Texte intégral
LE FIGARO – 19 novembre 1999
LE FIGARO. – Comment a été élaborée la charte du RPF ?
Philippe de VILLIERS. – Cette charte a été préparée, conçue et contrôlée de A à Z par Charles Pasqua et par moi-même. Nous avons vérifié, corrigé et réécrit certains passages.
C'est une charte souverainiste de droite, telle que nous la voulions.
Je revendique chacun de ses propos et chacune de ses propositions, en particulier la nécessité d'une refondation de la Ve République, qui nous amènera à voter contre la réforme du Conseil supérieur de la magistrature à Versailles. Nous nous prononçons également contre le régime de la cohabitation, nous réclamons la « tolérance zéro » en matière de sécurité, ainsi qu'une véritable politique de la famille et de la vie, et nous affirmons que l'accès à la nationalité française doit faire l'objet d'un serment solennel devant le drapeau tricolore.
LE FIGARO. — La version du 18 septembre de la charte diffère de la version définitive, sur la Sécurité sociale notamment. Etait-ce une revendication de votre part ?
— Non. Il y a eu un désaccord entre deux experts proches de Charles Pasqua, Jean-Jacques Rosa et Henri Guaino, sur la place respective de l'assurance publique et de l'assurance privée.
Pour ce qui nous concerne, Pasqua et moi, nous disons que c'est à la nation française de définir son système de Sécurité sociale, et qu'il n'est pas question que Bruxelles vienne le démanteler.
LE FIGARO. — Que représente l'aile gauche du RPF, que vous combattez ?
— Il n'y a qu'une seule ligne au RPF, c'est la ligne Pasqua-Villiers.
Que ce soit sur le Pacs, les 35 heures ou le laxisme socialiste, la ligne de la charte est clairement ancrée à droite. Ceux qui ne se sentiraient pas à l'aise avec cette charte devraient en tirer les conséquences.
LE FIGARO. — Les statut du RPF prévoient que dans trois ans, il pourra y avoir plusieurs vice-présidents, alors qu'actuellement vous occupez seul cette fonction…
— Nous avons ouvert la possibilité d'élargir le Rassemblement, mais à la condition que le président et le vice-président soient d'accord pour le faire. Une précision importante.
Ce sont des statuts démocratiques, qui prévoient une méthode de consultation inédite : le référendum d'initiative militante.
Si 15 % des adhérents demandent un vote sur une question de stratégie ou de doctrine, l'ensemble des adhérents seront consultés. Ce que nous voulons plus généralement, c'est nous garantir contre une pratique qui a perdu beaucoup de partis politiques : la coupure entre le sommet et la base. C'est pourquoi les responsables de fédérations seront élus par la base, et non pas désignés par Paris.
LE FIGARO. — Présenterez-vous des candidats à toutes les élections ?
— Nous serons présents à toutes les échéances, des municipales à la présidentielle, dans une stratégie de rupture avec les partis de la cohabitation.
Mais ne comptez pas sur nous pour faire élire un seul député ou un seul maire de gauche. Le RPF émerge comme une force nouvelle d'autant plus nécessaire que les autres partis de droite implosent ou explosent. Ils sont essoufflés, évanescents, décrédibilisés. Leurs dirigeants passent leur temps à battre leur coulpe sur les poitrines socialistes.
LE FIGARO. — Avec un candidat tout désigné pour la présidentielle de 2002, Charles Pasqua ?
— Naturellement, s'il le souhaite.
LE FIGARO. — Portez-vous un jugement aussi sévère que Charles Pasqua sur le chef de l'Etat ?
— Oui. Car Jacques Chirac est trop souvent d'accord avec Lionel Jospin, notamment sur l'intégration de la France dans un système mondial où elle s’abîme.
Sur les 35 heures ou le Pacs, nous n'avons pas entendu la parole forte du président au bon moment. Jacques Chirac laisse casser la France, casser les entreprises et les familles. Il n'aura rien empêché ni rien réussi. Et la France s'enfonce doucement.
