Interviews de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, dans "Sud-Ouest" du 14, à RTL le 15, dans "Les Échos" et "Le Figaro" le 17 avril 1997, sur la sécheresse et la nécessité d'une meilleure gestion de l'eau.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion le 29 avril 1997 du Comité sécheresse

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Emission L'Invité de RTL - Energies News - Les Echos - Le Figaro - Les Echos - Presse régionale - RTL - Sud Ouest

Texte intégral

Date : lundi 14 avril 1997
Source : Sud-Ouest

Sud-Ouest : La sécheresse persistante va-t-elle conduire les pouvoirs publics à ordonner des restrictions sévères ?

Corinne Lepage : Il est encore trop tôt pour conclure définitivement. La situation est comparable, en un peu plus mauvais, à ce qu'elle était au printemps 1996 sur le nord-ouest de la Bretagne jusqu'au Pas-de-Calais et sur le Sud-Ouest.

Sud-Ouest : Disposez-vous de données précises permettant de redouter un été particulièrement sec ?

Corinne Lepage : Il y a deux catégories de prévisions en ce domaine. Celles de la météorologie, qui n'apportent pas d’indications à moyen ou long terme, et celles qui concernent l'état des réserves. Il ne faut pas cacher que nous avons des réserves en eau déjà un peu déficitaires, sur le bassin de la Garonne, par exemple.

Sud-Ouest : Pourtant, il a beaucoup plu à l’automne dernier…

Corinne Lepage : C’est ce qui explique pourquoi la situation n’est pas plus catastrophique aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que depuis février nous sommes dans une période de sècheresse. Sauf pluies très importantes, il est peu probable que les déficits puissent être compensés avant les périodes de fort arrosage. Même si l’été prochain était pluvieux, cela ne résoudrait pas vraiment le problème.

Sud-Ouest : Est-ce que cela ne vous amènerait pas, cependant, à reconsidérer la position de l’administration sur les retenues d’eau, malgré l’opposition des écologistes ?

Corinne Lepage : Il ne faut jamais oublier que le problème de l'eau repose sur un équilibre général. La technique française, qui ne doit pas être mauvaise puisqu'elle est de plus en plus copiée à l'étranger, consiste à rechercher l'équilibre par bassin, avec une vue d'ensemble. Quand on fait une retenue quelque part, cela peut créer une pénurie ailleurs. Le manque d'eau résulte aujourd’hui d'un déficit structurel. D'une part en raison d'une faible pluviométrie depuis plusieurs années et d'autre part du fait de pompages extrêmement importants. Depuis 1976, les structures ont évolué. Nous avons développé les connexions entre les réseaux et augmenté la capacité des réserves. Il n'en reste pas moins vrai que l'on ne peut pas augmenter indéfiniment l'irrigation des cultures alors qu'il y a moins d’eau.

Sud-Ouest : Mais quelle peut être en la matière l’action des pouvoirs publics ?

Corinne Lepage : Elle doit être générale et locale. Générale pour fixer les objectifs et les règles du jeu, locale pour l'application. Dans certains départements, le Loir-et-Cher, le Loiret et l'Eure-et-Loir, les préfets ont déjà pris des mesures de limitation de l'arrosage sur vingt-huit cantons. Dans le Pas-de-Calais, la pêche est interdite en amont de certains cours d'eau. Jusqu'à présent, les préfets n'ont pas jugé nécessaire d'intervenir dans votre région. Dans les Landes et en Charente, la situation est inférieure aux moyennes habituelles sans être aussi critique que dans les secteurs alimentés par la nappe de Beauce.

Sud-Ouest : Qu’allez-vous faire si la sécheresse s’aggrave ?

Corinne Lepage : Nous envisagerons, éventuellement, des mesures appropriées lors de la réunion du comité « sécheresse » fin avril, lorsque toutes les données seront connues de façon précise.

Sud-Ouest : Est-ce que l'on ne peut pas imaginer une gestion plus « décentralisée » de la question de l'eau, en responsabilisant les maires ruraux par exemple ?

Corinne Lepage : La gestion de l'eau est déconcentrée en France, puisque ce sont les préfets qui déterminent les compétences. De plus, il paraît difficile d'agir commune par commune. Il faut harmoniser à l'échelle du département. Le comité que je vais réunir va surtout se pencher sur les orientations possibles et les mesures susceptibles d'être prises. Je souhaite cependant que chacun comprenne que ce n'est pas parce que l'État ne prend pas pour le moment de décisions restrictives que l'eau n'est pas une ressource rare.

