Interviews de M. Jean-François Mancel, secrétaire général du RPR, à France 2 le 3 février 1997 et à RTL le 21, sur les résultats du premier tour de l'élection municipale partielle de Vitrolles, la préparation des élections législatives 1998, la politique gouvernementale et sur la mobilisation contre le projet de loi Debré.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - France 2 - RTL - Télévision

Texte intégral

France 2 - Lundi 3 février 1997

France 2 : La presse parle ce matin du « choc de Vitrolles. » Le Front national est en passe de l’emporter au deuxième tour, avec au premier tour plus de 46 % des voix pour Catherine Mégret, seulement 37 % pour le socialiste J.-J. Anglade et 16 % pour le candidat de la majorité. La majorité UDF-RPR est donc en position d’arbitre. Hier, le RPR s’est prononcé pour le retrait de la liste Guichard. Ce dernier semble ne pas en être tout à fait convaincu. Vous allez faire pression ?

Jean-François Mancel : R. Guichard s’est bien battu. Je crois qu’en revanche, il a peu de chance de gagner au deuxième tour, c’est évident. Dans ces conditions, je crois qu’il est souhaitable qu’il retire sa liste. Je pense qu’il prendra cette décision cet après-midi, en tout cas, je le souhaite très clairement.

France 2 : Le socialiste Anglade voulait aller plus loin, il parlait à un moment « d’un front républicain », une possibilité d’ouverture de sa liste. Vous êtes contre ?

Jean-François Mancel : Il n’est pas question de faire un front républicain. En revanche, les électeurs qui ont voté pour la liste de R. Guichard, doivent pouvoir se déterminer en leur âme et conscience au deuxième tour, entre les deux listes, en faisant référence à leurs valeurs républicaines.

France 2 : Il y a quand même le résultat sur lequel il faut revenir, c’est une nouvelle progression du Front national. Quand la gauche était au pouvoir, vous disiez « c’est la faute de la politique de gauche. » Maintenant, la droite est au pouvoir, et le Front national continue à progresser toujours autant.

Jean-François Mancel : Je crois que Vitrolles est un cas d’exception. Dans la plupart des autres élections partielles qui ont eu lieu, on ne constate pas du tout cette progression du Front national. Et, dans beaucoup de cas, le Front national est battu à chaque fois ; le RPR a battu a plusieurs reprises des candidats du Front national. Je crois donc qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter outre mesure. Nous avons là un cas très particulier qu’il faut traiter comme tel.

France 2 : Il n’y a pas quand même un discrédit de tous les partis de gouvernement puisque là, on voit donc aussi bien la gauche que la droite qui sont largement distancées par un candidat du FN ?

Jean-François Mancel : Je crois tout simplement qu’il faut que nos compatriotes perçoivent que nous faisons des efforts qui vont porter leurs fruits dans les domaines qui les incitent à voter pour le Front national : le chômage, l’insécurité, la lutte contre l’immigration clandestine. Dans tous ces domaines-là, le Gouvernement avance et avance efficacement. Et, quand les concitoyens auront mesuré que nous apportons des réponses à ce type de questions, le Front national commencera à baisser et ce sera bon pour tout le monde.

France 2 : Dans le cas précis de Vitrolles, pour le deuxième tour, vous appelez clairement à un retrait ou simplement à un désistement, à voter pour le candidat socialiste ?

Jean-François Mancel : Nous appelons simplement R. Guichard à se retirer et nous espérons que les électeurs qui ont voté pour lui au premier tour, se détermineront en fonction, je le disais tout à l’heure, de nos valeurs républicaines.

France 2 : Mardi dernier, il y a eu le Conseil national du RPR, avec le lancement d’une réflexion sur votre projet, notamment pour 1998. Est-ce que ce n’est pas un exercice un peu difficile quand on est au pouvoir d’imaginer un projet ?

