Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Il m'appartient maintenant de conclure notre assemblée générale.
Les travaux de ce matin me confirment dans l'idée que je me fais du Conseil national du tourisme :
Cette institution ancienne correspond tout à fait à ma façon de faire de la politique : il est précieux d'avoir un lieu d'échanges et de rencontre entre tous les acteurs du tourisme, qui leur permet de dépasser leurs intérêts catégoriels et d'apporter aux pouvoirs publics les éclairages dont ils ont besoin.
La diversité, mais aussi la complémentarité des sujets abordés dans les exposés précédents, en est le meilleur exemple.
À quelques jours près, notre assemblée générale coïncide avec l'anniversaire des six premiers mois du gouvernement. Ce n'est pas encore l'heure des bilans, mais le moment est propice pour survoler les différents thèmes de l'action engagée.
Pendant ces six premiers mois, j'ai rencontré un grand nombre d'acteurs du tourisme : élus locaux, professionnels du secteur associatif ou du secteur privé. Nous avons discuté, nous nous sommes toujours écoutés, et, souvent, nous nous sommes entendus.
J'ai lancé des débats et ouvert des chantiers. Je voudrais vous dire aujourd'hui quelles sont les lignes directrices de mon action au service du tourisme français.
Les perspectives sont enthousiasmantes. Par nécessité, les hommes ont toujours voyagé : pour fuir des régions inhospitalières, pour trouver leur nourriture, pour conquérir des territoires ou, plus récemment, pour chercher du travail. Désormais, ils voyageront pour leur plaisir, pour rencontrer d'autres hommes, pour faire la confrontation pacifique de leurs cultures.
Le progrès technique a entraîné la réduction des distances ; l'ouverture sur le monde de pays autrefois repliés sur eux-mêmes augmente le nombre de voyageurs internationaux. Celui-ci va tripler en 20 ans.
La réduction de la durée du temps de travail, le progrès social peuvent se traduire par une augmentation de la fréquentation touristique interne.
Ces touristes viendront-ils visiter la France et viendront-ils chez nous, dans les lieux prestigieux comme dans les régions plus discrètes ? Tous les Français pourront-ils accéder au droit aux vacances ? Voici les grandes questions.
L'enjeu économique mais aussi l'enjeu politique est de taille. Chacun d'entre nous dispose d'une partie de la réponse.
La France, première destination touristique au monde, ne restera désirée et choisie par un très grand nombre de voyageurs que si elle sait diversifier son offre et l'adapter aux besoins des touristes de demain.
Ce n'est pas devant vous que je ferai l'éloge de nos atouts naturels. Je me contenterai de dire qu'ils ne suffisent pas : une destination n'est choisie que si elle sait « se mettre en tourisme ».
Nous devons travailler pour en réunir les conditions.
L'observation statistique et économique, l'analyse des motivations et des besoins des clientèles sont des préalables indispensables à toute action publique et à toute initiative privée.
Les travaux de la Direction du tourisme relayés par l'Observatoire et ceux de l'Agence française de l'ingénierie touristique, constituent des points d'appui pour l'ensemble des opérateurs. Les travaux de vos sections, par leur caractère pluridisciplinaire et multiprofessionnel, sont une pierre importante de l'édifice. Les études sont de plus en plus nécessaires, car notre potentiel touristique est diversifié, et nécessite des approches fines, secteur par secteur.
Je ne prendrai que quelques exemples : le littoral, la montagne, les principaux lieux historiques ou culturels sont depuis longtemps ouverts au tourisme de masse.
Mais leur mise en valeur doit en permanence être adaptée afin de renouveler l'offre.
C'est bien ce que montre le rapport de M. Arnaud sur le « tourisme et la lumière ». Au-delà des préconisations que ce rapport adresse aux spécialistes, il met en évidence l'impérieuse nécessité d'une remise permanente en question. Dans le domaine du tourisme, il n'y a pas de position acquise une fois pour toutes.
Une avance qui a été prise a toujours tendance à se réduire et finit par faire apparaître un handicap. C'est dans cette situation que se trouvent aujourd'hui certaines de nos stations de montagne ou du littoral, dont les équipements et le mode de mise en valeur ont vieilli. Nous devons les aider à se renouveler. Je pense ici notamment à l'immobilier de loisirs. Des travaux importants doivent être entrepris pour que ce mode d'hébergement continue d'être fréquenté
Nous réfléchissons actuellement avec le ministère du budget pour mettre au point une intervention publique qui faciliterait l'action des collectivités locales et des investisseurs. Dès que l'on parle de fiscalité, vous savez que les choses sont complexes. Mais nous approchons du but et pourrons très bientôt avancer des propositions. Je me rendrai d'ailleurs dans quelques semaines en montagne pour tester ces propositions avec les professionnels, sur le terrain.
