Interviews de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, à Europe 1 le 5 janvier 1998 et à RTL le 7, sur l'émergence et les revendications des associations et mouvements de chômeurs, et sur la décision de l'Unedic de débloquer 12 millions de francs pour les fonds sociaux.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du conseil d'administration de l'Unedic et journée d'action de la CGT et des associations de défense des chômeurs, à Paris et en province le 7 janvier 1998

Média : Emission Journal de 8h - Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - RTL

Texte intégral

Europe 1 : lundi 5 janvier 1998

Q. À partir des phénomènes sociaux qui ont émergé ces derniers jours, comment voyez-vous déjà 1998, sans jouer au devin ?

R. « Pour ma part, je suis très impressionné par ce qui est en train de se passer, non pas dans les Assedics - nous en parlerons - mais surtout dans les villes où il y a des agressions. Vous savez que j'utilisais souvent la formule de dire qu'il y avait des micro-sociétés qui étaient en train de se mettre en place et qu'elles risqueraient de devenir agressives un jour. Je crois que nous y sommes et c'est le produit direct du chômage et de la persistance du chômage. Et je fais le lien entre ce qui se passe, par exemple, à Strasbourg quand on vole des voitures sans raison apparente et en même temps, le lien avec ce qui est en train de se passer avec les chômeurs et d'une manière générale, l'insatisfaction qui découle du fait que depuis maintenant moult années, nous sommes à plus de trois millions de chômeurs. »

Q. Mais l'insécurité provoquée par les mineurs, c'est quand une sorte de rébellion des enfants, des mineurs ?

R. « En fait, les jeunes se trouvent dans une situation où ils n'ont aucune ouverture, aucun espoir. Il n'y a pas de petite flamme bleue, il n'y a pas d'espérance. En fonction de quoi, on se fait remarquer, on se groupe, on essaye de se rassurer et on devient agressif pour les autres. Cela veut dire demain : pourquoi irons-nous à l’école ? Cela veut dire tout ce genre de choses. Tout le temps, où l'on ne s'attaquera pas directement au problème du chômage, eh bien, il en sera ainsi. C'est l'accumulation de la situation. Tout le monde dit la même chose en ce domaine et je crois que nous avons raison. Quelqu'un de quinze-seize ans qui ne voit pas ses parents, qui n'a jamais vu ses parents aller travailler, n'a aucune idée de ce que peut être le travail. En fonction de quoi, il faut qu'il s'identifie à quelque chose. »

Q. Et en attendant, il faut réprimer, sévir, comprendre ?

R. « Il faut donner de l'activité, pénétrer, discuter. Il faut essayer de leur dire : dans dix ans, vous aurez quelque chose, il y a quelque chose qui viendra. Votre frère au moins trouvera du travail, même si c'est difficile, pour vous. Il faut redonner de l'espoir, ce que le Gouvernement, pour l'instant, ne réussit pas. »

Q. La création des comités de chômeurs et leur rébellion. Est-ce que pour tous et d'abord pour les syndicats, ce n'est pas une claque ou un avertissement ?

R. « Cela dépend. Il y a plusieurs choses à voir. Je crois que la revendication est fondée. Maintenant, la façon dont elle s'exprime et les structures qui l'expriment me semblent contestables. On ne va quand même pas mettre debout des structures qui fassent du chômage un état ! On ne va pas avoir demain une convention collective du chômage avec des primes de vacances, que sais-je ! »

Q. Est-ce que vous les trouvez représentatifs ?

R. « Attendez. Je vais essayer de bien préciser. Deuxièmement, ceux qui représentent les chômeurs, ce sont les organisations syndicales. »

Q. Apparemment, c'est contesté par ce mouvement !

R. « Ce n'est pas contesté par ce mouvement et il me semble même qu'il y a une organisation syndicale qui n'hésite pas un seul instant à faire de la récupération. »

Q. La CGT ?

R. « Oui. Sauf erreur de ma part, il y a une organisation syndicale qui dit représenter les chômeurs et qui en même temps, soutient une association qui est une association de chômeurs dirigée par le Parti communiste. »

