Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, membre du bureau politique du RPR, député maire et candidate à la présidence du RPR, à RTL le 25 novembre 1999, sur sa volonté de moderniser le RPR, la parité hommes-femmes dans la vie politique, son engagement européen, ses relations avec Charles Pasqua et le RPF, la nécessité de désigner rapidement un candidat à la mairie de Paris pour les prochaines élections municipales et sur le projet sur la responsabilité pénale des élus.

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Circonstance : Elections à la présidence du RPR les 20 novembre et 4 décembre 1999

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - P. Devedjian, F. Fillon recommandent de voter pour vous. Alors c'est fait, vous allez être élue présidente du RPR ?

- “Une élection c'est gagné lorsque le dernier bulletin est dépouillé. Alors jusque-là, moi je vais continuer ma campagne, comme je l'ai fait jusqu'à présent, en allant à la rencontre des militants et en essayant de convaincre chacun d'entre eux.”

Q - Vous avez dit : “Ce qui nous sépare, J.-P. Delevoye et moi, c'est une certaine vision de la modernité”. En quoi êtes-vous plus moderne ?

- “C'est une question de style ; c'est également une question de programme pour le mouvement et c'est ce qui a, je pense, attiré F. Fillon et P. Devedjian.”

Q - Dans votre programme, qu'est ce qui est plus moderne ?

- “Dans la modernité, je crois qu'il y a d'abord la mise en oeuvre de toutes les techniques modernes de communication pour que le RPR devienne un mouvement où effectivement les militants soient davantage entendus, où ils puissent parles les uns avec les autres. C'est une première chose. Deuxièmement, ce qui est important aussi, c'est une façon à la fois de retrouver nos sources, mais en même temps d'ouvrir à une forme nouvelle de démocratie le mouvement. Moi j'ai eu l'idée d'un mouvement qui rassemble tout le monde et où chaque sensibilité puisse effectivement s'exprimer, c'est notre tradition.”

Q - Lui aussi veut que tout le monde s'exprime.

- “Il le souhaite peut-être, mais il me semble que j'en ai donné un certain nombre de garanties, notamment à F. Fillon et à P. Devedjian que je remercie d'ailleurs de leur soutien.”

Q - Une différence que j'ai vu quand même : vous, vous êtes farouchement pour la parité.

- “Ah bon ! C'est nouveau ça. Ce n'est pas ça, je suis pour qu'il y ait davantage de femmes qui fassent de la politique. En revanche, je pense que le texte du Gouvernement est un texte parfaitement hypocrite et d'autre part complètement inapplicable. Est-ce qu'on va faire des circonscriptions qui seront réservées à des femmes ou des circonscriptions réservées à des hommes ? Ca me paraît pas normal. En revanche, ce que je dis aussi, c'est que M. Jospin qui ainsi fait semblant de vouloir attirer les femmes à la politique a la possibilité de nommer chaque mercredi en Conseil des ministres des femmes aux plus hauts postes de la fonction publique, là où il y a véritablement le pouvoir. Ce que j'ai constaté, c'est que depuis son arrivée au gouvernement, il a nommé un pourcentage de femmes à ces postes de responsabilité inférieur au pourcentage des femmes à l'Assemblée nationale aujourd'hui.”

Q - Et vlan ! Pour Jospin. Avec vous, le RPR serait un parti résolument européen ?

- “Non, le RPR est un parti dans lequel toutes les sensibilités pourront s'exprimer. Pour ma part je crois effectivement que la France a besoin de l'Europe. Seuls, nous ne résisterons jamais à la pression des Etats-Unis. Qu'est-ce qu'on ferait avec notre foie-gras et notre Roquefort si nous étions seuls en la matière ? Nous avons besoin aussi d'avoir un grand marché.

Q - Vous avez voté pour Maastricht, vous ?

- “Absolument. J'ai même fait campagne pour Maastricht parce que je pense que la France a besoin de l'Europe. Mais ceci dit, ce que je crois aussi, c'est que la France a besoin de défendre ses intérêts en Europe. Moi j'ai vu à plusieurs reprises, effectivement, tenez ! Je peux vous donner un exemple, ça ne va être trop long, quand j'étais député européen – car je suis la seule à avoir fait cette expérience – un jour, on a voulu faire des normes de sécurité pour les automobiles. Il s'est trouvé que, parce que le Commissaire européen était allemand, parce que le député rapporteur était allemand, on a proposé des normes allemandes. Quel était le résultat ? Le résultat, c'est qu'à ce moment-là les véhicules allemands pouvaient continuer de sortir régulièrement tandis que tous les constructeurs automobiles français, anglais, italiens, par exemple, devaient faire des dizaines de millions d'investissements et retarder de plusieurs mois la sortie de leurs véhicules. Eh bien, nous avons résisté à cela et nous avons dit : “Il faut négocier”. Le résultat c'est qu'effectivement on a eu des normes de sécurité, vraies, mais dans lesquelles il y a avait une part de normes françaises, une part de normes anglaises, une part de normes allemandes. Là, je crois que nous avons défendu les intérêts de l'industrie automobile française en Europe. C'est comme ça qu'il convient de faire l'Europe.

Q - Vous êtes tournée vers l'Europe, vous avez une image de libérale. C. Pasqua dit : “C'est l'UDF-bis.”

