par conséquent cela répond tout de même en partie, mais en partie seulement, au vœu de Barbra Hendricks. Et, moi, je pense comme elle…
M. Denoyan : … Cela aurait été bien aussi si le service public qui, lui, a déjà les téléspectateurs, pouvait faire la même chose.
M. Lang : Je le souhaite. Dites-le.
M. Denoyan : Comptez sur moi, je le dis.
M. Macé-Scaron : Faites-le passer au ministre de la communication.
M. Lang : Mais je croyais savoir que le ministre de la communication n'avait plus, comme jadis, la possibilité de substituer aux programmations et aux programmateurs des chaînes publiques. Il faut savoir ce que l'on veut !
Dans notre système, il y a la liberté de programmations, – nous sommes, ici, à France-Inter, et je n'ai jamais adressé la moindre instruction au président de Radio-France, donc ne vous en plaignez pas ! D'ailleurs, Radio-France accomplit un travail très remarquable, aussi bien France Culture. France Musique, France Inter accordent à la musique en particulier, aux musiques, à toutes les musiques, à la réflexion et au dialogue une place importante, et nous sommes fiers, je suis fier de Radio-France.
M. Denoyan : Merci.
M. Lang : On aimerait, – vous avez raison. Monsieur Denoyan, mais je n'ai pas de pouvoir direct – que le vœu de Barbra Hendricks soit mieux entendu par les divers dirigeants des télévisions publiques.
M. Hauter : Monsieur le ministre, vous critiquez implicitement France 2 et France 3, Dynastie sur France 3, France 2 avec une multiplication des jeux absolument étonnante, une bataille, au fond, entre une télévision commerciale et une télévision commerciale d'État ?
M. Lang : Écoutez, ce n'est pas moi qui ai fait la privatisation de TF1. Le journal et le groupe auquel vous appartenez n'ont cessé, pendant des années, de militer pour la privatisation des chaînes de télévision, pour exalter les chaînes commerciales et ceux qui, en 1986, ont décidé la privatisation de TF1 et ont voulu, coûte que coûte, créer à côté de TF1 deux autres chaînes commerciales, n'ont cessé de dire : "Que ce serait le mieux-disant culturel", moyennant quoi ils ont déstabilisé gravement le système audiovisuel.
Je voudrais corriger un tout petit peu ce que je disais tout à l'heure à propos des chaînes publiques car la caricature que vous en présentez n'est pas juste. FR3, en particulier, accomplit, – c'est reconnu – une œuvre importante d'informations, présente des reportages de belle qualité, Antenne 2 aussi d'ailleurs. Simplement on aimerait que ce soit plus souvent, on aimerait que les émissions portant sur le cinéma, sur la musique, sur la musique classique, sur l'art lyrique soient programmés à des heures accessibles à l'ensemble des téléspectateurs…
M. Denoyan : … Que le divertissement soit aussi de qualité, que ce ne soit pas une source d'abrutissement quasi permanente. Vous n'avez peut-être pas le temps de regarder la télévision à 20 h 30, Monsieur le ministre ? Mais ceux qui regardent la télévision à 20 h 30 sont quelquefois consternés de ce qu'on leur propose. Il ne s'agit pas simplement de proposer des opéras, de la musique, des émissions intelligentes à 22 h 30, il s'agit aussi de divertir les gens de manière intelligente, de les respecter en tant que citoyens.
M. Lang : S'il s'agit de cette question, vous allez m'obliger à me transformer en avocat de l'ensemble des programmes des chaînes publiques alors que je reste, comme tout citoyen, volontiers critique et exigeant comme on doit l'être à l'égard de tout ce qui est service public. À l'exception peut-être d'une ou deux émissions, votre description sur le caractère consternant de certains programmes ne correspond absolument pas à ce qui est proposé sur les chaînes publiques.
M. Denoyan : Vous avez regardé, Monsieur le ministre, que de plus en plus de Français quittent la télévision à 20 h 40. Il y a moins de Français qui regardent, qu'il y en avait il y a deux-trois ans…
M. Lang : … Écoutez, il y a d'autres activités dans la vie que la télévision…
M. Denoyan : … Et pourtant il y a plus de chaînes de télévision.
M. Lang : Lire est une activité exaltante, sortir pour aller au cinéma est une activité passionnante, fréquenter les concerts…