Q. Vous en concluez quoi ?

R. « Je veux dire que là, il y a une tentative de récupération. C'est de bonne guerre ; néanmoins, je ne pense pas que cela résout le problème. Le problème est de savoir, sauf erreur de ma part, si on peut travailler une fois et le lendemain être chômeur, retravailler, etc. C'est comme cela que devrait être de la situation. Je ne vois pas pourquoi on ferait du chômage un état permanent ! Sinon, J.-P. Elkabbach, il faut être précis, on va faire une carte de chômage qui sera une véritable carte professionnelle et puis, demain, on va faire la plèbe. Il y aura des gens qui vont recevoir de l'argent pour subsister tout simplement. Ce sera bien entendu les prolétaires, ce ne sera pas les gens aisés. On va revenir à la définition du prolétaire, je dirais étymologiquement. »

Q. Vous êtes contre ?

R. « Bien sûr que je suis contre ! C'est la fin de la démocratie ! »

Q. Êtes-vous d'accord avec Mme Notat qui dit à Libération que l’on manipule d'une certaine façon la détresse ?

R. « Je laisse à Notat ses propos. Elle dit « manipulation », c'est son terme. Elle emploie ce qu'elle veut. Moi, je veux bien parler de récupération en ce qui concerne l'Apes. Cela étant, il était bien normal qu'elle parle. Elle est la présidente de l'Unedic. Il y a quand même des problèmes de fond et ces problèmes de fond sont de deux ordres. Il y a un problème qui est important et qui est un problème de présentation. On donne la responsabilité à l'Unedic et l'Unedic apparaît maintenant comme je ne sais quelle structure contre le chômage, enfin contre les chômeurs. Elle est une structure contre le chômage. Je rappelle quand même qu'elle est financée par les cotisations des actifs pour justement, par solidarité, amener quelque chose à ceux qui sont au chômage. »

Q. Au passage après-demain…

R. « ...Attendez vos auditeurs ne vont pas comprendre ce que je veux dire. Cela étant, il est bien clair que le fait de faire payer à l'Unedic ce que l’État devrait payer, transforme complètement les choses. Pour les chômeurs, l'Unedic est la responsable de tout. Non, il y a une part très importante du ministère des Affaires sociales dans cette affaire. »

Q. Justement M. Aubry a proposé les premières mesures qui ont été accueillies avec un certain scepticisme. Elle va recevoir lundi prochain les associations de chômeurs. Vous trouvez que c'est bien, qu'elle a raison ?

R. « Je crie que c'est honteux. Je le dis clairement. Pourquoi ? »

Q. C'est honteux qu'elle les reçoive ?

R. « Oui. Le 10 octobre, je réclame, je revendique, au nom des chômeurs, qu'on améliore l'allocation de solidarité - c'est-à-dire la dernière allocation : quand on a plus rien, quand on est plus aux Assedics, l'État paye encore une allocation et cette allocation s'appelle ASS - je revendique son amélioration. Elle n'avait pas été révisée depuis 1994. Elle perd entre 7 et 8 % en 10 ans de pouvoir d'achat par rapport aux prix. Je demande ouvertement en pleine Conférence : on me répond oui, et puis ensuite M. Aubry décide de l'augmenter de 3 % - 2 % plus 1 %. Elle le fait pas décret et l'annonce comme cela sans répondre à la revendication FO, et vous voudriez qu'ensuite quand des organismes s'auto-proclament représentants des chômeurs, eux soient reçus. Je suis navré mais M. Aubry aurait dû me recevoir, aurait même dû discuter avec moi du montant puisque j'en faisais une revendication, qu'on discute du niveau. C'est elle qui décidait, c'était le Gouvernement qui décidait. »

Q. Et J.-C. Gayssot ?

R. « La même chose. »

Q. Il faut bien calmer le jeu alors qu’il y a une tension : ils reçoivent les intéressés ou les acteurs.

R. « Je suis navré mais la tension est sur la situation des chômeurs, sur ce que l’on doit donner comme moyens aux chômeurs. Les organismes qui donnent cela ce sont les Assedics, etc. Ce sont les organisations syndicales. La conclusion est peut-être que mercredi nous allons revendiquer une augmentation des cotisations pour donner autre chose que ce que nous donnons. C'est quand même nous qui allons être le point déterminant. »

Q. Est-ce que vous allez manifester mercredi avec les chômeurs ?

R. « Non. Pour l'instant j'ignore même qui va appeler. On verra cela. J'en parlerai cet après-midi au bureau de FO. Pour l'instant, la revendication telle qu'elle est énoncée à l'heure actuelle et telle qu'elle a lieu dans les Assedics n'est pas une revendication de type syndical. Tout le monde peut le constater. »

