Texte intégral
RTL - Mardi 22 avril 1997
RTL : Pris de court par l’annonce des élections anticipées, vous accusez le pouvoir d’un coup de force, pourtant tous les partis politiques se sont déclarés prêts pour cette campagne sauf vous. Même les Français, dans les sondages, se déclarent satisfaits de ces élections anticipées.
P. de Villiers : Ça, ça peut vouloir dire qu’ils veulent dissoudre Juppé. Vous savez, les sondages peuvent se lire de différentes manières. S’ils sont pour la dissolution, ça ne veut pas forcément dire qu’ils sont pour le Gouvernement en place. Ensuite, j’ai dit c’est vrai – parce que moi je dis la vérité – que je n’étais pas prêt. Mais on sera prêt, c’est-à-dire qu’on aura plus de 500 candidat pour les élections législatives. Une dissolution comme ça, soudaine, qui a d’ailleurs été annoncée à M. Jospin et à M. Hue par le Président de la République, il y a plus de six mois, alors que les autres responsables politiques n’ont pas été avertis, a pour but de prendre de court ceux qui ne peuvent pas résoudre dans l’immédiat des problèmes matériels comme les problèmes d’imprimerie, etc. Mais on fait face, on y arrive, et je crois que ce ne sera pas suffisant pour empêcher des candidatures qui auront lieu. Nous aurons plus de 500 candidats.
RTL : En quoi cette décision de J. Chirac est un coup de force comme vous l’avez dit ?
P. de Villiers : Je crois qu’il y a les raisons officielles et les raisons cachées de cette dissolution. Je crois que l’honnêteté en politique, ça consiste d’abord à dire la vérité, or, les raisons qui ont été données ne sont pas exhaustives ; la véritable raison de cette dissolution, c’est que nos gouvernants n’ont pas voulu qu’il y ait un débat sur la monnaie unique, sur l’euro.
RTL : Ce sera certainement l’un des thèmes central de la campagne !
P. de Villiers : Bien sûr, et ça c’est un paradoxe. Par un effet boomerang, ce sera un des thèmes de la campagne. Ils n’ont pas voulu non plus nous dire ce qui va se passer, à savoir que l’on va vers plus d’austérité puisque l’euro – selon une formule faite par M. Tietmeyer – « c’est la rigueur à perpétuité. » D’ailleurs, dans le discours aujourd’hui d’A. Juppé, je constate qu’il est en contradiction, dans la même journée, avec ses propres services. C’est d’ailleurs assez extraordinaire. Dans la même dépêche AFP, on lit la chose suivante : « A. Juppé a estimé mardi, que la rigueur est derrière nous. » Le matin même, les lettres de cadrage budgétaire disent : « La rigueur restera de mise en 1998. » Donc, l’honnêteté en politique, ça consiste d’abord à dire la vérité au sujet de la rigueur – pour prendre cet exemple – sur les raisons qui ont conduit à la dissolution, tout simplement parce que ça veut dire que ce sera pire demain par rapport à aujourd’hui. L’honnêteté, ça consiste à tenir ses promesses. Comment croire quelqu’un aujourd’hui, qui promet pour demain ce qu’il n’a pas tenu hier ?
RTL : Ce qui veut dire qu’A. Juppé sera votre cible, comme L. Jospin ?
P. de Villiers : Moi, j’ai un adversaire, c’est le socialisme avec tout ce qu’il a amené en France depuis les 14 années de mitterrandisme – c’est-à-dire la corruption, Maastricht, la monnaie unique –, une voie dans laquelle nous nous enfonçons et qui nous éloigne de toutes nos valeurs et d’une vraie politique de relance de l’emploi. Ce que je reproche à A. Juppé – c’est un reproche de principe, ce n’est pas un ·reproche ad hominem – c’est de ne pas avoir rompu avec le socialisme, c’est de ne pas avoir débarrassé la France du socialisme, du chômage, de Maastricht, de la corruption.
RTL : Ce qu’il a dit cet après-midi ne vous a pas convaincu ?
