Interview de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, à RMC le 5 mars 1997, RTL le 11 mars et à France 2 le 26 mars 1997, sur la loi Debré contre l'immigration clandestine, la fermeture de l'usine Renault à Vilvorde, la lutte contre le Front national, le projet de loi Toubon contre les propos racistes, les missions de la télévision publique, et la lutte contre l'illettrisme.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - Emission L'Invité de RTL - Emission Les Quatre Vérités - France 2 - RMC - RTL - Télévision

Texte intégral

RMC - mercredi 5 mars 1997

P. Lapousterle : La France est un pays ouvert sur le monde, notamment dans le domaine de la culture, que vous dirigez. Est-ce que les récentes mesures, c’est-à-dire les visas accordés de plus en plus difficilement à des étrangers qui veulent venir en France – la nouvelle loi Debré –, qui nous valent les reproches publics et amers des pays francophones, ne nuisent pas à l’image de la France à l’étranger et, notamment, ne compliquent pas la tâche du ministre de la Culture que vous êtes ?

P. Douste-Blazy : C’est un problème de communication. Nous devons nous expliquer, vous avez raison. La loi qu’a présenté M. Debré est une loi qui vise à lutter contre l’immigration clandestine, ces filières mafieuses qui amènent des centaines, des milliers de personnes, qui viennent de Chine, du Vietnam ou d’ailleurs, et qui sont séquestrées dans des endroits en France, qui travaillent 17 heures par jour et sont payées 200 francs par mois. Cela, nous ne le voulons plus. À côté de cela, bien évidemment, les étrangers, l’immigration régulière, sont bienvenus en France, que ce soit clair.

P. Lapousterle : Ce n’est pas ce que disent les responsables des pays concernés ?

P. Douste-Blazy : Parce que je crois qu’il y a eu une énorme confusion à la suite d’un certain nombre de personnes qui ont souhaité cette confusion, en France. Je redis, ici, que la loi de M. Debré est une loi contre l’immigration clandestine, je crois maintenant que tous les Français ont parfaitement compris.

P. Lapousterle : Si l’on parle de l’affaire Renault qui fait grand bruit, en ce moment, à juste titre, d’ailleurs, et qui nous vaut des mouvements de colère en Belgique, et qui devient même une affaire d’État entre les deux pays, est-ce que c’est un coup dur pour l’Europe sociale et l’idée de l’Europe que vous défendez dans votre parti ?

P. Douste-Blazy : Le coup dur, pour l’Europe sociale, serait l’Europe du chômage. Alors, d’un côté, je comprends l’émotion, d’autre part, je comprends la nécessité de dialoguer dans l’Europe entre des patrons et des syndicats. Mais en même temps, je sais qu’il faut restructurer des entreprises comme Renault. Aujourd’hui, on nous dit que Renault perd cinq milliards de francs par an ; en 1996, ce serait cinq milliards. Or il y a 140 000 emplois chez Renault. Je sais que ce sixième constructeur européen, pour être compétitif, doit être plus productif et si on veut que Renault, demain, embauche pour être au rendez-vous d’une Europe sociale, il faut certainement restructurer. C’est cela le courage politique.

P. Lapousterle : Donc, sur le fond, vous pensez que Renault a peut-être raison, c’est une question de méthode ?

P. Douste-Blazy : Moi, je crois qu’il faut toujours expliquer aux personnes ce qui se passe. Si l’on veut sauver une entreprise, si l’on veut que les Européens continuent à faire des voitures compétitives par rapport aux Japonais, par exemple, il faut que la productivité d’un ouvrier européen soit identique à celle d’un ouvrier japonais. Ou alors, on dit carrément qu’on ne créera plus de voitures en Europe. C’est cela, aussi, l’Europe sociale.

P. Lapousterle : Sur le problème du Front national, auquel vous êtes particulièrement sensible, est-ce que vous pensez que les récentes déclarations de Catherine Mégret à un journal allemand, et de Jean-Marie Le Pen sur le président de la République doivent changer l’attitude des responsables politiques par rapport à ce parti. Est-ce que c’est un tournant ?

