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La Tribune : La journée de la femme. L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, inscrite dans la loi, est encore loin d’être assurée…
Anne-Marie Couderc : Au sein de l’entreprise, la principale disparité réside dans les salaires. À niveau de responsabilité égale, il reste encore des écarts de 15 % entre les salaires des hommes et des femmes. Nous continuons à sensibiliser les employeurs et des partenaires sociaux. Dans le cadre du conseil supérieur de l’égalité professionnelle, nous préparons un guide du négociateur qui permettra de donner aux partenaires sociaux des éléments de référence sur les disparités qui subsistent entre les hommes et les femmes. Il y a aussi un vrai problème d’accession aux responsabilités les plus importantes au sein de l’entreprise. Les femmes, qui sont aujourd’hui de mieux en mieux formées, doivent pouvoir accéder à des postes de responsabilité. Les progrès dans ce domaine sont insuffisants. Dans le secteur privé, il faut montrer que les femmes occupant des postes de responsabilité réunissent parfaitement bien. Nous avons un devoir d’information et de mise en valeur d’expériences réussies.
La Tribune : Le Gouvernement souhaite développer le temps partiel. Ne craignez-vous pas que cette évolution, qui concerne essentiellement les femmes, n’aboutisse à accroître les inégalités en cantonnant les femmes dans des emplois peu qualifiés et des postes subalternes ?
Anne-Marie Couderc : Il est vrai que le temps partiel touche surtout les femmes. 30 % d’entre elles sont concernées, contre seulement 5,2 % d’hommes. Or, dans ce tiers de femmes employées à temps partiel, on constate une part importante de temps partiel subi, dans des postes peu qualifiés. Bien qu’elles soient de plus en plus diplômées, les femmes occupent en majorité des postes d’ouvriers ou d’employés et le temps partiel ne joue pas forcément en leur faveur. D’autant que les femmes ont encore plus de difficultés que les hommes à se maintenir dans l’emploi. 1,5 million de femmes sont demandeurs d’emploi. Je crois dans ce contexte que le temps partiel peut être une formule à développer, à condition qu’il s’agisse d’un temps partiel choisi. C’est à la négociation collective de le garantir, Jacques Barrot et moi-même y sommes très attentifs.
La Tribune : Certains experts soulignent que la forte augmentation du chômage en France est allée de pair avec la croissance du taux d’activité féminine, contrairement à d’autres pays – les Pays-Bas notamment – où la moindre présence des femmes sur le marché du travail pousse le taux de chômage à la baisse. Que leur répondez-vous ?
Anne-Marie Couderc : Les femmes doivent avoir le droit et la liberté de choisir leur vie. Dans la mesure où elles bénéficient, comme les hommes, d’une éducation et d’une formation, il est logique qu’elles veuillent valoriser cette formation. Pour moi, le problème de l’emploi des femmes est indissociable du problème de l’emploi en général. Le Gouvernement met en œuvre une politique de créations d’emplois pour les hommes comme pour les femmes. Laissons aux femmes la liberté de décider de leur vie.
La Tribune : Êtes-vous pour ou contre les quotas dans la vie politique ?
Anne-Marie Couderc : Personnellement, je ne suis pas favorable à des quotas imposés par la loi. En revanche, je pense que notre système repose sur des partis politiques qui n’assument pas leur responsabilité. Ils doivent permettre aux femmes d’accéder de manière durable à la vie politique. Il faut mener une politique de fond : donner aux femmes le goût, l’envie. Et les moyens de rentrer dans la vie politique. Lever par exemple certaines rigidités liées aux cumuls des mandats, à la « prime » aux sortants, à l’absence de la limite d’âge. Il faut aussi réfléchir au statut de l’élu, qui peut être dissuasif pour des femmes qui doivent déjà mener de front vie familiale et vie professionnelle. Ainsi seuls les députés bénéficient de congés qui leur permettent de retrouver leur activité professionnelle en fin de mandat. Le 11 mars, le Premier ministre va mener un débat à l’Assemblée sur la parité dans la vie politique. Il souhaite déboucher rapidement sur des propositions concrètes.