Texte intégral
L’UDF a apporté sur la question de l’immigration un regard qu’elle a voulu à la fois humain, lucide et responsable. Ce regard n’est marqué ni par la naïveté, ni par le soupçon.
Elle l’a fait sur le texte de loi qui nous réunit aujourd’hui en proposant des modifications à l’article 1er. Il est vrai que cet article n’était pas recevable pour beaucoup d’entre nous, pour beaucoup de Français qui considèrent à juste titre l’hospitalité, leur hospitalité, comme une partie de leur vie privée.
Ainsi, une fois cet article modifié, le débat reprend-il tout son sens. Autant qu’un débat sur les autres (ceux que nous accueillons et continuons d’accueillir) c’est un débat sur nous-mêmes, sur la France, son identité, son ouverture au monde, le caractère pluriel de sa culture, la nature de son droit et au fond des choses sur sa souveraineté.
Car, c’est d’abord de cela qu’il s’agit. On peut en effet, dans la confusion générale des esprits alimentée par une opposition amnésique, se poser légitimement la question : avons-nous encore le droit de légiférer ? Le Parlement français a-t-il le droit de définir le lien qui unit chacun français et étranger à des titres divers à cette communauté nationale que nous représentons.
Devant ceux qui sont à nos portes, à quelques centaines de mètres d’ici, dans la rue, à qui je m’adresse sans ironie et sans mépris, j’affirme le droit pour le Parlement (et je ne dis pas simplement pour la majorité) de définir ce qu’est, et ce que doit être notre nationalité, ce qu’est et ce que doit être le droit d’accès au territoire national, ce qu’est et ce que doit être le droit qui s’applique aux étrangers, droit dont la vocation essentielle est de les protéger.
Car, la première réflexion de l’UDF c’est de reconnaître dans chaque étranger un sujet de droit. Peut-on ajouter aussitôt qu’il est, bien sûr, tenu à des devoirs très précis ? Cette reconnaissance d’un sujet de droit, elle s’accompagne d’une exigence naturelle : notre hospitalité (nécessaire et utile, légitime) sera d’autant plus forte, d’autant plus attentive, d’autant plus soucieuse des personnes qu’elle recevra comme réponse un respect scrupuleux de notre droit.
Je ne sais pas ce que veut dire la coexistence du civisme et de la désobéissance.
Je sais par contre ce que représente de contradiction les afflictions que nous entendons ici.
On ne peut protester contre Saint-Bernard, contre des situations qui c’est vrai ont été souvent absurdes, et protester de nouveau quand on veut résoudre la question des « ni-régularisables / ni-expulsables ».
On ne peut pas s’inquiéter de la montée de la xénophobie et s’inquiéter en même temps de mesures de bon sens qui permettent aux étrangers respectant nos lois de ne pas être assimilés à ceux qui les détournent ou qui les transgressent.
On ne peut pas dire que l’on se bat pour la République et se battre en même temps pour que les lois qu’elle adopte, les juges qui les appliquent et les institutions qui la définissent se retrouvent bafoués, rejetés ou ignorés.
Il y a, M. Fabius, dans toutes ces attitudes une cohérence introuvable, une logique qui échappe au bon sens et je crois que les Français ne s’y sont pas trompés.
Je ne crois pas qu’ils iront chercher auprès de la gauche les réponses aux angoissantes questions qu’ils se posent.
Une gauche aveugle, qui hésite en permanence entre un passé de culpabilité et un avenir qu’elle voudrait être de gouvernement et dont on sait bien qu’il est pour longtemps marqué par l’impuissance.
La deuxième réflexion de l’UDF tient au contenu lui-même du mot République. Pour nous, ce n’est pas un simple slogan, utilisé dans le seul jeu de miroirs des émotions ou des aversions.
Je ne crois pas que le destin naturel d’une République soit la faiblesse.
Je ne crois pas que la vocation première d’un élu soit un appel au mépris des règles communes.
Je ne crois pas que le comportement naturel d’un étranger qui vient nous rejoindre soit d’abord et avant toutes choses de ne pas respecter la loi du pays qui l’accueille.
Et peut-on souhaiter ici que l’on ne se trompe ni d’époque, ni de combat ?
Ne nous égarons pas dans ce qui serait aux yeux des Français les plus lucides et notamment de ceux qui ont vécu la terrible épreuve de la guerre un faux procès.
Nous ne sommes ni en 1933, ni en 1940, ni à Vichy, ni à Riom.