Sud-Ouest : Les agriculteurs sont-ils tout particulièrement invités à cette prise de conscience ?

Corinne Lepage : La lutte contre le gaspillage de l'eau concerne chacun d'entre nous. Nous devons éviter les robinets qui coulent pour rien comme les arrosages intempestifs ! Pour ce qui est des utilisations professionnelles, si l'on veut garder de l'eau pour toute la saison, il convient d'en avoir l'usage le plus raisonnable possible dès maintenant. Je ne dis pas que cela exclura des mesures restrictives, car cela dépend plus de la météo que de nous, mais nous pourrions éventuellement les prendre plus tard ou leur donner un caractère moins draconien.


Date : mardi 15 avril 1997
Source : RTL

O. Mazerolle : vous avez avancé de plus d'un mois la réunion annuelle du comité de sécheresse. Est-ce que cela veut dire que la France est en état d'alerte ?

C. Lepage : C'est vrai, je l'ai fixé au 29 avril alors qu'il était prévu pour la fin du mois de mai. Nous sommes dans une situation préoccupante, pas alarmante mais préoccupante. Le niveau des nappes est très bas. Notamment dans la Beauce, également dans d'autres régions.

O. Mazerolle : Il y a une polémique à ce sujet car certains disent qu'il y a une sécheresse en surface mais en fait les nappes phréatiques ne sont pas encore vraiment atteintes.

C. Lepage : Cela dépend des régions. Dans la Beauce par exemple, les nappes sont à un niveau historique, ce qui a conduit, du reste, les préfets à prendre d'ores et déjà des arrêtés de restriction. Ce qui est vrai c'est que le dernier trimestre 1996 a été humide. Le premier trimestre 1997 par contre est extrêmement sec. La végétation est très en avance, chacun a pu en juger. Donc nous pouvons avoir des problèmes.

O. Mazerolle : Vous dites que l'eau est une ressource rare. Est-ce que cela veut dire que l'on ne sait pas encore maîtriser la consommation d'eau en France ?

C. Lepage : Nous nous améliorons. La loi sur l'eau a permis de faire de la planification. Les préfets ont maintenant tous les pouvoirs qu'il faut pour prendre, dès que cela s'avère nécessaire, les mesures de restriction. La consommation dans les villes stagne. La consommation d'eau industrielle a tendance à régresser. Par rapport à 1976, nous avons constitué des réserves. Mais il est vrai aussi que l'irrigation a été multipliée par deux.

O. Mazerolle : Précisément, en 1976, l'année dont vous parlez, une année de forte sécheresse, c'est l'année de référence ? On craint un retour de 1976 ?

C. Lepage : Le niveau des nappes est à peu près comparable. Mais les réserves en eau sont beaucoup plus importantes car nous avons appris à stocker l'eau. Et depuis 1976, en revanche, les prélèvements sont plus importants. Je crois donc que, même lorsqu'il n'y a pas de mesure de restriction, il faut que chacun d'entre nous ait conscience que l'eau est effectivement une ressource rare et qu'il faut l'utiliser de manière économe.

O. Mazerolle : Les préfets ont pris des mesures de restriction dans l'Essonne et dans différentes régions du centre de la France. Est-ce que vous croyez que les autres préfets devraient prendre des mesures analogues ?

C. Lepage : Dans les semaines qui viennent, il est tout à fait possible que d'autres préfets soient amenés à prendre les mêmes mesures.

O. Mazerolle : Quelles sont les régions les plus en difficultés ?

C. Lepage : L'ouest de la France et le nord. Mais surtout la façade Atlantique. Nous ferons, lors de « groupes sécheresse », précisément, le point de la situation exacte et des mesures qu'il convient de prendre.

O. Mazerolle : Alors quand on parle restriction, les agriculteurs sont les premiers visés, est-ce qu'il n’y a pas quelque chose de curieux de penser que ceux qui cultivent sont visés par des restrictions d'utilisation en eau alors que le particulier peut continuer à arroser son jardin pour avoir des pelouses vertes ?

C. Lepage : Les restrictions de consommation d'eau visent d'abord les arrosages de pelouses et les nettoyages de voiture.

