Texte intégral
Depuis plusieurs mois, un groupe de réflexion confédéral a travaillé sur les questions relatives aux cadres : évolution de la population concernée, nature des attentes et revendications, liens avec les autres salariés, réponses de FO tant au niveau des structures que des modalités de syndicalisation. Ce travail a, bien entendu, été mené avec l’Union des cadres et ingénieurs FO et son Secrétaire général, Hubert Bouchet.
Dans le cadre de cette recherche nous avons élaboré un questionnaire sur l’encadrement qui a fait l’objet de mille réponses, qui ont été analysées. La procédure n’est pas usuelle à Force ouvrière, vu notamment notre scepticisme vis-à-vis des sondages, tant cela est réducteur et connu. Mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un sondage mais d’une enquête détaillée dont le dépouillement apporte des éléments plus qu’intéressants.
Rappelons donc au préalable qu’entre 1962 et 1999 la population cadre est passée de 892 000 à 2 940 000 personnes.
Selon notre consultation ils sont 38,5 % à considérer que leur travail est de moins en moins intéressant et 82 % à estimer que la tension au travail s’est accrue.
Ils sont 17,80 % à déclarer qu’ils travaillent 39 heures par semaine et 82,2 % à travailler plus de 39 heures (dont 31,9 % entre 46 et 55 heures hebdomadaires, 25,70 % dans la fonction publique, 34,30 % dans le privé).
Rien d’étonnant, dans ces conditions, qu’ils soient 58,4 % à préférer une réduction de la durée du travail au travers de journées supplémentaires de repos regroupées, contre 33,6 % pour une réduction hebdomadaire.
Quand on les sollicite sur leurs principales préoccupations actuelles, viennent, par ordre décroissant : l’avenir des enfants, le harcèlement et la tension au travail, la situation de l’entreprise ou de l’administration qui les emploie, le chômage.
Enfin — et même si cela peut paraître paradoxal, c’est intéressant — les cadres non syndiqués considèrent à 83,7 % qu’il est normal que les cadres soient syndiqués et les mots les plus utilisés quant à l’attente vis-à-vis du syndicat sont ceux de défense, d’information et d’écoute.
Tout cela montre que de plus en plus, même s’il y a des spécificités, les cadres se considèrent comme des salariés à part entière, rencontrant des problèmes de même nature (par exemple le chômage) que les autres salariés.
Ils sont également nombreux à vouloir bénéficier d’une vraie réduction de la durée du travail, en particulier au travers de journées supplémentaires.
En d’autres termes, ils craignent que le harcèlement et le stress auxquels ils sont soumis ne rendent plus qu’aléatoire la réalité d’une réduction hebdomadaire.
Ces questions de stress prennent une acuité de plus en plus grande et pas simplement pour les cadres.
Les cadres ont en quelque sorte le sentiment d’être pressurés, y compris psychologiquement, comme des mercenaires de la compétitivité. Ils y laissent leur vie privée et leur santé.
Il est du rôle de l’organisation syndicale de pouvoir répondre à ces attentes. Cela suppose en particulier que nous réfléchissions aux modalités à mettre en oeuvre pour résoudre les revendications. Ce sera l’un des objets du colloque et du CCN des 7, 8 et 9 septembre à Toulouse. Parmi les idées en discussion figureront notamment l’existence de correspondants cadres dans les UD et fédérations, un investissement plus important du secteur privé à l'UCI, une réflexion sur le timbre UCI.
Ces préoccupations s’intègrent dans la nécessité et le rôle de l’organisation syndicale interprofessionnelle de représenter tous les salariés, chômeurs et retraités.
Il est également nécessaire que le patronat accepte de discuter sur la définition même de l’encadrement, les droits et spécificités qui en découlent, la sollicitation lancée par mes soins, publiquement, lors que l’université du MEDEF, n’a pas été reprise par le président de celui-ci, nous n’hésiterons pas à revenir à la charge.
Trop souvent des salariés ont acquis l’appellation de « cadre » sans en avoir pour autant la rémunération et les contreparties (il y a quelques années, il était socialement important d’avoir la retraite des « cadres », ce référent a tendance à ne plus signifier grand-chose), une récompense morale coûtant moins cher qu’une augmentation de salaire.
Les cadres veulent pouvoir vivre en dehors de leur travail. Cela suppose qu’ils sachent aussi se faire entendre de manière solidaire avec l’ensemble des autres catégories.
D’une certaine façon, la discrétion à laquelle certains d’entre eux se sentaient contraints, conduisant à des comportements plus individualistes, est de plus en plus battue en brèche par la réalité de leur situation et de leurs conditions de travail.
Ils savent aussi que la motivation passe par le respect et un sentiment de sécurité, respect qui concerne l’individu en tant que tel ainsi que sa qualification.
Cela vaut aussi pour les jeunes diplômés qui de plus en plus constatent, et ce, dès leurs stages, qu’ils sont exploités.
Et ce sentiment-là, celui d’exploitation, est de plus en plus partagé, qu’on soit cadre ou non-cadre.
Il est temps de se réveiller.