Nous avons également mis en chantier la nécessaire réforme du classement des stations. Le sujet est délicat car il s'agit ici de remettre en cause quelques rentes de situations : nous ne pouvons donc avancer qu'avec prudence, sans créer de divisions inutiles et stérilisantes. Ce travail sera une des priorités de l'année 1998. Le rapport de Mme Leduc et de M. Le Bras, les propositions de M. Desprez sont pour moi une documentation précieuse.
Autre exemple, le tourisme vert. Il est en plein essor. À la fois actif et calme, il correspond bien aux besoins des citadins, notamment pour des séjours courts et fréquents. L'étude de M. Bordry sur le tourisme fluvial nous montre les immenses possibilités que recèlent les nouvelles formes de tourisme. Leurs retombées sur l'économie locale, en activité et en emplois directs et induits, sont importantes. L'hôtellerie rurale, l'hôtellerie de plein air peuvent, grâce au tourisme vert, trouver un nouvel essor.
La principale difficulté est ici de mettre en mouvement des acteurs dispersés, voire atomisés. Un de mes principaux objectifs, vous le savez, est d'inciter tous ceux qui sont intéressés par un projet touristique à se rassembler pour que le succès soit au rendez-vous. Il faut que chacun y trouve son compte et que chacun soit convaincu que c'est possible.
Ce qui est vrai au niveau local l'est aussi au niveau national. La promotion du tourisme français doit être conçue globalement : nous devons mettre notre offre en cohérence, qu'il s'agisse de la promotion en France ou à l'étranger.
Les technologies nouvelles nous mettent au pied du mur. Ou bien on y avance de manière désordonnée et les efforts seront infructueux, ou bien on organise les choses et tout le monde y gagnera. Je me félicite à cet égard de l'avancée dans les délais prévus du serveur national de réservations et du site d'informations sur l'offre nationale touristique. L'informatisation de Maison de la France lui permettra de gagner en efficacité.
Coordination des acteurs, fédération des initiatives, c'est également dans cet état d'esprit que nous avons abordé la préparation de la Coupe du monde de football. La campagne « Bonjour 98, la France accueille le monde » a pour but de mettre la France en fête, de séduire nos visiteurs étrangers comme nos concitoyens ; de faire en sorte qu'ils viennent et reviennent.
Dès la Coupe du monde terminée, nous entrerons dans une phase plus active de la préparation de l'an 2000. Mais la réflexion prospective ne peut attendre. Je souhaite que nous mettions à profit le 1er semestre 1998 pour avancer sur cette question et que les membres du Conseil national du tourisme intéressés s'associent à Mme Simon pour me faire des propositions.
Pour accueillir les touristes, la France a la chance d'avoir une offre de services, notamment en matière de restauration et d'hébergement adaptée à toutes les bourses et à tous les goûts. Mais cette diversité, qui fait notre richesse, est menacée.
Nous avons la possibilité de réagir.
Le rapport de M. Tassin montre la nécessité de poser sans tabou la question du financement. La dérégulation, la frilosité des banques devant des risques longs, qui ne sont pas dans les normes habituelles, ont des conséquences inquiétantes pour le financement des équipements privés, les parcs de loisirs, les golfs, mais surtout les hébergements.
Je suis, comme Monsieur Tassin, convaincue qu'il faut d'abord restructurer la dette actuelle, en dynamisant le dispositif SOFARIS et en le faisant mieux connaître à la profession hôtelière. Ceci est en bonne voie. Il faut également faire connaître le mécanisme de prêts bonifiés à la restauration qui a été récemment renforcé. J'approuve l'idée de faciliter le financement des études de marché préalables à l'investissement des PME. Je pense qu'il est également nécessaire d'inventer un nouveau mode de financement à long terme des petites entreprises du secteur du tourisme. Le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, qui s'est tenu ce lundi, a confirmé dans l'idée qu'il y avait là un enjeu majeur.
Les aides de l'État qui accompagneront le processus de réduction de la durée du temps de travail pourraient être mobilisées à cet effet. J'ai évoqué cette idée le mois dernier, lors du congrès de la FNIFA. Les fonds européens et les aides de l'ANCV peuvent également avoir un fort effet de levier pour faciliter les investissements des petites entreprises, notamment du monde rural.
Je souhaite que la réflexion se poursuive afin d'améliorer l'accès au crédit, à un crédit à taux acceptable : avec mon cabinet, j'y prendrai toute ma part.