P. de Villiers : Il y a une chose qui me convainc, c’est quand il dit que le socialisme n’est pas bon pour la France. Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi, depuis deux ans, il ne s’est rien passé. Quand j’ai entendu A. Juppé tout à l’heure, j’avais l’impression de rêver, sans doute comme vous J.-P. Defrain.
RTL : Non, non, non, je ne rêve pas…
P. de Villiers : … parce qu’on a l’impression de rajeunir de deux ans, ce qui n’est pas désagréable en soi, parce que c’est exactement le discours qui a été tenu il y a deux ans. Il y a deux ans, on nous a dit : on va baisser les impôts, ils les ont augmentés ! Maintenant, on nous dit : on va baisser les impôts. Mais qui peut nous prouver que cette promesse sera suivie des faits ? Et puis j’ai envie de dire ceci : Juppé a de l’imagination en campagne électorale.
RTL : Vous souhaitez la défaite de la majorité ?
P. de Villiers : Je souhaite la défaite du socialisme. Moi, j’ai un adversaire, je ne me tromperai pas.
RTL : Vous vous placez dans une opposition de droite située entre J.-M. Le Pen et la majorité ?
P. de Villiers : Je me place au centre de gravité de la déception des électeurs de la majorité, des électeurs de l’élection présidentielle, des électeurs de J. Chirac qui, aujourd’hui, ont l’impression d’avoir été floués et trompés. Je crois qu’il y a une place immense aujourd’hui pour ceux qui ne veulent plus de cette majorité du RPR et de l’UDF qui se traîne et qui a échoué, et qui ne veulent pas des outrances du FN. C’est une place immense et vous le verrez d’ailleurs le 25 mai, dans un premier tour qui sert aux Français à s’exprimer.
RTL : Et au deuxième tour, qu’est-ce que vous ferez, vous ?
P. de Villiers : Au deuxième tour, je ferai tout pour empêcher le socialisme.
RTL : Quitte à faire passer des gens du FN ?
P. de Villiers : Je suis contre toute idée du front républicain et je suis contre toute idée de voir revenir les socialistes. Nous en sommes au premier tour. Il sert à ce que chaque voix soit un message. Le message aujourd’hui, il est pour moi le suivant : non à l’euro-chômage, il faut y renoncer ; il faut libérer l’esprit d’entreprise, libérer la France de la technocratie, de la paperasse, ce que n’ont pas fait les gouvernements successifs ; il faut rétablir l’honnêteté en politique. J’ai été très frappé, hier, sur le plateau de France 2. Il y avait des leaders politiques de la droite et de la gauche. Il y avait le garde des sceaux. Et j’ai dit à un moment donné : la première chose à faire, c’est de prendre des mesures pour que tous les hommes politiques qui sont condamnés pour corruption soient inéligibles à vie. Personne n’a repris. Et nous, nos candidats, nos 500 et quelques candidats que nous présenterons, d’abord ce sont des gens honnêtes. J’ai envie de dire, ce sont des Français moyens, qui mettent l’honnêteté au cœur de la vie publique et qui appartiennent à des formations – le Centre national des indépendants, le Mouvement pour la France – qui n’ont pas de casseroles. Les Français en ont marre de voir des hommes politiques qui ne traitent pas les vrais problèmes. Et parmi les vrais problèmes, il y a le problème de l’honnêteté. On ne peut pas demander aux gens de faire des efforts si on ne commence pas par mettre de l’ordre dans les partis politiques, aujourd’hui éclaboussés par les affaires.
TF1 - Vendredi 25 avril 1997
TF1 : Vous êtes allié au CNI. Cela fait combien de candidats que vous présentez et, au fond, combien de députés espérez-vous ?
P. de Villiers : 500 candidats et pour le reste, c’est aux Français de le décider.
TF1 : Où est-ce que vous êtes ? Est-ce que vous êtes à côté de la majorité, en soutien de la majorité ?
P. de Villiers : Je vais vous dire la définition de la droite indépendante qui, donc, regroupe le CNI, le Mouvement pour la France et beaucoup de gens qui n’ont pas d’étiquette et qui n’ont pas de parti et qui se retrouvent avec nous sur l’essentiel. Cette définition peut exprimer, d’une certaine manière, premièrement, notre, position contre le socialisme et deuxièmement pour une autre majorité. C’est-à-dire que sur les trois chapitres essentiels de la vie publique en France, nous souhaitons qu’il y ait une autre vision, une autre politique. Premièrement, sur la question de l’Europe : nous souhaitons que l’on fasse une politique de la France, de l’Europe des nations.
