Texte intégral
Tout se passe comme si la loi actuellement en discussion sur les 35 heures était l’ultime avatar de cette tentation toujours renaissante de réglementer. Réglementer toujours davantage sous couvert de protéger. Réglementer de manière uniforme sous couvert d’égalité.
En fait, cette sur-administration de la vie au travail se retournera à la fois contre l’entreprise et contre ses salariés. Certes, le projet Aubry prétend favoriser la négociation en réservant le monopole des aides publiques aux seules entreprises qui affichent un accord. Mais ce sont des conventions forcées dont le législateur et demain l’administration auront écrit presque tous les termes, au point d’enlever aux signataires, dans bien des cas, la possibilité de chercher eux-mêmes le juste équilibre et l’innovation sociale.
Demain, il ne s’agira pas pour nous de tomber dans les mêmes ornières en traitant les problèmes à la place des partenaires sociaux et des acteurs de l’entreprise.
Il nous faudra rendre au droit de la durée du travail sa vraie nature conventionnelle. Il doit être le fruit du libre dialogue et de la négociation sociale, et ne pas résulter d’une sorte de foisonnement bureaucratique et idéologique.
Pour cela, s’il y a un sujet dont le législateur devra s’occuper, c’est bien celui des conditions dans lesquelles nos entreprises peuvent accéder à des accords équilibrés et légitimes. Nous faciliterons leur négociation et leur signature en ouvrant de nouvelles possibilités, combinant le rôle du syndicalisme représentatif, dont il faudra renforcer la légitimité, et la participation plus active de toute la communauté des salariés. Il faudra aussi savoir faire preuve d’imagination pour protéger la vie de nos petites entreprises, vivier de d’emplois pour demain, ce qui appelle des réponses originales et non des contraintes supplémentaires. Ne décourageons pas l’énergie entrepreneuriale, la première énergie nationale !
Dès lors, il sera aisé d’accompagner sans discrimination ceux qui rechercheront un aménagement-réduction du travail associé à une meilleure organisation de l’entreprise. Il s’agit d’aider et non d’imposer ou de pénaliser les entreprises qui ont de bonnes raisons de ne pas choisir cette voie. Le choix des incitations devra se faire de manière responsable et imaginative. Pour l’instant, le Gouvernement engloutit d’importants crédits pour compenser le surcoût infligé aux entreprises par les 35 heures, sans diminuer le coût du travail. Plus grave encore, il envisage de prélever en partie ces crédits sur le produit des cotisations des salariés pour la Sécurité sociale, la retraite et l’assurance chômage : ce qui constituerait un détournement injustifiable de leur vocation. Une véritable politique de baisse des charges sociales devrait être gagée sur les économies budgétaires que permet désormais la croissance.
Loi de circonstance
Dans le cadre de ce nouveau droit de la durée du travail prévaudront toujours les dispositions concernant la sécurité et la santé des travailleurs. Ces dernières relèvent de l’ordre public, comme l’a énoncé la directive européenne de 1993. Mais rien n’empêchera d’aller beaucoup avant, non seulement dans l’individualisation des horaires, mais aussi dans l’individualisation de la durée du travail.
La France peut-elle priver ses citoyens d’un accès à un vrai temps partiel choisi ? Peut-elle négliger l’un des leviers les plus efficaces pour enrichir la croissance en emplois ? Au lieu de pénaliser le temps partiel comme s’apprêtent à le faire les députés de la majorité, pourquoi ne pas encourager l’entreprise lorsqu’elle garantit aux salariés à temps partiel un droit d’accès (ou de retour) au temps plein, et leur assure un niveau de protection sociale équivalent à celui des travailleurs à temps plein, notamment pour la retraite ? Des facilités pourraient ainsi leur être accordées pour déduire ces cotisations volontaires supplémentaires.
Oui, c’est une tout autre démarche que nous ferons prévaloir. Nous rendrons la parole aux partenaires sociaux, qui choisiront eux-mêmes ce qu’il convient de modifier après le passage d’une loi de circonstance, fruit d’un slogan électoral. L’actuel gouvernement a manqué l’occasion de fournir un effort authentique pour relancer le dialogue social et dynamiser nos entreprises au service de l’emploi. Nous ne manquerons pas le prochain rendez-vous.