O. Mazerolle : Ce n'est pas le cas dans l'Essonne, par exemple, où les agriculteurs sont privés d'eau pendant 48 heures par semaine.

C. Lepage : C'est vrai parce qu'effectivement, dans l'Essonne, dans l'Eure-et-Loir, et dans tous les départements adjacents, c'est la nappe qui est en cause.

O. Mazerolle : Mais pourquoi les agriculteurs ?

C. Lepage : Parce que les prélèvements qu'ils font, notamment dans cette région, sont particulièrement importants. Mais de manière générale, vous avez pu juger que lorsque les préfets sont amenés à prendre des mesures, elles visent tout le monde y compris les particuliers, peut-être d'abord les particuliers.

O. Mazerolle : Tout de même, est-ce qu'il n’y a pas une remise en cause, à travers ces interdictions qui frappent les agriculteurs, des cultures et des élevages intensifs ?

C. Lepage : La question de la très grande productivité ou du très grand productivisme est posée dans ce domaine comme dans d'autres. Mais je crois que ce sont les agriculteurs, les premiers, qui commencent à réorienter un certain nombre de productions vers des systèmes plus extensifs.

O. Mazerolle : Pas toujours, parce que je crois que, pour ce qui concerne la Bretagne, vous avez élevé la voix pour dire qu'il serait criminel d'intensifier les cultures de maïs à proximité des cours d'eau.

C. Lepage : Je n'ai pas employé ce terme-là mais ce qui est vrai, c'est que j'ai demandé à ce qu'avec mes collègues de la santé et de l'agriculture, à proximité des cours d'eau, on n'utilise pas des produits phytosanitaires, c'est-à-dire en particulier des pesticides.'

O. Mazerolle : Vous vous entendez bien avec M. Vasseur ?

C. Lepage : Je m'entends tout à fait bien avec M. Vasseur.

O. Mazerolle : Il ne vous dit pas : « Mais tout de même laissez un peu mes agriculteurs tranquilles » ?

C. Lepage : Mais je ne cherche pas à gêner moindrement les agriculteurs. Je cherche simplement à faire du développement durable, c'est-à-dire à protéger les ressources et à faire en sorte que l'agriculture soit toujours possible dans toutes les régions de France dans les années qui viennent.

O. Mazerolle : Les Bretons vous comprennent quand vous leur recommandez de ne plus utiliser autant de pesticides et de moins développer l'élevage de porcs ?

C. Lepage : Je ne demande pas de moins développer. Je demande simplement à ce que soit pris en compte la quantité de nitrates et de pesticides qu'il y a aujourd'hui, que ce soit en Bretagne ou dans d'autres régions. Il ne faut pas focaliser sur la Bretagne, je ne crois pas que se serait juste, même si c'est vrai que c'est une région qui est particulièrement touchée. Le monde agricole est le premier à reconnaître aujourd'hui qu'il convient de faire des efforts. Il fait des efforts.

O. Mazerolle : Quand on parle du prix de l'eau en France, il y a beaucoup de polémiques. Est-ce que le prix de l'eau est à son juste prix, si j'ose dire ?

C. Lepage : J'avais beaucoup souhaité que l'on crée un observatoire du prix de l'eau précisément pour qu'il y ait de la transparence. La transparence, elle est valable dans tous les domaines, y compris dans celui du prix. L'eau est une ressource rare. L'assainissement coûte cher. Ce qu'il faut, c'est payer le juste prix. Et la transparence, à cet égard, est un élément indispensable.

O. Mazerolle : Et on est arrivé à la transparence ?

C. Lepage : Je crois que l'on progresse dans la bonne direction.

O. Mazerolle : On progresse mais ce n'est pas encore...

C. Lepage : Si, on a maintenant des éléments de comparaison. Ce qui est important dans ce domaine, comme dans bien d'autres, c'est d'arriver à comparer ce qui est comparable et ne pas forcément pointer du doigt les endroits où l'eau est très peu chère. Car cela veut dire parfois que l'on n'a pas fait les investissements nécessaires.

O. Mazerolle : Est-ce que vous réclamez que d'autres bassins de stockage soient encore créés ?

C. Lepage : Le ministère de l'environnement, a priori, n'est jamais très favorable aux barrages. En revanche, il peut être nécessaire d'avoir des réserves d'eau et c'est ce que nous faisons maintenant depuis une dizaine d'années.

