Texte intégral
Introduction
Intégration !
Ce mot fait couler beaucoup d'encre, suscite nombre de polémiques, fait l'objet de bien des questions.
Est-elle « en panne » ou connaît-t-elle seulement des ratés ?
Signifie-t-elle assimilation, insertion, est-elle individuelle, communautaire ?
C'est dans le sens « d'accès à la citoyenneté » que les propositions décrites ici doivent être comprises.
S'il est vrai que la population immigrée, notamment la jeunesse qui en est issue, est majoritairement « intégrée », il n'en demeure pas moins qu'elle l'est le plus souvent dans des espaces d'exclusion et que dans les domaines économique, social ou politique il reste beaucoup à faire.
Trop souvent en cette matière les termes utilisés pour décrire des personnes ou des situations très différentes les unes des autres sont employés sans discernement, l'amalgame ainsi pratiqué contribue à la méconnaissance de la réalité : flux migratoires, clandestins, « sans-papiers », immigrés, population d'origine étrangère, jeunes issus de l'immigration... ne font pas qu'un.
Si pour les uns il s'agit de définir une « politique d'immigration », pour les autres c'est de mesures concrètes visant à l'intégration, à l'accès à la citoyenneté, à l'égalité des chances et des droits... qu'il est besoin.
Jeunesse – banlieues – citoyenneté
Jeunesse « En quartiers »
Cité des « Cévennes » à Alès, quartier « Monclar » à Avignon, « Les Bosquets » à Montfermeil ou encore « La Goutte d'Or » à Paris 18e... pour toute une partie de la population, ces noms de quartiers n'ont guère de signification, pour toute une jeunesse par contre, ils représentent le territoire identitaire par excellence. Ni Français, ni Marocains, ni Sénégalais « ils et elles sont de leur quartier » comme on est de Bretagne ou du Morvan, ces jeunes aujourd'hui assument et revendiquent cette identité. Comment donc rebondir pour que celle-ci débouche sur la citoyenneté ? Passer de l'identité (de quartier) à la citoyenneté.
La France, en 1996, compte environ 1 million de Beurs, dont 90 % vit dans les banlieues. Jusqu'à quand leur donnera-t-on un numéro de génération, jusqu'à quand les dira-t-on « issus de l'immigration » eux qui se reconnaissent sous le vocable de « jeunes des quartiers » plus représentatif de leur communauté de vie et de destin, tout comme ils rejettent le terme « d'intégration » vide de sens, pour eux, aujourd'hui, lui préférant celui de citoyenneté.
Relégation, échec, racisme, ghettoïsation... tout a été diagnostiqué, analysé, banlieuescopisé. Perte de repères, chômage, économie souterraine... tout est dit.
Quel espoir ?
Il est temps de parler de respect, de dignité, mais comment, quand on sait qu'à 20 ans un jeune n'a pour objectif le matin au réveil que « de tuer le temps », quand le faciès, le nom, l'adresse constituent des obstacles insurmontables dans la quête d'un emploi.
Quel est le sociologue, quel est l'élu, quel est le journaliste qui ne s'est penché sur le « modèle d'intégration à la française » ne s'est épanché sur les parents démissionnaires !
Au pays de l'égalité des Droits, des parents qui ont longtemps caressé l'espoir d'être transparents sinon invisibles, pour le reste de la société, constatent avec angoisse que leurs enfants – enfants des médias, de la parabole, du satellite – font la « Une » des journaux ; des thèses, des frontons de cinéma, mais qu'en matière d'égalité, à commencer par celle des chances, le petit Rachid né le 14 juillet 1996 à 10h 15 à l'Hôpital Lariboisière ne « vaudra » pas le petit Sylvain né le 14 juillet 1996 à 10h 15, dans le lit d'à côté !
Et que sa vie durant, il lui faudra donner sans cesse des gages d'intégration, des preuves d'amour pour la France, des signes d'adhésion aux valeurs de la République.
Les générations à venir
Attentif – comme bien d'autres, héritiers d'une tradition orale – aux signes, aux paroles, aux symboles, je garde en mémoire la victoire de Djamel Bourras aux JO d'Atlanta et ses propos lorsqu'il a dédié sa victoire « à son pays, la France, et aux musulmans », qu'a-t-il fait de différent du jeune footballeur ou du boxeur qui avant de se lancer fait le signe de croix ! ?