Q. Elle peut ou ne peut pas réussir ?

R. « Cela est autre chose. Puisque les revendications sont fondées, nous allons essayer d'améliorer la situation des gens. »

Q. C'est fondé ? Vous voulez dire la prime réclamée ?

R. « Non, ce n'est pas la prime, c'est la situation des chômeurs qui n’est pas bonne. On ne va quand même pas - je pensais avoir fait comprendre cela - faire une convention collective du chômage avec je ne sais qu'elle indemnité etc. »

Q. Quelle est l'urgence pour le Gouvernement pour les syndicats et pour le patronat ?

R. « L'urgence est claire : depuis le 10 octobre il ne s’est rien passé. On a tout polarisé sur les 35 heures. Il ne se passe rien d'ailleurs sur les 35 heures, sauf le bras de fer entre le patronat et le Gouvernement. Il est grand temps que les négociations reprennent et il est grand temps que l'on réalise les choses dont nous nous étions engagés à étudier le dossier et notamment moi je pense à ceux qui ont commencé à travailler à 14 et 15 ans et qui avec 40 ans de cotisations pourraient quitter le travail, ce qui ferait grosso modo 150 000 emplois dans le privé. »

Q. Depuis six mois le dialogue social est bloqué ?

R. « Absolument. »

Q. C'est un paradoxe parce que la gauche est au pouvoir ?

R. « Absolument. »

RTL : lundi 5 janvier 1998

Q. Journée d'action nationale des chômeurs à laquelle vous n'avez pas participé.

R. « Non, nous n'avons pas appelé à cette journée d'action. Je rappelle qu'elle était lancée par deux organisations de chômeurs dont une organisation qui se considère intégrée à la CGT. Donc, la CGT a soutenu et les autres organisations syndicales n'ont pas soutenu. »

Q. Apparemment, l'Unedic va débloquer 12 millions pour les fonds sociaux. C'est une bonne mesure ?

R. « Bien sûr, c'est une bonne mesure. Moi je suis d'accord avec la revendication des chômeurs. Je ne suis pas d'accord avec la forme et je ne suis pas d'accord sur l'expression de la revendication. C'est vrai, le régime Unedic a ses faiblesses, en particulier avec l'allocation unique dégressive qui fait que tous les mois, il y a 45 000 chômeurs qui sont écartés des droits. Je pense qu'il faut remédier à ce genre de choses. Par contre, le débat sur le fonds social me semble quelque peu biaisé. Un fonds social n'est pas fait pour mettre une prime exceptionnelle permanente à tout le monde. C'est justement pour donner non pas des droits, mais intervenir dans des cas les plus difficiles. Les droits, ce sont les allocations de l'Unedic. Les allocations de l'Unedic, c'est le régime de l'assurance-chômage. La solidarité nationale, c'est l'État. La grosse erreur et la confusion que tout le monde constate, mais que personne ne dénonce, c'est que l'Unedic paye aussi les prestations de l'État. Alors, à partir de ce moment-là, les chômeurs sont contre l'Unedic parce qu'ils considèrent que c'est la seule réponse. Je regrette. Il y a deux choses à l'Unedic : d'abord, le régime d'assurance-chômage. Et je dis qu'il a ses faiblesses. Nous étions et nous restons contre l'AUD, il faut la réformer. Et deuxièmement, il y a les allocations d'État et là, c'est l'État qui finance. Si l'État donne de l'argent, l'Unedic distribuera de l'argent, j'en suis sûr. Mais pour l'instant, dans le budget de l'Unedic, il restait 12 millions pour les fonds sociaux, on les sort et on dit : on va aider les plus défavorisés. Vous savez, les fonds sociaux, c'est quoi ? C'est un allocataire qui se trouve en difficulté telle qu’il ne peut pas payer, par exemple, son électricité. Il vaut mieux l'aider à payer son électricité plutôt que cette électricité soit coupée. C'est ça, le fonds social, de l'action sociale. Ce n'est pas un droit, en définitive. Ce n'est pas un droit pérenne et ce n'est pas un droit pour tous. »

Q. Le Gouvernement a été bousculé, les syndicats également. Pourquoi avoir eu cette relative discrétion de la part de FO depuis le début de ce mouvement ? N. Notat prétend que les chômeurs sont manipulés. Je crois que vous aussi.

