Texte intégral
Date : 21 février 1997
Source : L’Hebdo des socialistes
Restons mobilisés
L'obstination de ce gouvernement à avancer des projets et des textes auxquels il doit renoncer – totalement ou en partie – devant les réactions de l'opinion est révélatrice tant autant d'une incapacité à gouverner que d'une difficulté à comprendre la société d'aujourd'hui.
Face aux cheminots, aux étudiants ou aux gens de culture, c'est toujours ce même étonnant mélange de provocation hautaine et de retraite précautionneuse. Je ne peux reprocher au pouvoir d'amorcer un recul, puisque je le lui ai demandé.
Mais le pas en arrière est faible et laisse au projet de loi Debré sur les étrangers son caractère dangereux.
Nous n’avons aucune raison de réduire notre opposition à une législation rétrograde et qui dissimule si mal son intention de couper l'herbe sous le pied, vainement, à la propagande d'extrême-droite.
Il est piquant de constater qu'en argumentant désormais pour expliquer son recul sur les déclarations-délation, la droite donne pleinement raison à ceux qui, en pleine conscience, refusaient d’obéir à une loi injuste.
Dans un clin d’œil que la vie fait au théâtre, Antigone a raison à nouveau contre Créon. Puisque l’action politique et l’engagement des citoyens se sont rejoints, c’est avec conviction que nous rejoindrons les manifestations prévues contre le projet et avec plus de force que nous le combattrons la semaine prochaine, au Parlement.
Date : 28 février 1997
Source : L’Hebdo des socialistes
L’aveu
Jean-Louis Debré a osé, à l’occasion du débat à l’Assemblée nationale sur son texte, faire le rapprochement douteux entre étrangers et chômage en prétendant rien de moins que « lutter contre l’immigration irrégulière, c’était participer à l’action pour l’emploi ».
Même si le ministre de l’intérieur ne maîtrise guère son expression, il ne s’agit ni d’une maladresse ni d’une gaffe. Ce raccourci scandaleux révèle en fait la philosophie profonde du gouvernement en cette matière. La droite croit lutter contre le Front national en marchant sur ses brisées. Elle fait mine de défendre la République mais elle fragilise ses principes. Elle affirme répondre aux peurs des Français mais elle conduit à faire de l’étranger, même en situation régulière, le bouc émissaire des maux de notre société.
Dans ce contexte délétère, le parti socialiste doit entreprendre un formidable effort de conviction. Pour montrer d’abord qu’au Parlement le débat a souligné le clivage fondamental entre la majorité tout entière rassemblée derrière le texte Debré et la gauche acharnée à en demander le retrait avec le soutien du mouvement des pétitionnaires.
Pour convaincre ensuite les Français que l’immigration n’est pas la cause du chômage, de la précarité et du creusement des inégalités et que la solution à leurs problèmes dépend principalement de la mise en œuvre d’une autre politique économique et sociale.
Pour mener enfin un combat résolu contre le Front national, ses discours racistes, comme celui de Madame Mégret, et ses actes de ségrégation dans les mairies qu’il administre.
Face à une droite qui passe aux aveux et qui légifère sous la dictée des ultras, les socialistes doivent affirmer fortement leurs valeurs qui sont celles de la République et offrir un projet global au pays.
Bref, à la démagogie insidieuse, il faut opposer la pédagogie courageuse.