Dira-t-on assez la valeur d'un geste dans une Cité, le sens de la parole donnée, le contenu des mots amitié, solidarité, convivialité dans les quartiers. Peut-on se résoudre à voir l'alcoolisme, la désespérance ou la xénophobie enlever des jeunes à la vie ; la « décennie » du mouvement Beur est ainsi constellée de visages juvéniles, enfantins qui ont fait des « larmes de leur mère de véritables légendes » : le petit Taoufik, 9 ans, tué à La Courneuve, Habib Grimzi jamais revenu d'un « Train d'Enfer » ou Wahid Hachichi assassiné à Lyon parce qu'il admirait de trop près une belle voiture. Dix ans, treize ans plus tard, des gosses tuent des gosses à coups de couteau, des adolescents mutilent d'autres adolescents à coups de cutter.
Nordine Zenati est un « grand frère ». Un maousse-costaud du judo, dans les quartiers de Seine-Saint-Denis il assure, il rassure... disait lors d'une réunion : « si on ne donne pas de pâte à modeler à un enfant, il ira arracher le mastic des fenêtres ».
Hélas Nordine ! les fenêtres n'ont plus de mastic depuis longtemps, raison de plus pour que les hommes politiques « s'arrachent les tripes » pour aider la jeunesse des quartiers à se reconnaître dans un projet commun de société, à se concevoir autrement qu'en spectateurs, en consommateurs d'un semblant de vie, consumée par trop d'impuissance et de rage.
Donner des racines à un enfant – pour savoir d'où il vient – et des ailes pour voler, tel est le devoir de tout parent, de tout éducateur...
Les hommes politiques ont librement choisi d'exercer les responsabilités qui sont les leurs, les jeunes des quartiers quelle que soit leur origine, eux qui partagent liens fraternels et vie commune, ont droit – eux aussi – au choix : la mémoire, la connaissance, la possibilité de se projeter en avant, en sont les outils indispensables.
Ils sont en droit d'attendre ce minimum de la société ; mais comment dire patience à un jeune de 12 ans, de 15 ans, de 20 ans quand il sait, lui, qu'à avoir trop patienté, nombre de ses aînés sont passés à côté de l'existence.
Ces jeunes sont sans illusions, ils n'ont plus confiance dans les adultes, ce document s'adresse donc aux militantes et aux militants socialistes – à tout niveau de responsabilité – pour leur dire qu'il y a urgence. Urgence à combattre la désespérance par des mesures concrètes et porteuses d'avenir, urgence à pratiquer l'intégration, à permettre l'accès à la citoyenneté : dans la société, dans nos rangs ! Urgence à recréer des mythes fondateurs, même si cela ne se décrète pas ! Urgence à ne plus voir en ces jeunes des – pompiers des Cités – (armés plus souvent d'arrosoirs que de lances d'incendie) mais à les reconnaître pour leurs compétences, leurs talents et à prendre en compte leurs propositions.
Ni paternalisme, ni gadgétisation, ni angélisme… Mais reconnaissance ! Le parti socialiste a un rôle moteur à jouer : localement, par ses élus, ses cadres, ses militants, nationalement pour impulser, proposer, innover.
Même s'il est clair que l'intégration aujourd'hui en France ne peut s'adresser aux seuls citoyens étrangers ou d'origine étrangère, aux seuls jeunes qui en sont issus mais bien au-delà à tous ceux qui sont rejetés aux marges de la société, à tous ceux que l'exclusion « désintègre », force est de reconnaître que c'est de remèdes appropriés et pour certains, spécifiques, qu'à besoin cette partie de la population de France, et non de placebo, pour participer à un projet de société collectif et novateur à même de dépasser les repli et les peurs.
I. L'emploi
L'emploi permettant d'avoir des ressources suffisantes, le logement, l'accès aux soins, le droit à l'éducation et à la citoyenneté sont les premières propositions à faire pour ces jeunes, comme pour tous les jeunes.