R. « Pas du tout. C'est justement un point de désaccord. La presse a rapidement dit que j’étais venu à l'aide de N. Notat - pour une fois, dit-on... - et que j'avais dit qu'ils étaient manipulés. Pas du tout. Moi, je dis qu'ils ont été récupérés par la CGT et le PC. Mais c'est autre chose. D'ailleurs j'enfonce une porte ouverte, tout le monde savait. Pas tous d'ailleurs, parce que les gens d'AC !, ce n'est pas le PC. Mais les chômeurs se comportent comme ils l'entendent, je ne veux pas leur dicter leur comportement Seulement, je n'ai pas la responsabilité de ces associations de chômeurs. J'ai la responsabilité des chômeurs qui sont adhérents de mon organisation. À ce titre, le 10 octobre, je demandais que l'on revalorise très nettement l'allocation supplémentaire, la dernière allocation quand on n'a plus rien. Je le demandais à l'État parce que c'est lui qui devait le faire. Et je le faisais en tant que représentant syndical à la fois des actifs, des retraités et des chômeurs. La réponse a été donnée un peu discrètement. M. Aubry a fait prendre un décret, elle a revalorisé de 3 % - la perte du pouvoir d'achat de cette allocation était de 10 % en dix ans. Ça méritait une allocation plus substantielle. On n'en pas conversé. Je l'ai appris par une dépêche AFP. Ça veut dire que le dialogue n'a pas eu lieu sur ce point. »

Q. Vous dites que vous vous occupez des chômeurs qui sont adhérents de FO mais ça vous gêne que des chômeurs puissent s'organiser en-dehors des organisations traditionnelles institutionnelles ?

R. « Pourquoi institutionnelles ? La loi de 1901 n'est pas une organisation institutionnelle. »

Q. En dehors des syndicats.

R. « Ils se sont effectivement constitués en dehors des syndicats et le problème est de savoir si oui ou non on va institutionnaliser la situation du chômeur. Est-ce que demain, il va y avoir une carte professionnelle de chômeurs ? Est-ce que demain, il va y avoir une convention collective du chômage ? Est-ce que demain quand on sera au chômage depuis un an, on aura droit à 3 % d'ancienneté ? Pourquoi pas ? Et ça je dis que c'est la fin de la démocratie, c'est le corporatisme et c'est particulièrement dangereux. Et je pense que les organisations syndicales ont pour mission, et elles la remplissent, de défendre les intérêts de tous les salariés. »

Q. Vous pensez que les chômeurs ont toujours eu leur place dans les syndicats ?

R. « Mais ils ont leur place dans les syndicats. On n’interdit à personne d'adhérer dans une organisation syndicale. Contrairement à ce que vous pensez, tous les chômeurs ne sont pas d'accord pour se grouper entre eux. Nous avons essayé à différentes reprises, comme les autres organisations syndicales, de faire des comités internes de chômeurs, des syndicats de chômeurs internes à l'organisation syndicale. Ils ne marchent pas. Vous savez, la plus grande revendication pour un chômeur, c'est d'avoir du travail, ce n'est pas avoir une bonne allocation. Donc, il se sent confronté à la difficulté qui est l'ensemble de ceux qui travaillent et de ceux qui ne travaillent pas. Moi, j'ose espérer encore qu'on peut considérer dans ce pays que le chômage est une donnée précaire, que ce n'est pas une situation dans laquelle malheureusement, on s'installerait contraint et forcé. Je pense qu’il faut faire sauter ce genre de conception. Ce que je reproche, c'est qu'on n'ait pas appliqué tout ce qui devait se décliner du 10 octobre et qui devait avoir un effet sur le chômage. Ça aurait été nettement plus influent en quelque sorte. J'avais lancé l'idée de faire partir les gens qui ont commencé à travailler à partir de 14 et 15 ans. L'État était prêt à y mettre de l'argent. Comment se fait-il qu'on ne réussisse pas à mettre debout ce genre de truc ? J'ai fait une pétition là-dessus, on a plus de 100 000 signatures. J'en ai encore parlé ce matin à la ministre du Travail, il faut qu'on débouche ce genre de choses. C'est la possibilité pour 150 000 personnes de trouver des emplois dans le privé. Vous ne pensez pas que ça serait mieux qu'une prime annuelle au moment de Noël, qu'elle soit de 3 000 ou de 4 000 francs ? »