France 2 – vendredi 19 novembre 1999
Q - Demain et dimanche, un nouveau parti politique va être constitué, le Rassemblement pour la France. En principe, C. Pasqua en sera le président. Vous en serez le vice-président. Est-ce que le bébé se présente bien ?
– « Très bien, très, très bien ! C'est la continuité et la continuation de ce que nous avons entrepris avec C. Pasqua au moment des élections européennes. Les gens nous avaient dit au soir des européennes : “Surtout, ne nous abandonnez pas et continuez votre action. Unissez-vous, confondez-vous, élargissez-vous.“ C'est ce que nous avons fait. Nous avons, aujourd'hui, plus de 25 000 adhésions. Ce qui est considérable. »
Q - Il en arrive tous les jours. D'où viennent-elles ?
– « Elles viennent de toute la France et elles viennent de partout, de toutes les sensibilités… »
Q - Oui, mais de quels partis surtout ?
– « Elles viennent de toutes les sensibilités. Aujourd'hui, il y a, c'est vrai, une implosion intellectuelle et un effondrement politique de la plupart des partis et du milieu politique dans son ensemble puisqu'ils ne croient plus à la politique, parce qu'ils ne croient plus à la souveraineté, c'est-à-dire à la possibilité d'avoir une action sur les choses. »
Q - Mais enfin, ce sont des déçus du RPR ou de l'UDF qui vous rejoignent principalement ?
– « Aujourd'hui, beaucoup d'électeurs qui nous écrivent, en nous envoyant un chèque de 100 francs à l'ordre du RPF pour avoir une adhésion, nous disent : “Nous, on en a marre d'avoir des leaders qui battent leur coulpe sur les poitrines socialistes. On veut des gens comme Pasqua et vous, qui disent les choses, et qui n'aient pas peur du politiquement correct“. »
Q - On dit Pasqua un peu plus à gauche dans ses intentions, on dit Villiers très ancré à droite traditionnellement. C'est un mouvement qui est de droite, de gauche ou ni de droite ni de gauche ?
– « Pasqua et moi, on est ancré à droite dans une tradition… »
Q - Avec des nuances quand même.
– « Avec, je dirais, deux personnalités différentes mais exactement les mêmes idées sur l'essentiel. D'ailleurs, ce que nous allons faire à notre congrès; c'est adopter notre constitution : notre constitution, ce sont des statuts et une charte. La charte propose à tous les Français – peu importe d'où on vient, c'est l'endroit où l'on va qui compte – d'abord de ne plus jamais accepter un seul abandon de souveraineté. Et c'est pour ça que nous disons – “il ne faut pas aller à Seattle, le faut faire la chaise vide“ – ensuite de remettre au premier plan les idées de sécurité, d'ordre, d'autorité de l'Etat, rétablir l'ordre républicain… »
Q - Y compris en Corse ?
– « Y compris en Corse bien sûr ! »
Q - Et vous êtes d'accord sur les façons de faire ?
– « Eh bien écoutez, pour l'instant, je vois que ce gouvernement, le gouvernement de M. Jospin, avec la pouponnière de la Mnef, la pétaudière de la Corse, c'est un peu la poudrière. “La France n'est pas gouvernée“, voilà ce que nous disons avec C. Pasqua… »
Q - Elle est présidée ?
– « Elle n'est pas gouvernée, ça veut dire qu'elle n'est pas présidée non plus. Ça veut dire qu'il y a un gouvernement de cohabitation avec deux têtes de l'exécutif qui, en réalité, ne s'entendent que sur une seule chose – et, hélas, elle est capitale, c'est triste pour la France : ils s'entendent pour intégrer la France dans un système mondial où elle s'abîme. Et c'est ce que nous dénonçons avec C. Pasqua et c'est pourquoi nous voulons remettre au premier plan l'idée et les valeurs françaises. »
Q - Ça, c'est votre charte qui le prévoit. On dit, c'est un « compromis », parce que vous êtes d'origines différentes, deux mouvements différents. Est-ce que c'est vraiment une charte de compromis ou pas ? Exemple sur la Sécurité sociale. Vous avez accepté des choses qui ne vont pas forcément dans le sens du maintien, par exemple, de la protection sociale…
– « Ah bon ! Ce n'est absolument pas une charte de compromis. C'est une charte qui a été à deux mains : par C. Pasqua et moi-même. Depuis qu'en fait nous avons scellé notre alliance la presse française et un certain milieu politique, sans doute actionné par l'Elysée, voudraient voir, de temps en temps, des difficultés. »
Q - Je lis la presse, Le Nouvel Obs dit : « Un rassemblement aux couteaux entre vous deux… »
– « Attendez, Le Nouvel Observateur, c'est la gauche. »
Q - D'accord. Le Point, ce n'est pas la gauche ! Pourquoi Pasqua veut étouffer Villiers ? Il veut vous étouffer ?
