Article de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, et Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, dans "Euro-Mediterranean Partnership" du 6 mars 1997, sur le rôle de l'Union européenne pour le développement économique des pays méditerranéens et sur la part de la France comme investisseur.

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Média : Euro Mediterranean Partnership - Presse étrangère

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Le processus euro-méditerranéen, lancé à Barcelone, a fait naître d’immense espoirs. Pour la première fois, peut-être les Méditerranéens ont eu le sentiment que l’Europe s’adressait à eux avec une approche adaptée, un projet cohérent, et les moyens nécessaires.

Ma principale force du Processus de Barcelone tient à ce qu’on peut appeler sa globalité :
    - la globalité de son cadre géographique, d’abord. On y retrouve les pays du Maghreb ceux de Machrek, l’autorité palestinienne, Israël, la Turquie, Chypre et Malte, ainsi que l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Cette universalité et cette diversité sont à la fois une richesse et un gage d’objectivité.
    - la globalité de son contenu, ensuite. Il s’étend à l’ensemble de nos relations – politiques, économiques, sociales, culturelles et humaines – et permet ainsi d’instaurer un partenariat complet. Tous ces éléments sont évidemment indissociables. Notre projet politique est crédible parce qu’il s’appuie sur une coopération financière solide. Inversement, notre coopération économique s’inscrit dans la durée car elle repose sur une vision partagée de notre avenir.

La réussite de ce projet passe d’abord par le développement économique. L’ambition de partenariat euro-méditerranéen est de réduire les écarts de prospérité entre les deux rives de la Méditerranée et de créer les conditions d’un développement durable. C’est sans doute dans ce domaine que les attentes sont légitimement les plus fortes et les besoins les plus immédiats.

Le projet de constitution, à l’horizon 2010, d’une zone de libre-échanges est destinée à mobiliser les énergies. Il ne doit pas être considéré comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen d’atteindre deux objectifs :
    - le premier est la modernisation des économies. L’ouverture sur l’extérieur constituera en effet une incitation forte à l’adaptation des entreprises et de structures administratives ? Ce sera également le moyen de rendre les économies plus compétitives et aptes à investir de nouveaux marchés, en Europe centrale par exemple ;
    - le second est la coopération régionale. La libération de échanges doit concerner également les pays méditerranéens entre eux. Aujourd’hui, en moyenne, les échanges infrarégionaux excèdent à peine 5 % des échanges des échanges totaux, tandis que les échanges avec l’Union européenne dépassent les 50 %.

Naturellement, il ne faut pas brusquer les choses. Le libre-échange ne doit pas être imposé de manière dogmatique. Ce que l’Union européenne propose, c’est une démarche progressive, qui se situe dans le cadre du partenariat.

Une grande partie de la réussite du projet dépendra des pays méditerranéens eux-mêmes, des effort d’adaptation qu’ils sauront mener et de leur capacité à attirer de nouveaux investissements, aussi bien locaux qu’étrangers. À cet égard, la Conférence de Londres est particulièrement bienvenue et nous souhaitons qu’elle ait des retombées concrètes.

Les conditions d’une croissance des investissements sont connues : la stabilité politique – à laquelle l’établissement d’une Charte/Pacte euro-méditerranéen peut apporter une contribution importante – et un cadre macro-économique adapté. L’amélioration de l’environnement des entreprises – tant en termes d’infrastructures physiques que le cadre institutionnel – constitue également un enjeu essentiel et doit devenir un domaine d’intervention privilégiée de l’action publique.

L’Union européenne est prête à appuyer les efforts des pays méditerranéens, en apportant son expérience en matière de réforme des structures administratives et d’adaptation des tissus industriels, ainsi que des financements importants.

Comme on le sait, la France a beaucoup fait pour que les crédits européens en direction de la Méditerranée soient substantiellement augmentés. C’est en effet sous sa présidence, lors du Conseil européen de Cannes, qu’il a été décidé de consacrer 4,7 milliards d’écus à la politique méditerranéenne de l’Union pour la période 1995-1999.