Jean-François Mancel : Si, bien sûr. Nous agissons actuellement et nous réalisons. Et d’ailleurs, les résultats positifs sont en train d’être clairement démontrés, on va le voir tout au long de l’année 1997. En revanche, il est aussi indispensable qu’en 1998, nous préparions, pour la deuxième partie du premier septennat de J. Chirac, un véritable programme de législature. Nous allons le faire, contrairement à ce qu’ont fait les socialistes, nous n’allons pas écouter quelques experts mais nous allons écouter les Français. Et, pendant près de six mois, nous allons débattre avec eux, en les écoutant, en dialoguant avec eux, pour bâtir ce projet de législature sur la période 1998-2003.

France 2 : Les leaders de la majorité et un certain nombre de ministres parlent actuellement « d’embellie » pour l’exécutif. Est-ce que ce n’est pas la méthode Coué comme le dit L. Fabius qui dit que « le docteur Coué va être l’homme de l’année 1997 » ?

Jean-François Mancel : Il faut d’abord, je crois, rétablir complètement la confiance dans l’avenir. C’est en cours. J’ai le sentiment que la baisse du chômage en décembre, la baisse des cotisations sociales sur les salaires de janvier, la diminution des dépenses publiques de l’État pour 1997, la baisse de l’impôt sur le revenu, que les contribuables qui paient l’IRPP, vont constater dans les prochaines semaines, que tout cela s’ajoute et va donner le sentiment à nos concitoyens, qu’ils soient consommateurs ou investisseurs, que cela va mieux, que les actions menées par le Gouvernement portent leurs fruits, que les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas. Et que, dans ces conditions, on peut reprendre confiance en la France, reprendre confiance en soi, reprendre confiance en l’avenir. C’est le résultat d’un an et demi d’une politique très courageuse, de la part d’A. Juppé et de son Gouvernement.

France 2 : Et cela peut vous faire gagner en 1998 ?

Jean-François Mancel : Je crois que l’essentiel, ce n’est pas la victoire de 1998 ; c’est que les Français redeviennent heureux et fiers d’être français. S’ils le sont en 1998, ils voteront pour la majorité que nous représentons.

France 2 : Demain, à Matignon, il va y avoir une réunion des élus de la majorité, des responsables de la majorité, sur le calendrier électoral et surtout pour le mode de scrutin et notamment pour les régionales. On sait que la région d’Île-de-France est bloquée par le système actuel. Que faut-il attendre de cette réunion ?

Jean-François Mancel : Je crois que sur le calendrier, il serait bon d’abord que l’on organise les élections législatives avec les élections régionales. Tout simplement parce que ce sont des élections à caractère politique fort, cela simplifie les choses pour les électeurs. Et puis, deuxièmement, je crois qu’il est indispensable que nous réformions le scrutin régional. On ne peut pas garder un scrutin qui ne permet pas à des majorités de se dégager et donc à des exécutifs de pouvoir gouverner les régions dans l’intérêt de leurs habitants. Regardez ce qui vient de se passer en Île-de-France. Le budget n’est pas voté, il y a beaucoup d’habitants de la région Île-de-France qui vont en souffrir. II va y avoir du retard dans des travaux. J’étais en Seine-et-Marne il y a dix jours et on me disait : « on est très inquiets parce que tel ou tel lycée qui devait être réhabilité ne pourra pas l’être dans les délais prévus. » Ces conséquences-là sont graves pour les citoyens. Dans ces conditions, il faut, je crois, avoir la volonté  et nous l’avons au RPR , de réformer le scrutin régional, en maintenant la proportionnelle pour la représentation des courants minoritaires, mais en permettant que se dégage une vraie majorité, exactement comme le scrutin municipal dans les grandes villes.

 

RTL - Vendredi 21 février 1997

RTL : Manifestation demain, à Paris contre la loi Debré. Vous appelez vos fédérations, vous, à descendre dans la rue. Vous pensez pouvoir convaincre du bienfondé de la loi Debré ?

Jean-François Mancel : À descendre dans la rue, pas pour manifester mais pour dialoguer avec nos compatriotes pour leur expliquer le bien-fondé de la loi Debré, pour leur montrer que cette loi ne porte atteinte absolument pas aux droits de l’homme, comme on cherche à le faire croire, mais qu’au contraire, c’est une loi qui a pour but d’atteindre un objectif qui est l’immigration illégale zéro, pour permettre à la France de garder sa cohésion nationale et puis en même temps, de rester une terre d’accueil pour les étrangers qui respectent les lois de la République.

