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La douleur de l'enfant : quelles réponses ?
I. - C'est un honneur pour moi mais aussi un grand plaisir d'ouvrir cette cinquième journée sur la prise en charge de la douleur de l'enfant organisée conjointement par l'Association pour le Traitement de la Douleur de l'Enfant et la Direction Générale de la Santé. J'avais d'ailleurs accepté avec enthousiasme d'ouvrir, il y a un peu plus d'un an, la quatrième journée, mais j'avais été retenu à mon grand regret par une réunion à l'Hôtel Matignon.
Ma présence ici est l'occasion d'affirmer mon attachement au défi qu'est la lutte contre la douleur.
Cet objectif est d'autant plus important à atteindre qu'il s'agit de l'enfant chez qui la douleur a été longtemps méconnue et mal traitée en raison notamment de la difficulté à la reconnaître et à l'évaluer, mais également en raison d'une sensibilisation insuffisante des professionnels dans ce domaine.
Le Ministère chargé de la Santé s'est engagé depuis plusieurs années pour impulser un changement de culture et de pratiques dans ce domaine.
L'obligation de la prise en compte de la douleur par les établissements a été inscrite dans la loi. Cette disposition s'applique maintenant également aux enfants.
L'insuffisante prise en charge de la douleur en France jusqu'à la fin des années 1980 constitue un constat qui fait aujourd'hui l'unanimité. Cette situation est en train d'évoluer et les premiers résultats obtenus sont encourageants. Mais il faut aller plus loin. La présence aujourd'hui de tant de participants, de toutes les formations et les disciplines concernées, témoigne de l'intérêt que suscite ce grand problème.
II. - Pour modifier les pratiques quotidiennes, la formation des médecins a été renforcée. Au cours du 2e cycle des études médicales, le traitement de la douleur est désormais inclus dans l'enseignement obligatoire de la thérapeutique. En 3e cycle, un enseignement sur la douleur est prévu dans les spécialités relatives à l'anesthésie-réanimation, l'oncologie et à la pédiatrie. Le gouvernement vient par ailleurs d'inscrire un crédit de 2,5 millions de francs pour financer des actions de formation des médecins et des équipes soignantes à la prise en charge de la douleur.
Ces actions de formation prolongent celles qui ont été mises en place en 1996 dans 15 CHU.
Le passage de la France du 39e rang mondial au début des années 1980 au 9e rang en 1995 pour la consommation de dérivés morphiniques témoigne d'un mouvement d'ensemble d'une meilleure prise en charge de la douleur.
La meilleure formation des médecins au cours de leurs études mais également en formation médicale continue, l'information de l'ensemble des soignants sur l'utilisation des antalgiques majeurs, l'allongement de la durée de prescription du sulfate de morphine par voie orale expliquent en partie l'augmentation très nette de la consommation de morphine qui a doublé de 1993 à 1994.
III. - Cela n'est cependant pas suffisant. Top peu de médecins, notamment de généralistes, possèdent de carnet à souche et trop de médecins hésitent encore à l'utiliser.
Le nouveau carnet pour prescriptions spéciales qui remplace le carnet à souche et que j'ai créé par arrêté du 28 novembre 1996 est beaucoup plus maniable — il a la forme d'un chéquier — plus pratique par la présence d'un feuillet de renouvellement destiné à limiter toute interruption de traitement. J'ai voulu, vous l'avez compris, banaliser la prescription d'antalgiques majeurs par les médecins libéraux.
IV. - Cependant, si les douleurs aiguës sont le plus souvent du ressort du généraliste, les douleurs chroniques et rebelles nécessitent une prise en charge dans des structures organisées et disposant de moyens adaptés. Une labellisation des structures est donc devenue nécessaire. S'appuyant sur les critères définis par l'Agence Nationale de l'Évaluation Médicale, elle définira trois niveaux de prise en charge : la consultation antidouleur, l'unité de lutte contre la douleur, le centre antidouleur :
- la consultation, où est adressé par son médecin de ville le malade souffrant de douleurs chroniques, doit disposer des compétences de trois médecins dont un psychiatre et deux somaticiens de disciplines différentes ;
- l'unité dispose, en plus de ces compétences médicales, d'un plateau technique adapté ;
- le centre de prise en charge de la douleur dispose en plus des moyens de l'unité de lits d'hospitalisation.
La labellisation visera à reconnaître l'existence de structures disposant de tout l'éventail des techniques et des compétences indispensables pour une bonne prise en charge de la douleur.
Elle consacrera également la mission d'un établissement et d'une équipe de référence vis à vis des professionnels et de l'ensemble de la population de sa zone d'attraction, car les structures labellisées devront animer le réseau constitué avec les autres équipes de la région. Les Agences Régionales de l'hospitalisation procéderont aux labellisations au cours de l'année 1997 après avis du collège national des praticiens de la douleur soutenue par la Société française de la douleur et la Société francophone pour l'étude de la douleur.
V. - Les agences établiront par ailleurs un schéma régional d'organisation sanitaire de la prise en charge de la douleur. Il portera sur les structures labellisées mais également sur les dispositifs mis en place dans chaque établissement conformément à la loi. Naturellement l'offre en direction des enfants et des personnes âgées qui expriment le plus difficilement leur besoin fera l'objet d'une attention particulière. Ce schéma régional permettra de prendre acte de l'existant, d'évaluer pour chaque région les moyens consacrés à cette activité et de les renforcer lorsque cela sera nécessaire.
Ces mesures qui doivent améliorer la prise en charge de la douleur tant par les médecins généralistes que par les structures spécialisées permettront, je l'espère, à la France de combler son retard dans le domaine.
Permettez-moi, en conclusion, de vous souhaiter tout simplement un travail fructueux dont je ne doute guère au vu de la richesse et de la densité des interventions. Mais permettez-moi surtout de vous remercier, au nom de tous ceux qui souffrent moins, au nom de tous les enfants que l'on soulage pour votre engagement dans cette lutte qui nous est commune. Je vous remercie de votre attention.