Texte intégral
France 3 : Cette longue grève aurait-elle pu être écourtée si la tutelle avait donné, plus tôt, plus de moyens à la direction de France 3 ?
Catherine Trautmann : On n'achète pas le dialogue social, on le construit. Si la grève a été si longue c'est que France 3 est confrontée à une crise de développement. Les problèmes étaient nombreux et complexes. Il fallait les poser de la manière la plus exhaustive possible. C'est en discutant et négociant sur toutes les questions que pouvait être restaurée la confiance. Pour que la négociation avance, les moyens financiers ont été donnés et redéployés, tout en respectant l'enveloppe budgétaire.
France 3 : Mais l’accord résout-il la crise ?
Catherine Trautmann : Il a permis de lever les ambigüités ; c'est une base de départ pour poursuivre la discussion sur l'avenir de la chaîne. D'ores et déjà l'identité régionale de France 3 en sort renforcée. Au cours des prochains mois seront finalisés les objectifs de développement technique, de production et les objectifs sociaux. Quant au plan stratégique, il doit avoir trois objectifs : clarifier le devenir de France 3, introduire plus de transparence et permettre une évaluation des résultats.
Trois conditions nécessaires pour introduire plus d'autonomie.
France 3 : En pleine négociation, vous auriez mis en cause « la qualité des dirigeants de la chaîne au niveau national et régional ». Une phrase mal ressentie, même par certains personnels de France 3.
Catherine Trautmann : Le tract syndical auquel vous faites allusion me prête des appréciations qui ne sont pas les miennes. J'ai constamment rappelé, devant les parlementaires notamment, que j'apportais mon soutien et ma confiance au président de France Télévision pour finaliser cette négociation. Pour ce qui concerne France 3 Alsace, chacun sait que j'apprécie le travail de ses équipes et de sa direction.
France 3 : Certains, qui vous ont accusée « d'attiser les braises », ont été surpris par le rôle de la tutelle dans cette crise...
Catherine Trautmann : Si j'ai changé l'attitude de la tutelle, c'est pour jouer le rôle que doit jouer un ministre, c'est-à-dire être en contact permanent avec les deux parties, rappeler les responsabilités de chacun, valoriser la négociation et la qualité du dialogue social. Mais toujours en se tenant à distance. Jamais le ministère n'est intervenu pour imposer une solution. Ç'eut d'ailleurs été irréaliste puisque la caractéristique de ce conflit tenait à sa complexité et que, pour le résoudre, on ne pouvait plaquer de l'extérieur des solutions toutes faites. L'accord s'applique à France 3. Il est le fruit du compromis entre les négociateurs. Le rôle de la tutelle est de défendre le service public, de s'assurer que la chaine remplit les missions qui lui sont assignées en contrepartie des engagements de l'État.
France 3 : Reste que pour ne pas indisposer les syndicats, mais en contradiction avec la loi qui impose « la continuité du service public » et de l'article 6 de son cahier des charges, la chaîne n'a diffusé que la mire durant la grève. Les « conseils » de la tutelle auraient-ils « inspiré » cette décision qui a surpris jusqu'au CSA ?
Catherine Trautmann : La direction de la chaîne a pris cette décision. Il est vrai que la solution de la mire n’est satisfaisante pour personne. Mais dans certains cas, notamment pour éviter la rupture, ce peut être une mesure d'apaisement. Dans le cas présent, je crois que ce choix a contribué à restaurer la confiance.
France 3 : Début janvier, vous présentez en conseil des ministres les modifications concernant l'audiovisuel qui seront discutées au printemps. Quelle place assignerez-vous à France 3 ?
Catherine Trautmann : Par sa vocation régionale, France 3 est un élément moteur du service public, elle le restera. Plus globalement, la loi redéfinira la notion de service public des chaînes. Déjà, nous avons stoppé la montée en flèche des recettes publicitaires. Nous allons amorcer l'impératif rééquilibrage entre les ressources publiques et les recettes publicitaires.
France 3 : Ce qui induit une augmentation continue de la redevance ?
Catherine Trautmann : Il faut d'abord se demander pourquoi la redevance ne rend pas le maximum de ce qu'on en attend. Il faudra ensuite s'interroger sur sa collecte, ses exonérations, sur la nécessaire modernisation du système de financement public. Lorsqu'on sait que, demain, chacun pourra recevoir les chaînes sur son ordinateur, on voit que le champ de réflexion est vaste.