Interview de M. Alain Richard, ministre de la défense, dans "Gend'info" de février 1998, sur la finalité du Conseil de la sécurité intérieure, le rôle du ministère et celui de la gendarmerie pour la prévention de l'insécurité et de la délinquance.

Prononcé le 1er février 1998

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Média : Gend'info

Texte intégral

Q - Le conseil de la sécurité intérieur vient d’être créé par le Premier ministre. Quelle est la portée de cette décision ?

Il est aujourd’hui admis que les réponses à l’insécurité appellent une coopération étroite entre les services compétents de l’État et des collectivités locales. Aucune institution ne dispose, seule, des capacités de maintenir la paix publique. Dans les années quatre-vingt, à la suite du rapport Bonnemaison, des instances de concertation ont été mises en place à l’échelle départementale et communes, les conseils de prévention de la délinquance. Elles ont permis pour la première fois dans notre pays aux professionnels de la sécurité, policiers et gendarmes, aux élus locaux, aux magistrats, aux professionnels de la prévention de se mettre autour de la table pour traiter des problèmes d’insécurité. En 1993, les plans départementaux de sécurité ont eu pour ambition de mieux coordonner l’action des services de l’État, sous l’autorité des préfets et des procureurs de la République dont l’étroite collaboration est plus que jamais nécessaire. Puis, pour approfondir le partenariat, notamment avec les conseils généraux, les plans départementaux de prévention de la délinquance ont été institués, tandis que des protocoles ont été signés avec l’Éducation nationale pour lutter contre les violences scolaires. Ces procédures de concertation, voire d’action conjointe, donnent déjà des résultats intéressants mais il est désormais nécessaire d’aller plus avant, au cœur des problèmes. Les contrats locaux de sécurité (CLS), en cours de négociation, s’inscrivent dans cette logique. Ces contrats s’appuient sur un diagnostic et définissent des objectifs communs. Ils doivent d’autant mieux répondre à cette nécessité qu’ils seront assortis de mesures concrètes, comme la mise en place d’agents locaux de médiation sociale, comme l’entrée en activité, à mesure des renforts disponibles, d’adjoints de sécurité dans la police nationale et de volontaires dans la gendarmerie.

À l’échelon national, la sécurité intérieure relève principalement du ministre de l’intérieur, mais elle concerne aussi d’autres ministères qui apportent une contribution significative. Les actions menées par la justice, la police, la gendarmerie et les douanes doivent être la traduction concrète d’une politique globale, claire et cohérente. Nous devons optimiser et rationaliser l’emploi de tous les moyens humains et matériels qui concourent à la sécurité des personnes et des biens. Pour y parvenir, le Premier ministre a voulu la création du Conseil de sécurité intérieure. Placé auprès de lui, il a pour mission de définir les orientations générales de la politique de sécurité intérieure. Ses délibérations sont préparées par les directeurs de cabinet du Premier ministre et des ministres compétents qui, avec les directeurs d’administration, dont le directeur général de la gendarmerie nationale, forment le groupe permanent. Le conseil de sécurité intérieure illustre bien l’approche interministérielle qui doit présider à la lutte contre l’insécurité.

Q - Si la sécurité intérieure entre principalement dans les attributions du ministre de l’intérieur, quel rôle revient alors au ministre de la défense ?

Le ministre de la défense est le ministre de la gendarmerie. Je ne crois pas nécessaire de rappeler aux lecteurs de Gend’info les missions exercées par cette institution militaire qui matérialise la participation quotidienne du ministère à la sécurité intérieure. Mais la gendarmerie n’est pas la seule force impliquée. Les armées accomplissent également des tâches de service public et peuvent aussi apporter leur contribution en cas de crise ou de catastrophe. La participation des armées aux secours apportées aux populations victimes des inondations ou encore l’opération Vigipirate nous offrent des exemples très significatifs. Les militaires de l’armée de terre et de l’armée de l’air viennent, dans le cadre du plan Vigipirate, renforcer l’action de la police et de la gendarmerie. Huit cents militaires s’ajoutent aux effectifs des patrouilles chargées de sécuriser les lieux publics les plus propices aux attentats. Concernant la lutte contre le terrorisme, les services de renseignements dépendant du ministère de la défense apportent également une contribution importante. La marine nationale, chargée de la sûreté des approches maritimes du territoire, est aussi un acteur important de la sécurité intérieure. Elle assure en effet depuis longtemps des missions de service public – qui représente 20 % de son activité – et sa présence quotidienne sur nos côtes et dans nos eaux territoriales constitue une expression concrète de l’action de l’État en mer. L’implication de la défense dans la sécurité intérieure est inscrite dans les textes fondamentaux comme l’ordonnance de 1959. Elle repose sur l’action quotidienne de la gendarmerie sur l’ensemble des coopérations civilo-militaires. Les menaces évoluent ; les liens entre la défense et la sécurité intérieure doivent donc être adoptés et c’est ce que nous ferons, méthodiquement, au sein du conseil de sécurité intérieure. Bien entendu, cela se fait en préservant, en dehors des situations de crise grave, la distinction indispensable entre les missions des forces chargées de la sécurité publique et celles des armées.

Q - En 1998, sur quels domaines doivent porter les efforts de la gendarmerie pour assurer une meilleure protection des personnes et des biens ?

La gendarmerie a traduit les orientations de la loi de programmation militaire dans le plan « gendarmerie 2002 ». Je souhaite que ses dispositions soient mises en application, car elles correspondent bien à la priorité donnée à la sécurité de proximité. Les actions en direction des jeunes doivent être accentuées. L’augmentation du nombre de mineurs dans des affaires judiciaires, auteurs ou victimes, nécessite de nouvelles réponses. En 1997, une dizaine de brigades de prévention de la délinquance juvénile ont été créées. Situées en zone de responsabilité gendarmerie, elles ont principalement – en secteur périurbain – une vocation prévention et sont chargées d’entretenir des contacts réguliers avec les mineurs en difficulté et les services chargés de l’enfance. De même, les formateurs relais-antidrogue sont devenus de véritables conseillers en matière de prévention et leur activité se développe principalement en milieu scolaire.

La gendarmerie de façon générale participe activement à la nouvelle politique de sécurité mise en place par le gouvernement : que ce soient les contrats locaux de sécurité, le plan de lutte contre la violence à l’école ou encore le renforcement de la sécurité des transports publics.

Q - Comment voyez-vous l’évolution de la gendarmerie ?

La gendarmerie doit, dans la concertation à l’échelon local, adapter ses structures aux besoins prioritaires de sécurité qui s’expriment sur le terrain et veiller à bien communiquer avec les usagers du service public. Elle doit rechercher les meilleures conditions d’accueil, améliorer la réponse à la population en termes de qualité de contact et de délais d’intervention. Un programme de rénovation des locaux d’accueil est lancé cette année. Un effort particulier est consenti au profit des brigades périurbaines, qui sont fortement sollicitées. De sa capacité à maintenir un lien privilégié avec la population, à remplir quotidiennement sa mission de sécurité publique à s’adapter à son environnement dépendra l’avenir de la gendarmerie en tant que service public de sécurité proche et qualifié. En apportant des réponses innovantes et en agissant en partenariat à l’intérieur de l’État, et avec les élus et les forces vives de la cité, mais aussi en développant son action dans le cadre de la concertation internationale et notamment européenne, elle répondra pleinement aux attentes de nos concitoyens.