TF1 : Vous souhaitez que l’on n’applique plus le Traité de Maastricht ?
P. de Villiers : Cela veut dire que l’on dit non à l’euro, c’est-à-dire à l’euro-chômage. Deuxièmement, une politique qui soit une politique de libération des forces créatrices, des forces vives et non plus l’asphyxie de l’entreprise et non plus cette politique familiale que l’on attend et qui n’existe pas. C’est-à-dire une politique de l’entreprise, un vrai projet libéral pour l’entreprise et une vraie politique de la famille. Et puis, enfin, mais on doit commencer par-là, c’est le rétablissement de l’honnêteté, une politique de probité publique et tous nos candidats sont des gens que nous avons choisis parce qu’ils sont honnêtes et appartiennent à des formations pauvres qui n’ont jamais eu de casseroles.
TF1 : Vous avez parlé du combat contre la gauche et contre le Parti socialiste. Au second tour, quelles positions prendrez-vous ? Est-ce que vous négocierez votre soutien à la droite ?
P. de Villiers : Il n’y a pas de négociation. Nos candidats sont des candidats de principes, ce ne sont pas des candidats de circonstances.
TF1 : Vous appellerez à faire barrage au Parti socialiste ?
P. de Villiers : Pour nous, la réponse est claire : on fera barrage au socialisme. Mais parlons du premier tour. Ne volons pas aux Français le premier tour. Au premier tour, je serais tenté de dire aux Français : votez pour vos idées, faites parler vos convictions, faites parler votre cœur, ce que vous avez en vous de spontané, pas de calcul politicien. Quand on voit, en ce moment, ce qui se passe : les noms d’oiseau, les quolibets. Nous, nous chercherons à rester à l’extérieur de ce théâtre en allant sur les problèmes essentiels. Les problèmes essentiels, ce sont nos valeurs, les valeurs de notre pays : l’honnêteté, l’initiative. Toutes nos entreprises sont, aujourd’hui, littéralement prises à la gorge par une technocratie qui nous submerge et qui nous asphyxie. Et puis, la question de l’euro. Parce que la question qui se pose, le 25 mai prochain, est très simple : ou bien la France choisit l’euro de manière irréversible – c’est l’abaissement et la mutilation de nos libertés : cela veut dire que l’on ne va plus avoir une politique indépendante pour lutter contre le chômage par exemple –, ou bien la France retrouve son statut de grande puissance, de liberté et, dans ce cas-là, nous pourrons lutter contre le chômage puisque pour lutter contre le chômage, il faut baisser les charges et les impôts, et il faut aussi des mesures européennes : protéger nos emplois et abandonner cette course aux critères de Maastricht. C’est si vrai ce que je dis que Jospin s’en est aperçu.
TF1 : Rapidement, si la droite l’emporte, est-ce qu’A. Juppé doit rester ? La question du Premier ministre se pose en ce moment.
P. de Villiers : Franchement, nous, on ne jouera pas à ce jeu de la kermesse et du chamboule-tout. Ce n’est pas une question d’hommes, c’est une question de principes. Et les trois questions qui se posent, c’est : est-ce que l’on va enfin donner la liberté à la société française, la libérer du poids de toutes les bureaucraties, de toutes les technocraties ? Est-ce que l’on va redonner le sentiment que les hommes politiques sont honnêtes et qu’il n’y a plus de magouilles ? Et troisièmement, est-ce que l’on va retrouver l’idée de la France dans son identité, dans sa souveraineté ? Moi, je suis persuadé qu’aujourd’hui, beaucoup d’électeurs qui votaient jusqu’ici pour les appareils de la majorité, le RPR et l’UDF, ne se sentent plus représentés par ces appareils qui ont fait un choix européen, qui n’est pas conforme à l’intérêt national et qui n’ont pas tenu leurs promesses. Ils avaient dit moins d’impôts, ils ont fait plus d’impôts, ils avaient dit : il y aura une politique de la famille, il n’y a pas de politique de la famille ; ils avaient dit : on rompra avec le socialisme, on rompra avec l’atmosphère de corruption, ils n’ont rien fait de tout cela. Et d’une certaine manière, on peut dire ce soir qu’il y a eu dissolution, le Gouvernement a déposé son bilan, le bilan n’est pas bon et la France va mal et les Français souffrent, et je crois que c’est auprès des Français qu’il faut faire campagne et ne pas avoir honte de parler de notre bien précieux, de notre bien essentiel, c’est la France.