O. Mazerolle : Il y en a suffisamment en France ?

C. Lepage : Nous avons bien progressé dans ce domaine.

O. Mazerolle : On peut déjà craindre un « impôt sécheresse » ?

C. Lepage : Non, je ne crois pas que nous en soyons là, Dieu merci.

O. Mazerolle : Est-ce que tous ces désordres climatiques que l'on observe sont les résultantes d'une pollution accrue ?

C. Lepage : Non, peut-être pas directement Mais on constate un très léger réchauffement climatique dans les faits. Vous savez que l'on parle pour le XXIe siècle, de deux degrés à deux degrés et demi à l’échelle de la planète. En regardant la courbe de température sur la France, on constate une tendance à l'élévation de la température depuis une vingtaine d'années. C'est incontestable.

O. Mazerolle : Et ceci pourrait être la cause d'une moindre chute de pluie ?

C. Lepage : Il y a un lien entre les précipitations et la température. L'effet de serre, l'émission de gaz polluants, peut incontestablement avoir un effet général.

O. Mazerolle : Une revue médicale britannique vient de publier une étude qui tendrait à montrer qu'il y a un plus grand nombre de cancers et de leucémies chez les enfants qui vivent à proximité des sources de pollution dérivées du pétrole comme l'industrie ou aussi des ports ou des aéroports. Accordez-vous du crédit à ces études ?

C. Lepage : C'est une étude qui me paraît sérieuse. Je ne suis pas médecin et donc je ne peux pas juger de la fiabilité de telle ou telle étude. Ce que je crois c'est qu'elle met en lumière quelque chose qui n'est pas très important parce que l'on passe d'un risque de 1 à 1,2 mais qui, néanmoins, doit être pris en compte. J'observe que la loi sur l'air nous offre à cet égard tous les éléments nécessaires pour disposer des études épidémiologiques que nous n'avons pas toujours en France.

O. Mazerolle : Il y a des études de cette nature, entreprises en France ?

C. Lepage : Elles vont l'être grâce à la loi sur l'air qui oblige, maintenant, à étudier les effets de la pollution de l'air sur la santé.

O. Mazerolle : Avez-vous des nouvelles de l'usine de retraitement de La Hague ? Vous avez demandé un rapport scientifique sur l'affirmation qu'il y avait également un plus grand nombre de leucémies chez les jeunes qui vivent à proximité de ces usines de retraitement. Or un office de protection contre les rayonnements ionisants dit que cette étude n'est pas fondée.

C. Lepage : Là encore, je ne suis pas médecin et je ne suis pas juge de la validité de telle ou telle étude. En revanche, lorsqu'un problème de cette nature est posé il nous apparaît de notre responsabilité à nous, pouvoirs publics, de pouvoir vérifier exactement ce qu'il en est. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé qu'une commission indépendante fasse une nouvelle étude épidémiologique autour de La Hague et plus généralement dans le Cotentin. Nous aurons les premiers éléments au mois de juin, si le groupe de travail travaille.


Date : 17 avril 1997
Source : Les Échos

Les Échos : En quoi consiste le comité sécheresse et à quoi sert-il ?

Corinne Lepage : Le rôle du comité sécheresse, dont le ministère de l’environnement assure l’animation, est de centraliser les informations et d’en assurer la diffusion localement. Il doit également veiller à la coordination des actions menées sur le plan national. Cet organe consultatif se réunit d’habitude à la mi-mai, et j’ai décidé de le réunir le 29 avril pour faire le point, car la situation est sérieuse, comme en témoigne les mesures de restriction d’ores et déjà adoptées dans le Centre et le Nord. Les pouvoirs du comité sont consultatifs, mais il peut faire des recommandations à l’intention des préfets, habilités à prendre des mesures de restriction.

Les Échos : En dehors des caprices de la météo, y-a-t-il des facteurs qui, dans la gestion de l’eau, aggravent les phénomènes de sécheresse ?

Corinne Lepage : L’intervention humaine a une influence. Elle peut faciliter la présence de l’eau par la plantation de haies, le maintien des zones humides, la construction de seuils dans les cours d’eau ou la réalisation d’étangs ou de lacs artificiels. Elle peut aussi aggraver la situation en asséchant les marais, en supprimant systématiquement les haies, en rectifiant et en approfondissant les cours d’eau. Le développement très intensif des cultures consommatrices d’eau et de l’irrigation est aussi un facteur de diminution de la ressource en eau qui devient désastreux lorsque l’usage de l’eau est supérieur aux apports naturels. Des accords avec la profession agricole pour mieux irriguer doivent être négociés. Ce qui commence à se mettre en place à travers les contrats [illisible].

