Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le marché de la conchyliculture et la prise en compte de l'aménagement du littoral pour le développement des bassins conchylicoles, Charron (Charente maritime) le 13 février 1998.

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Circonstance : Visite du bassin conchylicole de la baie de l'Aiguillon à Charron (Charente maritime) le 13 février 1998

Texte intégral

Notre littoral bénéficie de sites particulièrement aptes aux cultures marines. Depuis des siècles, l'élevage de coquillages constitue une richesse de la côte et notre pays est tout à fait bien placé dans ce domaine. En effet, c'est le 1er producteur d'huîtres en Europe et le 4e pour la moule - c'est une grande satisfaction pour le ministre de l'Agriculture et de la Pêche de s'exprimer dans cette région qui est le berceau de la mytiliculture en France. Je crois savoir en effet, que les premiers bouchots ont été installés au XIe siècle dans la baie de l'Aiguillon et que, au cours du dernier siècle, plusieurs familles de grands professionnels ont transmis leur savoir-faire dans les autres bassins conchylicoles.

Votre activité répond à une demande parce que les produits de la mer bénéficient d'une image adaptée aux modes actuels de la consommation, mais la production s'exerce dans un espace convoité, elle exige une qualité confirmée du milieu et doit affronter une distribution organisée. Ces éléments fragilisent votre activité mais vous avez des atouts pour répondre aux défis et l'État peut accompagner votre profession.

Alors que la production d'huîtres s'est développée en longue période, la demande a suivi. Pour ce qui concerne la production de moules, elle est loin de répondre aux demandes du marché. En effet, la production française de moules de pêche et d'élevage après avoir dépassé les 90 000 T en 1993 et 1994 se situe en 1995 et 1996 aux alentours de 75 000 T. La production de moules d'élevage reste stable avec une offre annuelle de 65 000 T. On estime le marché à la consommation à près de 150 000 T. Ainsi nous ne produisons que 60 % de notre consommation. Activité peu capitalistique dans son ensemble, la mytiliculture permet une forte valeur ajoutée favorable à l'emploi. Ces éléments concourent à favoriser le développement.

Votre métier s'exerce sur la frange littorale ou la compétition pour l'occupation est vive, qu'il s'agisse de l'urbanisation, de l'exercice des activités de loisirs ou de contraintes environnementales. L'espace disponible est de plus en plus limité. En outre, la productivité est soumise à la disponibilité de la nourriture dans le milieu naturel. Le bienfait d'une nourriture captée par les coquilles atteint de ce fait ses limites.

C'est pourquoi la réorganisation de l'espace de production dans les bassins est souvent une nécessité que l'aménagement du littoral doit prendre en compte. Toutefois, vous avez su adopter de nouvelles techniques permettant de conquérir de nouveaux espaces. Ainsi, la mise au point des filières a ouvert la culture en suspension en pleine mer.

Me situant au plan national je pense qu'il convient d'encourager la conquête de nouveaux sites de production où se pratiqueront tant les techniques traditionnelles que nouvelles. Les schémas de mise en valeur de la mer constituent à cet égard, un outil d'occupation raisonnée de l'espace de nature à favoriser les complémentarités et à éviter les incompatibilités entre les différents usagers du littoral. Force est de constater qu'après plusieurs années, un seul a vu le jour, celui de l'étang de Thau. Combien faudra-t-il encore d'années pour mettre en œuvre la régulation des intérêts enjeu par un dialogue constructif entre acteurs, élus, administrations ? Je ne saurai le prédire, c'est pourquoi, il me semble réaliste d'engager une analyse des sites disponibles, aptes à la production de claires marines sur l'ensemble du littoral. J'ai demandé à l’IFREMER, sur la base de son expérience et de ses travaux, d'établir une cartographie des sites propices aux cultures marines. À partir de quoi, j'engagerai un dialogue avec la profession et les ministères concernés par l'aménagement du littoral pour favoriser l'extension de vos activités sur des sites disponibles.

L'exercice de votre métier nécessite non seulement de l'espace mais aussi de disposer d'une eau de qualité ; eau marine mais eau douce dont les apports sont indispensables à la maîtrise de vos élevages. Les coquillages et tout particulièrement la moule captent leur nourriture par filtrage. Mais tout filtre ne peut être suffisamment sélectif et la moule constitue de ce fait un témoin de la qualité de l’eau. Vous avez donc besoin d'un milieu irréprochable.

Le milieu marin littoral est le réceptacle des nuisances qu'elles soient d'origine terrestre, pollutions urbaines, industrielles ou agricoles mais aussi qu'elles proviennent du large, notamment les pollutions accidentelles.

