Articles de MM. Alain Deleu et Jacques Voisin, président et secrétaire général de la CFTC, dans "La Vie à défendre" de janvier 1997, déclarations le 8 janvier et article de J. Voisin dans "La Lettre confédérale" le 13, sur le renforcement du dialogue social et l'action pour l'emploi des jeunes.

Prononcé le 1er janvier 1997

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de voeux de la CFTC à la presse à Paris le 8 janvier 1997 (MM. Deleu et Voisin)

Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

La Vie à Défendre – CFTC : janvier 1997
Alain Deleu

Dialogue social

Le Président de la République souhaite que l’année 1997 soit celle du dialogue social et de l’emploi des jeunes.

Voilà une réponse directe à notre lettre du 13 décembre dernier, dans laquelle nous demandions « l’instauration d’un nouveau climat d’écoute, de concertation et de négociation », qui remettrait en cause les conservations politiques et patronales. Et nous ajoutions : « Nous le devons à nos enfants, à tous ces jeunes qui ne comprennent pas le sens de notre société et désespèrent de leur avenir ».

Maintenant, il faut s’y mettre. Il n’est que temps. Les sommets « jeunes » et « famille », qui devaient se tenir fin janvier-début février, auront montré si les actes gouvernementaux prolongent les discours et si nous avons été entendus. Il en est de même pour la loi sur les fonds de pension, rebaptisés « épargne retraite ». La fin des débats parlementaires aura permis de voir si les organisations syndicales, qui refusaient certaines modalités fondamentales, auront été écoutées. Car bien évidemment, le dialogue n’a d’intérêt que s’il n’est pas un dialogue de sourds.

Les instituts de conjoncture sont unanimes : la croissance économique sera plus forte en 1997 qu’en 1996 et les perspectives devraient également être meilleures pour 1998. Mais cela ne suffira pas pour faire reculer l’emploi. En effet la croissance nationale sera freinée par une trop faible consommation des ménages, qui est principalement due à l’insuffisance des revenus salariaux.

Les négociations salariales seront donc déterminantes pour donner le ton de l’année sociale 1997 et redonner confiance aux salariés. Emploi, salaires, politique familiale, voilà bien des objectifs très concrets pour l’action syndicale.

Mais le dialogue doit aussi exister entre les militants et les salariés. C’est pourquoi chacun d’entre nous est fortement invité, dans le cadre de notre « campagne de proximité », en ce premier semestre, à aller à la rencontre des salariés pour les écouter et leur faire connaître la CFTC, leur proposer d’adhérer et d’agir.


Jacques Voisin

S’engager

L’année nouvelle s’ouvre devant nous comme le nouveau jour : soleil ou grisaille, cela dépend. Aux premières lueurs, il y a toujours l’espérance. 1997 ne déroge pas à la règle. L’année débute, en effet, par une promesse d’ouverture et de renforcement du dialogue social.

Si les mois qui viennent confirmait cette volonté, davantage de place serait accordée aux acteurs sociaux, et chacun de nous pourrait effectivement participer aux décisions qui le concernent. La négociation et les accords rempliraient alors leur fonction à condition qu’ils s’accompagnent d’un rééquilibrage en faveur des salariés. Adhérents et militants CFTC ont de tout temps fait ce choix de l’engagement, de la solidarité, de la construction. C’est notre action au quotidien.

Les accords UNEDIC apportent un mieux pour les chômeurs et un plus sur l’action de réinsertion. Les négociations sur le financement de la retraite à 60 ans doivent nous encourager.

Il faut transformer l’essai. Aller plus loin.

Depuis plus de deux ans, nous aurons laissé le « dossier Jeunes » ouvert. L’année 1997 sera l’année de la jeunesse. Le « sommet Jeunes » de janvier devra être l’occasion de confirmer et concrétiser les engagements et la mobilisation de tous les partenaires, donnant aux jeunes la possibilité de prendre leur place, d’entrer dans la vie active.

On s’ingénie à imaginer des dispositifs trop réservés aux chasseurs de primes qui de plus promeuvent les « soles Jeunes » sur le marché de l’emploi, obnubilé à faire du chiffre.

Changeons, faisons réellement ce qui a été pensé pour que l’alternance formation/travail serve vraiment les jeunes. Construisons et organisons l’orientation, confirmons les relations école/entreprise, donnons vie à nos accords qui mobilisent dans les régions et les professions.

