Interview de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, dans "Paris-Match" le 28 novembre 1996, sur le fonctionnement des fonds de pension, notamment leur régime fiscal et les conditions de sortie de ce nouveau système d'épargne retraite ("le principe de base est la sortie en rente").

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Média : Paris Match

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Paris Match : Les parlementaires examinent le texte de loi signé par le député UDF Jean-Pierre Thomas sur la création des fonds de pension pour les salariés. Que recherchez-vous avec ce nouveau dispositif ?

Jean Arthuis : Notre volonté est d’apporter un élément de sécurité supplémentaire aux salariés qui le souhaitent, en mettant à leur disposition un régime complémentaire de retraite. Il ne s’agit pas ici de porter atteinte au socle de la retraite, qui reste le régime général de la sécurité sociale, avec son système par répartition. Ni de remettre en cause les régimes complémentaires de l’Agirc ou de l’Arrco, pas plus que les régimes de prévoyance. C’est une possibilité offerte aux salariés de se constituer un supplément de retraite fondé sur la capitalisation.

Paris Match : Comment fonctionneront ces fonds d’épargne-retraite ?

Jean Arthuis : Ils seront négociés au cas par cas, au sein des entreprises. Les accords pourront être interentreprises ou au niveau des branches professionnelles, afin que même le personnel des PME puisse en profiter. Le principe est simple : les salariés qui le souhaitent y consacreront une partie de leur salaire et demanderont que cette épargne soit affectée à un fonds d’épargne-retraite. Pour que le système soit incitatif, ces versements seront alors déductibles du revenu imposable. L’employeur pourra, s’il le désire, apporter un supplément de contribution, sous forme d’abondement, comme il le fait aujourd’hui dans le cadre des plans d’épargne d’entreprise.

Paris Match : Qui gérera ces nouveaux fonds ?

Jean Arthuis : Ils pourront être constitués par une compagnie d’assurances, une banque, un organisme de prévoyance ou encore une société mutualiste. Les règles de fonctionnement, s’inspirant des principes du code des assurances, seront très strictes. Il existera un comité d’agrément, ainsi qu’une commission de contrôle prudentiel, dépendant du ministère de l’économie et des finances.

Paris Match : Quel objectif visez-vous ?

Jean Arthuis : Une trentaine de milliards de francs la première année, ce serait envisageable. L’assurance-vie draine actuellement 350 milliards de francs. Progressivement, il y aura un peu moins d’assurance-vie et un peu plus d’épargne-retraite. Cette épargne devra aller, de façon prioritaire, vers les entreprises. Nous avons prévu de limiter la qualité qui pourra être affectée aux obligations ou à des placements à revenus fixes, comme les bons du Trésor, pour qu’une part significative aille sur les actions.

Paris Match : Pourquoi cette orientation vers les entreprises ?

Jean Arthuis : Les fonds d’épargne-retraite doivent venir vivifier l’économie productive. Aujourd’hui en France, le niveau d’épargne n’est pas en cause. Seul problème : cette épargne sert surtout à financer les déficits publics. Et lorsqu’il s’agit de créer et de développer les entreprises, il n’y a pas de carburant. Avec les nouveaux fonds, nous dotons l’économie nationale d’un financement à long terme des entreprises.

Paris Match : Arrivés à l’âge de la retraite, les salariés profiteront-ils de cette épargne sous forme d’une rente mensuelle, ou pourront-ils percevoir d’un coup le capital accumulé ?

Jean Arthuis : Nous sommes dans le domaine de l’épargne-retraite. Le principe de base est donc la sortie en rente. La sortie en capital doit être l’exception. Elle sera liée à des circonstances de détresse humaine, comme le chômage ou la maladie. Toutefois, nous avons prévu que, à la veille de son départ à la retraite et pour le faciliter, l’épargnant puisse choisir de débloquer environ 20 % du capital accumulé. Mais pas davantage. Sinon, ça ne serait plus de la retraite, mais une opération en capital, du type assurance-vie.