Propositions :
- Pour lutter contre la discrimination à l'embauche, instituer un système de recrutement par numérotation, garantissant l'anonymat de l'état-civil, c'est-à-dire permettant d'arriver jusqu'à l'entretien de recrutement, avec pour référence, par exemple, un numéro de dossier donné par l'ANPE. Il est vrai que les ANPE ne gèrent qu'à peu près 25 % des offres d'emploi, mais en instaurant une telle méthode, elles feraient oeuvre utile, dans le portefeuille d'annonces qui est le leur et, au-delà, en terme de jurisprudence.
- Dans une formation de travailleurs sociaux, l'expérience de jeunes animateurs bénévoles (associations, quartiers...) doit être reconnue.
- Les municipalités ont un rôle moteur à jouer en étant des employeurs conséquents de ces jeunes.
Actions positives :
- Aide de 50 000 F versée par l'État pour l'embauche en CDI d'un jeune habitant un « quartier en difficulté ».
- Rendre obligatoire pour les entreprises, l'admission de stagiaires, au prorata du nombre de salariés.
- Les entreprises participant à la réhabilitation des quartiers doivent prendre des jeunes y habitant :
- en formation ;
- en CDD ;
- en CDI.
Ceci doit être une condition pour la participation aux appels d'offres, en effet tous les corps de métiers sont présents dans la réhabilitation :
- plomberie ;
- serrurerie ;
- maçonnerie ;
- électricité ;
- voirie.
D'autres mesures incitant à l'embauche de ces jeunes peuvent être proposées :
- création d'un contrat entre l'État et les grandes surfaces de quartier (ED, Auchan, Carrefour...) où l'État promet une baisse des charges sociales pour l'emploi de jeunes issus des quartiers environnants ;
- charges sociales « 0 » pour tous jeunes des cités, employés par des entreprises pour la période estivale.
II. L'école – l'éducation
« Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance ». Abraham Lincoln
L'école doit redevenir un outil d'ascension et d'intégration sociale, pour cela :
- réduire les effectifs, notamment dans les ZEP ;
- favoriser les fonctionnaires de ces quartiers : primes – un an de cotisation = un an et demi de cotisation retraite ; comme cela avait été amorcé avec la gauche en matière de primes et d'avantages de carrière ;
- inclure dans les programmes et la formation des enseignants :
- l'étude des civilisations ;
- la mise en perspective des apports de l'immigration dans la constitution de la France ;
- lutter contre l'échec scolaire grâce à un système de tutorat : jeunes ayant réussi venant en aide à des jeunes en difficulté, dans le cadre d'un partenariat avec le mouvement associatif ;
- réorienter l'action du mouvement de Jeunesse et d'Éducation populaire dans le sens « Jeunesse des quartiers » :
- accompagnement scolaire ;
- activités périscolaires ;
- réactualisation de « l'offre vacances » ;
- aide au développement associatif ;
- actions citoyennes ;
- développer l'enseignement de l'instruction civique et des Droits de l'homme ;
- faire connaître de façon explicite l'action des musulmans et des ressortissants Africains dans les guerres où la France était engagée ;
- instaurer un lien concret entre l'école et le mouvement associatif et permettre l'utilisation des locaux scolaires en dehors des heures de cours.
III. Le logement
- Il est indispensable de favoriser la mobilité, par exemple grâce à l'aide à la construction.
- Dans le cadre d'une « reconstitution des banlieues » (programme Jospin), il faut réussir une réelle mixité sociale, culturelle… en ayant recours au système des « quatre quart » sur un programme de logement :
- ¼ HLM ;
- ¼ accession à la propriété (location achat) les 4/4 ;
- ¼ achat ;
- ¼ activités (commerce…).
On compte actuellement dans les quartiers en difficultés 55,3 % de locataires HLM et 64,9 % de logements construit entre 1949 et 1974.
Au-delà de la nécessité de « réparer » les erreurs faites en terme d'urbanisme, il est tout aussi important de rechercher une réelle transparence dans les mécanismes d'attribution et de combattre la vacance des logements.
- prime à la remise en location ;
- réquisition ou sanctions pour les parcs HLM.
Mais le droit au logement, passe avant tout par un effort en terme de construction.