Porter l’étoile jaune, simuler dans une gare le départ en déportation, utiliser le mot terrible de collaboration, ce n’est pas servir une cause juste. C’est ajouté encore à la souffrance et à la honte de ceux qui ont connu ce qu’était une France du chagrin et de la pitié.
C’est faire en sorte qu’à un vrai sujet qui relève de la responsabilité de tout exécutif digne de ce nom on substitue le jeu pervers des passions, des simulations et des amalgames.
M. le ministre de l’Intérieur, le groupe UDF vous apporte, face aux caricatures indignes, le témoignage de sa solidarité.
La troisième réflexion de l’UDF c’est la plus importante porte sur l’ouverture de notre pays sur le monde.
60 millions de visiteurs chaque année.
6 millions de Français qui travaillent pour l’expatriation.
L’un des premiers pays dans le monde pour l’effort de coopération.
100 000 naturalisations par an.
Oui, la France est un pays qui sait accueillir ceux qui la regardent avec respect ; oui, elle a su intégrer, des générations entières de polonais, de grecs, d’italiens, les nombreux étrangers qui ont voulu parler sa langue, connaître son droit, adopter son mode de vie, et par là-même, enrichir leur culture et notre culture.
Non, M. Fabius, ce n’est pas la loi Pasqua qui a fabriqué des clandestins.
C’est l’appel qu’aujourd’hui vous lancez, au-delà de nos frontières, pour que la pauvreté de millions d’étrangers se tourne aujourd’hui vers ce qu’ils considéreront rapidement comme une absence de droit.
Et l’on peut légitimement s’inquiéter si demain, dans ce domaine comme dans d’autres, vous aviez, ce qu’à Dieu ne plaise, des responsabilités.
Il faut imaginer ce que serait alors la pression sur nos frontières, la difficulté des maires, la préoccupation des policiers et des magistrats...
La vraie menace pour notre pays (et c’est vrai qu’elle est véhiculée par l’extrême droite), c’est la xénophobie.
Sentiment indigne d’un grand peuple, poison de l’intelligence et du droit, négation de toute notre culture, terreau fertile pour la peur et la haine, la xénophobie est une maladie mortelle pour notre conscience nationale, pour cette identité que l’on prétend défendre à Vitrolles ou ailleurs, à coups de déclarations, plus stupides ou plus indignes les unes que les autres !
M. Fabius, ne prêtez pas votre concours, que j’espère involontaire, à cette dérive d’une opinion qui n’attend pas de ses responsables, de droite ou de gauche, un mouvement de recul ou d’impuissance devant le grand enjeu de la cohésion nationale.
La majorité républicaine a choisi la force juste de la loi. Elle a choisi la responsabilité, elle a choisi de dire aux Français et notamment aux plus faibles des Français, la vérité, la simple vérité : la France n’est pas un espace abstrait où l’on vient sans y croire, un peu par hasard, sans le projet de s’associer à son destin.
La majorité accomplit aujourd’hui sans complexe et sans hésitation le mandat qu’elle a reçu des Français. Ce mandat n’est ni celui du silence, ni celui de l’impuissance.
Il vise tout simplement devant cette montée de l’intolérance qui vient directement menacer les valeurs profondes de la République, à définir ce qu’est la France, non pas tellement qui elle intègre, mais surtout à quoi l’on intègre, non pas tellement qui l’on héberge, mais pourquoi l’on héberge.
C’est cela le rôle d’une majorité. Ce n’est pas, c’est vrai, celui que vous avez joué lorsque vous étiez la majorité de la France.
Mais nous qui combattons avec plus de sincérité que vous ne le faîtes les thèses du Front national, nous avons reçu le mandat de donner à la France une perspective, une fierté, une conscience d’elle-même, qu’elle recherche comme à tâtons.
N’allons pas, mes chers amis de la majorité, rejoindre la démagogie qui s’est exprimé tout à l’heure et qui continuera à s’exprimer tout au long de ce débat.
Notre combat était et reste un combat contre l’injustice. Y a-t-il pire injustice aujourd’hui que de laisser ou d’encourager des étrangers à s’engager dans le déni du droit et donc dans la précarité ?
L’UDF a pris et continuera à prendre ses responsabilités. Elle l’a fait à travers le travail de Jean-Pierre Philibert. Elle a aujourd’hui, M. le ministre, le courage d’assumer à la fois une conception fraternelle de notre société et une ambition forte pour notre République.
Vous aurez notre soutien comme vous avez notre confiance.