P. Douste-Blazy : Je vois avec plaisir que pratiquement l’ensemble de la classe politique, non seulement est choquée par les propos de Mme Mégret, mais en plus souhaite que l’on attaque en justice cette personne en raison de ses propos racistes. Moi, je vais plus loin, je pense aujourd’hui qu’il faut non seulement dire non au Front national, dire non à son idéologie mais, surtout, qu’il faut défendre nos valeurs et notre identité. Je crois que chaque fois qu’il y a eu, dans un pays un gouvernement, des partis politiques démocratiques qui se sont vraiment battus pour leur pays, en donnant cette impression d’identité forte, le Front national, l’extrême droite, n’est jamais montée. Je pense, et je le dis ici à M. Le Pen, je profite de votre antenne : s’il veut dialoguer, je suis prêt à lui expliquer que le Front national aujourd’hui n’a absolument aucune solution pour le pays. C’est de l’idéologie, d’un côté, mais ce ne sont pas des solutions pratiques de l’autre.

P. Lapousterle : C’est-à-dire que c’est un appel, ce matin, pour une confrontation publique avec M. Le Pen sur une antenne ?

P. Douste-Blazy : Je ne la crains pas. Je pense qu’il est important, à un moment donné, de prendre peut-être ses responsabilités et d’expliquer qu’il n’est pas possible de faire croire aux Français qu’on a des solutions lorsque, chaque fois qu’on a pris des villes comme Vitrolles, récemment, mais surtout Orange, Toulon ou Marignane, depuis plus d’un an et demi, on voit qu’il n’y a aucune solution concrète : ni pour le chômage ni pour l’immigration. On voit des impôts monter, des impôts locaux, voilà ce que l’on voit. Mais on ne voit rien de concret. Je crois qu’il est important aujourd’hui de ne pas diaboliser les électeurs du Front national. Il y a, d’un côté, 4 % ou 5 % de gens d’extrême droite mais il y a, à côté, 20 % ou 25 % de gens qui votent pour le Front national. Mais à ceux-là, je leur dis : réfléchissez, regardez, il n’y a aucune solution que propose le Front national qui soit concrète.

P. Lapousterle : La réforme de l’audiovisuel que vous défendez, en ce moment, c’est votre loi sur l’audiovisuel. Le rapporteur, M. Cluzel, au Sénat, disait que c’était la 22e modification depuis 1986 dans l’audiovisuel et que ça faisait beaucoup.

P. Douste-Blazy : Ce n’est pas une modification, c’est une loi. C’est une nouvelle loi sur l’audiovisuel tout simplement parce que, depuis 1986, qui est la dernière la loi, il y a eu une évolution technologique majeure, ce que j’appelle le numérique, c’est-à-dire que, demain, nous aurons 100, 120 chaînes de télévision chez nous par les satellites de télécommunication. Et nous n’avions aucun arsenal juridique pour réglementer cette télévision.

P. Lapousterle : J’emploie les termes que vous avez utilisés il y a quelques mois, en parlant de la télévision publique : vous avez dit qu’elle présentait des faiblesses, qu’elle avait des moyens dispersés et qu’une insuffisante synergie lui posait des problèmes d’identité. Est-ce que la loi que vous soutenez, en ce moment, va mettre fin à cet état de chose ?

