Texte intégral
RTL : Vous êtes élue de Paris, J. Tiberi a-t-il raison de ne pas démissionner ?
A.-M. Couderc : Je pense qu’il a tout à fait raison. Il n’y a aucun motif pour qu’aujourd’hui, il démissionne.
RTL : On entend tout de même, dans les couloirs de la mairie de Paris ou à l’Assemblée nationale, des élus parisiens de la majorité se montrer inquiets pour l’organisation de la campagne législative de l’année prochaine.
A.-M. Couderc : Moi, ce que j’entends, c’est que la majorité est solidaire de J. Tiberi. Voilà ce que j’entends dans les couloirs et cela s’est manifesté très clairement hier.
RTL : Tiberi dit aujourd’hui dans Le Parisien qu’à travers lui, on cherche peut-être à en déstabiliser d’autres. Pensez-vous que c’est une opération politique qui cherche à déstabiliser l’ancien maire de Paris, J. Chirac ?
A.-M. Couderc : Il est certain que cet acharnement est quand même assez curieux ! Donc, l’analyse de J. Tiberi est peut-être juste.
RTL : Vous mettez en cause le principe même de la mise en examen ?
A.-M. Couderc : Je ne peux pas mettre en cause une décision prise par la justice. Par contre, ce que je considère, c’est que toute cette affaire est quand même assez curieusement menée.
RTL : Est-ce que la loi Robien pourrait être applicable à Renault ?
A.-M. Couderc : La loi Robien pourrait effectivement être applicable. C’est un moyen parmi d’autres. Ce qu’il faut souhaiter dans cette affaire Renault, c’est que le dialogue s’installe à nouveau, que la discussion existe entre la direction et les partenaires sociaux, et la loi Robien est un moyen parmi d’autres.
RTL : Budgétairement, l’État pourrait-il supporter le coût de l’application de la loi Robien à une entreprise comme Renault ?
A.-M. Couderc : Il faudrait voir dans quelles conditions, bien sûr. Mais, une fois de plus, cela peut être un moyen comme un autre. Ce qu’il faut essayer, c’est regarder quel est le plan social adapté au métier de Renault, aux conditions dans lesquelles s’exerce l’activité, comment on peut établir une meilleure productivité, une meilleure rentabilité et comment on peut faire en sorte que, sur le plan humain, sur le plan social, il y ait le moins de catastrophes possibles.
RTL : Plan social, qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’on pourrait éviter des suppressions d’emploi en France ?
A.-M. Couderc : Comme vous le savez, le plan social permet justement de diminuer, dans la mesure du possible, les départs de personnels de l’entreprise. C’est là où l’aménagement du temps de travail peut jouer son rôle, comme c’est le cas avec la loi Robien par exemple, mais aussi tout autre dispositif qui permet le reclassement des gens, l’adaptation à des postes différents. C’est cela, un plan social.
RTL : La France défend régulièrement l’idée d’une Europe sociale, n’est-il pas paradoxal de voir une entreprise française, dans laquelle l’État est le principal actionnaire, avec 46 % des parts annoncer la fermeture d’une usine de 3 100 salariés en Belgique ?
A.-M. Couderc : Je crois que sur la méthode, on s’est exprimé très clairement. Et, quand vous parlez d’Europe sociale, le Président de la République lui-même, comme vous le savez, a présenté à l’ensemble de nos partenaires européens, il y a à peu près un an, un mémorandum justement pour une Europe sociale. Il est vrai que nous sommes très attentifs à l’Europe sociale et Europe sociale, cela veut dire non seulement le respect d’un certain nombre de règles qui prennent en compte la dimension humaine, la dimension sociale des entreprises, mais cela veut dire aussi dialogue social.
RTL : Est-ce que cela veut dire qu’il faudrait remettre en cause le principe même de la fermeture de l’usine de Vilvoorde ?
A.-M. Couderc : Sur la décision de fond, c’est une décision industrielle qui relève de la direction de Renault. Cela leur appartient. Mais il y a véritablement une approche qui est l’approche d’échange et de dialogue. Sur le fond, qu’il y ait des problèmes chez Renault, qu’il y ait une stratégie industrielle à mettre en œuvre, qu’il y ait des problèmes de rentabilité, je crois que tout le monde le sait et le personnel le sait. Le tout est de savoir, lorsqu’il y a un certain nombre de décisions, comment on communique avec son personnel, comment on en parle et comment on met au point les décisions finales.
RTL : Est-ce que l’État, qui est le principal actionnaire chez Renault, s’est montré suffisamment curieux lorsque L. Schweitzer a expliqué, quelques jours auparavant, qu’il allait devoir prendre des mesures importantes ?