IV. La citoyenneté
Restaurer la démocratie
Le mal des quartiers réside aussi dans le sentiment de non-reconnaissance qu'ont les habitants. Y restaurer pleinement la démocratie passe par un plus grand soutien aux associations, et par un recentrage de l'action de l'État sur ses responsabilités, en redéfinissant les termes d'un partenariat nécessaire.
Et aussi... :
Il faut aller beaucoup plus loin aujourd'hui en matière de prévention de la délinquance (ex. : redéfinition et redynamisation des conseils communaux de prévention) et de justice de proximité (multiplication des procédures de médiation/réparation).
Il faut faire respecter dans ces quartiers les règles afin de donner des repères à ces jeunes qui les trouvent plus souvent dans les réseaux de la délinquance que dans les lois de la République.
Dans tous les cas, l'action des pouvoirs publics doit se traduire par une multiplication conséquente du nombre d'acteurs sociaux sur le terrain, en les dotant de moyens d'agir suffisants.
Si l'on veut éviter, freiner la déstabilisation sociale, le repli communautaire et le développement des intégrismes, il convient :
1°) de renforcer les instruments traditionnels de l'intégration que sont l'école, les partis, les entreprises, les syndicats et les associations qui permettent de lutter quotidiennement contre toutes les formes de discriminations et de ségrégations.
2°) de réinventer une politique de la ville avec des moyens budgétaires à la hauteur des enjeux et qui prenne pleinement en compte cette dimension de l'intégration.
3°) l'un des principaux objectifs des politiques publiques en direction des quartiers et banlieues populaires est d'y développer et d'y renforcer l'action et la présence des services publics.
Il faut rationaliser l'action publique non pas en réfléchissant aux coupes sombres que certains voudraient opérer, mais en s'interrogeant sur une meilleure utilisation de l'existant afin d'en tirer de meilleurs résultats et agir.
Aujourd'hui, dans les quartiers, les valeurs d'égalité, de justice et d'antiracisme sont battues en brèche.
Parce que personne n'a réussi jusqu'à présent à faire face aux difficultés, les thèses du Front national, là aussi, gagnent du terrain.
C'est pourquoi, au-delà de la nécessité de repenser l'action publique dans ces quartiers, de tirer toutes les leçons des évaluations faites dans ce domaine et de réaffirmer le caractère prioritaire de l'intégration urbaine en terme budgétaire ; il est de notre devoir, à nous, d'assurer une véritable présence militante de la gauche dans les cités :
- par la présence de ses militants dans le réseau associatif ;
- par la mise en place de permanences d'élus ;
- par l'organisation régulière de « rencontres citoyennes » ;
- par la tenue de « réunions de sections » décentralisées et ouvertes dans des locaux au coeur de ces quartiers.
Si nous pouvons donner des perspectives de promotion sociale, nous serons à même de faire respecter, par ces jeunes, le minimum d'interdits inhérent à toute vie en société.
La vie associative
Au-delà des discours, c'est de moyens concrets qu'on besoin les associations de quartiers, nous proposons dans ce but que soient attribués à ces associations d'accompagnement scolaire, de lutte contre la toxicomanie, contre la délinquance, agissant sur le plan social, culturel… au plus près de la population et de la jeunesse des quartiers en difficultés, les moyens indispensables à leur action.
C'est pourquoi le FAS doit être le partenaire efficace, ce qu'il n'est plus aujourd'hui.
Pour le redevenir, il lui faut :
- éviter le clientélisme ;
- réformer le système de nomination à sa tête en ayant, par exemple, recours au système des collèges d'électeurs comme pour le conseil Nationale de la vie associative (CNVA) ;
- raccourcir au maximum le délai de de versement des subventions ;
- instituer de réelles mesures de l'efficacité des actions ;
- simplifier les démarches et procédures.
Réactualiser ses priorités :
- éducation au civisme ;
- action citoyennes ;
- accompagnement scolaire ;
- lutte contre le racisme ;
- amélioration du cadre de vie, de l'environnement ;
… etc.
Exemples d'actions possibles :
Au niveau local, les mairies pourraient subventionner les cotisations de licences sportives des jeunes issus de milieu modeste. En effet, un jeune qui, aujourd'hui, désire pratiquer le football dans un club doit au moins payer 250 F. pour obtenir une licence, sans compter les fournitures nécessaires à la pratique de ce sport.