P. Douste-Blazy : Oui, nous souhaitons réorganiser le service public, la télévision publique autour de trois pôles : d’abord un pôle en fusionnant La Cinquième et Arte. Nous sommes le seul pays au monde à avoir quatre chaînes de télévision publiques…

P. Lapousterle : À propos, qu’est-ce qu’on en fait des quatre chaînes de télévision publiques ?

P. Douste-Blazy : D’abord, on commence à les fusionner pour n’en faire plus que trois. Il y aura un grand pôle de télévisions pour la culture, pour la connaissance et le savoir. Et, en particulier, avec une banque de programmes, on pourra chez soi faire de l’enseignement à distance à partir de La Cinquième et d’Arte. Deuxièmement, ce que l’on appelle France Télévision, un pôle grand public, et je voudrais donner un coup de chapeau à l’équipe actuelle qui vient de montrer avec sa nouvelle grille de France 3 qu’il y a une télévision publique en France, avec des émissions comme « Graine de philo », « Sciences 3 », deux émissions littéraires. Bref, on sent une différence de télévision publique. Et enfin, un pôle international, parce que je crois qu’il est important que le monde entier connaisse la position de la France, la vue de la France sur l’échiquier international.

P. Lapousterle : Vous avez dit que la France avait quatre chaînes de télévision publique, c’est un record du monde, si l’on peut dire. Est-ce que ça se voit ? Est-ce que vous êtes satisfait, quand on dit que la France a la plus grande télévision publique, du résultat que les Français peuvent voir tous les soirs ? Puisque que beaucoup de Français disent qu’ils ne voient pas une grande différence entre télévision française, anglaise… ?

P. Douste-Blazy : Nous sommes les seuls au monde, c’est d’ailleurs à notre honneur, d’avoir une télévision publique qui soit axée sur le pôle culturel, un pôle d’accès à la connaissance pour tous et d’accès au savoir. Cela sera La Cinq-Arte. Mais, à côté, il faut bien reconnaître que France 2 ou France 3 doivent être des télévisions publiques au rendez-vous de l’information pluraliste, au rendez-vous du divertissement et, surtout, au rendez-vous d’émissions qui sont des émissions peut-être qui font un peu moins d’audience mais qui sont un peu plus au rendez-vous culturel. Je pense encore aux émissions de théâtre qui vont sortir bientôt, une émission de cinéma régulière qui va avoir lieu, une émission sur la philosophie, bref des émissions qui ne sont peut-être pas, aujourd’hui, des émissions grand public mais qui font la différence.

P. Lapousterle : On attend toujours le rapport de la Cour des comptes sur la télévision…

P. Douste-Blazy : Je n’ai pas toujours été d’accord, comme vous le savez, avec l’équipe précédente. Je suis en train de prouver, aujourd’hui, que j’ai une vision du secteur audiovisuel, en particulier du secteur audiovisuel public, qui est différente de celle de l’équipe passée. Le rapport de la Cour des comptes va sortir très bientôt, on verra si la gestion a été bonne ou pas.

 

RTL - mardi 11 mars 1997

J.-M. Lefebvre : Hier soir, le Président Chirac s’est fixé pour objectif qu’à la fin de son septennat tous les enfants de CE2 sachent parfaitement lire. Est-ce réalisable ?

P. Douste-Blazy : Bien sûr, c’est réalisable ! Je me dis que le président de la République a raison de citer l’éducation comme une priorité. Il a souligné l’enjeu fondamental de l’enseignement primaire, il faut en finir avec le scandale de l’illettrisme, et il n’est pas un parent qui ne se retrouve dans cette priorité.

J.-M. Lefebvre : Mais les syndicats mettent en avant le manque de moyens financiers ? Alors, concrètement, que peut-on faire ?

P. Douste-Blazy : Comme vous le savez aujourd’hui, le nombre d’enfants qui sont dans les classes de secondaire, soit au collège, soit au lycée, diminue. Et le nombre de professeurs est aujourd’hui stabilisé. Il est donc tout à fait possible de lutter aujourd’hui contre l’illettrisme. Il faut une volonté politique pour lutter contre l’illettrisme. Il est absolument évident que dans le primaire on doit tous lire, écrire et compter, et qu’ensuite, dès l’âge de 14 ou 15 ans, on puisse tous avoir accès à l’ordinateur et à Internet. Le Président Clinton a gagné les élections sur cette notion d’éducation, à la fois accès à la culture, à la connaissance et au savoir pour tous. C’est le Jules Ferry II ou le Jules Ferry III si vous voulez, mais le président de la République a eu raison de dire que c’est la grande priorité de la nation.

