Lettre de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, adressée à M. Ernest-Antoine Seillières, président du Medef, sur la proposition du patronat d'associer les organisations syndicales à leur reflexion sur le projet de loi concernant la réduction du temps de travail, à Paris le 16 novembre 1999.

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Texte intégral

Par courrier du 12 courant, vous me faites part de la décision du MEDEF d’inviter les confédérations syndicales à une réflexion, à la fois très vaste et encore floue, sur les évolutions que vous estimez utiles d’apporter sur le cadre et le contenu des relations sociales dans notre pays.
Il est bien évident que la CGT est disponible pour toute rencontre qui peut permettre d’aborder efficacement les problèmes concrets et de plus en plus aigus rencontrés par les salariés.
Ceci étant dit, et sans préjuger de nos futurs échanges, il m’apparaît nécessaire de revenir sur quelques attendus de votre courrier.
En premier lieu, nous renouvelons notre désaccord avec votre demande de dérogation à l’application de la future loi sur la réduction du temps de travail dans certaines branches.
Nous ne pouvons croire que législateur puisse accepter, sitôt une loi adoptée, de consentir sa non application au motif d’accords de branches conclus dans des conditions parfois critiquables.
Les préalables que vous fixez là aux discussions proposées aux confédérations s’apparentent beaucoup plus à une pression sur le gouvernement dans laquelle vous cherchez à impliquer les organisations syndicales.
Force est de constater, par exemple, que votre attachement déclaré au dialogue social est en contradiction avec le report du rendez-vous concernant les accords AGIRC-ARRCO et de la renégociation de la convention UNEDIC qui diffère l’examen nécessaire des attentes des retraités et des privés d’emploi.
De la même manière, vous vous autorisez à faire l’impasse sur le dispositif ARPE. Nos revendications en la matière seront présentes dans la journée d’action que nous organisons, le 30 novembre prochain, dans les villes et les entreprises.
Autrement dit, nous contestons le blocage que vous provoquez sur l’ouverture des négociations urgentes au motif d’une discussion sur le paritarisme dans laquelle nous inscrivons nos propres réflexions.
Enfin, quelle valeur accorder à un échange de vue et d’analyse – à nos yeux souhaitable – sur le paritarisme, dès lors que vous ne laissez guère de doute quant à votre intention de quitter les organismes de gestion de la Sécurité Sociale ?
Nos interrogations et inquiétudes sont nombreuses sur les objectifs et le contenu de la démarche que vous proposez. Pour notre part, nous sommes non seulement favorables à la négociation, mais nous le sommes dans une dynamique qui place les salariés et leurs aspirations au cœur de celle-ci.
En ce sens, la refondation des rapports sociaux à laquelle, Monsieur le Président, vous faites largement référence, nécessite un changement profond dans la reconnaissance de la place du travail et dans l’état d’esprit qui règne dans nombre d’entreprises à l’égard des salariés et de leurs représentants.
Nous verrons si la rencontre proposée lève ces ambiguïtés et ces contradictions. Nous sommes prêts à nous engager dans ce chantier là, mais est-ce bien là l’objectif recherché par votre organisation ?