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La Voix du Nord : A peine en vigueur, la réforme de la protection sociale a mis le monde hospitalier en ébullition. Après avoir satisfait la demande des jeunes praticiens, que peut encore faire le pouvoir ?
Hervé Gaymard : D’abord, il faut préciser les choses… Le mouvement des internes n’est pas lié à la réforme de l’hospitalisation, mais à la convention médicale. Les internes sont inquiets par rapport à l’avenir de ceux qui s’installeront en ville. Il faut prendre ce sentiment en considération.
C’est pourquoi, Jacques Barrot et moi, nous discutions avec eux. L’ensemble des internes vont recevoir un document du ministère de la Sécurité sociale. Et je suis allé, vendredi, à Tours rencontrer les grévistes. Ceux que j’ai vus sont pleinement convaincus de la nécessité de promouvoir le juste soin et la maîtrise médicalisée de la dépense.
Je vous rappelle que leur revendication pour un moratoire de sept ans a été satisfaite. Par ailleurs, la réforme ne comporte pas de quotas d’actes. Elle est centrée sur la notion du juste soin avec des dépenses qui continueront d’augmenter, mais de manière maîtrisée. C’est la marque de notre système qui allie l’exercice libéral de la médecine et la solidarité de notre protection sociale. C’est pour assurer l’avenir de notre système, auquel nous tenons tous, et donc le leur, que cette réforme a été engagée. C’est en dialoguant et en expliquant que nous arriverons à construire ensemble la santé de demain.
La Voix du Nord : Par la proximité des Pays-Bas, le Nord – Pas-de-Calais est un carrefour de la drogue. Par quelles mesures comptez-vous lutter efficacement contre le fléau ?
Hervé Gaymard : La situation géographique du Nord – Pas-de-Calais accroît l’offre de produits et alimente le fléau. Nous devons agir dans deux directions :
- maintenir avec fermeté nos demandes d’harmonisation de la politique hollandaise avec celles de ses voisins. C’est ce que le président Chirac a fait auprès du Premier ministre néerlandais. On en a constaté, déjà, les premiers résultats avec les mesures prises par les Hollandais envers les « coffee shops » ;
- disposer de tous les outils de prévention et de prise en charge des toxicomanes. C’est le cas dans le Nord qui, avec plus de trente millions de francs d’aides de l’Etat pour lutter contre la drogue, dispose d’un des budgets les plus importants en métropoles.
J’ajoute que tout cela se fait en parfaite collaboration avec les acteurs locaux, eux-mêmes soutenus par le conseil général du Nord et spécialement par son vice-président, le docteur Ghysel, dont on connaît l’engagement dans ce secteur.
La Voix du Nord : Faut-il libéraliser les drogues douces ? Ou développer les produits de substitution ?
Hervé Gaymard : Il faut dépasser le débat entre drogues dures et drogues douces. Et lui préférer la notion de dépendance. Ainsi aujourd’hui, notre préoccupation porte-t-elle sur les formes nouvelles de dépendance, comme les polytoxicomanies ; drogue, alcool, tabac, médicaments…
Actuellement en préparation à la demande du Premier ministre, le prochain plan triennal mettra l’accent sur ces nouvelles situations. Il confirmera également les deux politiques qui permettent à notre pays de rattraper son retard dans la prise en charge et le soin aux toxicomanes : la réduction des risques et les produits de substitution. Ces produits ne constituent évidemment pas une fin en soi. Le toxicomane doit être accompagné, suivi, orienté, réinséré. Mais ces politiques appliquées en France depuis 1993 remportent leurs premiers succès : diminution de la contamination des toxicomanes par le sida, baisse de la mortalité par overdose. Plus de 35 000 personnes sous substitution, cela veut dire 35 000 personnes prises en charge et qui n’ont plus recours à des produits illégaux réclamant plusieurs milliers de francs par jour.
La Voix du Nord : Le vaccin contre l’hépatite B est-il aussi anodin qu’on le prétend ? Face aux risques possibles, ne faut-il pas interrompre la campagne de vaccination ?
Hervé Gaymard : Depuis que la vaccination contre l’hépatite B a été recommandée en 1994, des craintes se sont manifestées. En décembre, les comités scientifiques ont conclu à l’absence de danger et préconisé la vaccination pour les nourrissons, les adolescents et les groupes à risques. La seule réserve concerne les personnes ayant des antécédents de sclérose en plaques, pour lesquelles le vaccin n’est pas recommandé.
La Voix du Nord : Et l’hépatite C ? Comme pour le sida, la France est parmi les pays européens les plus touchés. Comment faire régresser la contaminations ?
Hervé Gaymard : L’hépatite C concerne 500 000 à 600 000 Français. Des chiffres qui se suffisent à eux-mêmes pour faire de cette épidémie un problème de santé publique majeur. La contamination revêt trois aspects : la transfusion sanguine, sans danger depuis 1990 ; la toxicomanie, dont les risques sont combattus dans le cadre de la lutte contre le sida ; les infections nosocomiales, contractées à l’hôpital : ce sujet constitue l’un des axes de travail majeurs pour 1997.
S’agissant du dépistage, le directeur général de la santé écrira prochainement aux médecins libéraux pour le recommander aux personnes à risques : les toxicomanes et les personnes ayant subi une intervention chirurgicale.
La Voix du Nord : Par rapport à la population, les crédits alloués en matière de santé à notre région sont nettement inférieurs à la moyenne nationale. Et la disparité se ressent sur l’espérance de vie. Comment combler ce retard ?
Hervé Gaymard : L’une des priorités du gouvernement est la réduction des inégalités sanitaires entre les régions. Ainsi, en 1997, le budget des hôpitaux du Nord Pas-de-Calais bénéficiera-t-il de l’une des plus fortes augmentations dans le pays : plus de 1,8 % contre 1,25 % de moyenne nationale.
Mais il est un autre signe, plus symbolique sans doute, de cette volonté gouvernementale de réduire le retard du Nord. Après la conférence régionale du 24 avril, se tiendra, fin juin à Lille, la deuxième conférence nationale de santé. Avec, entre autres thèmes de réflexion : la réduction des disparités entre les régions…