J.-M. Lefebvre : Avez-vous le sentiment d’avoir assisté hier soir à une émission où le président de la République était, en fait, en campagne électorale ?

P. Douste-Blazy : Non, le président de la République était dans son rôle. Il a su, je crois, parler aux jeunes en adultes, ce qui est la seule façon de les respecter. Il leur a dit, il leur a rappelé surtout quelles sont les responsabilités de la société à leur égard et quelles sont leurs responsabilités vis-à-vis d’eux-mêmes.

J.-M. Lefebvre : Le ministère de la Culture a beaucoup d’initiatives pour favoriser la lecture chez les jeunes ?

P. Douste-Blazy : D’abord dans ce Salon du livre – qui est la plus grande librairie française et même la plus grande librairie du monde, pendant une semaine –, nous avons organisé la venue de 20 000 jeunes qui auront un chèque de 50 francs pour s’acheter le livre qu’ils souhaitent. Je dirais que la plus grande de mes priorités, c’est de donner le goût de la lecture aux jeunes. La seule question qui existe, c’est de savoir si nous formons aujourd’hui les lecteurs de demain. C’est une question à la fois culturelle et économique parce que le livre ne vivra pas sans lecteurs. Et donc, aujourd’hui, je fais une grande opération pour que les jeunes puissent lire en effet.

J.-M. Lefebvre : Cet après-midi, les sénateurs ont examiné le texte de Jean-Louis Debré. Quelle leçon tirez-vous de la crise récente et des soulèvements de l’opposition, du monde intellectuel ?

P. Douste-Blazy : La leçon que je tire de tout cela, c’est qu’il y a une différence entre la régularisation et la régulation de l’immigration officielle, d’une part, et la lutte contre l’immigration clandestine d’autre part. Sans les immigrés nous ne serions pas ce que nous sommes. D’ailleurs, sur ce siècle et demi, depuis la moitié du XIXe siècle, il y a une tradition d’accueil et d’intégration en France. Mais à côté, il y a l’immigration clandestine avec ses filières mafieuses qui font venir des étrangers qui les exploitent, qui les séquestrent, qui leur donnent 200 francs par mois pour les faire travailler 18 heures par jour. Eh bien ça, dans le pays des droits de l’homme, on n’a pas le droit de ne pas lutter contre. Il faut respecter les droits de l’homme dans ce pays. Voilà la conclusion. Donc les artistes ont eu raison de dire : attention ! il ne faut pas traiter le problème de l’immigration en empêchant l’immigration en France. Par contre, contre l’immigration clandestine, Jean-Louis Debré a eu tout à fait raison d’être ferme, et je suis ferme à ses côtés comme tout le gouvernement.

J.-M. Lefebvre : Vous êtes secrétaire général de Force démocrate, une des composantes principales de l’UDF, on a l’impression qu’à l’UDF ça tangue et qu’il y a une certaine émulation, pour ne pas dire plus, entre toutes les formations ?

P. Douste-Blazy : Vous savez, l’UDF est une formation de sensibilités variées et différentes. C’est le grand pôle de la majorité à côté du RPR. Or, je suis absolument persuadé que, pour bouger avec le président de la République, pour gagner, la majorité a besoin de cette variété. Vous ne pouvez pas empêcher une formation politique d’être diverse, d’avoir des vues différentes sur tel ou tel sujet. Ce qui est important, c’est d’être unis au moment de faire un programme pour des élections, et pour ensuite appliquer ce programme. C’est ce que nous faisons. Vous savez, les ministres UDF aujourd’hui, dans ce gouvernement sont profondément réformateurs.

J.-M. Lefebvre : Le front républicain pour vous, ce n’est pas la bonne réponse à la question de l’extrême droite ?