La SNCF, la RATP qui ont à faire face à un certain nombre de pratiques frauduleuses, pourraient pour ce qui concerne les jeunes, adopter des méthodes (telles que des billets à tarif fortement réduits) leur permettant de sortir de leurs cités, y compris après 21 heures. Leur donnant la possibilité d'effectuer des démarches de recherche d'un emploi... qui sont des priorités :
1) en instituant un système de partenariat avec les associations, localement – par exemple réduction pour les jeunes adhérents de clubs sportifs, militants associatifs...
2) en créant des tarifs « spécial concert » lors de manifestations musicales attirant la jeunesse.
3) en affichant sur des panneaux apposés dans les rames – spécialement celles en relation avec les quartiers de banlieues – des petites annonces emploi ou offres de stages... etc.
Les médias
Il est indispensable de « responsabiliser » les médias, en les incitant à montrer des cas de réussite individuelle ou collective :
- en favorisant la création de « séries ado » et de dessins animés qui seraient porteurs des valeurs de tolérance, de solidarité, de fraternité et banaliserait la présence des jeunes issus de l'immigration dans la vie sociale,
- en favorisant la formation de ces jeunes à des métiers de l'audiovisuel.
La violence
Plutôt que de « déplacer les familles, ou les jeunes à problèmes », il serait possible d'instaurer un « système de tutorat » pour les jeunes délinquants. Il s'agirait en fait d'une « brigade de tuteurs » formés spécialement, rémunérés, issus des quartiers.
Agissant en liaison avec les familles, ces « tuteurs » ne devrait gérer qu'un très petit nombre de jeunes (deux ou trois chacun), afin de pouvoir effectuer un travail efficace.
L'accès aux droits
Le retour « au droit du sol » étant acquis, la simplification de l'acquisition de la nationalité française, le raccourcissement des délais (les ramener à une année maximum à compter de la date de dépôt du dossier), la motivation des refus, la définition des « réserves » liées à l'ordre public, sont, pour nous, essentiels.
Certaines prestation sociales telles que l'allocation pour adulte handicapé , le minimum vieillesse… ne peuvent continuer à être refusées aux étrangers en situation régulière ; tout comme il est nécessaire de revoir la liste des interdictions faites aux ressortissants hors CEE d'exercer certaines activités :
- débit de tabac ;
- métiers dans l'assurance ;
- gérants de société de gardiennage ;
- débit de boissons alcoolisées…
- Le principe de la « double peine » qui continue de frapper certains jeunes étrangers doit être supprimé.
- Le mariage avec un(e) étranger(e) ne doit plus être un « parcours du combattant ».
- Le droit de vivre en famille doit être garanti (article 8 de la Convention européenne des Droits de l'homme).
S'il est vrai que la polygamie ne doit et ne peut être prise en compte, il convient de revoir certaines restrictions apportées au droit de vivre en famille :
- conditions de ressources (à l'heure actuelle allocations non prises en compte) ;
- conditions de logement…
La question du droit de vote
Le droit de vote accordé aux étrangers revient comme un leitmotiv, notre Convention sur la démocratie l'a confirmé comme une volonté du Parti socialiste, il est vrai que certains maires montreront d'autant plus d'intérêt à certains quartiers qu'ils sauront que des électeurs (et non plus des spectateurs) y vivent ; il devrait – si notre retour au pouvoir le permet – ne pas être décidé comme un choix déconnecté de tout contexte mais au contraire lié à un ensemble de mesures visant à une meilleure citoyenneté ensemble à un développement du sens civique comme, par exemple, la délivrance automatique d'une carte d'électeur à tout jeune atteignant 18 ans.
L'Islam
Une population forte de quelques 4 millions de musulmans (ou de culture musulmane) vit aujourd'hui en France. Nombre d'entre eux sont français (environ 1,5 million).
La plupart des jeunes musulmans vivant dans l'hexagone ont vis-à-vis de la religion la même attitude que les jeunes français de souche. 75 % du million de jeunes « Beurs » nés ou ayant grandi en France se déclarent plus proche du style de vie et de la culture des Français que de ceux de leurs parents.
L'immense majorité d'entre eux adhère aux valeurs de la République, ce qui n'empêche nullement les fidélités culturelles et cultuelles.