Le Parisien - 26 avril 1997
Le Parisien : Lors du débat télévisé, au soir de la dissolution, votre agressivité vis-à-vis de la majorité a surpris…
Philippe de Villiers : Ne confondons pas agressivité et fermeté. J’ai simplement fait un constat : les promesses de la campagne présidentielle n’ont pas été tenues. C’est la raison pour laquelle nous avons estimé, avec le CNIP (Centre national des indépendants et paysans) qu’il était nécessaire de proposer aux électeurs de la majorité un autre choix que le socialisme.
Le Parisien : En dénonçant les « affaires », ne craignez-vous pas de rouler pour la gauche ou le Front national ?
Philippe de Villiers : L’Honnêteté n’a pas de parti. Elle n’est ni de gauche, ni de droite. Les hommes politiques doivent être irréprochables. Ce sera le cas de nos cinq cents candidats droite indépendante.
Le Parisien : Qu’est-ce qui vous différencie de la majorité, d’une part, du FN, de l’autre ?
Philippe de Villiers : La majorité n’a pas tenu ses promesses de 1993 et 1995, et nombreux sont les électeurs qui ne se sentent plus représentés ni par l’UDF, ni par le RPR. C’est pourquoi, nos candidats proposent un autre choix : une véritable politique de l’emploi, un rejet de la monnaie unique, un véritable programme libéral et un vrai projet d’aide à la famille. Quant au Front national, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le dire : ce n’est pas avec des outrances qu’on mène un combat sérieux.
Le Parisien : Vous sentez-vous plus proche d’un Jospin qui prend ses distances avec le Traité de Maastricht ou de l’orthodoxie européenne affichées par la majorité ?
Philippe de Villiers : Qui dirige aujourd’hui le PS autour de Jospin ? Ce sont ceux qui étaient ministres lorsque François Mitterrand a engagé la France sur la voie de Maastricht. Ce que vous appelez « prendre ses distances », c’est une position purement politicienne. Il est indispensable, à droite, que les voix des anti-Maastricht – dont les positions sont aujourd’hui confirmées par les faits – aient un poids suffisant pour infléchir la politique du futur gouvernement.
Le Parisien : Avec ou sans Alain Juppé à sa tête ?
Philippe de Villiers : Ne réduisons pas les problèmes et les projets de la France à une question de personne. En cas de victoire de la droite, je souhaite une autre politique. Je ne suis pas prêt à sacrifier l’euro à la nation.
Le Parisien : Quelles consignes donnerez-vous à vos candidats entre les deux tours ?
Philippe de Villiers : De faire partout barrage aux socialistes. Mais ce n’est pas une raison pour que le futur Gouvernement ne change pas de cap par rapport au précédent.
Le Parisien : Vous êtes vous-même candidat en Vendée. En cas de succès, abandonnerez-vous votre mandat européen ?
Philippe de Villiers : Oui. Après trois ans au Parlement européen, je pense que mon action sera plus utile au Palais-Bourbon.
France Inter - Mardi 29 avril 1997
J.-L. Hees : Cette dissolution de l’Assemblée nationale, ce n’était pas une idée à vous, cela, c’est sûr ; dans cette bataille législative, aujourd’hui, quels sont vos principaux adversaires finalement, l’opposition ou la majorité ? Parce que j’ai vu un article de vous fort intéressant, hier dans Le Monde, où vous disiez que l’on avait choisi finalement de sacrifier la nation à l’euro. Alors, ce sont des propos qui sont forts, qui sont au cœur même de la campagne. La principale inimitié, si j’ose dire, en ce moment, c’est l’opposition ou la majorité ?