P. Douste-Blazy : Le problème, c’est que si la gauche et la droite disent qu’ils sont ensemble contre le FN dans un premier tour d’élection, alors ça veut dire qu’il n’y a plus de différence entre la droite et la gauche, c’est le grand piège que nous tend M. Le Pen. Moi je dis qu’il y a une différence énorme, il suffit de regarder le programme du PS, et le programme de cette majorité et les réformes que nous faisons, pour montrer qu’il y a une vraie différence entre les socialistes et le centre droit. Par contre, il est évident qu’il y a une différence énorme entre le front républicain d’un côté, et le désistement salutaire au second tour pour faire passer des partis démocratiques avant des partis autoritaires.

 

France 2 - mercredi 26 mars 1997

G. Leclerc : Le sourire éclatant de Juliette Binoche est à la Une de presque tous les journaux. Partagez-vous cette passion pour Juliette ? Faut-il voir, dans cet Oscar et celui attribué à Gabriel Yared, un signe de bonne santé du cinéma français ?

P. Douste-Blazy : Le cinéma français est le deuxième cinéma au monde. Il fait la preuve de sa vitalité et de sa diversité. 36 % des Français sont allés voir un film français cette année, ce qui est une augmentation considérable. C’est formidable pour Juliette Binoche : depuis 1960, depuis Simone Signoret, on n’avait pas vu une Française ni un Français primé aux Oscars. Avez-vous vu le film « Le patient anglais » ?

G. Leclerc : Pas encore, malheureusement.

P. Douste-Blazy : Neuf Oscars ! Il faut aussi remarquer en particulier que ce n’est pas Juliette Binoche qui a été primée : c’est également Gabriel Yared, ce musicien extraordinaire, qui a eu le prix de la musique de films dramatiques. Juliette Binoche – Louis Malle le disait –, c’est une histoire d’amour entre la caméra et elle, et puis aussi avec le public.

G. Leclerc : La polémique enfle à propos du congrès du FN à Strasbourg. Vous devez participer à un débat. Toute une série de manifestations est organisée. Du coup, le Front national parle de « totalitarisme rampant ». Jean-Marie Le Pen a porté plainte contre X pour actes préparatoires de crimes ou de délits. N’êtes-vous pas en train de faire du Front national une victime ?

P. Douste-Blazy : Il ne faut pas en faire une victime. Personnellement, je n’ai jamais voulu porter le Front national en victime. Par contre, chaque fois qu’il dépasse les limites acceptables, il faut être là. Chaque fois qu’il le fera, je serai là. C’était vrai à Orange, lorsqu’ils ont décidé d’instituer carrément la censure dans une bibliothèque en disant « Ce livre, non ; ce livre, oui ». C’était vrai lors des Chorégraphies d’Orange, ce grand site d’art lyrique dans le monde depuis 1864 quand ils ont commencé à attaquer, j’étais là aussi. J’étais là pour la Fête du livre à Toulon. Il ne faut pas aller discours contre discours, violence contre violence : il faut au contraire être là chaque fois qu’il le faut, pour montrer aux Français qu’il y a des limites qu’il ne faut pas dépasser. C’est tout simplement la démocratie.

G. Leclerc : Vous participerez à cette protestation, mais en même temps, on laisse le Front national tenir son congrès. Est-ce normal ?

P. Douste-Blazy : Vouloir interdire le Front national, c’est très naïf. En s’imaginant qu’on va interdire le Front national, immédiatement, quelques heures après, vous aurez un nouveau parti qui aura un nouveau nom, mais vous aurez le même courant. Ce qui est important, c’est d’expliquer qu’il y a peut-être 4 % ou 5 % de personnes qui ont une idéologie d’extrême droite, mais à côté, il y a 10 % à 15 % de gens qui n’ont pas véritablement vu qu’en votant Front national, ils votent pour une idéologie qui est, à mon avis, quand même d’extrême droite et très dangereuse.

G. Leclerc : N’y a-t-il pas une ambiguïté politique dans la majorité ? La majorité du RPR est contre le projet de la loi Toubon contre le racisme.