Les amalgames, mais aussi les menées de certains groupe ou individus, sans négliger la diabolisation pratiquée par les tenants des discours de haine, font qu'actuellement l'Islam véhicule fantasme, peurs et images négatives.
Même s'il s'agit d'un lieu commun, il faut le redire l'islamisme n'est pas l'islam.
C'est en confinant cette religion « dans les caves » que l'on favorise les déviances :
- frustration ;
- exclusion ;
- sous-citoyenneté.
C'est le principe même de la laïcité qui garantit – à tout citoyen – le libre exercice du culte de son choix, or, tant que la République n'aura pas intégré l'Islam comme composante à part entière, les musulmans demeureront des étrangers.
Si pratiquer une religion fait partie de tout un chacun, il n'empêche qu'à ce stade le Parti socialiste doit aider au travail d'explication.
C'est pourquoi, il nous faut – aux côté des musulmans –, réfléchir à trois grands axes :
1°) Instituions représentatives et indépendantes des musulmans de France.
2°) Gestion et financement des lieux de cultes.
3°) Formation des imams.
Pour cela
La question d'une institution nationale représentative des musulmans de France se pose depuis de nombreuses années, l'expérience du CORIF menée sous l'impulsion de Pierre Joxe reste çà ce jour la seule initiative convaincante.
C'est dans cet esprit, qu'il faut « aider » les musulmans à oeuvrer ; une telle organisation ne pouvant émaner que de leur volonté de leur propre.
Il faut permettre à la religion musulmane de s'exerce dans des lieux de culte dignes de ce nom et non pas dans des endroits « sauvages » et insalubres. Il est possible d'y contribuer localement par la mise à disposition de terrains (par bail emphythéotique), la garantie d'emprunts, la location de locaux.
On considère que 500 000 tonnes de viandes hallal sont vendues chaque année ; 1 Franc par kilogramme est perçu sur cette viande sacrifié rituellement (certification). Les bénéfices de l'ordre de 500 millions de francs tirés ainsi de ce commerce attribués à l'édification et au fonctionnement des lieux de culte, permettraient de résoudre la question du financement. Une Fondation pourrait être chargée de cette gestion.
Dans le même esprit, il faut favoriser la création de carrés musulmans, suffisamment vastes, dans les cimetières français.
Favoriser l'intégration de l'Islam dans le paysage cultuel français, c'est aussi se donner les moyens d'avoir des interlocuteurs reconnus, notamment en favorisant l'émergence d'imams issus de la population musulmane de l'hexagone.
Pour y aider, la mise en place d'un enseignement supérieur, ou la création d'un Institut universitaire des sciences de l'Islam dans le cadre de l'université de Strasbourg, peuvent être proposés.
D'ores et déjà un certain nombre de « savants en Islam » et de dirigeants des grandes organisations telles que la FNMF et l'UOIF peuvent être consultés. Nous proposons à cet effet que le Parti socialiste se dote d'une « structure » chargée d'y réfléchir : un groupe de travail composé de responsables du Parti compétents en la matière, d'élus, de sociologues et islamologues reconnus, de personnalités issues de la population musulmane de France, et travaillant sur une réflexion et des propositions émanant de leur expérience et d'auditions.
Enfin, afin de faire oeuvre pédagogique, une connaissance des différentes grandes cultures pourrait être dispensées à l'école à tous les élèves, grâce à un enseignement de l'Histoire des civilisations.
L'intégration par la politique - Le rôle du parti socialiste
* Intégration par la politique
Par l'action associative, culturelle, sociale, au sein des entreprises, à travers l'engagement syndical, la jeunesse issue de l'immigration s'est « frottée » à l'engagement militant. Enfants de parents souvent formés à « l'école du Parti unique », réticents à voir leurs filles et leurs fils se mêler à la vie politique d'un pays « qui n'est pas le leur » mais en même temps enfants de pères engagés dans les luttes (Talbot ; Sonacotra, mines) en France ou dans le pays d'origine (ex. : la guerre d'Algérie), les jeunes issus de l'immigration, souvent, « diabolisant » la politique (mais est-ce une spécificité propre à eux… ?)