Q. Ça pourrait arranger les chômeurs, peut-être ?

R. « Oui, je pense que c'est une meilleure revendication. »

Q. Quelle sortie de crise et qu'attendez-vous du Gouvernement ?

R. « Ce que je sais, c'est que Madame Aubry répond un peu à ma question des 40 ans de cotisations, parce que je crois qu'à la mi-janvier, il y aura un projet de loi. On va essayer d'étendre l'Arp. Il n'y aura pas de compensation d'embauche, puisque les gens seront au chômage. Ça devrait toucher 25 000 personnes. Il faut le faire très vite. Et puis, il faut ouvrir la discussion rapidement sur la mise en place pour ceux qui ont commencé à travailler à 14 et 15 ans. Enfin, il y a des situations d'urgence mais je dis bien que situations d'urgence, ça ne veut dire des droits pérennes, ça ne veut pas dire un droit pour tous. L’une des confusions, c'est que dans la région de Marseille, la commission paritaire qui gérait les fonds sociaux accordait à tout le monde, quelle que soit la situation, la même chose. J'aime mieux qu'on augmente de 3 % les allocations-chômage ou de 5 % plutôt que de généraliser ce qui est devenu une prime. Ça devient quasi-surréaliste, ce genre de chose ! Il vaut mieux qu'on donne aux gens en difficulté des aides qui soient ponctuelles. Quant à l'allocation-chômage, il vaut mieux qu'elle soit d'un autre niveau, qu'elle soit meilleure. Mais le mieux, c'est encore essayer de créer des emplois. Là, j'ai l'impression que le train patine quelque peu. On a promis, on a ouvert des choses, et on ne réalise pas. »

Q. Dans l'éditorial de FO Hebdo demain, vous faites le lien entre les violences urbaines et le chômage.

R. « Oui. Je sais que cela me sera reproché. On va dire que je panique. Rappelez-vous : il y a quelque temps, je disais qu'un jour il y aurait des micro-sociétés, notamment dans les banlieues qui deviendraient agressives. Si ces micro-sociétés se sont constituées, c'est du fait du chômage, de sa permanence et de son importance. Il y a des jeunes qui sont en train de faire des bêtises, ils ont une quinzaine d'années, ils n'ont jamais vu leurs parents travailler. Ils ne savent pas ce qu'est le travail. On serait même bien gêné de les mettre au travail. Il est clair qu'ils se révoltent et qu'il y a un lien entre le comportement des chômeurs actuellement qui se font entendre, y compris tous les chômeurs - majoritaires, malheureusement - silencieux et un lien avec ces jeunes. Je pense que le moyen d'en sortir, c'est l'union entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. »

Q. Précisément, craignez-vous que ce mouvement ne dégénère, que la colère des chômeurs se manifeste de manière violente ?

R. « Qu'entendez-vous par dégénérer ? Vous pensez que les chômeurs vont brûler trois voitures ? Écoutez, non ! Autant je considère que l’action de ces comités de chômeurs par définition plus ou moins récupérés et qui pourraient être récupérés par Blondel - il suffirait que je dise « Blondel les soutient » , et ils n'attendent que ça… »

Q. Sauf que pour l'instant, ils sont du côté de la CGT !

R. « Elle ne les récupère pas : ils sont CGtistes ! Pas tous. Ils sont récupérés par la CGT parce qu’ils sont CGT pour une bonne partie et dirigés par le Parti communiste. C'est une évidence. AC !, c'est plus la Ligue communiste révolutionnaire. Mais ce n'est pas là le problème ! À la limite, les chômeurs se comportent comme ils l'entendent et se constituent comme ils l'entendent, quelle que soit la nature de l'association. Mais j'appelle à la raison en disant « Faites attention : on ne peut pas obtenir satisfaction pour les chômeurs par opposition aux salariés qui ont du travail. » Or la structure en question conduit à ce genre de chose. Regardez bien l'expression : elle se fait contre l'instrument Unedic qui est justement l'instrument qui aide le plus les chômeurs, qui a été mis en place, qui est l'instrument de solidarité des travailleurs, puisque ce sont les cotisations. Malheureusement, l'expression a lieu sous cette forme. J'aimerais mieux qu'elle ait lieu devant les décideurs : le patronat et le Gouvernement, avec la solidarité. »