P. de Villiers : Je crois que ce qu’il y a de nouveau dans cette campagne, enfin ce qui devrait être nouveau si on veut garder au débat sa dignité et sa véritable hauteur, ce qu’attendent les Français, plutôt que l’échange des quolibets, c’est de mettre au cœur de la campagne les véritables enjeux. Alors, je crois qu’il y a l’enjeu moral, la question de l’honnêteté en politique si on veut rétablir la confiance ; il y a l’enjeu libéral : on parlait de l’Angleterre à l’instant, la question de savoir quel degré de liberté on restitue aux Français dans une société, hélas, accablée d’impôts, de paperasses et d’administration ; et puis, surtout, il y a l’enjeu national. Je vois d’ailleurs avec tristesse, au fil de la campagne, que les deux grands partis – le bloc RPR-UDF d’un côté et le PS de l’autre – évacuent peu à peu ce débat qui est pourtant le débat essentiel. Ou bien, dans l’année qui vient, la France change de voie par rapport aux critères de convergence de Maastricht, par rapport à la monnaie unique et retrouve un statut de grande puissance tout en construisant une autre Europe qui est l’Europe des nations, avec l’Allemagne et les autres et dans ce cas-là, on pourra lutter contre le chômage, retrouver nos pouvoirs et nos libertés ; ou bien, la France choisit de glisser dans un statut précaire et subalterne, une province de RMIstes où tout se décide ailleurs, que ce soit la sécurité, les normes sociales et tout ce qui concerne la fiscalité et donc la politique sociale. C’est cela le véritable enjeu qui déborde, qui englobe et qui précède toutes les autres questions.
J.-L. Hees : Sur ce plan là, vous êtes donc un petit peu plus près aujourd’hui, par exemple, de quelqu’un comme L. Jospin qui dit : attendez, on peut peut-être discuter les critères, tout cela, il ne faut peut-être pas se presser tant que cela pour faire l’euro, plutôt que de la majorité qui nous dit : non, c’est maintenant, il faut respecter le calendrier ?
P. de Villiers : Moi, je ne cherche pas à me situer par rapport à tel ou tel, je constate que ce débat est tellement important et est tellement le cœur du cœur de la campagne – qui n’a pas commencé sur cette question-là – que l’on voit bien que ce n’est pas un débat droite-gauche en l’occurrence, que ça va bien au-delà. Mais pour L. Jospin, je dirais simplement qu’il était le ministre de F. Mitterrand et que Maastricht, c’est F. Mitterrand. C’est vraiment F. Mitterrand qui a pensé Maastricht et qui l’a laissé en héritage. Donc, quand moi, je parle de rupture avec le socialisme, je parle de rupture avec le socialisme maastrichtien.
P. Le Marc : Mais est-ce que l’on peut être à la fois au premier tour contre la majorité pour des raisons essentielles – la défense de la souveraineté nationale – et au second tour, dire que l’on sauvera la majorité contre les socialistes qui sont finalement plus proches de vous, sur le plan de l’Europe ? C’est un peu paradoxal tout cela.
P. de Villiers : Je ne crois pas que L. Jospin, en dehors des questions de pure démagogie de l’instant, remette en cause l’édifice de Maastricht laissé par F. Mitterrand. Je ne le crois pas.
P. Le Marc : L’opposition fondamentale, c’est tout de même avec la majorité…
P. de Villiers : Je vais vous dire exactement ce que je défends et où je me situe. Il y a beaucoup de Français aujourd’hui, qui nous écoutent ou qui, j’espère, nous entendront et qui ne se reconnaissent plus dans les partis classiques, disqualifiés intellectuellement et souvent moralement et, en particulier, à droite, qui ne se sentent plus représentés par le RPR et l’UDF. D’une part, parce que ce sont deux partis qui ont fait le choix de Maastricht et de la monnaie unique qui n’est pas partagé par beaucoup de Français, la filiation gaulliste demeure à droite comme à gauche. Et d’autre part, parce que ces Français constatent qu’après 1995, comme après 1993, eh bien, le RPR et l’UDF n’ont pas· tenu leurs engagements sur la baisse des impôts, sur la rupture avec la corruption, sur toutes les questions de sécurité, sur un projet pour la famille, etc. Et moi, je m’adresse à tous ces Français-là pour leur rendre l’espoir et pour construire, en quelque sorte, une autre majorité parce que, sinon, l’élection législative, elle ne sert à rien. Si ça consiste à prendre les mêmes et à recommencer, elle ne sert à rien, la déception sera d’autant plus grande.