Battons-nous dans les entreprises pour que le « dialogue social » ne reste pas un vain mot. C’est là que la gestion de l’emploi et des compétences, l’organisation du temps, les fins de carrière, l’alternance, aideront les politiques actives de l’emploi. Ne mésestimons pas le suivi des actions et leur contrôle. Agissons de concert avec nos réseaux de militants, d’administrateurs et de gestionnaires des ASSEDIC, des commissions de l’emploi, des organismes de formation, etc. …

Pensons aussi prévoyance, protection sociale, politique salariale.

Appuyons-nous sur ces réseaux dans nos unions géographiques, nos fédérations et au niveau confédéral.

Organisons nos programmes d’action.

Il y a place dans ces chantiers pour chacun de nous, adhérents CFTC, pour participer à construire l’avenir, redonner au travail son sens, rendre la dignité aux personnes.

N’attendons pas tout d’on ne sait plus trop où.

Arrêtons peut-être d’inventer, informons et formons sur ce qui existe pour le mettre en œuvre, le promouvoir, l’adapter, l’amélioration. Aidons-nous.

Dans cette période de grand froid, personne n’est insensible au drame de ceux qui, dans la faiblesse, disparaissent.

Nous avons tous à portée de main un tout petit bout de solution, pourvu que nous n’attendions pas.

(N’en déplaise à Gavroche, ce n’est pas toujours « la faute à Voltaire » oui « la faute à Rousseau »).


La Lettre confédérale – CFTC : 13 janvier 1997

Vœux de la CFTC à la presse - Alain Deleu, le 8 janvier 1997

1996, une année qui n’a pas permis de restaurer la confiance parmi les salariés en raison d’une croissance beaucoup trop faible et de relations sociales qui n’ont débouché que sur quelques dossiers (UNEDIC, Loi de Robien), alors que sur d’autres de nos inquiétudes sont réelles (fonds de pension).

On n’a pas réussi à sortir de l’état d’esprit où les salariés sont entrés à l’automne 95. Les sommets sociaux n’ont pas vaincu leur scepticisme. Ils perçoivent les contradictions d’une société où l’on remet en cause les systèmes de retraite tout en poussant vers la sortie les quinquagénaires, où l’on cherche des mesures spécifiques pour les jeunes tout en multipliant les plans sociaux.

L’année 97 sera placée sous le signe de la monnaie unique avec une reprise de la croissance dont il est permis d’espérer qu’elle se prolongera en 1998.

Cependant, le redressement de l’emploi ne pourra se faire car la croissance sera garantie par la faiblesse de la consommation des ménages. Les taux d’intérêt trop élevés y sont sûrement pour quelque chose, mais aussi l’insuffisance salariale, comme le montre le rapport du CSERC.

Le chef de l’Etat a eu raison de donner la priorité au dialogue social, mais il faut aller au bout de cette démarche, c'est-à-dire rééquilibrer au bénéfice des salariés les conditions de la négociation.

Les négociations salariales de ce début d’année vont donc donner le ton des perspectives pour l’année sociale qui commence.

En revanche, toute initiative qui aggraverait encore l’insécurité des salariés ne pourrait avoir qu’un effet désastreux.

L’emploi des jeunes est, en ce mois de janvier une dominante de l’actualité, avec la politique familiale.

Ces sommets sociaux ne doivent pas faire illusion.

Pour les jeunes par exemple, les grandes déclarations sur des chiffrages ne suffisent pas à changer le cours des choses. Le CNPF veut s’engager, nous répondons présent, mais dans un vrai dialogue paritaire et non comme spectateurs de tractations patronales avec le Gouvernement.

Le contrat de qualification doit être réactivé, le contrat d’orientation reconstruit pour répondre enfin à son objectif.

Tout collégien doit pouvoir bénéficier de séquences de découverte en entreprise. Toute formation post-baccalauréat doit inclure des périodes de stage en entreprise ce qui suppose de développer considérablement l’offre et la capacité de tutorat. Cela suppose aussi la valeur formatrice des stages et leur validation.

En revanche, il est hors de question que la technique des stages soit développée et aidée pour des jeunes déjà qualifiés, qui ont droit à de vrais emplois avec de vrais salaires.

Le contrat d’adaptation permet de répondre aux questions particulières qui peuvent se poser à certains métiers très spécifiques.

Enfin, la CFTC souligne également que ce sera aussi l’année des élections prud’homales, c'est-à-dire l’occasion pour les salariés du secteur privé de dire ce qu’ils veulent comme syndicalisme.


