Texte intégral
Q - Vous êtes, jusqu'à présent, resté discret sur les régularisations. Quel est votre sentiment, sur ce point, à deux mois de la fin de l'opération ?
R - La circulaire du 24 juin a ouvert, de manière très large, les critères de régularisation. Malgré cette circulaire, il apparaît aujourd'hui que tous les dossiers ne sont pas étudiés, que déjà 25 000 personnes n'étaient pas régularisables. Elles sont donc en situation illégale, au regard de la loi et de la circulaire. Elles doivent quitter la France. Or, je constate, c'est toute l'hypocrisie du Gouvernement, qu'elles sont toujours là, que le Gouvernement n'a pas du tout l'intention de les faire partir. J'en veux pour preuve le nombre des reconduites effectives à la frontière, qui a chuté de 20 % depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir. Et le fait que les personnes en situation illégale peuvent maintenant déposer un recours gracieux contre les décisions des préfets. En réalité, le Gouvernement a complètement renoncé à lutter contre l'immigration irrégulière. Par son attitude, il encourage très clairement les clandestins à rester en France.
Q - Vous ne croyez donc pas à la fourchette de 50 % de régularisés annoncée par le Gouvernement ?
R - Non. Puisque le Gouvernement expulse peu et reconduit de moins en moins, pourquoi ne dit-il pas carrément qu'il va régulariser tous les irréguliers ? Car de fait, malgré les discours officiels, on va arriver à un chiffre de régularisés de l'ordre de 100 000 à 150 000. Pourquoi tout ce cinéma, toute cette hypocrisie ? On veut faire croire à une fermeté qui n'existe pas.
Q - Pourtant, à gauche, beaucoup trouvent les régularisations insuffisantes. Vous ne croyez donc pas Jean-Pierre Chevènement quand il prévoit un dispositif d'aide au retour pour ceux qui ne peuvent être régularisés ?
R - On nous dit que ces gens ont vocation à quitter le territoire, on nous annonce qu'ils vont recevoir une lettre. Mais, à partir du moment où on ne les y oblige pas, ils se fichent des incantations et des lettres officielles ! On ne les mettra pas à la porte et ils le savent très bien. C'est un coup très dur porté à l'immigration légale, à l'intégration des étrangers en situation régulière et à la République. Plus on veut intégrer les étrangers qui respectent nos lois à la communauté nationale, plus il faut être intransigeant avec les irréguliers. Si on veut lutter contre le racisme et la xénophobie, il faut lutter contre l'immigration irrégulière.
Q - Qu'auriez-vous fait dans cette situation ?
R - Ces gens vont recevoir une lettre : « Cher monsieur, chère madame. Vous êtes en situation illégale. Nous vous demandons de bien vouloir quitter la France. » C'est inefficace si on en reste là. Il convient d'organiser, dans le cadre de la loi, leur départ systématique du territoire, tout simplement parce qu'ils ne respectent pas la loi. On sait où ils sont, puisqu'ils sont allés dans les préfectures, à la demande du Gouvernement, indiquer leur adresse. C'est toute l'ambiguïté du Gouvernement et il s'est pris les pieds dans le tapis. Or, l'article 40 du code de procédure pénale oblige tout fonctionnaire qui a connaissance d'un délit à le dénoncer. On se trouve dans une situation paradoxale : les Français pourraient demander au Gouvernement pourquoi il n'applique pas l'article 40, pourquoi les préfets ne dénoncent pas à la justice les étrangers dont ils connaissent la situation irrégulière. On nage en pleine hypocrisie. Il eût été plus simple et politiquement plus clair de dire : « Nous allons régulariser 150 000 personnes. » Le Gouvernement a trompé les Français par sa fausse fermeté. Quand le Gouvernement bafoue la loi, on n'est plus dans un État de droit.