Une autre majorité pour une autre vision de la société et de la France, c’est-à-dire pour une autre politique et cette autre politique, on peut la qualifier en trois phases : d’abord, une politique de la France et de l’Europe des nations plutôt qu’une politique de l’euro et du chômage ; deuxièmement, une politique de libération des forces créatrices, un véritable projet libéral pour, l’entreprise qui est aujourd’hui, accablée, submergée, asphyxiée par la paperasse et les charges et puis, troisièmement, le rétablissement de la probité publique. C’est quand même incroyable que la question de l’honnêteté soit ainsi évacuée du débat politique, au moment où les affaires continuent et parfois des affaires d’État. Les candidats de la droite indépendante, le Mouvement pour la France, le Centre national des indépendants et divers droite – vous verrez nos 500 candidats à la fin de la semaine – portent ce message de l’honnêteté en politique, souvent parce qu’ils sont neufs, souvent parce qu’ils viennent de la société civile, ils l’incarnent et ils appartiennent à des formations pauvres mais qui n’ont pas de casseroles, cela me paraît essentiel.
J.-L. Hees : Je voudrais que l’on revienne au centre du débat une minute. Je reviens à ce papier que vous avez signé dans Le Monde hier et vous dites : voilà, l’euro, c’est une idéologie. Mais A. Juppé, ce n’est pas un patron de secte tout de même, ce n’est pas un virus, l’euro ? On a du mal à s’y retrouver dans les différentes approches, les différentes appréciations. Au sein d’une famille qui est tout de même assez proche, c’est-à-dire la droite, il y a tellement d’interprétations possibles de l’euro que l’on a du mal à s’y retrouver.
P. de Villiers : L’euro, c’est un virus idéologique parce que c’est l’idée, qui vient plutôt de la gauche, que les nations ne servent à rien, que la notion de mémoire, de racine, d’équilibre du territoire, travailler sur place, travailler au pays, tout cela, ça ne sert à rien, c’est le mondialisme sans retenue, sans préférence communautaire. Regardez comment on a démantelé l’Europe, qui était un marché commun, une communauté de producteurs et de consommateurs. Et puis, venant plutôt de la droite, l’ultralibéralisme. Et c’est curieux comme aujourd’hui, l’idée de la nation, qui est pourtant essentielle d’un côté, et l’idée du travail qui ne porte pas ses fruits de l’autre côté, au sens de l’ultralibéralisme, se rejoignent. Qu’est-ce que l’on constate aujourd’hui, avec la monnaie unique, avec cette nouvelle idéologie ? Eh bien, que les hommes politiques, finalement, nous expliquent – c’est ce que fait souvent A. Juppé et ce qu’on fait aussi à gauche – que nos fondamentaux sont sains, je reprends leur expression : il n’y a plus d’inflation, on a un record historique de l’excédent commercial, quand on annonce 5 000 licenciements à Vilvorde, la Bourse bondit de joie, danse de joie. On est en pleine contradiction, c’est-à-dire que l’on va mourir guéris.
A. Ardisson : Je voudrais revenir sur votre place sur l’échiquier électoral et au sein du Parlement si vous avez un groupe suffisant pour peser. Qu’est-ce que vous pourrez apporter aux électeurs, dans la mesure où vous avez choisi de ne pas vous agréger à la majorité, donc vous n’ambitionnez pas d’être ministre. Qu’est-ce que vous pourrez faire ? Finalement, c’est le problème du vote utile à droite.