UN PLAN D’ACTION POUR LES JEUNES - Jacques Voisin, le 8 janvier 1997

L’insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’enseignement général, fortement dégradée, mérite un intérêt tout particulier.

Les réponses sont dans l’orientation, le projet professionnel élaboré au plus tôt et dans la capacité des entreprises, à faire de la prospective ou de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, au moins sur le moyen terme.

L’accès à un contrat qualifiant doit être favorisé. Les jeunes sous statut de l’Education nationale se verraient proposer une formation par alternance.

Trop souvent, les jeunes quittent leur formation initiale sans projet professionnel. Les négociations qui doivent s’ouvrir au CNPF, organiseraient la démarche d’orientation autour du contrat d’orientation : une première phase d’évaluation des acquis, puis une phase d’observation par des expériences courtes en entreprises, et enfin une évaluation permettant de déboucher sur des recherches efficaces ou vers un parcours personnel de formation conduisant à une qualification reconnue.

Les possibilités de développer l’alternance existent, pourvu que l’on y consacre tous les moyens disponibles.

Les contrats d’alternance souffrent toujours des effets d’aubaine ou de substitution, de leur faible rémunération et de leur complexité.

Il faut limiter les aides aux entreprises aux charges réelles de formation et d’accompagnement. Le statut du jeune en alternance devrait être commun aux différents contrats, notamment pour les contrats de qualification et d’apprentissage.

La rémunération doit correspondre à celle de l’emploi occupé.

Leur image y gagnerait.

L’apprentissage est ouvert à la fonction publique, engagée sur 10 000 contrats.

Des dispositions méritent d’être prises pour s’attaquer à la précarisation de l’emploi des jeunes.

L’accord dans la fonction publique sur la résorption de l’emploi précaire est à ce titre intéressant, s’il est réellement suivi d’effet.

Nous demandons aussi le réexamen des contrats à durée déterminée et le rétablissement, dans tous les cas, de l’indemnité de précarité.

L’embauche des jeunes peut être également être soutenue en dehors de l’ARPE reconduite. L’accord du 19 décembre 1996 sur l’assurance chômage consacre 500 millions de francs à cet effet. Nous attendons la décision du Gouvernement pour abonder le fonds paritaire pour l’emploi et ouvrir des négociations au bénéfice des jeunes. La suppression de l’APEJ devrait permettre la participation de l’Etat.

Le plan d’action pour les jeunes ne saurait écarter toutes les possibilités : programmes régionaux pour l’emploi des jeunes, accord du 23 juin 1995.

Ils appellent à une mobilisation des acteurs sociaux, jusque dans les entreprises où la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences négociée reste une nécessité criante.

Le CSERC recommande : « de promouvoir l’adaptation interne et négociée des modes de gestion des entreprises ».

C’est une réponse à la flexibilité souhaitée par les entreprises si elle est associée à la négociation sur l’organisation, l’aménagement et la réduction du temps de travail.


SORTIR DES CONTRADICTIONS - Jacques Voisin, secrétaire général, le 8 janvier 1997

La priorité à accorder aux jeunes se heurte à une double contradiction. Peut-on parler sérieusement de l'insertion des jeunes si l'emploi continue de marquer le pas et si les plans sociaux ne s'arrêtent pas ? De même, l'incitation à la préretraite bute sur l'équilibre financier des caisses d'assurance vieillesse.

Il faut donc sortir de ces contradictions. Le management de nos entreprises est beaucoup trop rigide. Il faut le rendre plus réceptif et disons-le plus flexible aux aspirations, aux idées, aux motivations des salariés. Cela s'appelle la participation. Il nous faut aller jusqu'au bout de la logique du dialogue social et renforcer, dans les négociations, le poids des salariés.

Les négociations salariales qui s'ouvrent en ce début d'année seront également un indicateur précieux des possibilités que les entreprises se donnent à elles-mêmes, pour leur propre croissance, en motivant leurs salariés. Les propositions CFTC concernant la revalorisation des prestations familiales vont aussi dans le sens d'un renforcement de la confiance.

C'est ce climat qui permettra aux entreprises de se fixer des objectifs ambitieux et quantifiés l'embauches de jeunes.

Le libéralisme pur jus des années 90, qui a fait des salariés un stock à gérer en flux tendu, qui a enrichi les plus riches et appauvri les plus pauvres, comme le souligne cette semaine le rapport du CSERC, est incompatible avec l'objectif d'insérer tous les jeunes à la vie sociale. A quelque niveau que ce soit, social, politique ou économique, agir, c'est faire des choix.