Déclaration de M. Bernard Pons, ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme, sur le financement de la flotte marchande par les quirats, l'aide de l'Etat à la marine marchande et la formation des gens de mer, Paris le 20 mars 1997.

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Intervenant(s) : 
  • Bernard Pons - ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme

Circonstance : Dîner du comité central des armateurs de France à Paris le 20 mars 1997

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,

Je voudrais tout d'abord vous dire tout le plaisir que j'ai à me trouver parmi vous. C'est la première fois qu'il m'est donné de m'adresser à la communauté du transport maritime dans cette formation. Je sais que vous attendez du Ministre de tutelle à l'occasion de votre assemblée générale que les pouvoirs publics dressent un bilan de leur action, répondent à vos attentes et tracent les perspectives pour demain.

J'ai d'autant plus de plaisir à me livrer devant vous à cet exercice que je viens constater aujourd'hui avec vous que le cours du déclin de notre flotte marchande est renversé et que la voie de la croissance s'ouvre après tant d'années de récession devant elle.

L'an dernier, l'armement français s'était mobilisé à mes côtés dans la préparation du projet de loi sur les quirats. Ce dispositif voulu par le Président de la République et tant attendu par la communauté maritime est aujourd'hui opérationnel. L'ambition maritime de la France a trouvé par le vote de cette loi sa première manifestation, et avec elle, la preuve concrète du soutien résolu de la Nation à sa marine marchande.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1996, vingt-deux projets concernant vingt-huit navires ont été déposés. Des agréments ont été délivrés à quinze navires. Le montant total des investissements maritimes financés par la voie quirataire s'élève à ce jour à plus de trois milliards de francs.

Comment qualifier cette réussite attendue ? En trois expressions renouvellement, diversification et accroissement de la flotte.

Renouvellement de la flotte : sur les vingt-huit dossiers de navires qui font l'objet d'une demande de financement quirataire, onze concernent des navires neufs. Sur les six navires neufs agréés, trois sont construits dans des chantiers navals de l'Union Européenne dont deux navires à passagers en France.

Diversification de la flotte : l'armement au commerce n'a pas vocation à limiter son activité à certains secteurs. La loi sur la défiscalisation outre-mer avait permis d'amorcer la renaissance de la croisière. La loi quirataire ouvre des perspectives de nouvelles activités. La variété des investissements en témoigne : navires de charge, navires à passagers, navires de recherche, navires de travail maritime...

Accroissement de la flotte : c'est bien le cas puisque de nouveaux armements se créent et  que des navires supplémentaires sont commandés. Certains achetés d'occasion ont déjà été immatriculés et sont entrés en flotte.

Cette croissance donne espoir à tous ceux à terre comme en mer qui travaillent dans le secteur. Ils voient leur outil de travail conforté, leurs perspectives d'emploi s'éclaircir.

Par le quirat, certains métiers sont en train de renaître. Par le quirat, des armateurs vont opérer sur des créneaux valorisant le savoir-faire français. Par le quirat, de nouveaux armateurs vont rejoindre la profession.

Vous m'avez, par ailleurs, Monsieur le Président, interrogé sur l'avenir. Les trois questions essentielles que vous vous posez sont :

- en plus du dispositif quirataire, y aura-t-il des aides à l'issue du dispositif qui expire le 31 décembre prochain ?
- si oui, ces aides pourront-elles être administrées de manière conjointe avec le dispositif quirataire ?
- quel sera le niveau de ces aides en 1998 ?

Sur la pérennité du dispositif existant, vous savez que je suis convaincu de son bien-fondé. Je vous ai apporté la preuve concrète que dans une conjoncture budgétaire tendue, j'avais fait le choix difficile de maintenir le niveau global de l'aide à l'investissement et de l'aide à la consolidation et à la modernisation. L'armement français doit pouvoir continuer à bénéficier de l'appui des pouvoirs publics pour l'aider à faire face à la concurrence internationale particulièrement vive qu'exercent les nations disposant de faibles coûts salariaux. Ma détermination est la même face à la perspective d'une approche communautaire peu adaptée à vos besoins et à vos craintes de la voir s'imposer à notre flotte de commerce.

C'est pourquoi, j'ai engagé un effort d'explication devant la Commission de l'Union européenne qui s'apprête, en matière d'aides d'Etat à présenter un cadre juridique nouveau.

