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La Corse : Il y a un mois, le préfet Claude Erignac était assassiné. Aussitôt après deux hommes étaient donnés comme les tueurs présumés. Ils ont été relâchés mais des interpellations ont suivi, sans résultats. Est-ce à dire que l'enquête en est toujours à la case départ ?
Jean-Pierre Chevènement : Dans une enquête criminelle, c'est la règle, on explore toutes les pistes, aussi longtemps et aussi méticuleusement que possible. Telle qui parait, au départ peu prometteuse, se révèle ensuite très riche, et inversement.
Il est impossible de fixer à l'avance l'échéance des résultats. Les policiers et les magistrats qui travaillent à cette enquête sont parmi les meilleurs et les plus expérimentés qui existent à ce jour en France. On peut leur faire confiance.
La Corse : Charles Pasqua et Michel Charasse, chacun à sa manière, préconise d'en venir à l'état d'urgence" à des mesures radicales. Que leur répondez-vous ?
Jean-Pierre Chevènement : Ce n'est pas la politique du gouvernement. Il s'agit de faire en sorte qu'en Corse, comme sur le reste du territoire national, la loi républicaine soit respectée. Nous n'avons pas à prendre pour la Corse, des me sures d'exception. Au contraire, nous devons y percevoir l'impôt comme partout ailleurs ; nous devons y contrôler la légalité des décisions des collectivités locales, la transparence des marchés publics, l'affectation des subventions comme partout ailleurs et nous devons y pour suivre le crime comme on le fait sur le continent, c'est-à dire sans faiblesse. Les droits et les devoirs de nos concitoyens sont les mêmes à Paris et à Ajaccio. La Corse n'a que trop fait l'objet de dispositions dé rogatoires. La loi, toute la loi rien que la loi, voilà ce qu'il fait en Corse.
La Corse : Dans une Corse, légitimement angoissé, percevez-vous tout de même des signes d’espoir. Lesquels ?
Jean-Pierre Chevènement : Les signes d'espoir, qui sont nombreux, ce sont nos concitoyens de Corse qui les donnent. Les élus dévoués au bien commun ne manquent pas, les militants désintéressés, non plus les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les entrepreneurs qui réussissent honnête ment, pas davantage.
Et les puissantes manifestations d'Ajaccio et de Bastia, au lendemain de l'assassinat du préfet Erignac nous instruisent clairement sur les vrais sentiments de nos compatriotes cor ses : l'indignation face au crime; l'aspiration légitime à la paix civile, au progrès et à la démocratie.
Car l'État de droit, c'est aussi l'intérêt de la Corse.