Le canal politique représente cependant une voie essentielle voire indispensable à l'intégration. Nombreux sont ceux qui montrent de réelles capacités et souhaitent mettre leurs connaissances et leur expérience au service du politique, or ce monde (contrairement à celui du spectacle ou des faits divers) n'est pas « habitué » à voir surgir en son sein des patronymes à consonance arabo-berbère.
La question posée est certes de savoir quel espace politique ces jeunes sont disposés à prendre, mais aussi, quel espace les partis sont-ils prêts à leur offrir ?
La tentation existe chez certains d'entre eux de se fédérer au niveau local ou national en groupes de pression à base communautaire, ce serait une erreur !
Il est temps de remédier à l'exclusion de fait des jeunes français issus de l'immigration du champ politique.
* Rôle du Parti socialiste
Le Parti socialiste a un rôle moteur à jouer au sein de la société française et en son sein propre.
La première étape est le nécessaire dialogue qu'il faut (re)nouer avec la jeunesse des quartiers : comme susciter « l'envie », la volonté d'adhérer à notre Parti si nous ne savons nous montrer réceptifs et disponibles pour être le vecteur du combat, des valeurs défendues par cette jeunesse.
Cela passe par une modification des pratiques de certains de nos élus et responsables locaux et fédéraux, mais aussi de nos militants.
Il faut cesser de vivre nos sections comme des « forteresses assiégées » et réfléchir à ces formes de participation plus ouvertes, plus modernes, à notre vie militante, à nos débats.
- Il est nécessaire d'améliorer et d'accélérer les formes d'adhésion.
- L'hebdomadaire du Parti doit être un média permettant de mettre en valeur le travail des jeunes issus de l'immigration au sein de nos instances locales, ou au travers du mouvement associatif. Le secteur Formation de notre Parti sera consulté à cet effet.
- La question de la formation doit être abordée, de façon à ce que ces jeunes puissent intervenir lors de séances « destinées à former les militants, sur les questions liées à la banlieue, par exemple.
- Le Parti socialiste doit se confirmer comme le premier parti auprès des jeunes issus de l'immigration qui souhaitent s'investir en politique en leur donnant la possibilité d'accéder à des fonctions de responsabilité dans les sections, les fédérations, les commissions nationales, en leur ouvrant plus largement l'accès aux instances : conseil national, CEF, participation aux conventions… etc.
- Se pose également la question de la place faite à ces jeunes lors d'élections locales ou nationales.
Les prochaines régionales, cantonales ou municipales doivent clairement montrer notre volonté. Les secteurs Élections et Fédérations doivent, pour cela, inclure cette préoccupation dans leur réflexion actuelle et mener une stratégie commune avec les Premiers Fédéraux.
- Les instances fédérales devraient pouvoir créer une fonction de délégué fédéral en charge des questions liées à la politique de la ville, à l'intégration, à la citoyenneté et confier ce rôle à l'un de ces jeunes lorsqu'il celui-ci en manifeste la volonté et la compétence.
Conclusion :
La jeunesse des quartiers, la jeunesse de l'immigration sont en attente.
En attente de propositions, en attente d'espoir, en attente d'avenir…
Ce document veut contribuer à y répondre. Les propositions contenues dans ce rapport doivent alimenter la réflexion, l'action des socialistes en la matière.
Ces « propositions pour intégration citoyenne » constituent un document pour l'équipe nationale et, au premier chef, Lionel Jospin, mais aussi pour les élus, les cadres, les militants. Elles représentent une base de travail fidèle aux contributions des membres de la Commission, aux acteurs de terrains rencontrés tout au long de mes déplacements, aux jeunes des cités visitées, et aux valeurs que nous défendons.
L'intégration, l'accès à la citoyenneté de ces jeunes représentent un défi majeur, à nous socialistes, d'être à la hauteur de l'enjeu.
Ce rapport doit permettre le débat, le dialogue avec les jeunes, avec les responsables associatifs, avec les différents acteurs des quartiers localement et nationalement :
- par l'organisation de réunions, de rencontres dans les sections, les Fédérations ;
- par la confrontation de ces propositions avec les idées portées par nos partenaires ;
- par leur popularisation dans nos publications ;
- par leur application dans les lieux où nous en avons d'ores et déjà, la possibilité, etc.