J'ai demandé à nos représentants à Bruxelles de rechercher avec la Commission des formules voisines de celles que vous connaissez ou ayant des effets équivalents. Beaucoup de travail reste à faire, mais la France n'est pas isolée.

Cette question importante doit être traitée en toute transparence. Je propose qu'un groupe de travail réunisse mon administration et les représentants de l'armement pour suivre l'évolution de ce dossier.

Quant à la compatibilité de l'aide à l'investissement avec les quirats, je rappellerai que le dispositif d'encouragement fiscal à l'acquisition de parts de navires, n'exclut pas les aides budgétaires. J'ai été très clair sur ce point devant la représentation nationale lors du vote de la loi quirataire.

Vous pouvez être assurés de ma détermination à trouver avec vous des formules équilibrées et satisfaisantes.

S'agissant du niveau des aides pour 1998, vous savez que les travaux budgétaires sont en cours. J'ai donné à mes services des objectifs précis que vous pouvez évaluer à l'aune de ce que j'ai obtenu au cours des deux exercices précédents.

L'environnement économique reste marqué par la pugnacité de la concurrence et notamment par l'essor de flottes nouvelles, notamment en Extrême Orient. C'est pourquoi il faut engager la compétition en plaçant le mieux possible vos armements dans un environnement leur permettant de lutter à armes égales avec elles.

La loi quirataire allège les coûts en capital des navires français. Les coûts d'exploitation doivent être également allégés. Toutes les solutions innovantes sont à travailler.

Nous constatons que nos voisins du nord, danois comme norvégiens, ont su adapter les conditions d'armement de leurs navires. Les succès de leurs flottes de commerce dans la compétition internationale en témoignent.

Comment ces pays y sont-ils arrivés ? Au-delà du simple esprit maritime qui les anime, il y a, me semble-t-il, un droit du navire adapté dans leur pays à la mise en œuvre de formules d'armement modernes et souples. Je vous invite à une réflexion commune approfondie sur le statut du navire français et par voie de conséquence sur celui du personnel qui travaille à son bord.

La compétitivité n'a de signification que dans le strict respect de la sécurité de la navigation.

Qui dit sécurité, dit emplois de qualité. La qualification des gens de mer appelés à servir sur les navires de commerce est au cœur de mes préoccupations.

La formation dispensée dans les quatre Ecoles Nationales de la Marine Marchande et les douze lycées professionnels maritimes est d'un haut niveau.

Les marins, depuis longtemps, bénéficient d'un enseignement conforté par l'alternance école et service à la mer, c'est-à-dire théorie et expérience. Ce principe de formation est suffisamment exceptionnel en France pour ne pas être souligné. Je sais l'effort que vos compagnies font pour participer à cet effort. Des difficultés subsistent. Je suis ouvert à toute proposition qui permette de mieux accueillir nos élèves sur les navires de commerce.

Pour répondre aux engagements internationaux, l'adaptation de nos cursus est en cours de concertation avec l'ensemble des partenaires, armateurs, organisations syndicales et associatives.

La grande innovation apportée par la Convention Internationale sur la formation des gens de mer, adoptée sous l'égide de l'Organisation Maritime Internationale, sera de dresser la liste des Etats dont les formations seront conformes aux normes arrêtées.

Cette moralisation aura des effets bénéfiques au regard de la sécurité maritime et de la loyauté de la concurrence.

Vous savez le degré de priorité que j'attache à la sécurité maritime dans toutes ses composantes. Les enjeux pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, pour la protection de l'environnement marin et du littoral, mais aussi pour la loyauté de la concurrence sont majeurs.

Telles sont les orientations que je tenais à vous présenter. Plus que jamais les contraintes sont fortes et les besoins justifiés. Pour venir en appui à vos préoccupations vous pouvez compter sur le Gouvernement pour lequel le renouveau maritime de la France est un défi majeur à relever.

Je rappellerai en conclusion ce qu'écrivait Jacques Chirac à votre adresse comme à celle de toute la communauté maritime nationale en 1993 : « La France doit redevenir océane. Pour cela il lui faut des entrepreneurs de la mer animés de la volonté de figurer parmi les meilleurs dans toutes les parties du monde... Je ne doute pas que pour peu qu'on leur donne les moyens de cette ambition, ceux de nos compatriotes qui sont dépositaires de la part maritime de l'exception française aient cette volonté, conforme au caractère des gens de mer ».