M. Macé-Scaron : … Il y a moins de livres vendus, il y a moins de personnes qui entrent dans les cinémas…
M. Denoyan : … Et on vend moins de journaux.
M. Hauter : Monsieur Lang, je trouve que, depuis que vous avez repris le ministère de l'éducation nationale, vous êtes très silencieux sur les dossiers un peu brûlants de la culture, les dossiers les plus encombrants à vrai dire qui sont ceux de l'Opéra Bastille. Lavals, l'un des dirigeants, ne s'arrête pas. Un des grands travaux, le Centre de conférences internationales, a été purement et simplement abandonné, mais personne ne se bat pour le poursuivre et puis la Grande Bibliothèque, pas contre le principe de laquelle des intellectuels aussi prestigieux que Régis Debray, Georges Duby, François Furet, François Jacob, Jacques Julliard ou Pierre Norat…
M. Denoyan : … Comme le temps presse, François Hauter, il faut poser la question.
M. Hauter : Eh bien, vous ne leur répondez même pas.
M. Lang : Je dois probablement manqué de clarté ou de précision. Hier encore, mais peut-être que cela ne vous a pas intéressé, vous n'étiez pas représenté, vous n'étiez pas là, je me trouvais sur le site de la Bibliothèque de France, pourtant plusieurs de vos confrères étaient présents. Hier soir, dans le journal Le Monde, vous pouvez lire les déclarations qui ont été les miennes et j'ai présenté le projet dans son état d'avancement. Les journalistes présents ont pu constater que les tours de la future Bibliothèque sortaient de terre que, bientôt, on les verrait dans le ciel de Paris. Ils ont pu découvrir ce qu'étaient les maquettes d'aménagement intérieur de cette bibliothèque, ils ont pu entendre aussi un certain nombre d'intellectuels qui étaient présents, dont Monsieur Chartier, président du conseil scientifique de la Bibliothèque. Monsieur André Miquel, professeur au Collège de France, indiquait dans quelle direction scientifique s'ordonnait cette Bibliothèque. Je crois que c'est une grande œuvre scientifique et intellectuelle et, croyez-moi, le moment venu, y compris ceux qui étaient critiques, s'y rallieront.
D'ailleurs, je ne me plains pas du tout des critiques. C'est une bonne chose qu'à propos d'une œuvre d'architecture, d'une œuvre d'art, de la télévision dont nous parlions à l'instant, il y ait des débats et des controverses, c'est formidable, au contraire, et je ne m'en plains pas, pas plus que je me plaindrai de vos observations très injustes. Cela contribue au moins à créer la vie autour de sujets passionnants.
M. Le Marc : Vous avez évoqué tout à l'heure les pouvoirs du Parlement en souhaitant qu'ils soient renforcés. Il y a un autre souhait que formulent les Français, c'est la réduction du mandat du Président de la République. En novembre 1991, François Mitterrand avait lancé l'idée d'une grande réforme constitutionnelle, d'un nettoyage des Institutions pour cette automne. Souhaitez-vous que cela se fasse très rapidement et avant les législatives ?
M. Lang : J'ai mon sentiment personnel, je ne suis pas le Président de la République, c'est lui qui, en ce domaine, a le pouvoir d'initiative, c'est à lui que revient le droit et le pouvoir de formuler les choses sur ce plan.
M. Le Marc : Quel est votre sentiment ?
M. Lang : Mon sentiment personnel est personnel…
M. Le Marc : Vous êtes un spécialiste des Institutions…
M. Macé-Scaron : … C'est tout de même une question politique qu'on vous pose. Quand Laurent Fabius dit : "Je suis pour la réduction du mandat à six ans", que pensez-vous des propos de Laurent Fabius ?
M. Lang : La question de la réduction du mandat me paraît une affaire secondaire.
M. Macé-Scaron : Voilà, vous avez répondu à la question.
M. Lang : C'est peut-être la seule qui vous intéresse mais, pour moi, elle est secondaire car la question principale si, le jour venu, on réformait la Constitution, c'est moins la durée du mandat que les pouvoirs du Parlement, les pouvoirs des citoyens, comment faire pour que nos Institutions qui sont les moins démocratiques d'Europe…
M. Le Marc : … Est-ce que cela doit se faire maintenant ?
M. Lang : Deviennent enfin des Institutions démocratiques dans lesquelles les citoyens devraient avoir, – cela avait été souhaité par le Président –, pouvoir de saisine du Conseil constitutionnel et que le Parlement ait de vrais pouvoirs. Voilà les questions fondamentales. Pouvoir bâtir une vraie démocratie.
M. Levaï : Une République V bis ou VI ?
M. Denoyan : Tout le monde est pour une meilleure démocratie, Monsieur Lang.
M. Lang : Je souhaite qu'un jour nous ayons des Institutions beaucoup plus démocratiques qu'elles ne le sont.
M. Le Marc : Un jour.
M. Denoyan : Et ce jour, c'est avant, après les législatives ?
M. Lang : Puisque je souhaite qu'elles soient démocratiques, plus tôt viendra ce jour, plus je serai heureux puisque, avec passion, je me bats pour que nos Institutions se démocratisent sans cesse davantage.
M. Denoyan : On vous souhaite beaucoup de bonheur, Monsieur Lang.
Merci d'avoir été notre invité ce soir.
Bonsoir.