Texte intégral
Q - Après « l'effet Michelin », le gouvernement prévoit de rendre obligatoire une négociation sur la réduction du temps de travail préalablement à la présentation de tout plan social. Approuvez-vous cette démarche ?
Le dossier Michelin est caractéristique d'un système un peu fou où la bonne gestion d'une entreprise suppose que l'on affiche des bénéfices et des suppressions de postes pour satisfaire les actionnaires et les marchés financiers. C'est le système de l'argent-roi. Il marque aussi une impuissance plus grande des pouvoirs publics dans les domaines économiques et industriels, impuissance liée au phénomène de libéralisation, de déréglementation, de privatisation. Dans ces conditions, la proposition de rendre obligatoire une négociation sur les 35 heures avant tout plan social donne à la réduction de la durée du travail un caractère défensif, non offensif. On se retrouve dans la logique de la loi Robien pourtant décriée, à l'époque, par l'actuelle majorité.
Il faut bien comprendre que ce qui est une aspiration traditionnelle et historique des salariés (travailler moins) devient aujourd'hui une affaire politicienne. Ce n'est pas sain et cela ne répond pas à ce qui doit être une tendance historique. S'il s'agit de travailler moins, en moyenne, tout en travaillant plus en intensité, de manière flexible et avec un salaire gelé, il est logique que les salariés se posent des questions.
Q - Que pensez-vous du second projet de loi sur les 35 heures ? Estimez-vous qu'il convient de le durcir ou, au contraire de l'assouplir ?
Ce projet de loi est d'une complexité extrême et renvoie par ailleurs à d'autres dossiers comme la protection sociale collective. Le projet gouvernemental veut laisser croire qu'il répond à une revendication alors qu'il intègre fortement le souci de compétitivité des entreprises. Au passage cela signifie que le patronat mène plus une bagarre politique qu'autre chose. Dans les faits, le projet répond à nombre de ses demandes, par exemple en temps de flexibilité, voire de report d'application. Pour FO, sur nombre de points (SMIC, heures supplémentaires, temps partiel, encadrement), ce projet n'apporte pas les garanties nécessaires aux salariés. Ce qui était une revendication syndicale tend à devenir un outil de gestion et de compétitivité. Mais le patronat porte aussi sa part de responsabilité puisqu'il a refusé, en 1995, de négocier interprofessionnellement sur cette question à notre demande. S'il y a une loi, c'est aussi parce que la nature a horreur du vide.
Ceci étant, le gouvernement, n'est pas obligé de vouloir tout traiter, qui plus est, en tenant compte des positions du patronat. La démocratie c'est aussi le respect de la liberté de négociation.
Q - Force ouvrière ne s'est pas jointe à la manifestation organisée, lundi, par la CGT pour peser sur le débat parlementaire. Cela revient-il à dire que l'unité syndicale n'est pas nécessaire sur ce dossier ?
Force Ouvrière ne s'est pas jointe à la manifestation de la CGT parce que nous ne partageons pas les mêmes analyses sur tous les points. Par exemple, nous sommes opposés à la volonté de soumettre les aides aux entreprises à un accord sur les 35 heures. Il n'est pas du rôle du syndicat de décider d'affecter ou non le produit. Par ailleurs, nous ne sommes pas d'accord pour qu'à l'occasion des 35 heures, on ouvre de manière insidieuse la boîte de Pandore du dossier de la représentativité syndicale.
Ce dossier est trop important, y compris en terme de démocratie, pour le traiter ainsi. Nous restons très attachés à la démocratie de délégation. L'unité d'action suppose que des objectifs communs soient partagés et que nous n'ayons pas de désaccords profonds. Ça n'est pas le cas sur les 35 heures. La loyauté conduit à dira clairement les choses et à ne pas faire de cinéma.
Sur d'autres points, comme la Sécurité sociale, nous avons avec la CGT plus de points communs. Nous avons d'ailleurs fait, la semaine dernière, une déclaration commune FO-CGT et deux syndicats de médecins en matière d'assurance maladie.
Q - FO a déploré « les effets pervers » d'un prélèvement sur les organismes de protection sociale prévu pour contribuer au financement des 35 heures. Quelles sont les raisons d'une telle réaction ?
A l'occasion des 35 heures, le gouvernement veut ponctionner la Sécurité sociale, l'assurance chômage et les retraites complémentaires pour financer les allègements de charges patronales qui représenteront, en année pleine, 110 milliards de francs. Cela signifie qu'il ne dégage pas le financement nécessaire dans le budget de l'Etat et qu'il cherche de l'argent ailleurs. Cela signifie aussi que ce sont les assurés sociaux, les salariés, les chômeurs et les retraités qui paieront encore plus les 35 heures. Cela signifie enfin qu'il porte atteinte à la gestion paritaire des régimes sociaux dans une logique proche de celle de l'ancien gouvernement vis-à-vis de la Sécurité sociale en 1995.
Cela montre que plus un gouvernement respecte les pratiques du capitalisme libéral, plus il a tendance à intervenir dans le social pour chercher des marges de manoeuvre. Autrement dit, il tend à compenser sa perte dit prérogative économique par du dirigisme social.
Ce n'est pas un hasard si, en ce moment, on commence à reparler des fonds de pension rebaptisés épargne salariale. Les salariés ne sont pas dupes et on ne les trompe pas avec des artifices de vocabulaire. Ce sont des actes qu'ils attendent.
Q - Le MEDEF a affiché son intention de ne pas renouveler les pré-retraites contre embauche ARPE (Allocation de remplacement pour l'emploi). Que vous inspire ce désengagement ?
Il est inacceptable. L'ARPE fonctionne à la satisfaction de ceux qui veulent partir et de ceux qui, se faisant, trouvent un travail normal, un CDI à temps complet. 162 000 personnes ont déjà bénéficié de l'ARPE, ce qui représente plus que les effets de réduction du temps de travail revendiquée par le ministère des affaires sociales. Nous nous battrons donc pour qu'elle soit prolongée. Nous lançons une pétition nationale et j'incite les salariés et les chômeurs à la signer massivement