P. de Villiers : Je voudrais faire la mise au point suivante : les Français, il ne faut pas leur voler le premier tour. Pour l’instant, il y a le premier tour et ils vont s’exprimer, faire un choix au premier tour. Au premier tour, on choisit, au deuxième tour, on élimine. Et moi, je crois que ce que nous proposons, ce que proposent les 500 candidats de ce que l’on a appelé la droite indépendante, sur les trois enjeux dont je viens de parler – l’enjeu libéral, l’enjeu national et l’enjeu moral – c’est autre chose que ce qui est fait jusqu’à présent. Je vais vous donner un exemple : à 7 sur 7, dimanche dernier – ça va sans doute être repris aujourd’hui dans la présentation du programme du RPR et de l’UDF – il y a un point central, qui vient de la gauche, c’est la réduction du temps de travail. En d’autres termes, on a l’impression, lorsque l’on entend aujourd’hui A. Juppé… Je dis cela sans aucune acrimonie parce que, pour ma part, je considère que la situation est trop grave pour que l’on cède aux quolibets ou à la caricature. Mais la réduction du temps de travail, elle a été testée en 1981-1982, c’est un thème de la gauche. Et pourquoi, aujourd’hui, le RPR et l’UDF en sont-ils réduits à emprunter leurs thèmes de campagne à la gauche ? Si c’est cela la politique libérale, le projet libéral pour nos entreprises et pour nos forces créatrices !
J.-L. Hees : Vous voulez dire qu’A. Juppé est usé, qu’il faudrait changer de Premier ministre ?
P. de Villiers : Ce n’est pas une question d’homme. Les questions qui se posent aujourd’hui à la France, c’est la perte de tous ses repères moraux, on n’en parle pas du tout. Quelles sont les valeurs de la France ? La France perd ses repères, c’est la perte de la liberté, de l’autonomie de chacun. Regardez aujourd’hui la situation financière dans laquelle se trouvent les familles, il n’y a pas de société sans famille, il n’y a pas de cercle d’inclusion pour lutter contre l’exclusion s’il n’y a pas la famille. Regardez la situation de nos artisans, de nos commerçants, de toutes nos PME, de tous ceux qui créent des emplois, ils attendent qu’il y ait une baisse d’impôts qui soit la restitution de la liberté à la société. Donc, c’est beaucoup plus qu’une réforme qu’il faut, ce n’est pas une réformette comme si c’était des épiciers de campagne qui discutaient en face à face.
J.-L. Hees : Vous êtes plus proche des idées de M. Madelin, alors ?
P. de Villiers : Je constate que, lorsque J. Chirac a fait sa campagne en 1995, il y avait un versant libéral, c’était Madelin, et un versant national, c’était Séguin. Le versant national a disparu puisque l’on fait Maastricht, tout Maastricht et tout de suite, c’est-à-dire la monnaie unique. Quant au versant libéral, il ne faut pas être grand clerc, J.-L. Hees, vous voyez bien tous les jours que M. Madelin est retourné à Redon. En d’autres termes, le projet qui nous est proposé, c’est un projet aseptisé, une sorte de projet sous vide où il n’y a rien sur l’enjeu libéral ou presque rien. La seule proposition, c’est la réduction du temps de travail. Et rien sur la question essentielle qui est l’enjeu national. Les deux questions de la campagne sont les suivantes : l’Europe et le chômage.
P. Le Marc : Est-ce que l’on peut réformer le pays en s’appuyant sur l’électorat le plus ultra-conservateur ?
P. de Villiers : Je ne sais pas si vous considérez que vouloir mettre l’emploi avant la monnaie, l’entreprise avant le commerce et les hommes avant la finance et la spéculation, si vous considérez que cela, c’est ultra-conservateur. Moi, je constate qu’aujourd’hui, l’Europe qui est une grande idée, une idée essentielle, est en train de s’autodétruire parce que, précisément, elle s’·est laissée aller à un renversement de perspective et cela, ce n’est pas de gauche, ce n’est pas de droite. C’est beaucoup plus grave que je ne sais quel résumé trop rapide. « Ultra-conservateur », qu’est-ce que cela veut dire ? Si c’est sauver la société, oui. Mais je crois que l’Europe, aujourd’hui, elle est en train de s’autodétruire, il faut mettre la monnaie au service de l’économie, le libre échange au service des hommes, et l’économie au service des entreprises, si on veut recréer des emplois.