Texte intégral
FEN HEBDO - 10 janvier 1997
Le CIP de retour ? Dominique Lassarre et Jean-Claude Tricoche
De façon conjointe le gouvernement et le patronat ont annoncé leur intention de créer un nouveau stage de longue durée (6 à 9 mois) pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Les jeunes seraient rémunérés aux alentours de 1700 F mensuel.
Cette annonce n’a été précédée d’aucune concertation préalable avec les intéressés (les étudiants) ni avec les organisations syndicales, qu’elles soient de l’éducation ou confédérale. La FEN a immédiatement réagi par le communiqué suivant :
« Une fois de plus, le ministre de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur médiatise un projet qui n’a fait l’objet d’aucune concertation. Il propose des stages de longue durée d’insertion professionnelle pour les étudiants diplômés avec une rémunération inférieure aux conventions collectives et sans garantie de certificat reconnue. Le CIP est-il de retour ?
La FEN est favorable à un partenariat avec les entreprises dans le cadre de la formation et de la validation, à condition que soit défini le statut des jeunes, que soit précisée la formation et assurée une validation reconnue. Il ne serait pas acceptable que les employeurs bénéficient de personnels sous-rémunérés et sous statut étudiant. Si les jeunes en formation en entreprise ne sont plus dans un cursus universitaire, ils doivent bénéficier des garanties d’un contrat de travail.
La FEN demande que le ministre engage sans tarder une véritable concertation sur la formation et l’insertion professionnelles des étudiants, avec l’ensemble des partenaires concernés de l’éducation et de l’économie ».
Une rencontre entre la FEN et l’UNEF-ID a permis de constater une similitude de vue sur ce dossier.
L’UNEF-ID a fait savoir publiquement qu’elle « s’élève contre l’idée lancée récemment par le CNPF d’instauration de « stages diplômants » de longue durée (9 mois) pour les jeunes de bac plus 2 plus 5, rémunérés 1700 F par mois au maximum et validés par un jury professeurs-employeurs mais sans que cela débouche sur un emploi ».
Pour l’UNEF-ID il s’agirait « de contrats de travail au rabais déguisés permettant d’employer une main-d’œuvre qualifiée et sous payée ».
Comme la FEN, le Syndicat étudiant craint « un retour du CIP, et pire encore, puisqu’on prétendait alors rémunérer des jeunes à 80 % du SMIC et maintenant à 30 % seulement ».
Pour la FEN, comme pour l’UNEF-ID, le ministre de l’Education nationale doit ouvrir rapidement des négociations pour déterminer la nature, les objectifs et la durée des stages et leur place dans le cursus universitaire, ainsi que les droits et garanties des stagiaires.
FEN HEBDO - 14 février 1997
Un Sommet pour rien - Jean-Claude Tricoche
Réuni à Matignon le 10 février, sans les organisations représentatives des personnels d’éducation, la conférence nationale sur l’emploi des jeunes n’a pas ouvert de réelles perspectives pour réduire le chômage des jeunes.
Le Premier ministre a réuni le 10 février 1997 des partenaires sociaux, des représentants du Parlement, des régions, des départements et des communes, des dirigeants d’organismes consulaires, des organisations étudiantes, des associations familiales et des réseaux d’insertion des jeunes… et pas les acteurs principaux de la formation. La FEN a vigoureusement réagi contre cette exclusion, par un courrier au Premier ministre, rendu public. A posteriori, le contenu du Sommet social, centré essentiellement sur la formation des jeunes, ne fait que rendre plus inacceptable la position d’un gouvernement qui persiste dans sa négation du dialogue social.
Apprentissage, potion magique
Une fois de plus le gouvernement et les partenaires sociaux proposent le développement de l’alternance sous contrat de travail pour lutter contre le chômage des jeunes. Véritable potion magique, l’apprentissage bénéficie de nouvelles attentions. Le nombre de contrats doit progresser de 20 %. Pour atteindre cet objectif, les régions devront augmenter de 15 % le nombre de places dans les CFA avec un financement supplémentaire de l’Etat de 70 millions de francs. Les lycées professionnels seront mis à contribution ainsi que le secteur public et les collectivités territoriales.
Les contrats de qualification devront progresser de 37 % et bénéficieront de 750 millions de francs pour les primes aux employeurs.
Les stages diplômants rebaptisés
Reprenant les propositions du CNPF et du ministre Bayrou, un stage baptisé « première expérience professionnelle » concernera, dès la rentrée 1997, les deuxièmes cycles universitaires de l’enseignement général. Inscrit dans le cadre du semestre universitaire et sur le double tutorat de l’université et de l’entreprise, cette première expérience professionnelle fera l’objet d’une convention tripartite entre l’étudiant, l’entreprise et l’université.
Des mesurettes pour l’emploi
Parmi l’ensemble des orientations retenues par la conférence nationale, quelques-unes abordent timidement le problème de l’emploi des jeunes.
La création d’un « fonds départemental pour l’emploi des jeunes » permettra de financer des initiatives partenariales en faveur de l’emploi des jeunes. Un milliard de francs est dégagé pour les fonds départementaux. Les crédits d’aide à l’emploi seront déconcentrés dans six régions expérimentales : Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Auvergne, Limousin, Bretagne, Poitou-Charentes.
L’ANPE, les missions locales et PAIO devront proposer aux jeunes chômeurs 100 000 offres d’emplois, de formations en alternance et de stages de formation.
Enfin, dans les dispositifs d’aide à l’emploi, au moins une embauche sur deux sera réservée aux jeunes.
Sont concernées, la loi Robien, les préretraites progressives, les restructurations. En décembre 1995 un précédent Sommet avait débouché sur « le devoir national d’insertion et d’embauche des jeunes ». Un an après 610 000 jeunes étaient demandeurs d’emplois. Les bonnes intentions de la conférence nationale de février 1997 risquent d’être aussi peu efficaces.