Les Échos : Si la sécheresse se confirme, quelles mesures prônez-vous ?

Corinne Lepage : Une meilleure gestion de la ressource en eau implique une surveillance de l’état des rivières et des nappes, une consommation plus rationnelle, notamment par la généralisation du comptage. Il ne faut pas négliger non plus les risques de pollution accidentelle. En effet, lorsque le débit des rivières est faible, l'impact des pollutions est beaucoup plus important. Cette vigilance est l'affaire de tous : des services de l'État, bien sûr, mais également des consommateurs. Si les préfets de la région de la Beauce ont pu réagir vite, en interdisant l'irrigation deux jours sur sept, c'est parce qu'il existait déjà une charte d'utilisation de l'eau avec les agriculteurs.


Date : 17 avril 1997
Source : Le Figaro

Le Figaro : Vous faites le point aujourd'hui sur la pluviométrie au premier trimestre et sur les réserves d’eau disponibles. La situation est-elle vraiment aussi alarmante qu’en 1976, comme on l’a dit ?

Corinne Lepage : La situation est moins alarmante qu'en 1976. Tout d'abord, à la même époque, cette année-là, le déficit pluviométrique, calculé sur les six derniers mois était presque partout plus important qu'en 1997. Ensuite, la gestion de l'eau a été considérablement améliorée en France : le volume des réservoirs s'est beaucoup accru, les grands réseaux de distribution ont été interconnectés, la surveillance de la ressource s’est développée. La leçon a été tirée des événements. Les quatre années de sécheresse qu’ont connu de nombreuses régions en France de 1988 à 1992 ont montré que le pays pouvait affronter sans dommage important ce type de situation. Le réglementation e été modernisée et rendue plus efficace grâce à la loi sur l'eau de 1992 et les Agences de l'eau disposent de moyens financiers supérieurs à 1976.

La situation n'est donc pas aussi alarmante, même si elle est préoccupante dans quelques régions. Les principaux dommages à craindre concernent la dégradation des milieux aquatiques naturels due à la faiblesse de l'alimentation de nombreuses rivières, les pertes de production agricole ainsi que la propagation d'incendies favorisée par la sécheresse de la végétation.

Le Figaro : Vous avez avancé la date de réunion du comité sécheresse. Quelles décisions peut-on en attendre ?

Corinne Lepage : La sécheresse persistante depuis le début du mois de mars m'a conduit à avancer au 29 avril la réunion du comité sécheresse qui devait initialement examiner la situation en mai.

Des restrictions devront être imposées dans certaines régions. Comme c'est déjà le cas en région Centre où le niveau de la nappe de Beauce continue à baisser. Il est vraisemblable que plusieurs autres départements seront touchés si le temps sec se maintient durablement, notamment dans la moitié Ouest de la France.

Le Figaro : Les faibles niveaux des nappes sont-ils le résultat d’une mauvaise gestion de l’eau en France ? Les surfaces irriguées, par exemple, ont doublé en vingt ans. Faut-il changer certains comportements ou réglementations ?

Corinne Lepage : Les faibles niveaux des nappes s’expliquent effectivement par un développement excessif des prélèvements. Il devient alors indispensable que l'ensemble des acteurs se réunissent pour améliorer la gestion des consommations. L'outil de gestion se structure autour des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) institués par la loi sur l'eau. Ceux-ci précisent sur le plan local les schémas directeurs (Sdage) des six grands bassins hydrographiques qui viennent d'être approuvés, après une très large concertation, en 1996.

Ces schémas, établis pour améliorer la gestion de l'eau, notamment en cas de pénurie ou de pollution grave, s'élaborent par bassin hydrographique ou par nappe. Une cinquantaine de schémas ont d'ores et déjà été mis à l'étude en France. Les premiers doivent voir le jour en 1997 et permettront une meilleure application des règles de police de l'eau.

Certains utilisateurs devront être amenés à réduire leur consommation en modifiant leurs pratiques ou en réorientant leurs activités. Ces changements seront effectués après une concertation préalable.
L'eau est un bien rare. Nous avons su réaliser des économies d'énergie, nous devons désormais apprendre à utiliser l'eau d'une façon plus rationnelle.