Interview de M. Gilles de Robien, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, dans "La Tribune" du 28 avril 1997, sur le bilan de la loi Robien, son coût et son importance dans la campagne des élections législatives.

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Média : La Tribune

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La Tribune : Votre loi avait été fortement critiquée par les membres les plus libéraux du RPR et de l’UDF. Mais Pierre Méhaignerie a commenté les premiers effets de cette loi en des termes très positifs. Cela traduit-il une inflexion politique de la majorité sur le traitement du problème de l’emploi ?

Gilles de Robien : Pierre Méhaignerie a présenté la semaine dernière les résultats de deux audits, réalisés eux-mêmes après trois études sur les effets de cette loi. Cette présentation en avril était par ailleurs prévue depuis deux mois, à une époque où on ne parlait pas de dissolution de l’Assemblée. Il ne faut donc pas tirer d’interprétation politique de la présentation de ces résultats. Mais cette loi est de toute évidence une arme politique pour la majorité. Je l’ai toujours conçue comme telle, et elle est bien partie pour le devenir de plus en plus. Dans la campagne, nous allons pouvoir opposer un outil performant – peut-être modeste, mais surtout réaliste – à l’idéologie socialiste. Certains libéraux n’avaient pas vu dans cette loi un nouvel outil en faveur de la productivité des entreprises. Ils sont maintenant moins critiques.

La Tribune : La loi Robien est-elle destinée à devenir l’épine dorsale de la politique d’aide à l’emploi de la majorité sortante ?

Gilles de Robien : Dès les débuts de la campagne, François Bayrou et Alain Juppé s’y sont référés. La majorité ne peut ignorer que le dispositif constitue l’aide à l’emploi la plus efficace et la moins chère. Si elle n’en tirait pas les conséquences, elle perdrait une chance de se montrer plus combative sur le terrain de l’emploi. Et sur un plan politique, cette loi permet à la majorité de montrer qu’elle n’est pas opposée par principe à la réduction du temps de travail, tout en défendant une solution meilleure que le passage généralisé aux 35 heures de travail hebdomadaire – qui, lui, ferait perdre des centaines de milliers d’emplois.

La Tribune : Après sa mise en œuvre sur le terrain, comment peut évoluer cette loi ?

Gilles de Robien : J’ai été en contact avec environ 17 000 chefs d’entreprises au cours d’une vingtaine de réunions. De ces rencontres, je retiens qu’ils ne souhaitent pas que l’on touche à un outil qui fonctionne, et que l’on ne complique pas un dispositif qui est simple.

La Tribune : Le problème de cette loi, c’est son coût au cas où une trop faible croissance économique ne permettrait pas de maintenir les emplois sauvegardés ou créés…

Gilles de Robien : Les études ont montré que 70 % des emplois sauvegardés ou créés seraient durables, soit entre 700 000 et 900 000 emplois sur la durée de cette loi de sept ans. Mais, je pense que le nombre d’emplois durables sera supérieur. Car, ce sont surtout les entreprises de moins de 100 salariés qui sont intéressées, et il y a encore beaucoup à faire pour aller leur présenter.

La Tribune : La médiatisation dont votre loi est l’objet vous place-t-elle sur une trajectoire de ministrable en cas de reconduction de la majorité ?

Gilles de Robien : Lorsqu’on a la vocation politique, on a le désir de servir son pays à n’importe quel poste. Mais, la seule trajectoire sur laquelle je me place pour l’instant est celle de la diffusion de la loi, en vue d’une meilleure compréhension. Chaque mois gagné, c’est plusieurs milliers de chômeurs en moins.