Nous veillerons également à ce que la coopération européenne s’articule bien avec notre coopération bilatérale. La France mène des actions de coopération à la fois anciennes e importantes avec la plupart des partenaires méditerranéens de l’Union européenne. Elle est l’un des principaux bailleurs de fonds du Proche-Orient, au Liban bien sûr mais aussi dans les Territoires palestiniens, en Égypte et en Jordanie. Elle reste le premier partenaire du développement du Maghreb. Elle a ainsi aidé le Maroc à surmonter les effets de la désastreuse sècheresse qui l’a frappé en 1994 et 1995. Elle est également présente en Algérie avec laquelle les relations économiques se sont poursuivies au long de ces dernières années y compris sur le plan multilatéral (notamment par le biais de l’Union européenne). En Tunisie, la France contribue à la modernisation des infrastructures et par ce moyen à l’amélioration de la compétitivité de l’économie tunisienne, en associant étroitement les opérateurs privés des deux pays.

Sur le plan sectoriel, l’une des priorités de la coopération française avec les pays méditerranéens est l’appui à l’investissement public privé. À titre d’illustration, on peut mettre en relief l’exemple de la Caisse française de développement (CFD). Par le biais de sa filiale PROPARCO, elle participe directement au financement du secteur privé, à travers des apports en fonds propres ou des prêts à moyen terme. En outre, le CFD gère les fonds d’études destinés à réaliser des études de faisabilité pour des projets d’investissements concernant les PME, ainsi que des lignes de crédit dont l’objectif est de favoriser les investissements d’entreprise en partenariat avec des promoteurs locaux.

Les investissements français dans les pays méditerranéens sont importants. La France représente à elle seul 20 % des investissements étrangers sur la zone. À titre d’exemple, en Turquie, la France est le deuxième investisseur en stock et a été, au cours des dernières années, selon les cas, premier ou deuxième investisseur en flux dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’équipement, mais également du ciment, de la distribution, de la chimie, de la pharmacie et des services. Par ailleurs, en Égypte, la France se classe au cinquième rang des investisseurs étrangers hors pays arabes. Notre présence est particulièrement affirmée dans le secteur bancaire, le tourisme, l’agroalimentaire, la pharmacie, l’automobile et le matériel électrique. En Israël, si les investissements français sont longtemps restés insuffisants, nos entreprises sont actuellement en train de rattraper leur retard en développant leurs implantations commerciales, notamment dans l’agro-alimentaire et le tourisme. Elles suivent, d’une part activement, les grands projets publics d’infrastructures.

Les perspectives ouvertes par le partenariat euro-méditerranéen sont de nature à encourager, davantage encore, les opérateurs privés français à s’intéresser à l’ensemble des pays de la zone.

Le développement économique de la Méditerranée est notre responsabilité partagée, car il s’agit de notre intérêt commun. La Méditerranée représente, en comptant les pays méditerranéens de l’Union, le cinquième du commerce extérieur de la France, soit 300 milliards de francs en 1995. Vers les pays tiers méditerranéens, nos entreprises ont exporté 70 milliards de francs, ce qui représente 13 % de nos échanges hors Union européenne. Ce chiffre est d’autant plus significatif que nous enregistrons avec les pays tiers méditerranéens un excédent important (21 Mds de francs en 1995) soit 40 % de notre excédent commercial avec le reste du monde. Vue des pays méditerranéens, la France est un partenaire essentiel, qu’il s’agisse du Maghreb, dont notre pays est le premier fournisseur, ou du Proche-Orient, où nous nous situons, selon les pays, entre le troisième et le cinquième rang.

Pour renforcer ces échanges et développer l’investissement, le cadre de Barcelone offre des possibilités nouvelles et prometteuses. La France qui entretien une coopération solide et ancienne avec les pays méditerranéens est déterminée à jouer un rôle à sa mesure dans ce nouveau partenariat. Nous encourageons à cet égard les entreprises françaises à tirer le meilleur parti possible de ces nouvelles opportunités pour bâtir entre les deux rives de la Méditerranée une modernité commune dans le respect, naturellement, des identités de chacun. Nous souhaitons vivement que la Conférence de Londres contribue à cette évolution de façon substantielle.