– « Bien sûr que non. C. Pasqua et moi, nous cherchons à faire un grand rassemblement, à nous élargir à tous ceux qui veulent nous rejoindre… »
Q - Parfois, il y a le baiser qui tue. On a vu ça entre communiste et socialiste.
– « Ecoutez, je ne suis pas né de la dernière pluie, C. Pasqua non plus. Nous savons bien qu'entre nous c'est un mariage de conviction et que, face à tous les problèmes qui nous assaillent, il faut que nous soyons une vraie réponse et une force d'attraction. Ce que je voudrais dire ce matin, c'est qu'à partir de lundi tout va changer pour l'opposition parce qu'il y aura une force d'attraction : le RPF, qui sera une force centrale de la vie politique française, pour refonder la vie politique et refonder l'opposition. »
Q - On va vers une OPA sur le RPR et l'UDF au rythme où vous le laissez entendre ?
– « Nous, nous avons une idée. Nous sommes souverainistes, je dirais souverainistes-conservateurs, attachés à un certain nombre de valeurs. Les autres n'ont plus rien à dire aux Français. Et quand un parti, un mouvement politique, n'a plus d'idées, n'est plus porté par un vecteur initial, eh bien il est comme il sont : évanescents, à l'agonie. Nous, nous souhaitons que l'opposition retrouve du nerf, retrouve de l'allant, retrouve de l'élan et n'hésite pas à attaquer la pensée unique, le politiquement correct et le gouvernement socialiste. »
Q - Vous avez eu un beau score aux européennes qui vous a permis de constituer de poursuivre ce mouvement, de constituer ce parti. Aux législatives, qu'est-ce qui vous permet de dire que vous pourriez retrouver de tels scores, voire plus ? On dit que les soufflets s'effondrent aussi.
– « En ce moment, depuis les européennes, on marchait à 200 adhérents par jour, hier 1 300 ! – c'est-à-dire que c'est une vague – et avec un courrier qu'on arrive même plus à lire, C. Pasqua et moi-même, et avec des gens qui nous disent la même chose : “Continuez, ne nous décevez pas, ne nous trahissez pas !“ C'est-à-dire “soyez là où vous êtes et soyez vous-mêmes !“ Eh bien, nous ne trahirons pas notre base, nos militants, nos adhérents, nos électeurs. »
Q - Donc, c'est l'entente absolue, actuellement ?
– « Oui, tout à fait. Mais il n'y a pas de raison que ça change. »
Q - En pour longtemps ?
– « Mais non ! Attendez, je vais vous dire : mois, j'ai accepté d'être le numéro deux d'un mouvement nouveau et je souhaiterais – alors que cette démarche surprend – que beaucoup d'hommes politiques réfléchissent à ce qu'est le premier principe de la vie politique : la modestie et l'humilité par rapport au bien supérieur qu'est la France. Entre C. Pasqua et moi-même, pour des raisons de culture, de génération et aussi de conscience civique aiguë de ce qu'est le bien supérieur de la France, on s'est accordé sur l'essentiel. On n'a pas le droit de ne pas s'accorder sur l'essentiel. L'essentiel, ce n'est pas Pasqua, ce n'est pas moi. Nos personnes ne sont rien, notre principe est tout. Et notre principe, c'est la France. »