- “Pas du tout. Mois je suis profondément gaulliste – C. Pasqua devrait d'ailleurs le savoir. Ce que je crois, c'est que les idées et les valeurs gaullistes correspondent aujourd'hui à des solutions dont les Français ont besoin pour répondre à leurs inquiétudes, à leurs angoisses face à la mondialisation, face à la domination de logiques qui sont des logiques financières et économiques qui écrasent les individus comme on l'a vu dans Michelin.”

Q - Le souverainisme mis en avant et la défense de la Nation mise en avant par C. Pasqua peuvent attirer beaucoup de militants du RPR. Comment allez-vous faire pour empêcher qu'ils ne soient tentés d'aller au RPF ?

- “Etre fier de la France, ça n'est pas se contenter de grands mots, mais au contraire, comme je vous l'ai démontré à propos de l'exemple sur l'Europe, prendre des mesures extrêmement concrètes et des mesures qui défendent réellement les intérêts. C'est ça ce que je veux dire aussi à ces militants et je suis persuadée qu'ils verront là où on défend le mieux la France.

Q - C. Pasqua, vous souhaitez le voir revenir au sein du RPR ou bien vous voulez vous contenter d'une entente électorale avec lui ?

- “Personne ne va lier les idées gaullistes de C. Pasqua. Aujourd'hui, il fait un curieux tandem avec P. de Villiers. Je ne sais pas très bien où cela peut aller. Je dis que chacun a le droit de faire son expérience dans la vie. Qu'il fasse son expérience, et puis après nous verrons bien ce que ça donnera.”

Q - Vous êtes prête à le revoir quand même ?

- “Tout a fait. J'ai d'excellentes relations personnelles avec C. Pasqua, je ne fermerai pas la porte et d'ailleurs j'ai l'intention, au printemps prochain, de faire des grandes assises du gaullisme, auxquelles bien entendu, C. Pasqua et la partie gaulliste du RPF et les membres du RPF seraient invités.”

Q - Un des premiers problèmes que vous auriez à résoudre, si vous étiez élue présidente du RPR, c'est la mairie de Paris – la candidature à Paris plus exactement. En combien de temps pensez-vous régler ce problème ?

- “Il est indispensable d'aller vite parce que maintenant nous sommes très près des élections municipales et je souhaite le régler dans les 3 ou 4 mois qui viennent.

Q - Une femme éventuellement candidate à Paris ?

- “Nous regarderons tous les candidats. Ce qui est important effectivement c'est que tous se déclarent. Nous les jugerons tous en fonction de quatre critères, qui sont la compétence – nous ne pouvons pas présenter de candidat qui ne soit pas compétent -, l'intégrité, le dynamisme et l'efficacité car le RPR peut et doit garder Paris.”

Q - J. Tiberi répond à ces quatre critères ?

- “Eh bien nous les examinerons ensemble et j'étudierai avec à la fois les élus de Paris et avec les militants.

Q - Vous n'avez pas encore d'opinion là-dessus ?

- “Nous regarderons, effectivement. Pourquoi voulez-vous que je vous dise ici et dans cette instance, qui n'est pas l'instance qualifiée par le RPR, ce que je pense.

Q - Et quand vous lisez dans Le Monde, alors qu'on parle beaucoup de la responsabilité pénale des élus, J. Tiberi écrire au sujet des affaires : “J'ai entendu l'angoisse des maires qui sont mis en examen personnellement sur des points liés à leur gestion”, ça sent un peu l'amnistie, non ?

- “Non, je ne crois pas. Je crois qu'il est indispensable que la justice s'exprime. Simplement, il faut qu'elle le fasse d'une façon juste. Je constate que beaucoup de maires aujourd'hui sont mis en cause alors même qu'ils n'ont commis aucune faite volontaire tout simplement parce que nous avons des textes de plus en plus complexes.

Q - Oui, mais quand ce sont des fautes de gestion ?

- “Mais même. Là aussi, je crois qu'il faut être extrêmement concret. Vous avez aujourd'hui des procédures qui sont des procédures extrêmement lourdes à respecter, comment voulez vous qu'un maire d'une toute petite commune de 200 ou 300 habitants qui n'est pas lui-même juriste, qui n'a pas de juriste autour de lui, comprenne éventuellement tous ces textes. Je dis qu'il faut simplifier. Et je pense que Mme Guigou au lieu de s'occuper, j'allais dire du sexe des anges, je dirai du sexe des différentes fonctions, ferait beaucoup mieux de s'occuper de la simplification d'un certain nombre de textes.”

Q - Le Gouvernement a fait un pas dans ce domaine quand même L. Jospin l'a annoncé hier…

- “Il n'a pas enthousiasmé les maires, j'aime autant vous le dire.

Q - Est-ce que le vote de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature pourra intervenir au mois de janvier ?

- “Dans l'état actuel du texte, je considère qu'il n'y a pas suffisamment d'équilibre entre les pouvoirs qui sont donnés aux magistrats et leurs responsabilités, et d'autre part je considère qu'il n'y a pas suffisamment de garanties données aux contribuables.

Q - Ca ne sera pas une rebuffade au Président de la République ?

- “Je crois que le texte a été préparé par Mme Guigou et ses services. Si ce texte n'est pas bon, je ne vois pas du tout pourquoi nous serions obligés de le voter.”

Q - Mais c'est le Président qui l'a voulu quand même ce texte ?

- “Que le Président ait voulu une réforme ça me paraît tout à fait normal. Encore une fois, cela ne préjuge pas de la réalisation du texte par le ministre.”