S'agissant des équipements associatifs, vous savez que j'ai donné une nouvelle impulsion au « plan patrimoine ». La réhabilitation du parc immobilier des organismes du tourisme social est la priorité n° 1 du budget du tourisme pour 1998 : les crédits prévus à cet effet vont plus que doubler.
Enfin, dans le domaine étudié par M. Gevrey mais aussi dans d'autres, nous avons à faire sauter quelques obstacles réglementaires et à supprimer des distorsions de concurrence. C'est une entreprise difficile mais, avec de la détermination et du bon sens, on peut y arriver. La récente modification du calendrier scolaire montre qu'il est possible d'avancer.
J’en viens maintenant à une autre priorité de ma politique, l'accès de tous aux vacances. Le rapport de M. Matteudi confirme l'urgence de cette question.
Le tourisme est un droit inaliénable de l'individu. Il est nécessaire au développement de l'enfant et à l'épanouissement de l'adulte, à l'harmonie familiale et à la cohésion sociale.
Le chèque-vacances est un instrument original et efficace pour permettre aux familles modestes d'épargner pour partir en vacances et de pouvoir dépenser plus que leur épargne. Il s'agit aujourd'hui d'étendre cet avantage aux salariés des entreprises de moins de 50 personnes. Notre proposition est en ce moment soumise à la réflexion des partenaires sociaux. S'ils le désirent, nous pouvons rapidement mettre en place la structure paritaire à caractère mutuel qui pourra gérer le système.
Avec les associations qui s'intéressent plus particulièrement au sort des personnes les plus démunies, nous avons entamé une réflexion sur le départ en vacances de ceux que l'on appelle les exclus. Le secrétariat d'État au tourisme a décidé de prendre sa place dans la préparation de la loi de prévention et de lutte contre l'exclusion. Des discussions interministérielles auront lieu cet après-midi même.
Enfin, je prépare pour 1998 une grande initiative sur le droit aux vacances des personnes handicapées. J’ai demandé à Mme Figuereau, inspecteur général du tourisme, de me faire des propositions à ce sujet.
Le développement touristique doit être créateur d'emplois. Le rapport de MM. Viard, Aberlen et Lewy montre que c'est possible, mais que cela n'est pas spontané. En outre, ces emplois, nous les voulons stables et qualifiés.
Des « gisements » d'emplois ont été identifiés. Le plan pour l'emploi des jeunes trace des perspectives intéressantes pour les employeurs publics et associatifs. Les accords-cadres déjà signés représentent plus de 2 500 emplois nouveaux, qui répondent à un besoin solvabilisable. Et ce n'est qu'un début. Ces 2 500 emplois correspondent à un effort financier de 220 MF qui vont ainsi être injectés dans l'économie touristique. Il faut maintenant faire émerger les projets de terrain. Pour ma part, je me déplacerai partout où il le faudra pour répondre aux questions des employeurs et des jeunes et pour faire entrer le plan dans les faits.
L'emploi dans le secteur privé peut également progresser. C'est même une nécessité si nous voulons gagner les batailles concurrentielles qui s'annoncent. En effet, ces batailles se gagneront sur le terrain de la qualité, et la qualité ce sont les femmes et les hommes qui la réalisent. Le tourisme, c'est d'abord un contact humain. Les professionnels du tourisme, indépendants ou salariés, doivent eux aussi avoir le temps de vivre, de se reposer, de se former. C'est une nécessité sociale, mais c'est aussi une condition de la survie économique.
Compte tenu du mode particulier de gestion de nos entreprises, caractérisé par des ressauts d'activité (que ce soit dans la journée ou dans l'année), nous devons être très audacieux dans la recherche des solutions. Mais si cette réflexion est collective, nous y parviendrons.
L'État pour sa part – ainsi que le Premier ministre l'a annoncé – proposera des mesures de redéploiement des charges fiscales et sociales qui bénéficieront aux entreprises de main-d'œuvre. Le secteur du tourisme a tout à y gagner, c'est à lui de faire des propositions. Nous devons nous mettre à la tâche sans attendre.
Voici, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaitais vous dire à l'issue de cette assemblée générale. Nous avons ensemble de grandes ambitions pour le tourisme français.
Pour progresser (et au risque de me répéter), il me semble qu'il n'y a qu'une méthode : la concertation.
Continuons à nous rencontrer, à confronter nos points de vue, à élaborer ensemble des solutions, c'est ainsi que nous mettrons le tourisme au service du progrès économique et du progrès social, et que le tourisme bénéficiera de ces progrès.
Je vous remercie de votre attention.