A.-M. Couderc : Tout dépend comment les choses sont dites ! Il est évident qu’il fallait prendre des mesures chez Renault. Le tout était de savoir selon quel calendrier et selon quelle méthode. Je pense que c’est là où il y a eu, de toute évidence...
RTL : Justement, la question est de savoir si un ministre, le Premier ministre ou ses conseillers se sont montrés assez curieux lorsqu’on leur a annoncé que des mesures importantes allaient devoir être prises chez Renault ?
A.-M. Couderc : Je ne sais pas s’ils se sont montrés ou pas suffisamment curieux mais ce qui est clair, c’est qu’on n’a pas dû leur dire que c’était des décisions imminentes parce qu’à partir de ce moment-là, il est vrai que le Gouvernement s’est toujours préoccupé de savoir dans quelles conditions cela devait se passer. Or là, de toute évidence, il y a eu un défaut important de cadrage de calendrier.
RTL : Demain, c’est la Journée des femmes, est-ce que vous considérez que les femmes en France continuent à composer un sous-salariat ?
A.-M. Couderc : Le mot est un peu fort, parce que bien évidemment, les choses ont beaucoup évolué en France, heureusement ! Mais, il y a encore certains secteurs de notre économie où persistent des différences notables, que ce soit des différences sur le plan des salaires, ou que ce soit également dans la capacité des femmes à progresser à l’intérieur de l’entreprise. Cela, il faut le savoir, parce que cela existe. Il faut surtout faire en sorte que cela ne dure pas. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, j’avais réinstallé le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, de manière à ce qu’autour d’une table, avec l’ensemble des partenaires, on puisse évoquer ces problèmes de manière à ce qu’ils soient connus et surtout qu’on se donne les moyens d’y mettre un terme.
RTL : Souvent, quand on demande pourquoi il y a un taux de chômage important en France, on entend dire, parmi les raisons exposées, que la France est le pays où le plus de femmes travaillent. Cela vous énerve-t-il qu’on mette en parallèle ces deux réalités ?
A.-M. Couderc : Il y a une réalité : c’est vrai que les femmes entrent sur le marché du travail, et je trouve que c’est une très bonne chose. Je pense que le problème du chômage est lié au fait que nous avons une démographie qui fait que le marché du travail est très dynamique, puisque nous avons 150 000 à 160 000 personnes qui entrent tous les ans sur le marché du travail, ce qui est exactement l’inverse de la situation de la Grande-Bretagne, par exemple. Dans ces 150 000 personnes, incontestablement, il y a des jeunes, mais il y a aussi beaucoup de femmes. Je crois que c’est un atout pour notre pays, même si, dans une période de croissance faible comme celle que l’on vient de connaître et de traverser, cela a pu être un handicap. C’est vrai aussi qu’il faut reconnaître qu’aujourd’hui, on a à peu près 1,5 million de femmes qui sont demandeurs d’emploi. D’où, d’ailleurs, l’implication que je demande sur l’ensemble du territoire pour qu’on prenne en compte le fait que, bien souvent, le chômage des femmes est plus long que celui des hommes, que leur situation peut être, dans un certain nombre de cas, plus précaire dans l’emploi et que leur situation peut aussi être difficile, ne serait-ce que parce qu’il y a des problèmes de garde d’enfants, etc.
RTL : La présence des femmes en politique : elles sont peu nombreuses. Il y a une demande de parité avec les hommes. Êtes-vous favorable à une réforme de la Constitution pour obtenir cette parité ?
A.-M. Couderc : Il faut qu’on trouve le moyen le plus efficace pour que les femmes soient dans la vie politique. Le constat qu’on fait de la situation des femmes dans la vie politique est tout à fait désastreux.
RTL : Espérez-vous une réforme de la Constitution ?
A.-M. Couderc : Je ne dis pas que j’espère une réforme de la Constitution. Ce que j’espère, c’est que tout le monde prenne conscience qu’il faut permettre aux femmes d’accéder à la vie politique et notamment, au premier chef, les partis politiques. Après, les moyens...
RTL : Le PS est en pointe, le RPR un peu moins !
A.-M. Couderc : Le PS est en pointe ! C’est facile, il n’a pas de sortants et puis, il faut voir sur quelles circonscriptions les femmes sont mises. Ce qu’il faut, c’est des femmes dans la vie politique d’une manière durable. C’est la prise de conscience de tous les responsables politiques qui peut permettre de le faire. Mais, il faudra que nous regardions les moyens : la modification de la Constitution avec des lois qui prévoient des quotas, notamment sur les scrutins de liste sera examinée. Cela fera l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale le 11 mars prochain.