RTL : On dit que vous allez distribuer deux millions de tracts durant ce week-end ?

Jean-François Mancel : Nous allons effectivement distribuer deux millions de tracts qui seront distribués par tous nos militants à travers la France et notamment, par les jeunes du RPR qui vont le faire à la sortie des cinémas, à la sortie des musées, des théâtres, de tous tes lieux culturels à Paris et dans toutes les grandes villes de province. Ils vont aller à la rencontre, là encore, d’autres jeunes pour leur expliquer le projet de loi Debré qui d’ailleurs est très mal connu et, je crois, c’est ce qui explique qu’il y ait eu des erreurs de commises pour ceux qui ne le connaissaient pas sur les dispositions qu’il contient.

RTL : À propos d’erreur, estimez-vous que dans cette affaire la majorité n’a rien vu venir ?

Jean-François Mancel : Je ne crois pas du tout, je crois qu’il y a eu la conjonction d’un certain nombre de phénomènes. Il y a eu d’abord une mauvaise lecture du projet de loi Debré par un certain nombre d’artistes et il y a eu après la conjonction de ce qui s’est passé à Vitrolles avec la victoire du Front national sur le Parti socialiste et puis Châteauvallon. Tout cela s’est mélangé et il y a eu un amalgame qui s’est traduit par une mobilisation contre un projet de loi qui est l’inverse de ce qu’on a bien voulu dire. Ce projet de loi est destiné au contraire à permettre aux Français et aux étrangers qui vivent, conformément aux lois de la République en France, à le faire d’une manière pacifique et en sécurité.

RTL : Vous estimez que le Gouvernement ne peut plus faire de concessions maintenant sur le texte Debré ?

Jean-François Mancel : Le Gouvernement n’a pas fait de concessions. Le Gouvernement s’est contenté d’accepter un amendement émanant de la Commission des lois de l’Assemblée nationale portant sur une disposition du projet de loi qui, mal interprétée et travestie dans l’interprétation qu’on en a fait, avait abouti à lancer cette mobilisation contre le projet de loi. Le texte est maintenant modifié en Commission. Je crois qu’il ne comporte plus aucun risque de contestation de quiconque. Ce qui explique d’ailleurs que la manifestation de demain ne me parait pas répondre à des objectifs très précis.

RTL : En quoi, selon vous, des artistes comme I. Adjani se mobilisent-ils ? Elle explique cette après-midi dans Le Monde que la poudrière est prête que les auteurs du projet jouent avec le feu.

Jean-François Mancel : C’est complètement l’inverse. Moi, je crois que Mme Adjani fait une grave erreur d’analyse. Le projet de loi Debré est très simple et il est parfaitement conforme à nos valeurs républicaines. Il veut permettre d’atteindre avec les rames de la République une immigration illégale zéro. Pourquoi ? Parce que l’immigration illégale porte atteinte à l’identité et à la cohésion nationale, elle porte atteinte à la capacité pour les étrangers qui vivent sur le territoire français régulièrement, légalement d’y vivre dans des conditions satisfaisantes. Ils sont, aujourd’hui, victimes, c’est vrai, d’un certain rejet dû à la xénophobie, au racisme qui s’est développé et puis enfin cela doit permettre aux étrangers qui veulent s’assimiler à la citoyenneté française, qui veulent devenir français avec les droits et les devoirs que cela comporte, de pouvoir le faire. C’est cela le projet de loi Debré et en l’occurrence, je n’y vois rien de ce qu’y voit Mme Adjani.

RTL : Que pensez-vous de la décision du Parlement européen invitant le Gouvernement français à retirer le projet de loi Debré ?

Jean-François Mancel : Vous savez, le Parlement européen est une institution souvent très utile mais parfois très farfelue. En l’occurrence, j’ai l’impression que c’est le côté farfelu qui a primé.