P. Douste-Blazy : Ce qui est important, aujourd’hui, c’est de voir que l’ensemble de la majorité fait corps derrière le président de la République et le Premier ministre qui ont été très clairs à plusieurs reprises, en affirmant que le Front national avait véritablement une idéologie qui était non seulement raciste, mais également xénophobe.

G. Leclerc : Sur le projet de loi Toubon, cela pose problème apparemment ! Il faut faire voter cette loi ?

P. Douste-Blazy : Ce qui est important, aujourd’hui, c’est que chaque fois qu’il y a des propos racistes, il faut bien évidemment aller jusqu’au tribunal. On ne peut pas exister, aujourd’hui, dans un pays qui n’a pas de lois qui permettent de poursuivre quelqu’un qui profère des phrases racistes.

G. Leclerc : Il faut donc une nouvelle loi.

P. Douste-Blazy : Il faut une nouvelle loi ou il ne faut pas de nouvelle loi : c’est la vraie discussion. Aujourd’hui, certains disent que la loi permet de poursuivre ; d’autres, comme le garde des Sceaux, disent qu’il faut en faire une nouvelle : il y a débat. Le débat est ouvert. Mais le débat n’est pas, comme vous voulez l’insinuer, sur le fond : tout le monde est d’accord, en particulier au RPR et à l’UDF, ainsi – j’en suis sûr – que dans les autres partis démocratiques : il n’est pas possible, aujourd’hui en France, de laisser proférer des phrases racistes, type « inégalité des races ». Ce serait très grave. Accepter cela, c’est accepter tout.

G. Leclerc : Hier, dans « Le Monde », des artistes et des membres du Syndicat national d’édition phonographique vous demandent que la baisse de la TVA, que le président de la République a promise pour le CD-Rom, s’applique aussi aux CD musicaux. Qu’allez-vous faire ?

P. Douste-Blazy : Il faut baisser la TVA du disque. Le Premier ministre l’a déjà dit il y a un an, le disque est trop cher en France par rapport à d’autres pays comme l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Italie. Surtout, 50 % des disques sont achetés par des jeunes.

G. Leclerc : Donc, vous êtes pour ?

P. Douste-Blazy : Oui, mais il faut savoir qu’aujourd’hui, ce n’est pas un gouvernement comme le gouvernement français qui décide d’un coup de baguette magique qu’on peut baisser la TVA : il faut que cela passe autour de la table des quinze ministres de l’Économie et des Finances européens et qu’il n’y ait aucune voix contre. Aujourd’hui, nous sommes à quatorze : j’espère que la quinzième va suivre.

G. Leclerc : La campagne et le concours qui visent à relancer la création dans les jardins potagers : pourquoi cette initiative ?

P. Douste-Blazy : Il y a 11,5 millions de jardins. C’est une vraie pratique culturelle, c’est un loisir, c’est une activité quotidienne, c’est aussi une préservation d’un cadre de vie. J’ai donc souhaité faire un double concours : d’abord, un concours pour tous ceux qui font un jardin potager et qui consomment les produits de ce jardin potager. Ce grand concours dure jusqu’au 30 juin, date limite où on se porte candidat : ensuite, le 30 juillet, c’est la fin des inscriptions ; en septembre, il y aura d’abord 100 jardins qui seront primés, puis 5, puis 1. C’est important, le jardin potager : c’est quelque chose qu’il faut garder, qu’il faut conserver. Il y aura également un concours à l’école : dans toutes les écoles primaires du pays, les enfants seront sensibilisés à ce qu’est un jardin, à l’esthétique du jardin.

G. Leclerc : L’écran noir qui a été voté pour les chaînes qui ne respecteraient pas leurs obligations, vous étiez contre. Allez-vous continuer à vous y opposer ?

P. Douste-Blazy : Je suis pour qu’une chaîne de télévision qui ne respecte pas le cahier des charges soit sanctionnée. Mais de là à faire un écran noir, cela me paraît quand même être tout à fait disproportionné.

G. Leclerc : Vous vous y opposerez ?

P. Douste-Blazy : Oui, c’est clair.