La reconquête de la qualité des eaux est une nécessité à laquelle je suis attaché. Pour ce qui concerne mon domaine, je considère que l'agriculture doit poursuivre et accroître ses efforts pour améliorer la qualité de ses rejets dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole. La loi d'orientation agricole en préparation prévoit la conclusion de contrats territoriaux d'exploitation. Un de leurs objets sera de mettre notamment l'accent sur le rôle des exploitants en faveur de la réhabilitation et la protection de la nature.

Dans les zones humides où je sais l'importance de la gestion de l'eau et des relargages dans les bassins conchylicoles, je considère comme essentiel de maintenir le dialogue entre les professionnels qui relèvent de mon ministère, pour que des solutions adaptées aux intérêts en jeu soient trouvées entre les partenaires.

Enfin, je voudrais dire que le suivi de la qualité des zones conchylicoles et plus généralement de la qualité du milieu marin constitue une mission de service public. Celle-ci est assurée par l’IFREMER sur l'ensemble du littoral, avec une compétence reconnue. Il convient de ne pas relâcher l'effort pour comprendre l'origine et les effets des pollutions et nuisances qui affectent la bande côtière. L'activité d'observation, d'étude, de diagnostic et de conseil est indispensable pour les pouvoirs publics. Elle nécessite une présence dans la durée pour avoir une valeur significative. Cette permanence relève pleinement des missions de l’IFREMER, organisme finalisé, à la création duquel je suis fier d'avoir contribué en son temps.

La reconquête de la qualité du milieu est un objectif à poursuivre mais il faut gérer la situation sanitaire du littoral telle qu'elle est aujourd'hui.

Des règles contraignantes encadrent votre activité pour assurer au consommateur la permanence d'un produit de qualité. La directive communautaire sur la mise en marché des coquillages filtreurs a conduit à classer les zones conchylicoles en catégories et à fixer des règles statutaires afférentes à ces zones. Le respect de ces obligations est de nature à sécuriser le consommateur sur la qualité des zones de production et par effet induit, de contribuer à une image positive de vos produits. L'objectif de qualité est aujourd'hui essentiel et la maîtrise de l'espace de production permet de faire des coquillages appréciés sur le marché.

Vos coquillages ont connu une stagnation des prix sur le marché notamment pour ce qui concerne les huîtres. L'absence d'organisation économique, particulièrement au niveau de la mise en marché, devenait critique pour votre profession. Face à un marché des produits de la mer de plus en plus assuré par les grandes et moyennes surfaces, vous ne pouvez plus présenter une offre dispersée. Dans les différents bassins, des organisations de producteurs se mettent en place. Je me félicite de leur création, j'ai eu l'occasion de le dire au bureau national de la conchyliculture. J'apprécie la naissance de la l'OP mytilicole des Pertuis présidée par M. Yannick Marionneau. Mes services ont engagé la procédure d'agrément avec la recommandation d'aller vite. L'un des rôles sera d'harmoniser les pratiques commerciales afin que la profession s'organise autour de disciplines communes permettant de tenir des prix planchers rémunérateurs. L'expérience du FIOM dans ce domaine nous sera utile et dans le cadre de l'OFIMER, un comité spécialisé de la conchyliculture et de l’aquaculture vous permettra de bénéficier de la logistique et du savoir-faire de l'organisme.

Pour répondre à une demande exigeante sur le plan de l'information car le consommateur recherche des produits différenciés, les marques nationales établies récemment par votre profession sont de nature à bien distinguer les moules de bouchot des moules de corde ou des moules de parc. La mise au point d'appellation d'origine contrôlée dont la première doit être officialisée prochainement l'A.O.C. « moules de bouchots de la baie du Mont Saint-Michel » a nécessité l'élaboration d'un cahier des charges très précis dont les résultats sur le marché se sont déjà concrétisés par une plus-value.

Je sais que pour votre part, vous avez entrepris une démarche collective dans la baie de l'Aiguillon pour valoriser les moules de bouchot des quatre syndicats mytilicoles de la baie, Charron, Esnandes, Marsillly et l'Aiguillon regroupés au sein de l'Association des Pertuis présidée par M. Bouteiller. Ces orientations sont bien adaptées aux évolutions du marché, elles sont ainsi de nature à soutenir la rentabilité de vos exploitations.

Je pense avoir répondu à certaines de vos préoccupations. Je suis convaincu qu'il existe des perspectives de développement de la conchyliculture. Vous pouvez compter sur ma détermination en faveur d'un essor de l'espace disponible impliquant une maîtrise de la qualité du milieu. Les efforts que vous consentez pour vous organiser, pour mieux agir sur le marché, témoignent de votre confiance en l'avenir que je partage avec vous.